lundi 26 décembre 2011

La question du Sahara, le défi premier


Mes amis de la Jeunesse Euro-Méditerranéenne m’ont demandé de leur faire une présentation sur le conflit du Sahara. Je partage avec vous la présentation ci-après :
«Chaque fois que l’on évoque l’union du Maghreb Arabe ou encore l’intégration dans cet espace, l’on bute sur la question du Sahara qui constitue aujourd’hui un défi majeur sur la voie de la réalisation de cette aspiration légitime de nos peuples.
Trente-six longues années de déchirements dont seize ans de guerre larvée, pèsent lourdement sur le devenir du Maghreb. Même si l’on ignore, le temps d’une analyse, les effets, les blessures de cette guerre, il nous sera impossible d’en occulter l’aspect «bloquant» et déstabilisant pour toute la région. Et parce que votre forum est celui d’un Maghreb de paix, tout commence par là.
Ne perdons pas de temps dans les rappels historiques, certes utiles à comprendre la genèse d’un conflit, mais dangereux quand ils servent à enraciner et à justifier les divergences. Aussi le propos n’est pas de fonder ici une position. Mais plutôt de réfléchir avec vous sur la situation actuelle. Une situation qui est le produit d’un immobilisme injustifié et d’un radicalisme excessif dans les positions.
Mon pays, la Mauritanie, a choisi de se cantonner dans une position de «stricte neutralité». Et pour éviter d’avoir à faire un équilibrisme aventureux face aux puissants voisins du nord, la Mauritanie en a fait sa religion. Arguant la nécessité pour elle de respecter le plan préconisé par les Nations-Unies.
Le Maroc a annexé les territoires qu’il estime siens et a énormément investi pour maintenir sa présence et renforcer le sentiment d’appartenance au Maroc chez les populations de ce territoire. Il a relativement progressé dans son positionnement en acceptant l’idée d’une large autonomie qui pourrait être accordée aux territoires concernés.
L’Algérie continue de soutenir avec force les indépendantistes sahraouis qui ont déclaré leur indépendance le 27 février 1976. Le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, l’illégitimité (et la non applicabilité) de l’accord tripartite, celui de Madrid signé entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie… tout cela justifie la position de l’Algérie.
Mais au-delà des positionnements officiels (et rigides), y a-t-il des perspectives d’action en vue de rompre avec l’immobilisme qui entretient le conflit ? Oui, quand on fait le constat suivant :
-          Le conflit est très coûteux pour toutes les parties prenantes : au-delà du maintien d’une tension entre les deux pays, le Maroc et l’Algérie dépensent une grande part de leurs ressources financières pour renforcer leurs positions respectives. Des ressources qui auraient pu être allouées aux projets à même renforcer l’intégration au sein d’un Maghreb dynamique et interdépendant. Imaginons les routes qu’on aurait pu construire pour relier les pays entre eux, les réseaux électriques transfrontaliers, les chemins de fer…
-          La résolution du conflit n’intéresse pas réellement la communauté internationale, occupée plutôt par d’autres foyers autrement plus stratégiques pour l’Amérique et l’Europe qui constituent les composantes de cette «communauté internationale» (la Palestine, l’Afghanistan, le Darfour…). Cette indifférence – cachée cependant – a été renforcée par l’état de «ni guerre ni paix» qui prévaut depuis la cessation officielle des hostilités militaires en 1991.
-          Le conflit dure depuis trop longtemps. Et comme tout conflit qui dure, les protagonistes commencent à s’y habituer, à vivre avec, à composer avec… Il est même perçu par certaines oligarchies de la région comme une source de maintien au pouvoir, et une possibilité de tirer profit de la situation.
-          Le conflit se rapporte à un territoire de 266.000 km2, avec une population totale estimée à 120.000 habitants, alors qu’il bloque la constitution d’un espace qui couvre près de six millions de kilomètres carrés et qu’il sert une population de plus de 110 millions d’habitants (sans pour autant dénier à cette population un quelconque de ses droits, sans chercher non plus à l’empêcher de traduire sa volonté malgré la règle de la majorité).

Ce constat fait, nous n’avons plus besoin de faire le plaidoyer d’une action urgente en vue de faire bouger les choses. Cette action doit être la vôtre, vous qui avez bousculé l’ordre établi, vous qui avez dérangé la paresse ambiante, vous qui avez fait écrouler les murs construits par la peur et l’habitude.
Vous devez savoir qu’après avoir essayé les armes dans une guerre sous-régionale coûteuse, les parties prenantes ont décrété un cessez-le-feu ouvrant la voie aux négociations qui durent depuis 20 ans.
Le bouleversement que notre monde arabe en général a connu a ouvert la voie à la volonté des peuples de s’exprimer. Il s’agit pour vous d’imaginer comment le Maghreb de paix à construire peut d’abord régler, et au plus vite, le conflit du Sahara qui reste l’élément de blocage premier sur la voie de la construction d’un Maghreb intégré.
Comme pour ce bouleversement, il vous appartient à vous de créer l’onde de choc qui obligera nos dirigeants à trouver la voie de la paix. Puis celle de la solidarité. Puis celle de l’intégration. Enfin celle de l’union.»