mercredi 30 mai 2018

Editorial 755


Quand le Président Mohamed Ould Abdel Aziz annonce les réformes qui doivent fonder à ses yeux un ordre nouveau, il ne pense pas un instant que la plus grande résistance viendra de son camp.
Le 3 mai 2016, Néma grouille de monde et tous les hauts responsables ont voulu donner la preuve de leur allégeance et de leur engagement en sonnant le tocsin du rassemblement.
Pourtant, les premières réformes n’interviendront effectivement qu’avec le référendum du 5 août 2017. Quinze mois après l’annonce.
A cause des manifestations hostiles au projet ? des activistes ? des menaces que cela pourrait faire peser ? de l’Opposition ? que nenni ! Juste parce que ceux qui devaient les mettre en œuvre ont travaillé pour les faire échouer, au moins les retarder et les rendre coûteuses dans l’espoir de les rendre impossibles.
Ce sont bien les tergiversations au sein de la Majorité et les hostilités déclarées en son sein qui allaient donner la radicalisation qui a abouti au vote du Sénat et au blocage qui s’en est suivi. Ce sont les expressions multiples, parfois de l’incompétence parfois de la mauvaise foi de certains hauts responsables, qui ont produit l’atmosphère qui a accompagné un moment qui aurait dû être «historique» et qu’on a finalement cherché à dépasser le plus rapidement possible. Sans en tirer les leçons évidentes et instructives.
Et vogue la pirogue…
Quand, bien après, la leçon a été tirée au moins pour le parti Union pour la République (UPR), le Président a tout de suite engagé un processus de réforme. Désignant une commission ad hoc qu’il a chargée de faire l’état des lieux et d’apporter les correctifs nécessaires à une redynamisation effective afin de permettre au parti de faire face aux échéances futures. L’objectif étant de créer un parti «réel» qui a son discours, son programme, son projet de société, ses militants, ses cadres, ses sources de financement, ses structures légitimes, son personnel dévoué… un Parti qui peut survivre à un homme, à une époque.
Pas le Parti du peuple mauritanien (PPM) qui n’a pas survécu au pouvoir qu’il servait. Pas le Parti républicain, démocratique et social (PRDS) qui a disparu avec «son» régime. Pas Adil, déserté dès la chute de ses promoteurs.
Encore une fois, la volonté du Chef aura été sabotée. Parce que le personnel chargé de mettre en œuvre le processus de redynamisation et de normalisation du parti s’est plus occupé de se faire la guerre. Les égos surdimensionnés ont donné des ambitions incongrues. Alors que la compétence et l’intelligence pour réaliser ces folles ambitions n’était pas au rendez-vous.
Cela a donné la radicalisation dans les positionnements sociaux et cet engouement incontrôlé et suspect qui a accompagné l’adhésion puis l’implantation. Si bien que le processus est aujourd’hui dans l’impasse.
Arrêter l’opération à ce niveau, équivaut à déclarer la faillite du système politique en place. Parce que le parti au pouvoir aura été incapable de mener jusqu’au bout une opération qu’il déclarait lui-même «vitale» et «nécessaire». La responsabilité dans ce qu’il advient aujourd’hui est clairement située. Elle est à chercher du côté de hauts responsables qui veulent, chacun, faire main basse sur l’Appareil. Comme si l’objectif était de sortir «champion» en se faisant des muscles sur le dos du système qu’on torpille.
Continuer l’opération pour désigner (ou élire) les instances, c’est construire sur le faux. Ce qui a été obtenu par tel ou tel camp, dans tel ou tel lieu, ne reflète pas forcément le poids du parti. Prenons un exemple : Arafat, département Nouakchott Sud et fief jusque-là des islamistes de Tawassoul.
A Arafat, la campagne d’implantation a abouti à la mise en place de 565 cellules de base, soit 27.250 adhérents effectifs. Il faut savoir qu’aux dernières élections municipales, l’UPR a obtenu 3524 voix au premier tour d’un total de 20106 votants. Que durant le référendum d’août 2017, grand rendez-vous pourtant, il n’y a eu que 14.746 votants sur un total de 43.601 inscrits, soit un taux de participation de 33,82%.
Et, plus significatif, l’UPR a obtenu sur la Liste de Nouakchott aux Législatives de 2013, un total de 16.840 voix soit 15,20%.
A vous de juger du crédit qu’il va falloir donner à cette campagne d’adhésion…
Une campagne qui a absorbé les énergies et les attentions. Faisant oublier le renouveau du discours politiques et la préparation des échéances électorales qui arrivent.
Qui va en payer le prix ?

UPR : Le Gouvernement plombe la réforme


Au début était la volonté politique et l’ambition personnelle du Président de la République de réformer l’Union pour la République, un parti au pouvoir qui a fini par devenir un poids difficile à porter.
Il y eut d’abord la création de la commission chargée d’évaluer la situation du parti et de proposer un plan de redynamisation pour permettre d’une part de normaliser la situation des instances dirigeantes et d’autre part préparer les élections futures en donnant au parti toutes les chances de réussir l’épreuve.

Egoïsmes puissants

La composition de la Commission a d’abord été expliquée par la volonté de puiser chez les cadres les moins engagés dans les querelles intestines, dans la jeunesse et dans la proximité du Président de la République. Une explication qui a sauté dès les premières manœuvres. Il s’est avéré en effet qu’au sein de la Commission ad hoc, allaient s’exprimer les ambitions les plus folles et les querelles les plus élémentaires.
Il suffit de remarquer qu’au sein de la Commission siègent trois chefs de factions de la Wilaya du Brakna : Moktar Ould Diaye, Diallo Mamadou Bathia et Mohamed Ould Sweydatt. Il suffisait ensuite de s’attarder sur la fougue du jeune Ould Diaye pour savoir qu’il allait immédiatement tenter de faire main basse sur le parti en donnant à la réforme le sens qu’il voudra.
Le ministre de l’économie et des finances tient effectivement les rênes financières et administratives qui lui permettent de mobiliser, de s’approprier, d’accaparer le processus ici et là. Il est le seul à pouvoir recruter, obtenir des émoluments pour celui-là, nommer celui-ci à un poste, à accorder des faveurs… toutes les administrations du pays ayant perdu leur autonomie dans la gestion quotidienne au profit du ministre de l’économie et des finances. Tout ce qui sort de ses «compétences» revient au Premier ministre qui en use allègrement pour servir aussi ses desseins politiques.
Le territoire national a été, ces dernières semaines le théâtre des affrontements entre les responsables de la haute administration : le Premier ministre, les ministres (économie, hydraulique, énergie, défense, équipements…), du Directeur général de la Sûreté, du Chef du contre-espionnage… Comme si ces responsables n’avaient d’autre souci que celui de s’assurer un maximum d’unités UPR dans ce qu’ils considèrent être leurs fiefs.
Pourtant, l’objectif de cette implantation n’a jamais été de savoir le poids de l’enracinement de quelques hommes qui n’existent que par leurs fonctions actuelles.

Etat des lieux alarmant

Quand le Président Mohamed Ould Abdel Aziz est descendu dans l’arène pour donner un coup de main à la Commission qu’il avait nommée et à laquelle il avait confié l’évaluation et la redynamisation de l’Union pour la République, il avait été clair dans les objectifs fixés. Le parti revenait de loin.
Fondé le 5 mai 2009, au milieu de la crise politique ayant déchiré le pays à la suite du coup d’Etat du 6 août 2008, l’Union pour la République a été conçu pour être l’un des pôles impliqués dans le dialogue de Dakar qui devait aboutir à un accord politique entre ce pôle et les deux autres : celui du Front national pour la démocratie et l’unité (FNDD) et celui du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). Accord politique aboutissant à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale chargé de superviser une élection présidentielle et donc de gérer une courte période de transition.
Le 4 août 2009, le parti tenait son congrès devant lequel, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, fraichement élu, annonçait solennellement sa démission comme le stipule la Constitution. Et en juillet 2010, le Congrès ordinaire de l’UPR se tenait. C’est ce congrès qui permit l’élection des instances du parti, notamment de son premier président Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine. Premier et… dernier congrès «ordinaire» d’un parti qui ne cessera de remettre à plus tard ses rendez-vous. Vont se succéder des réunions du Conseil national transformées pour le besoin en congrès extraordinaire.
Le congrès extraordinaire du 5 mars 2014 permet la désignation de Isselkou Ould Ahmed Izidbih à la tête du parti. Puis celui du 6 septembre de la même année qui ouvre la voie à Me Sidi Mohamed Ould Maham. Trois présidents dont un seul est issu d’un processus «ordinaire». Plusieurs tentatives de «normalisation» sans résultat. Entre la défiance du Président vis-à-vis du parti et l’indiscipline voire l’hostilité du gouvernement à son égard, l’UPR est incapable de jouer le rôle de locomotive politique lors des grands rendez-vous comme le référendum du 5 août 2017. C’est le gouvernement qui lui ravit la vedette à la suite du camouflet qu’on sait.
Pour ratisser large, la Commission lance des journées de réflexion ouvertes par le Président de la République qui fixe les termes de référence de l’opération. Sur la situation, tout le monde est d’accord pour dire que le parti est un corps malade. Sur la redynamisation, deux axes sont prioritaires : celui du discours politique et celui du renouvellement des instances pour leur donner la légitimité nécessaire. Bien sûr un atelier sera consacré au financement du parti, un autre au fonctionnement…

Recherche Redynamisation désespérément

Le temps pressait parce qu’il fallait tout finir dans les délais permettant de bien préparer les échéances électorales futures. C’est naturellement le processus d’implantation qui s’enclenche immédiatement parce que le parti l’avait envisagé en 2016 et, pour ce faire, avait déployé les outils techniques nécessaires.
Les deux premières phases de l’implantation viennent de se terminer et à chacune de mauvaises surprises attendaient.
A la phase adhésion, l’UPR a dû faire face à une affluence qui a donné un résultat inattendu : la barre du million d’adhérents est dépassée alors qu’on attendait 300.000. Cette affluence allait aussi «actualiser» d’anciennes querelles tribales savamment manipulées par les marionnettistes qui opèrent depuis les bureaux de la haute administration à Nouakchott.
Mais c’est la phase de l’implantation des structures de base (unités) qui allait radicaliser les hostilités. Les deux phases apparaissant comme une primaire au sein de l’UPR. C’est que le discours entretenu par le ministre Ould Diaye sur les réseaux sociaux, affirmait que tous les choix qui seront faits le seront désormais en fonction de «la représentativité effective» de chacun sur le terrain. Dans une atmosphère délétère caractérisée par la possibilité de s’affronter «sans oublier qu’on appartient au même parti». Affrontez-vous, rappelez-vous après que vous êtes de la même formation politique…
Les divergences n’ayant pas de fondement «intelligent» - ce n’est pas la différence dans les points de vue, ni dans les orientations politiques, ni dans les choix économiques, ni dans la vision des problématiques sociales et de leurs solutions -, ce sont les ressentiments personnels et donc les égos qui les nourrissent.
Le discours politique ? Personne n’en parle. Le programme pour les futures élections ? Personne n’en parle non plus. Ce sont les guerres de positionnement qui l’emportent et qui occupent. Si bien qu’on peut conclure à un échec de l’entreprise d’assainissement engagée il y a quelques mois.
Même le déroulement des opérations d’implantation ne satisfait personne. Du coup, la légitimité voulue au début par la volonté affichée de transparence, est altérée.
Le cafouillage occasionné par les querelles de factions empêche de voir clair dans le poids électoral des acteurs. A quelques mois des premières échéances, l’UPR risque fort de faire le pire des choix. Et d’en récolter les conséquences.
Lors de sa réunion de samedi dernier (26/5), la Commission ad hoc a décidé de reprendre les opérations de désignation des structures seulement au niveau de Nouakchott et Nouadhibou, de laisser l’intérieur jusqu’au 20 juin. Elle aurait aussi décidé de commencer tout de suite à faire ses choix pour les candidatures aux élections. Selon certains de ses membres, cela permettrait de vider immédiatement les querelles et de savoir qui est effectivement avec le parti quelque soient ses choix.
Dans quelques jours donc, l’UPR sera obligé de finir ce qu’il a commencé. Il gagnera au moins le pari d’avoir organisé un Congrès ordinaire. S’il y arrive.

Ould Oumeir

Editorial 754


Le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) a réitéré sa volonté de participer aux élections futures. Il a même promis la débâcle au parti au pouvoir. C’est son droit d’avoir les ambitions les plus improbables. On ne peut pas reprocher à ce conglomérat d’opposants de promettre une défaite cuisante à ceux qui sont au pouvoir.
Par contre, on peut et on doit leur reprocher de demander la dissolution de la toute nouvelle Commission électorale indépendante (CENI). Non pas, comme l’a dit quelqu’un, parce qu’il s’agit là d’une proposition d’enfreindre les lois de la République. Non pas, parce que le FNDU révèle ici son incapacité à accepter tout ce qui ne vient pas de lui. Non pas parce que le FNDU n’a plus de conditions à poser depuis qu’il a décidé de participer sans préalables…
Mais parce que le FNDU en demandant la dissolution de la CENI, suggère un nouveau processus qui demande du temps… du temps... du temps…
Le temps qu’on n’a pas vu venir. Le temps qu’on n’a pas vu passer. Le temps qu’on n’a pas su vivre.
Si le processus est repris, ce sont toutes les dates déjà envisagées qui sautent. Celles des Législatives et des locales. Mais aussi celle de la présidentielle. Du coup, c’est le risque de voir naitre un cycle nouveau qui peut mener n’importe où sauf à la tenue des échéances dans les délais prévus par la loi.
C’est peut-être ce qui est recherché par le FNDU. Une «tactique» quelques fois utilisée sans visiblement de résultats.
Quand les trois pôles politiques signent rapidement l’accord de Dakar, ils pensent pouvoir agir sur les délais. Pour eux, il suffit de trainer le processus prévu pour arriver aux délais incompressibles et impossibles à respecter. C’est la bataille autour du décret de convocation du collège électoral pour le 19 juillet 2009. Si les uns considèrent encore aujourd’hui qu’il s’agit là de la rupture de contrat, c’est bien parce qu’ils avaient tout calculé pour arriver justement au blocage dû aux délais.
Quand la Coordination de l’opposition démocratique demande le report des sénatoriales en 2011 pour permettre sa participation au dialogue en perspective, c’est bien pour aboutir au résultat qui a fini par être : la péremption des institutions. Si bien qu’il a fallu au pouvoir imposer au Conseil constitutionnel de transgresser la loi pour trouver une formule permettant de faire avec l’illégalité.
Certains acteurs politiques ont toujours fait du temps un facteur de défaite du protagoniste. C’est ce qu’ils tentent aujourd’hui. Pousser le Président Mohamed Ould Abdel Aziz à l’erreur. Le plus simple et le plus improbable, c’est de différer les échéances.
On peut dire aujourd’hui qu’il n’y a que les ennemis de l’homme qui cherchent à lui faire des tours pour empêcher son départ en 2019. Mais lui sait où est son intérêt.
Comme il l’a prévu lui-même – et de lui-même – il respectera les termes de la Constitution et de son serment.
Comme il l’a promis, il mettra en place un dispositif qui empêchera les retours en arrière. Les niveaux atteints en matière de liberté d’expression, en matière de capacité de critiques, d’émancipation pour le Mauritanien, de la maîtrise de l’Etat civil, du recentrage de la diplomatie… et surtout de la sécurité et de la stabilité, ces niveaux-là ne doivent plus être remis en cause.
Comme il l’a entamée, la marche vers la Modernité devra se faire avec plus d’assurance, plus de force. Pour ouvrir la voie à plus d’égalité, plus de justice et plus d’équité.
Les rendez-vous de 2018 fondent la Mauritanie de demain. Et quoi qu’on dise, ils s’annoncent plutôt prometteurs. Si les chefs et leaders de formations politiques sont à la tête de la course électorale, nous aurons au moins une Assemblée nationale représentative et inclusive. Alors que les conseils régionaux et les municipaux balayeront le spectre de la diversité.

Terrorisme : AQMI fait peur au Sahel… …ce n’est pas nouveau


C’est dans un communiqué publié la semaine dernière (samedi 8 mai) à travers ses réseaux habituels, qu’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) a menacé de s’en prendre aux sociétés occidentales particulièrement françaises qui viendraient s’installer au Sahel. Avec une mise en garde aux Musulmans de ne pas s’approcher des lieux où sont implantées ces sociétés désormais ciblées par les attaques.

AQMI, mouvement de libération ?

Si les spécialistes installés en Occident y voient une nouveauté, ce n’est pas le cas des experts en matière d’organisations terroristes ressortissants de la région. Même si tous sont d’accord pour prendre au séreux une telle menace. Mais là où les analystes ne sont pas d’accord, c’est quand il s’agit d’apprécier s’il s’agit ou non d’une nouvelle démarche d’AQMI.
Dans un document retrouvé dans les décombres de Tombouctou après la fuite des jihadistes et publié par la presse en février 2013, Abdel Melik Droudkal, le chef AQMI donne sa vision de ce que doit être la bataille au Sahel. Le 18 mars 2012, il adresse une lettre à cet effet aux différents chefs des Katibas qui tentaient alors de s’installer définitivement dans le Nord du Mali pour en faire un sanctuaire à partir duquel ils peuvent essaimer sur l’ensemble de l’espace sahélo-saharien.
On était déjà en pleine action de rébellion dans la région. Touaregs du MNLA (mouvement national de libération de l’Azawad) et ceux de Ançar Eddine avaient déjà entamé la prise des grandes villes du Nord, ensemble ou pas. La lettre de 9 pages dactylographiées, est un peu le compte-rendu de la 33ème session du Conseil de la Shura de AQMI. Il s’agit d’un précis visant à cadrer l’action des organisations jihadistes dans le tumulte qui va suivre. Le précis découle de «la nécessité d’établir un plan pour commander et contrôler le Jihad» dans la région.
Le principe est de se servir d’autres groupes dont l’engagement «islamiste» est moins prononcé. Pour ce faire prendre en charge leurs revendications. Quitte à reprendre les choses en main plus tard.
Le chef suprême de AQMI recommande la prudence et le sens de la mesure. «Nous devons prendre en compte l'environnement local qui rejette un islam trop rigoureux». Avant de critiquer l’application stricte de la Chari’a dans un environnement hostile et la destruction des mausolées. Il critique aussi la guerre qui couvait entre Ançar Eddine et le MNLA, intimant à ses partisans l’ordre de privilégier la coordination des actions avec les groupes locaux pour permettre une meilleure insertion sociale des combattants et une plus grande prise en charge de leurs revendications et donc l’adhésion des populations.
«Il nous faut, écrit-il, planter juste quelques graines dans un sol fertile qui, grâce à des engrais, deviendront un arbre stable et vigoureux». Termes sibyllins pour définir une stratégie mise en œuvre sans fracas. «Mieux vaut apparaitre comme un mouvement local avec ses propres causes et ses préoccupations. Nous n’avons aucune raison de mettre en avant notre projet jihadiste et expansionniste». D’où le ciblage des entreprises occidentales, françaises en particulier, pour revendiquer la défense des populations locales qui voient leurs richesses pillées par des puissances anciennement coloniales.
C’est le sens qu’il faut donner à l’attaque sanglante d’Aïn Aminas en Algérie en janvier 2013. On se demandait à l’époque ce que voulait AQMI. Dans leur rhétorique officielle, ils mettent en avant la lutte contre l’ennemi dominateur, pilleur et impie, contre ses suppôts locaux au pouvoir ou non.
Alors que dans la vie de tous les jours, on les voit se mêler aux trafics les plus illicites : drogue, armes, personnes, cigarettes et même alcool. Et s’ils ont réussi leur insertion sociale dans cet espace sahélo-saharien, c’est bien parce qu’ils ont pu «accompagner», couvrir et promouvoir les activités qui font vivre les populations et qui sont nécessairement des activités illégales. Le rapprochement, voire la fusion avec les mouvements locaux comme Ansar Eddine, va donner la dimension de mouvement de libération nationale à AQMI qui ne défend plus seulement les populations mais aussi leurs richesses. D’où ce communiqué et plusieurs autres publiés pendant et après l’occupation du Nord du Mali par les Jihadistes.

Le communiqué n’apporte rien de nouveau

Le déploiement des forces internationales, notamment de la CEDEAO, n’arrive pas à cacher qu’il s’agit d’abord d’un engagement militaire de la France donc «d’une guerre française». D’ailleurs, le communiqué du 8 mai fait suite certainement à la reprise des activités des sociétés minières, notamment dans le domaine du pétrole, du gaz et des minerais précieux.
Quant à la présence de la Mauritanie, Mohamed Mahmoud Eboulmaaly, un grand spécialiste de la question, auteur de plusieurs ouvrages sur les mouvements jihadistes, relativise la menace. Il rappelle que les mouvements vont continuer à adopter la même attitude vis-à-vis de la Mauritanie : ne pas lui donner le prétexte d’intervenir en l’attaquant. C’est cet équilibre qui a été trouvé après la guerre menée par notre pays contre les mouvements jihadistes entre 2008 et 2012.
Les agressions commencent pour la Mauritanie le 4 juin 2005 quand le Groupe salafiste de combat et de prédication (GSPC) attaque la garnison de Lemghayti dans le nord-est et tue une quinzaine de soldats mauritaniens. L’Armée est incapable à l’époque de mener l’expédition punitive qu’elle envisageait. Cette faiblesse va encourager le GSPC devenu AQMI à mettre la pression sur la Mauritanie, jugée plus facile à conquérir pour en faire le sanctuaire.
Le 24 décembre 2007, quatre touristes français sont assassinés près d’Aleg. Puis le 27 décembre, une embuscade est tendue à une patrouille à Ghallawiya au nord du pays. Le 15 septembre 2008, 15 mauritaniens sont tués dans une autre embuscade à Tourine. Suivent enfin les enlèvements de ressortissants étrangers sur le sol mauritanien. Le pays donne l’impression de tomber sous l’autorité de bandes criminelles qui tentent de s’y installer.

Maintenir la Mauritanie hors du champ

C’est alors que la réaction mauritanienne est déclenchée. Des unités spécialisées sont montées et une action de reprise de l’initiative engagée. L’Armée est dotée des moyens nécessaires à faire face et va même, deux années durant, aller faire la guerre aux terroristes là où ils se trouvent : au Nord du Mali.
Les acteurs politiques mauritaniens crient à «la guerre par procuration», tandis qu’au Mali l’opinion est mobilisée contre les incursions mauritaniennes. D’ailleurs, l’entreprise guerrière de la Mauritanie est mal appréciée par les amis et alliés. L’aide est timide quand l’hostilité n’est pas franche. Mais les expéditions réussies de l’Armée mauritanienne en plein territoire malien portent leur fruit pour le pays.
La peur change de camp : ce sont désormais les terroristes qui ont peur de voir surgir les groupes spéciaux d’intervention (GSI), unités mauritaniennes dédiées à la lutte contre le terrorisme. L’Armée mauritanienne réussit des coups d’éclat empêchant les terroristes d’installer des bases avancées à Wagadu, près de Tombouctou, à Léré… Là où ils finiront par pavaner quand ils cesseront de constituer une menace directe pour la Mauritanie et qu’ils décideront d’occuper le Nord du Mali.
Cette guerre punitive – et préventive – menée par la Mauritanie au moment qu’il fallait a convaincu les terroristes du danger pour eux de toute implication du pays dans une guerre contre eux. Un modus vivendi qui imposera une trêve : parce que les Mauritaniens n’iront en guerre que s’ils sont menacés par eux, les terroristes préfèrent s’abstenir.
Effectivement, la Mauritanie ne participera pas à la reconquête engagée par la France qui a réussi à entrainer dans son sillage la CEDEAO, l’Union africaine, l’Union européenne et même les Nations-Unies. Pour une raison stratégique et morale.
D’une part, on lui a proposé d’envoyer des troupes à Douenza, de l’autre côté du Mali, loin, très loin des bases arrières de son Armée. D’autre part, entrer dans cette guerre sans résoudre les aspects qui relèvent des problèmes intérieurs maliens, c’est risquer de se voir impliqué dans ce qui allait prendre l’allure d’une guerre civile. Impossible donc d’y prendre part aussi facilement pour tirer sur des populations qui ont des liens socio-historiques profonds avec les Mauritaniens.
Pour Mohamed Mahmoud Eboulmaaly, le fait de citer la Mauritanie aujourd’hui dans le communiqué relève plus de la nécessité «géographique» (dire les limites du Maghreb islamique) que de la volonté de rompre la trêve non dite. Pour lui donc, il n’y a pas plus d’inquiétude que par le passé.
Mais est-ce suffisant pour rassurer ceux qui ont les financements et les moyens d’exploiter les ressources des pays concernés ? Rien n’est moins sûr.

Ould Oumeir


dimanche 13 mai 2018

Elections 2018 : Le compte à rebours a commencé


Tandis que les partis et conglomérats politiques essayent de s’organiser en vue de préparer des échéances qui semblent les avoir pris de court, le temps s’accélère pour tous.
La nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI) prend service au milieu d’une cohue et sous la pression du temps qui court. En effet, les élections prévues pour septembre, ont des délais imprescriptibles dans les étapes de préparation : la mise à jour des listes électorales par un nouveau recensement à vocation électorale (RAVEL), la convocation du collège électorale pour une date déterminée, pour ne citer que les actes qui doivent être fait quatre et trois mois avant la date du scrutin.
En plus, la CENI dont la confection n’a pas impliqué tous les acteurs, se doit de pallier à cette insuffisance par un dialogue intense avec les pans de l’Opposition tenus à l’écart du processus de sa désignation, notamment le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) et le Rassemblement des forces démocratiques (RFD).
Si le FNDU est déjà partant pour les élections futures, la décision du RFD n’est pas encore connue. Mais nombre d’observateurs estiment que le parti du Président Ahmed Ould Daddah n’a pas le choix. D’ailleurs, dans une récente déclaration publique, Mohamed Ould Maouloud a annoncé la décision du G8 de participer, «y compris le RFD». Le G8, c’est ce regroupement qui avait rassemblé en plus du FNDU et du RFD, des formations de moindre importance et des syndicats et qui a vu le départ des Forces progressistes du changement (FPC), le huitième des ensembles. En attendant de rendre public sa décision, le RFD se comporte comme une formation en partance pour la course future. Tout comme le FNDU et l’Union pour la République, le parti au pouvoir, qui se préparent intensément.
Pour le FNDU, l’heure est à la préservation de l’unité du conglomérat. On sait que chacun des grands partis le composant, a sa propre stratégie.
Tawassoul n’a jamais déserté la scène politique et sa participation aux élections de 2013 lui a permis de s’organiser, de garder la main et de continuer à encadrer ses militants. Ce n’est pas le cas de l’Union des forces du progrès (UFP) qui a boycotté les dernières élections et a donc rompu avec l’exercice des urnes. C’est certainement le rapport entre ces deux partis qui va déterminer l’avenir du FNDU. L’heure fatale de la séparation n’a pas encore sonné mais tout sépare ces deux partis : l’idéologie de base, la vision du monde, le parcours et l’ancrage social des dirigeants…
On peut se demander ce qu’il adviendra des autres formations politiques moins importantes, des syndicats et du regroupement des «personnalités indépendantes». Tout ce monde va dans un premier temps s’accrocher à l’idée d’un candidat unique, au moins à l’espoir de la naissance de coalitions entre les composantes actuelles du FNDU.
De son côté, le RFD attend que soit épuisé le dialogue intérieur. Ce qui ne l’empêche pas de tenter d’occuper un espace, notamment par la prise de parole publique de ses leaders, principalement le Président Ahmed Ould Daddah et son premier adjoint Me Mohamed Mahmoud Ould Lematt, premier président du RFD et probable dauphin de son leader incontesté. C’est le sens qu’il faut donner à la dernière sortie devant des journalistes et des bloggeurs triés pour l’occasion. Ce qui cache mal l’affrontement de deux tendances au sein de la formation qui vit aussi l’implantation de ses structures étalées sur plusieurs mois.
D’une part ceux qui prônent un boycott sous prétexte qu’il ne sert à rien de concourir dans une compétition où le parti n’a aucune chance de parvenir à traduire sa force populaire. A cause des conditions qui n’assurent aucune régularité du scrutin, et du manque de moyens financiers qui aura son poids sur les contreperformances attendues logiquement. Pourquoi alors légitimer des élections à un pouvoir jugé illégal et déloyal ?
Face à eux, il y a d’autre part, ceux qui mettent en avant le risque de voir retirer le récépissé du parti suite à son absence à deux rendez-vous électoraux successifs (2013 et 2018). Ceux-là pensent que le parti a toutes les chances de remporter le nombre de sièges qui lui permet de compter parmi les formations les plus importantes du pays, voire de reprendre sa place de leader de l’Opposition démocratique. «Surtout si le Président Ahmed Ould Daddah accepte de prendre la tête de la Liste nationale».
D’ailleurs, au niveau de toutes les formations, on semble s’acheminer vers la mise en avant des leaders. L’on sait déjà que Yahya Ould Ahmed Waqf dirigera la Liste nationale au sein de Adil dont la Liste des femmes sera dirigée par Fatimetou Mint Khattri, ancien ministre et militante engagée de Adil, le parti fondé sous la présidence de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Pourquoi ne verrait-on pas Mohamed Ould Maouloud à la tête de la Liste nationale de l’UFP, Kadiata Malik Diallo qui a brillé sous une législature précédente, à la tête de celle des femmes ? Imaginons effectivement Ahmed Ould Daddah et Nana Mint Cheikhna diriger les listes au niveau du RFD, Mohamed Mahmoud Ould Seyidi et Fatimetou Mint el Meydah pour Tawassoul… On aura déjà relevé le niveau de cette Assemblée nationale qui revient de loin. Ajoutez à cela tous les possibles et imaginables candidats au sein de la Majorité, de l’Opposition sous toutes ses nuances (dialoguiste et radicale), on peut espérer la meilleure configuration pour la nouvelle Chambre.
Le temps des implantations est aussi celui de la préparation. C’est le cas au RFD, mais surtout à l’Union pour la République (UPR) qui prévoit en finir dans les jours qui viennent. Une implantation qui lui a révélé un grand engouement de la part des populations avec notamment plus d’un million d’adhérents. Il est certain que ce chiffre va tomber au moment du passage à la mise en place des instances de base. Quand il s’agira de se déplacer effectivement et de s’exprimer soi-même. Si le parti s’obstine à appliquer la règle de la transparence comme il l’a annoncé, il sera de l’ordre de l’impossible pour des milliers d’adhérents déclarés de faire le déplacement vers les centres dans lesquels ils se sont fait enregistrer. Comme il sera coûteux pour ceux qui ont payé dans l’ordre de 30.000 UM (3000 MRU) le reçu d’inscription, de «convaincre» les mêmes à venir se prononcer effectivement.  
Les guerres claniques vont participer certainement à exacerber les ardeurs, mais pas assez pour refléter le niveau annoncé. C’est justement cette guerre ouverte entre clans qui sera le pire handicap pour l’UPR. Des processus d’implantation sont présentement arrêtés à cause de cela. Arrivera le moment où des départs seront enregistrés parce que leurs auteurs n’auront pas trouvé leur part. Déjà de fortes critiques sont exprimées à l’égard de ministres qui usent de leurs positions pour imposer ceux de leurs clans ici et là. Les dernières nominations au Conseil des ministres sont facilement expliquées par la volonté de s’allier telle ou telle faction dans la bataille de l’implantation. Tandis que ceux qui sont démis invoquent tout aussi facilement «un compte à régler pour le mauvais positionnement». Des ressentiments en plus des problèmes habituels et des mécontentements qui en naissent.
Mine de rien, la scène politique s’agite en vue de préparer les échéances de septembre. Reste à sa voir si la classe politique  arrivera ou non à dépasser les réflexes qu’elle a laissé s’ancrer pour s’inscrire dans les ADN. Notamment le rejet les uns des autres et leur volonté de se faire écraser les uns par les autres.

Editorial 753


Il y a ceux qui sont occupés par des guerres entre eux. Malgré le fait d’être aux affaires, ils dépensent moyens et énergies pour barrer la route à des adversaires avec lesquels ils partagent pourtant l’engagement derrière le «même programme».
Ce n’est pas la sécheresse et ses effets néfastes, ce n’est pas la proximité de grands rendez-vous comme le sommet de l’Union Africaine, ce n’est pas la menace d’un futur pour lequel il faut se préparer en anticipant ses problématiques qui viendront s’ajouter à celles du présent déjà compliqué par le refus obstiné de régler celles du passé (proche et lointain), ce ne sont pas les retards dans la réalisation de projets structurants, ni les «revues à mi-parcours» des programmes financés par les partenaires techniques et financiers (PTF)… rien de tout ça ne les occupe.
Les ministres, parce qu’il s’agit d’eux, sont absorbés par la bataille de l’implantation. Le résultat est là : des quotidiens où il n’est question que de promesses ou de menaces de promouvoir celui-là pour son alliance, de casser celui-ci pour lui faire payer son engagement dans le camp d’en face…
On sait déjà que Mohamed Lemine Ould Seyidi, ancien député de Tawassoul à Tintane, est assuré d’être présenté, cette fois-ci par l’UPR, à la Législature prochaine. C’est ce que dit LE ministre aux acteurs politiques de Tintane qu’il veut rallier à la cause.
Au Hodh, au Brakna, au Gorgol, au Trarza, en Guidimakha et même à Nouakchott, les clans sont menés par de dignes représentants de la République qui donnent ainsi le la de l’éclatement de l’ensemble au pouvoir.
Il y a ceux qui sont plongés dans la classe de «rattrapage». Ceux-là ont refusé de voir venir les évènements. Encore une fois, ils se préparent à les subir. Comme par le passé, ils se trompent de combat.
Chacun des pans de ce côté de la scène politique s’active pour rattraper à sa manière le temps perdu. Avec beaucoup de maladresses pour les uns et de mauvaise foi pour les autres. Pas de programme commun. Pas de candidats communs. Pas de perspective commune.
L’objectif est aujourd’hui la dissolution de la CENI. Alors qu’ils ont torpillé le processus qui devait en faire une institution représentative et consensuelle.
Cette demande de dissolution de la CENI relève de la tactique pernicieuse qui a fait l’ajournement du renouvellement du Sénat en 2011 quand les mêmes avaient demandé le recul pour permettre la participation d’un grand nombre au dialogue en perspective. Avant de se rétracter et de boycotter avec pour résultat la «péremption» des institutions non renouvelées et l’invocation de leur illégalité. Aujourd’hui, tout ce qui peut reculer les élections est fallacieux et dangereux pour la démocratie, y compris le dialogue ou la dissolution de la CENI.
Le départ annoncé du Président Mohamed Ould Abdel Aziz sidère ses opposants qui n’avaient d’autre convergence que la haine de celui qui a provoqué la fin du régime de Moawiya Ould Taya et de l’expérience avec Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Des orphelins de l’un ou l’autre qui sont encore plus orphelins aujourd’hui avec ce départ désormais certain.
Entre les premiers et les seconds, il existe une animation active – au sens du théâtre des ombres – qui va dans tous les sens et dont la raison existentielle n’est autre que la volonté de s’affirmer. En tant que communauté, en tant que cause, en tant que clan, en tant que tendance, en tant qu’acteur… et pour ce faire, rien, absolument rien n’est interdit. Au contraire, il faut user de fausses informations, d’analyses erronées, de chiffres tronqués, de fausses vérités, de descriptions fallacieuses… pour tromper l’opinion et se donner l’aire de justicier.
Les discours populistes sous nos latitudes n’ont aucune originalité. Ils utilisent les mêmes moyens et visent les mêmes objectifs que dans le reste du monde. Les fascismes se ressemblent. Les racismes aussi.
Résultat : l’image du pays détruite par ses fils qui croient ainsi se rapprocher de la prise de pouvoir ou imposer à ceux qui l’ont de le partager avec eux. Sacrifiant du coup l’intérêt général sur l’autel des ambitions sectaires et égoïstes.
L’existence d’un troisième larron dans le jeu politique devrait pousser les acteurs politiques qui croient encore en une Mauritanie unie, en une Mauritanie pour tous, les pousser à chercher la convergence pour atténuer l’émiettement, ce mal qui ronge notre société et qui ne peut profiter qu’aux sectarismes et égoïsmes , différents dans leurs expressions multiples, semblables dans leurs essences et dans leurs compréhensions du monde et de son devenir.

Elections 2018 : Le FNDU s’engage


Une décision attendue… annoncée à l’avance… celle de la participation du Forum national pour la démocratie et l’unité aux élections futures. Il y a quelques semaines effectivement, les grands partis membres de ce regroupement dit de «l’opposition radicale», avaient annoncé leur décision de participer aux échéances prochaines. Ce qu’on ne savait pas au moment de l’annonce, c’est que le Forum était en pleine discussion avec les partis de la Majorité présidentielle. Des négociations qui n’ont pas abouti à la signature de l’accord qui avait pourtant été rédigé.

Le secret éventré

Le premier à donner sa version des faits et à annoncer la fin des négociations fut Me Sidi Mohamed Ould Maham, président de l’Union pour la République (UPR), le parti présidentiel. Lundi dernier (16/4), Me Ould Maham déclarait à l’AFP la fin d’un «accord politique que nous devions signer jeudi dernier (12/4, ndlr), mais entretemps, l’autre partie a fuité une mouture proche de l’accord mais qui en dénature la forme et le fond».
Dans la même dépêche de l’AFP, Mohamed Ould Maouloud, président en exercice du Forum annonçait que l’UPR «nous a officiellement signifié la fin de ce dialogue secret».
S’en suivront quelques joutes, les uns réfutant ce que les autres affirmaient. Chacun tentant de donner une version qui le sert sur le déroulement des négociations et sur leur objet. Si Me Ould Maham a tout de suite occupé la scène médiatique, ses protagonistes ont préféré s’expliquer devant les bloggers et les groupes de l’application WhatsApp, un support informel qui leur portera quelque peu préjudice dans la mesure où cela a été perçu comme un refus de faire face aux questions des journalistes.
L‘un des points de convergence dans l’accord était la nécessité de permettre l’implication du Forum dans la confection de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI). Sitôt la fin des négociations annoncées, celle-ci a été créée. C’est cet élément qui aiguisait la curiosité sur la suite que donnera le Forum aux derniers développements.

Participation quand même

«Nous avons décidé de participer à ces élections (Législatives, municipales et locales de 2018, ndlr) car nous n’acceptons pas de rester en marge du processus devant conduire à une alternance politique dans le pays en dépit de la gestion unilatérale de ce processus par le pouvoir». L’annonce est faite par Mohamed Ould Maouloud lors d’un point de presse tenu ce samedi en présence des autres membres du Forum national pour la démocratie et l’unité.
Tout en accusant le pouvoir actuel de «pousser le pays vers une élection conflictuelle», Ould Maouloud dénonce la désignation de la CENI qualifiée par lui «d’illégale». Et promettant de «faire appel devant la justice contre sa constitution qui exclut un pan important de l’opposition en violation de la loi la créant».
C’est sans grand cérémonial donc que le FNDU accepte de reprendre le chemin des urnes. Non sans s’être tiré plusieurs balles dans les pieds.
Par l’entêtement dans le refus de participer aux dialogues déclarés (2012, 2013, 2014 et 2016), le FNDU donne la preuve de son manque de discernement quand il a été incapable d’anticiper l’échéance fatale qu’il prend aujourd’hui comme prétexte pour accepter tout ce qu’il a refusé : l’alternance de 2019.
Avec ces histoires de dialogues «secrets», le Forum et ses composantes politiques, discréditent leur action et jettent le doute sur leurs objectifs réels.
Engager des négociations secrètes en vue de faire avancer la démocratie, de corriger les erreurs, de rattraper le temps perdu et donc de servir un intérêt général, n’a rien de reprochable. Au contraire, c’est ce qui est attendu d’un acteur politique : le sacrifice de soi, de son amour-propre, pour servir le pays et la démocratie. Ce n’est pas la révélation par la presse du projet d’accord qui le torpille. Ce sont les méthodes et le sentiment d’avoir trahi les siens qui créent ici problème. Le sentiment de culpabilité et «la honte» qui l’a accompagné à la révélation de ces négociations découlent effectivement d’un désarroi.

Après avoir tout refusé

En 2011, les mêmes acteurs étaient regroupés au sein de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) qui avait alors engagé un dialogue ouvert avec le pouvoir. Ce fut le meilleur moment parce que la conjoncture s’y prêtait et que les acteurs étaient disponibles à l’engager eux-mêmes.
La Mauritanie venait d’engager sa bataille pour sécuriser ses frontières et stabiliser la vie quotidienne : les premières frappes contre AQMI se déroulaient au Mali et à la frontière mauritanienne. La nécessité de consolider le front intérieur était évidente et ressentie par tous.
Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz avait fini par rencontrer l’ensemble des acteurs politiques. Il avait même accepté de faire un appel solennel au dialogue comme l’avait exigé une partie de l’opposition (28/11/2010).
Les échanges de notes entre le pouvoir et les envoyés de la COD avaient eu lieu. Cette dernière devait présenter son cahier de doléances pour permettre au pouvoir d’y répondre. Lequel avait dit d’avance que, mis à part l’exigence d’un gouvernement d’union, tout le reste était possible…
Le 17 décembre 2010, un jeune tunisien s’immole pour protester contre les mauvais traitements de la police. C’est le point de départ d’une explosion sociale qui mène à la révolution du Jasmin et au départ forcé du dictateur Zein El Abidine Ben Ali. Dans le monde arabe, c’est l’effervescence qui allume des foyers un peu partout. L’Egypte ne tarde pas à tomber dans l’escarcelle des «révolutionnaires». Puis le Yémen, la Syrie, la Libye s’enflamment…
En Mauritanie, des pans de l’opposition croient que le temps de balayer le pouvoir en place est arrivé. C’est le «dégagisme» qui l’emporte. Fin du processus de dialogue pour bon nombre des formations politiques.
Seules l’Alliance populaire et progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir et le Wiam de Boydiel Ould Hoummoid – pour ne citer que les plus importants -, continuent à discuter. Ils obtiennent des avancées significatives aussi bien sur le plan des outils électoraux que sur le plan de l’implication de l’opposition dans le jeu politique.
Malgré toutes les tentatives et tous les appels au dialogue, rien n’y fait : le FNDU, constitué entretemps sur les cendres de la COD, refuse toute participation aux élections. Si bien qu’en 2013, à la veille des élections municipales et Législatives, il continue de s’obstiner manquant de peu la déchirure.
Les Islamistes de Tawassoul acceptent de participer tandis que l’UFP refuse contre toute attente. Mais le Forum qui regroupe les syndicats et les personnalités indépendantes en plus des partis, traverse la crise. Il s’acclimate avec une situation où il prône le boycott quand il s’agit d’une prise de position générale, et où l’une de ses composantes est présente sur la scène institutionnelle : avec 16 députés à l’Assemblée nationale, Tawassoul dirige le bureau de l’Institution de l’Opposition démocratique.

Mobilisation impossible

En 2016, le FNDU essaye de rassembler autour la question du troisième mandat. Mais la mobilisation est en-deçà des attentes et l’action fait pschitt quand le Président annonce lui-même qu’il n’a jamais eu l’intention de changer la Constitution en vue de se frayer le chemin pour un mandat supplémentaire.
La leçon n’est pas retenue parce que le Forum refuse de participer au dialogue ouvert en septembre de la même année. La logique de l’absence continue de l’emporter jusque cette fameuse interview accordée par le Président Ould Abdel Aziz à Jeune Afrique. Rien de nouveau pourtant dans son annonce qu’il ne briguera pas un troisième mandat.
Mais c’est surtout la volonté d’assainir et de relancer l’Union pour la République qui pèse dans le positionnement du FNDU. Le nouvel engagement du Président crée une énergie nouvelle et l’implantation entamée annonce un renforcement du parti au pouvoir.
Le FNDU accepte enfin de tirer les leçons de ses boycotts successifs. Mais avec maladresses. Si bien que la décision de participer, normale du reste, parait aujourd’hui comme un acte d’abdication qui aura ses conséquences sur la perception publique de l’action politique en général et des positionnements du FNDU en particulier. Ce qui pèsera certainement sur ses résultats lors des élections de septembre-octobre 2018. Si jamais il survit aux secousses qui l’ont affecté.

Editorial 752


La presse n’a plus de place dans ce pays. D’abord ce gouvernement qui lui a coupé les vivres avec la circulaire du Premier ministre interdisant la communication et les abonnements de l’ordre public. Sous prétexte qu’il y avait une loi sur la publicité en cours d’adoption.
La circulaire date de février 2016 et nous sommes en avril 2018. La loi a été adoptée mais n’a pas encore été mise en œuvre. Alors que le blocus est toujours en vigueur… pas pour tout le monde.
Il y a la presse écrite et électronique, fortement soutenue par de hauts responsables et dont la fonction est de couvrir ses «sponsors» de fausses qualités et de s’attaquer à leurs ennemis. L’objectif ici n’est pas de protéger ou de défendre le système, mais des individus, quitte à tirer sur le Président de la République et sa famille.
Le résultat d’une telle action de sape se lira dans le classement de la Mauritanie cette année. Mais il suffit de voir qu’une seule télévision fonctionne actuellement sur les cinq privées, qu’aucune radio n’émet plus régulièrement. De se rappeler la crise de la presse écrite dont le summum a été atteint avec l’arrêt de parution des quotidiens Chaab et Horizons pendant quelques deux semaines.
Jusqu’à récemment, il ne restait à la presse que le respect du public, acteurs étatiques et non étatiques, militants politiques et non politiques, défenseurs ou non des droits…
Quand éclate l’affaire des «négociations secrètes», les politiques concernés ont essayé de faire porter la responsabilité de leur échec à la presse. Laissant entendre la «perfidie», «l’inconscience», «la mauvaise volonté», «la nocivité»… de celui qui a révélé l’existence d’un dialogue souterrain.
Le rôle de la presse est bien de mettre à nu, de débusquer, de dénoncer s’il y a lieu, de révéler au grand jour, d’expliquer et d’expliciter… bien sûr en donnant la parole à ceux qui sont concernés pour être juste et complet.
Seulement la plupart des concernés dans cette affaire ont préféré s’en remettre aux bloggers, à Twitter et aux groupes de WhatsApp. On ne peut pas le leur reprocher. Deux remarques s’imposent.
La première est une explication avancée pour écarter ou éviter la presse. Les journalistes qui qu’ils soient, sont de nature curieux. Ils sont demandeurs de justificatifs et d’informations exactes. Contrairement aux militants qui forment la masse de ceux auxquels les chefs de partis s’adressaient. Acquis à la cause, indulgent vis-à-vis de ceux qui l’incarnent, l’auditoire ici n’est pas source d’inquiétude.
La deuxième découle de la première et relève d’un constat : ce ne sont plus les instances dirigeantes des formations politiques qui décident des positions à prendre, mais les utilisateurs des réseaux sociaux. La dictature de la pensée unique commence ici. Tout comme le populisme.
Les formations politiques et leurs dirigeants craignent plus aujourd’hui ce que ce blogger va écrire sur leur engagement que ce que vont dire leurs militants. On en oublie le passé de ces dirigeants et le parcours de ces formations. La légitimité de la pensée vraie et os acteurs      même le monopole de la vérité reviennent à un inconnu sirotant calmement un café et manipulant un clavier. Une horde de snipers s’est ainsi constituée pour imposer son diktat à de vieilles formations politiques dont la plupart ont hérité d’un combat qui date de la clandestinité. Les leaders de ces formations se rendent sans combattre et acceptent ainsi de renoncer à leur conviction pour ne pas exciter l’ire de ces hordes de snipers.
 Le résultat pour nous est une dépréciation de l’action politique qui commence par la réflexion. Si le premier venu peut se sentir la légitimité de dicter sa réflexion aux vieux dirigeants et à leurs formations, il n’y a plus rien à attendre d’eux. Et si les politiques n‘ont plus besoin de la presse et le montrent, il n’y a plus rien à espérer de la démocratie. Dont la presse doit être le reflet.