mercredi 31 juillet 2013

Il était une fois le 6 août (1)

Il y a un an, je vous proposais ici même une série avec pour titre : «Il était une fois le 3 août». C’était dans le souci de rappeler des moments-clés de notre Histoire pour comprendre pourquoi et comment ce qui devait être une «révolution» n’a finalement été qu’une série de soubresauts produisant cependant d’importantes évolutions sur le plan politique, sur celui de la liberté d’expression et, de façon générale sur la manière d’exercer le pouvoir et de gérer les affaires.
Ces avancées qui sont réelles – les dénégations publiques des détracteurs du régime en sont d’ailleurs la preuve – n’ont pas produit tous les effets qu’on pouvait en attendre. Particulièrement la nette rupture avec le passé et ses hommes. Parce que les auteurs – les vrais auteurs – du coup d’Etat du 3 août 2005 ont hésité et ont cru qu’une «douce évolution» était réalisable avec le matériau opérant sur la scène politique mauritanienne. Les auteurs du changement du 3 août n’ont pas bénéficié de l’état de grâce nécessaire à toute entreprise de changement. Ils ont immédiatement été «ceinturés», encerclés, «pressés» par les contingences liées à l’exercice du pouvoir et aux enjeux nés de la volonté d’ouvrir une nouvelle page pour la Mauritanie. Le pire ennemi du changement qu’ils prônaient (voir les postings de l’année passée) venait de l’intérieur de la junte dont ils avaient coopté les membres. Les plus anciens des officiers n’entendaient pas se départir aussi allègrement du pouvoir et le laisser tomber entre les mains de politiques qu’ils ont contribué eux-mêmes à diaboliser. Pour les lus anciens des officiers du Comité militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), le souci principal était de barrer la route à Ahmed Ould Daddah, celui qui semblait avoir «la légitimité naturelle» d’accéder au pouvoir. C’est ainsi qu’est né le projet Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui fut d’abord une proposition des «anciens» et de leurs soutiens politiques appartenant déjà à la machine mise en branle par le système Ould Taya pour diaboliser et décrédibiliser celui qui s’opposait «sans raison» (sic) à lui.
Parenthèse explicative : Pour le Président Ould Taya, si Messaoud Ould Boulkheir s’opposait à lui, c’est parce qu’il l’a débarqué du gouvernement l’accusant de mauvaise gestion ; si ceux du Mouvement national démocratique (MND) s’opposaient à lui, c’est parce qu’il a refusé de les associer au pouvoir ; si les Islamistes ont finalement gagné les rangs de son opposition, c’est parce qu’il a fermé la manne du Golf ; si certains nationalistes s’opposaient, c’est parce qu’il avait ouvert la diplomatie à Israël ; si les négro-africains ne voulaient pas de lui, c’est qu’il a cherché à les neutraliser et à les expulser de Mauritanie… a chacun de ses opposants, il trouvait une raison sauf à Ould Daddah qu’il avait plusieurs fois démarché pour l’amener à s’impliquer dans la gestion publique et qui a toujours décliné. Ce ne peut, à ses yeux, être que de la haine. Et il le lui rendait bien ! Contre lui sera déployée la machine de dénigrement et de diabolisation. Ministres de l’intérieur, corps de sécurité, renseignements, hommes d’affaires, journalistes, hommes politiques, réseaux maffieux… (fin de la parenthèse)
Pas la peine de s’étaler sur le processus de cooptation de Ould Cheikh Abdallahi, ni sur son élection et les conditions dans lesquelles elle s’est faite, encore moins sur les soutiens dont elle a pu bénéficier. Il suffit simplement de rappeler que son élément moteur, son inspiration principale était de barrer la route à Ould Daddah. Ce qui fut fait. 

mardi 30 juillet 2013

Enfin un soutien

Il y a un an, la Mauritanie signait avec l’Union Européenne un nouvel accord de pêche. Le négociateur mauritanien obtenait du partenaire UE plusieurs avantages se rapportant à la compensation financière qui connaissait une nette amélioration, au système d’exploitation qui faisait payer désormais la tonne pêchée, au produit pêché qui excluait les céphalopodes réservés désormais aux seuls exploitants nationaux, à l’emploi qui devenait réel avec une nette augmentation des traitements et des embarqués, au contrôle du produit pêché, à la zone de pêche qui fut réduite pour préserver la ressource mauritanienne…
Pour la première fois de l’histoire de tous les accords de pêche entre notre pays et l’UE, ce qui «dérangeait ceux qui l’étaient» n’était pas le soupçon de corruption du négociateur, ni son incapacité à défendre l’intérêt du pays, mais bien sa réussite à arracher le maximum pour le pays.
La colère la plus manifestée fut celle des opérateurs espagnols qui se sentaient lésés par la «nationalisation» de la ressource céphalopodière par la Mauritanie qui entamait ainsi une politique visant à sauver ce qui peut l’être de la ressource, à développer ses capacités en matière de pêche artisanale et à faire le plein emploi national dans le secteur. En somme une vision d’une exploitation prenant en compte les impératifs écologiques et les exigences nationales.
Dans la «bataille diplomatique» qu’engagea l’Espagne – armateurs, élus et même Exécutif – contre l’Accord, le négociateur mauritanien était bien esseulé. Tout semblait le condamner à repasser sous les fourches caudines du Goliath auropéen.
Contre lui se liguaient des faisceaux d’intérêt, y compris de l’intérieur du pays (fonctionnaires du ministère, consignataires, suppôts dévoyés…). Mais l’opposition espagnole était la plus déterminante dans le processus de remise en cause de l’Accord. Partis politiques mauritaniens, ONG, journalistes, intellectuels… préférèrent se tenir à l’écart des joutes et des engagements. Si l’on excepte quelques articles «indépendants» soutenant la position mauritanienne, la plupart des opinions exprimées étaient plutôt destinées à biaiser le processus de ratification par le Parlement européen.
C’est cette semaine que les opérateurs artisanaux mauritaniens ont bougé pour se féliciter d’abord des avancées faites et pour exiger le maintien de la mauritanisation de la pêche céphalopodière. Une journée puis un communiqué de la section artisanale et côtière de la Fédération nationale des pêches.
Le communiqué publié le 26 août affirme : «Aujourd’hui, nous sommes 36.000 pêcheurs artisans et nous utilisons 7.500 embarcations artisanales. Pour ce qui est de la pêche de poulpe, nous assurons 60% de la production nationale en quantité et 70% en valeur. Nous fournissons 90% de l’emploi dans le secteur, avec des gens qui travaillent dans 50 usines de traitement de congélation des produits, dans 12 ateliers de fabrication de pirogues, et dans des centaines de magasins de vente de matériel, des milliers de mareyeurs, de transporteurs, de fabricants de pots, etc. Dans la pêche artisanale, la valeur ajoutée est de 8 fois supérieure à la valeur ajoutée dans la pêche industrielle».
Avant de mettre en exergue quelques mesures visant à imposer une exploitation «convenable» parce que prenant en compte la nécessité de préserver la ressource : 4 mois d’arrêt biologique par an, la limitation à plus de 500 grammes du poulpe traité, la pêche au pot qui permet une meilleure maitrise des captures…
Pour les auteurs du communiqué, «repousser les chalutiers plus au large va contribuer à protéger les fonds marins, diminuer les accidents avec les pirogues artisanales, diminuer la compétition avec nos pirogues et aussi diminuer les CAPTURES ACCESSOIRES». Et c’est ce que prévoit l’Accord avec l’Union européenne.
En raison de l’importance de la décision de réserver les céphalopodes aux seuls artisans mauritaniens, les opérateurs exigent «que cette décision soit immortalisée par son inscription dans le Code des Pêches pour lui garantir la transcendance aux futurs accords».
En choisissant la date du 26 juillet, la FNP entend célébrer l’Accord signé le même jour en 2012. Il faut rappeler qu’après avoir embarqué avec eux d’autres pays dans la contestation des termes de l’Accord, les Espagnols sont bien seuls aujourd’hui à continuer à ruer dans les brancards : les Portugais, les Hollandais ont préféré exploiter leur quote-part.

L’Accord de pêche avec l’UE a permis aussi de réajuster la Convention avec les Chinois et de préparer de nouveaux accords de partenariat avec les Russes qui commencent à signer avec le pays. Et c’est tout bénef pour le pays.

lundi 29 juillet 2013

El Qassem, pour toujours

Increvable El Qassem Ould Bellali ! l’actuel député de Nouadhibou, ancien Maire de la ville, ambitionne encore d’y revenir. D’ailleurs il ne pense qu’à ça. Même s’il se dit prêt à briguer et le siège de Maire et celui de député, c’est le premier qui lui importe.
Hier, au cours d’une conférence de presse à la maison des jeunes de Nouadhibou, Ould Bellali a invité ses soutiens à s’inscrire en masse sur les listes électorales. Parce qu’il entend briguer des mandats au cours des échéances futures.
Passé Maire de la ville en 1996, El Qassem Ould Bellali a marqué sa municipalité qu’il a su moderniser et doter de nombreuses infrastructures dont une voirie moderne, un hôpital, des centres de santé, des écoles… Sa période a été aussi celle de la propreté de la ville et de l’organisation efficiente des services de la Mairie. D’où la popularité dont il a toujours joui auprès des populations locales. Même ses ennemis lui reconnaissent cette popularité.
En 1998, l’Appareil administratif et sécuritaire se ligue contre lui pour empêcher sa cooptation par le PRDS qui présente finalement Abdallahi Ould Minnih. Le système reproche à Ould Bellali son refus de «collaborer» en mettant les moyens de la Mairie au service des renseignements d’alors et des dignitaires. Il réussit à liguer contre lui l’ensemble des apparatchiks du régime : des ministres de l’intérieur, des Walis, du directeur général de la sûreté nationale, de l’Armée, du PRDS…
Atypique et très rebelle, il est mis à l’écart pour inconvenance avec le système d’alors. En 2006, au lendemain du coup d’Etat de 2005, il se présente et fait passer une bonne partie de sa liste au conseil municipal. Pas assez cependant pour se passer des conseillers de l’Opposition. Il appartenait alors au parti Renouveau démocratique (RD) de Moustapha Ould Abeiderrahmane qu’il avait réussit à remorquer pour en faire un député grâce à son score à Nouadhibou.
Ould Bellali est sûr de passer Maire de la ville. Surtout que les partis dont le sien avaient signé un accord de report automatique sur le premier d‘entre eux. Sévères joutes entre lui et les autres partis qui veulent marchander leur soutien et dont les représentants locaux ne sont pas forcément pour l’élection de Ould Bellali au poste. Déchirures et trahisons. C’est Fadel Ould Tmâne, un candidat APP finalement exclu du parti, qui prend la Mairie. Un coup difficile à digérer pour Ould Bellali qui se lance à nouveau pour la conquête de la Mairie de Nouadhibou.

Quoi qu’en disent ses détracteurs, il est l’homme politique le plus populaire de Nouadhibou. «Même dans sa traversée du désert, il continue de faire de la politique locale. Il fait du porte-à-porte et ne se coupe jamais de la masse, explique un observateur. Ce que vous prenez vous pour de la dépréciation quand il s’en prend avec véhémence aux différents acteurs, est perçu par la masse comme une preuve de courage et de franchise…» Certainement.

dimanche 28 juillet 2013

Taxe free : premier containeur

Il y avait foule ce matin au Port autonome de Nouadhibou : l’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou (AZFN) célébrait le débarquement du premier containeur non soumis aux taxes douanières. Un acte concret qui signifie le premier pas vers la mise en place de la nouvelle Zone Franche.
Aux côtés du président de l’AZFN, Ismail Ould Bodde, il y avait, outre les responsables locaux, le Directeur général des Douanes, le général Dah Ould el Mamy. Trois moments pour une cérémonie qui est quand même le point de départ d’un grand projet pour la zone et pour la Mauritanie : les discours officiels, la visite de stands et le débarquement du containeur.
C’est le directeur régional des douanes, Moustapha Ould Diya’i qui a exprimé l’état d’esprit des éléments de son corps qui sont près à accompagner le processus de mise en place des nouvelles législations pour permettre la réussite d’un tel projet. Il a expliqué que toutes les mesures visant à sensibiliser, à former le personnel afin de n’avoir aucune fausse note, que toutes ces mesures ont été prises.
Le débarquement du premier containeur exonéré aura des répercussions immédiates sur les habitants de la zone Franche qui verront les prix des produits concernés baisser de 24 à 40%. Elle est destinée aussi à relancer l’économie en attirant les investissements et en provoquant une extension de la ville qui est appelée à devenir la locomotive de l’économie nationale. Un plan de développement des infrastructures de la ville est en cours de réalisation. La modernisation de la ville et l’identification des zones cibles de l’investissement doivent être effectifs dès la fin du mois d’août.
Il faut signaler quand même que sont exceptés des produits exonérés, les denrées de première nécessité comme le riz (paddy, décortiqué, brisé, purifié), les huiles (olive, soudanais, soja), le sucre, le thé, le café, le lait en poudre, le blé en poudre, les hydrocarbures raffinées et le tabac.
Rappelons que la Zone Franche de Nouadhibou que dirige Ould Cheikh Sidiya est le résultat d’une vision qui vise à développer le potentiel économique de toute la zone en faisant de Nouadhibou un pôle d’attraction des investisseurs et un hub régional de classe internationale. Nouadhibou est effectivement un site de choix pour le développement et l’expansion de l’industrie des pêches, des hydrocarbures, des mines et du tourisme.

samedi 27 juillet 2013

Qui va profiter de qui ?

J’ai lu ces derniers jours de nombreux articles parus sur les sites arabophones de Mauritanie appelant tous les Mauritaniens à «profiter» des évènements d’Egypte pour s’en inspirer dans «la recherche d’une issue» à la soi-disant «crise politique qui secoue le pays».
Il y a effectivement des éléments de comparaison entre les deux processus, celui de Mauritanie commencé en août 2005 et celui d’Egypte déclenché en janvier 2011. Notamment la création dans chacun des pays d’un comité militaire promettant une transition désintéressée, appelée d’abord ici «Comité militaire pour la Justice et la Démocratie» (CMJD) en 2005, puis «Haut conseil d’Etat» en août 2008. En Egypte, l’Armée a pris le pouvoir en mettant sur place un HCE directement avec le Maréchal Tantawi comme chef, un ancien apparatchik du système Hosni Moubarak. Exactement comme quand ce fut le colonel Ould Mohamed Val, l’ancien directeur de la sûreté de Ould Taya, a été choisi pour diriger la première transition.
En Egypte les velléités autoritaristes du pouvoir islamiste sorti des urnes ont amené le Président Mohamed Morsi à promouvoir une nouvelle classe d’officiers dont certains étaient pressentis comme sympathisants de la mouvance islamiste. Le général Abdel Fettah Al Sissi fut nommé chef d’Etat Major des Armées pour justement éviter les vieux réflexes de l’Armée. On croyait bien faire en mettant en avant de «jeunes officiers» dont les précédents politiques étaient plutôt «rassurants».
Bien avant en Mauritanie, le Président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait été poussé par ses amis politiques à «évacuer» la vieille garde militaire. C’est le temps de la démission du colonel Abderrahmane Ould Boubacar qu’il avait trouvé chef d’Etat Major et avec lequel il aurait dû avoir des liens sociaux très spéciaux. A ce moment, la plupart des anciens officiers supérieurs avaient été dégagés du commandement. On croyait pouvoir manipuler les jeunes qui avaient pourtant donné les preuves de leur habilité politique en adoubant un inconnu et en le faisant passer grâce au concours d’une grande partie de la classe politique. Cette partie de cache-cache qui va s’engager par la suite mettait en évidence deux camps ennemis : celui des jeunes officiers ayant pris le pouvoir en août 2005 (les véritables auteurs du coup d’Etat) et en face d’eux, les victimes de ce coup d’Etat et toutes les forces centrifuges ayant pour objectif de restaurer l’ancien système.
Vint le coup de poker – ce n’est pas un coup de balai mais une tentative de coup de balai – du mercredi 8 août 2008. Quand le Président élu fut «poussé» par ses soutiens de l’époque à commettre la faute qui consiste à ignorer le rapport de force et à croire qu’on pouvait aussi facilement remettre en cause des équilibres obtenus par miracle.
La différence entre les scènes mauritanienne et égyptienne, consiste en l’absence ici de mouvement de foules anticipant ou accompagnant les changements de pouvoir. En Egypte par contre, des millions sont sortis chaque fois pour préparer le terrain.
Autre différence fondamentale : les officiers mauritaniens n’ont jamais hésité à prendre et à exercer le pouvoir directement, alors que, dans le cas du général Abdel Fettah Al Sissi, il essaye de rester en retrait. C’est très probablement ce qui crée la situation de confusion totale et qui risque de dégénérer en guerre civile.

Si l’une des scènes doit apprendre de l’autre, c’est bien la scène égyptienne. C’est à l’élite égyptienne de trouver un «Accord de Dakar» qui va amener les protagonistes à revenir à la légalité en déclenchant une mise en scène par laquelle le Président élu revient au pouvoir juste pour démissionner et nommer un gouvernement de transition en charge de préparer de nouvelles élections présidentielles. C’est à la classe politique égyptienne d’imaginer un rétablissement de la démocratie à même de garantir la stabilité du pays. C’est à cette classe politique d’éviter les erreurs commises ici, les mauvais calculs, la mauvaise foi, la mauvaise appréciation des rapports de force… Contrairement à la classe politique mauritanienne, l’égyptienne peut compter sur des soutiens populaires réels et surtout sur une capacité de mobilisation et une expertise avérée. Ce n’est pas le cas ici.

vendredi 26 juillet 2013

Le forum du 21 août

Ce soir je suis invité par un ami qui est invité par un groupe de jeunes au café tunisien. L’ami en question, Abdel Vettah Ould Toutah, est un écrivain qui fait du journalisme par passion. Il a commencé enseignant et est devenu libraire avant de s’essayer dans la nouvelle et dans la rédaction (journalistique). Les deux tentatives vont lui réussir.
Le groupe est constitué de jeunes universitaires et chercheurs qui se retrouvent une fois par semaine au café Tunisie, en terrasse pour discuter avec une personnalité culturelle de sa production ou d’un thème donné. Cela dure depuis août dernier, en fait depuis ce 21 août quand quelques membres d’un réseau de discussion décident de se voir «physiquement» - d’où le nom de «Forum du 21 août».
Au début l’un d’eux faisait une lecture de ses rubriques quotidiennes, lectures suivies de discussions souvent animées. Puis, les jeunes ont trouvé intéressante l’idée de faire appel à des personnalités extérieures pour une présentation. Bientôt un an…
Ce soir, la discussion à l’ordre du jour est centrée sur la nouvelle et le récit comme genres littéraires. Quel rapport avec la poésie ? le récit est-il une expression du Moi ? est-il nécessairement engagé ? quelle gestation pour le récit ? quel rôle pour le personnage, est-ce lui qui impose sa personnalité ou son …créateur ? la Création comme attribut divin est-elle ou non une source de blocage devant la naissance du roman ? écrire en Arabe, est-ce la même chose qu’écrire en Français ? quel rôle pour le dialecte ? l’élite doit-elle descendre de son piédestal ou y rester ? à qui écrit-on ?
Les questions pleuvaient, preuve de l’intérêt que portent ces jeunes à la question, preuve aussi de leur maîtrise du sujet. Les réponses relevaient plus de la relance du débat que de la réponse définitive et sans appel. L’exercice a duré près de trois heures…
Sur la terrasse du café, un groupe à part. Un groupe de jeunes qui ne sont pas là pour discuter des dernières voitures de luxe volées en Europe et revendues ici. Ni de politique politicienne sans consistance. Ils ne sont pas non plus là à traficoter ou à promouvoir les réflexes délinquants…
Au contraire. Des jeunes qui essayent, dans un environnement où la culture ne paye pas, de «cultiver un jardin», celui de l’esprit. Cela fait plaisir de les voir et de les entendre. Même si cela détonne avec notre environnement fait de gazra et de thieb-thieb.

Le groupe est ouvert. L’expression peut s’y faire en toutes langues. Aucun sujet n’est visiblement tabou. Toute personne qui le désire peut prendre la parole et s’exprimer. C’est en fait le principe d’un «Salon» à la mesure de l’animation qui lui est dédiée… C’est un «coin libéré» où foisonnent des idées de jeunes, c’est-à-dire des idées plus ou moins libérées du carcan dominant. Le conflit de générations tant espérée peut-il commencer ici ?

jeudi 25 juillet 2013

Fin d’année au Lycée militaire

J’ai été invité à la cérémonie de fin d‘année du Lycée militaire qui s’est déroulée sous la présidence du Général de Division Mohamed Ould Ghazwani, chef d’Etat Major général des Armées et en présence des principaux chefs de corps. C’était la première fois que j’assistais à une pareille cérémonie.
Ce qui frappe d’abord ce sont les moyennes et les taux de réussite qui sont de 100% aux dernières épreuves du Baccalauréat séries scientifiques (Mathématiques et Sciences naturelles), et 100% aussi au niveau du Brevet de fin d’études secondaires. A l’intérieur de l’établissement, seuls six élèves ont été renvoyés pour insuffisance de travail, selon le directeur du Lycée, le colonel Mohamed Lemine Ould Hamma Khattar.
Dans son allocution à l’occasion, le colonel Ould Hamma Khattar a précisé que 288 élèves suivent les cours dans l’établissement. Ces cours sont dispensés par 37 professeurs dont certains détachés par le ministère et d’autres sous contrat local. Les élèves sont encadrés par 28 sous-officiers. Le programme est le même que celui de l’école publique mauritanienne. Avec cependant un volet formation militaire qui vise à imposer la discipline à tous.
La moyenne exigée est de 12/20 : près de 54% des admis au passage en classes supérieures ont des moyennes dépassant 14/20. Ce qui donne une idée de la qualité de l’enseignement et de l’acquisition du savoir qui est un grand défi ailleurs.
Grâce au concours de la Coopération française, un projet dit «Sankoré» a été lancé depuis quelques semaines. Ce projet d’enseignement à distance ouvrira de nouvelles perspectives devant les élèves et les enseignants. Il est basé sur l’utilisation maximale des nouvelles technologies de l’information.
Dans l’immédiat, l’administration du Lycée envisage la tenue de deux ateliers-séminaires pendant les vacances. Le premier est destiné à créer un cadre d’échanges entre le corps enseignant du Lycée et celui du public. Une sorte d’échanges d’expériences pour améliorer les performances.
Le second séminaire est destiné à développer les capacités du corps enseignant du Lycée lui-même.
Le Lycée militaire est destiné à favoriser l’émergence d’un enseignement de qualité au profit des jeunes Mauritaniens. Après le baccalauréat, les admis peuvent choisir librement de faire ou non une carrière militaire. Il pourrait être l’embryon d’une école de troupes qu’on élargirait aux enfants démunis et ayant des prédispositions avérées à suivre un enseignement de qualité. Pour ce faire, la direction devrait peut-être démarcher les écoles des banlieues des villes, des villages et campements de l’intérieur pour reprendre les meilleurs et leur permettre de suivre un cursus d’excellence. Comme font déjà les Turcs de l’école Bourj el Ilm qui récupèrent ainsi les meilleurs de nos écoliers pour leur faire subir un cursus à la turque. 

mercredi 24 juillet 2013

Le RAVEL, premier pas concret

La CENI a lancé le recensement à vocation électoral (RAVEL). C’est le premier pas concret vers l’organisation d’élections législatives et municipales dans la fourchette prévue entre le 15 septembre et le 15 octobre prochains. On peut dire que le compte à rebours a commencé.
Du coup la scène politique connait une effervescence nouvelle. Les ftours – ces «coupures de jeûne» communes – se multiplient. Parfois pour répéter les arguments qu’on a toujours développés, ceux qui tentent de persuader de l’utilité du boycott de ces élections. Parfois pour poser timidement des conditions en essayant de relever le plafond des revendications au maximum comme pour empêcher toute possibilité d’ouverture de dialogue. Au sein de la Coordination de l’Opposition démocratique (COD), les discours intransigeants ne manquent pas. Un peu pour convaincre que le risque de boycott est très grand. Mais qui prendra la responsabilité de rééditer la bêtise de 1992 ?
J’ai entendu l’un des responsables de la COD reconnaitre que l’Opposition avait commis des erreurs dans l’application de l’Accord de Dakar. Il reprochait aux pôles de l’Opposition de n’avoir pas opté pour un retrait du gouvernement «quand le Premier ministre du gouvernement d’union avait signé le décret appelant le collège électoral». Le responsable estime que c’est là qu’il faut situer l’erreur qui est advenue parce que les candidats avaient les yeux rivés vers l’élection qu’ils étaient sûrs de remporter. Une manière de diluer les responsabilités et de les faire porter à ceux qui étaient dans la course présidentielle.
En fait, l’erreur, s’il y a erreur, se situe bien avant. Quand les négociateurs des deux pôles de l’Opposition (le Front national pour la défense de la démocratie et le Rassemblement des forces démocratiques) avaient accepté de signer un accord qui fixait les élections au 18 juillet 2009, c’est-à-dire moins de deux mois après. Ils avaient cru à l’époque que la proximité d’une telle échéance empêcherait nécessairement la tenue de l’élection. Ils se sont trompés. Ils devaient assumer jusqu’au bout.
C’est ensuite dans le choix des membres du gouvernement qui devaient les représenter : à part deux (Ould Rzeizim et Ould Cheikh), c’est le tout-venant des partis qui avait été proposé aux postes les plus sensibles. Ni les membres du gouvernement, ni les membres de la CENI n’étaient assez disciplinés ou assez outillés (mentalement) pour assurer les arrières. Cela s’est effectivement traduit par le refus de tous de démissionner quand leurs partis le leur ont demandé : chacun voulait garder ses privilèges jusqu’au bout. A qui la faute ? (Rappelons que ce sera le cas des parlementaires qui n’iront pas jusqu’au terme d’un raisonnement qui menait à une dénonciation légitime du mandat de l’Assemblée nationale : les députés qui dénonçaient la prolongation ont été incapables d’aller à la démission parce que cela les priverait des avantages énormes dont ils jouissaient).
L’erreur est, enfin, dans le refus de reconnaitre immédiatement les résultats d’une élection co-organisée. On se souvient que les deux autres pôles sont partis à la recherche d’arguments fallacieux pour éviter d’avoir à reconnaitre ces résultats (le B chimique). Seuls finalement les Islamistes de Tawaçoul vont «prendre acte» des résultats pour chercher ensuite à trouver une place sur l’échiquier. Cela s’est traduit par les alliances avec l’Union pour la République (UPR) et par la nomination de quelques grandes figures de la mouvance à des postes de responsabilité. Mais cela a été passager, le flirt ne durant qu’un an à peine.
En discutant avec un politiste de chez nous, il me dit à peu près ceci : «Le problème de la classe politique et de l’élite en général, c’est qu’elle ne prend jamais de leçons de son expérience passée. C’est pourquoi elle refait les mêmes erreurs. La même mauvaise analyse qui a conduit au boycott de 1992 et qui est à l’origine de l’avortement de la jeune démocratie, est celle-là même que développent les politiques les plus en vue». Quelqu’un qui nous écoutait rétorqua : «Est-ce que ce n’est pas parce que personne n’a jamais reconnu qu’il s’agissait là d’erreurs ?»

Oui, qui a déjà reconnu ici avoir fait des erreurs ? les gourous de l’ancien régime ? les tortionnaires de l’ancien régime ? les prédateurs de l’ancien régime ? les hommes politiques ? les gestionnaires véreux ? les journalistes manipulateurs ? les médecins maladroits ? les juges sans conscience ? les fonctionnaires indélicats ? les chauffeurs irrespectueux du Code ? …Nous sommes dans une société où la perception du temps qui avance et de l’évolution comme accumulation est travestie par une élite corrompue qui n’arrive pas à reconnaitre ses erreurs, à les identifier, à les expliquer, à les assumer et à éviter de les répéter. Nous sommes obligés donc de souffrir cette élite qui nous oblige à tourner en rond.

mardi 23 juillet 2013

Ma sœur, tu es partie

«La mort pour nous est une fatalité que nous vivons comme s’il s’agissait d’une nécessité de …la vie. Nous l’accueillons avec philosophie et résignation. Mais une résignation qui a son côté noble et non défaitiste. Comme s’il s’agissait d’un choix que nous assumons, que nous avons toujours assumé, que nous continuons d’assumer.»
C’est en ces termes que je m’adressais à toi au lendemain de la mort de Seyid. Je saluais alors ton courage. Je te disais que tu devais garder cette dignité que tu as toujours incarnée, cette sollicitude qui est tienne, cette humilité qui a toujours été la source de ta force devant les épreuves…
Aujourd’hui, moi, ton frère, j’ai besoin d’un message pareil. J’ai besoin d’être réconforté dans mon désespoir, de partager cette douleur que nous apprenons, dès l’enfance, à contenir, à subjuguer, à dépasser…
Parce que nous sommes Musulmans – et heureusement que nous le sommes -, nous avons une relation particulière avec la mort. Nous disons souvent qu’elle est… «héréditaire» pour signifier qu’on n’y peut rien. Nous disons des gens comme toi qu’ils ont eu «une vie plus large que longue», pour signifier l’intensité de cette vie si courte qu’elle ressemble à un passage d’étoile.
Qu’est-ce qu’on ne peut pas dire de toi en bien, en valeurs qui sont les nôtres ?!? Je m’abstiendrai de rappeler la constante générosité, la débordante humanité, le souci de partager, la volonté de rendre l’autre bien plus heureux, bien plus à l’aise…
J’insisterai seulement sur deux qualités que tu as su préserver jusqu’à la fin : la fidélité et l’humilité.
Tu as été la même depuis qu’on s’est connus, adolescents, sur les bancs du Lycée national. Toujours la même disponibilité, la même promptitude à servir, à soutenir, à accompagner les amis dans leur détresse, à les écouter, à les chercher pour savoir s’ils n’avaient pas de problèmes, à les chercher pour entretenir avec eux quelques souvenirs de rapports sains parce que désintéressés…
Ce n’est pas l’appartenance à une famille dont un membre a fini par devenir Président de la République, qui va changer cette sollicitude. Une image :
Nous sommes le 9 janvier 1992. Je dois prendre l’avion présidentiel pour assister au lancement de la campagne du candidat Ould Taya à Néma. Comme tout «bleu», j’arrive très tôt dans le salon d’honneur. Les autres arrivent un à un mais s’abstiennent de me saluer. Même ceux qui me connaissent parfaitement font semblant d’avoir affaire à un extraterrestre. Si bien que personne n’ose prendre place sur la rangée de canapés sur laquelle j’avais pris place. Un peu avant l’arrivée du Président-candidat, Jemila Mint Taya arrive. Au lieu d’aller vers les ministres et les responsables qui se serraient là-bas, elle pique vers moi et me salue chaleureusement (nous sommes frères de lait, grâce à feu Emmana Mint Boutarfaya, Allah yarham-ha). Elle ne revient pas aux autres et préfère rester aux côtés du rédacteur en chef d’Al Bayane, journal «ennemi»…
Jemila est beaucoup plus qu’une anecdote ou deux. Elle a été un être exceptionnel pour ceux qui l’ont connue. «L’amitié, a dit quelqu’un, est lente à mûrir, et la vie si rapide».
Aux élèves de la TA4, filles et garçons, à ceux du Lycée national de l’époque des années 80, aux habitants de Nouakchott qui l’ont connue enfant puis adulte et responsable, à ceux d’Atar, de Boutilimitt, aux ami(e)s, aux compagnons de classe et de travail, à Mohamed Yeslim, à Ayshoush et à tous les enfants, à Maman Khadaja, à Shahra, à toute la famille… à tous l’expression de mes condoléances les plus attristées, l’expression de ma solidarité.
Il me vient à l’esprit ce texte qu’on se faisait passer pour lecture quand on était en classe Terminale, un texte de Martin Gray que j’ai dû chercher aujourd’hui, n’en trouvant qu’un extrait :
«La mort des êtres chers, c’est un cyclone qui vous aspire, dans lequel vous pouvez vous laisser entraîner et vous y noyer. Il faut s’éloigner du cyclone. Il faut vouloir survivre.
Et c’est en soi, seulement en soi et par soi, qu’on peut décider de vaincre le désespoir de la mort. Par l’action et la pensée, il faut construire des barrages contre ce désespoir, puis se tourner vers les autres, vers la vie…
Etre fidèle à ceux qui sont morts, ce n’est pas s’enfermer dans sa douleur. Il faut continuer à semer ses rêves, à creuser son sillon droit et profond, comme ils l’auraient fait eux-mêmes ou comme nous l’aurions fait avec eux et pour eux.

Etre fidèle à ceux qui sont morts, c’est vivre comme ils auraient vécu et les faire vivre en nous». (Martin Gray, «Le livre de la vie») 

lundi 22 juillet 2013

Manifester, signe de maturité ?

Il ne se passe pas un jour, sans manifestation revendicative. Entre ceux qui amplifient le phénomène en espérant qu’il soit le début d’un «printemps mauritanien» et ceux qui n’y prêtent aucun intérêt cherchant à croire qu’il s’agit d’un effet de mode, il y a un couloir à explorer : celui d’une prise de conscience (plus ou moins) générale de la nécessité de se prendre en charge et de passer outre les intermédiations qui permettaient à certains de faire de la politique une source de revenus et aux gouvernants de s’assurer les soutiens à moindres frais.
Quand les habitants de R’Kiz organisent plusieurs sit-in en portant des bougies allumées pour exiger que leur département soit mieux loti en offre énergétique, c’est une «révolution», au moins une «évolution notoire». Ils n’ont pas attendu que les intermédiaires traditionnels – chefs religieux, vieux lascars politiques, élus vagabonds, hommes d’affaires introduits…-, que ceux-là partent marchander la résignation qui a toujours caractérisé la région. Ce ne sont pas non plus ceux-là qui vont aller «couvrir» la colère (apaisée, du reste) des populations parce qu’ils n’ont pas «de figure pour leur faire face», l’expression hassaniya pour dire que la honte d’être empêche d’aller aux devants de certaines situations.
R’Kiz est un vieux département qui a toutes les raisons d’accéder à la modernité depuis longtemps. Grâce à son potentiel, ce département aurait pu devenir le grenier du pays. De là, on aurait imaginé un développement intégré et surtout durable sur lequel aurait pu se greffer l’économie de tout le Trarza central. Mais les mauvais choix publics, l’indifférence des administrations, le manque de vision globale et de volonté publique, mais aussi la duplicité de l’élite qui a accompagné le laisser-aller général, qui l’a encouragé, l’a soutenu… tout cela a fait que le R’Kiz d’aujourd’hui est ce qu’il est : un patelin comme un autre. Comme s’il n’y avait pas là des milliers d’hectares cultivables, comme s’il n’y avait pas là l’eau nécessaire à favoriser une révolution verte, comme si des milliards n’ont pas été investis ici pour justement développer le lac de R’Kiz, l’agriculture de R’Kiz, l’élevage de R’Kiz… Des milliards dont il faut chercher les traces dans les villas cossues de Tevraq Zeina et qui ont permis à une partie de l’élite originaire du département de s’enrichir et de compter sur l’échiquier.
Malheureusement ce n’est pas là une spécificité de R’Kiz, c’est le cas de Mederdra (non loin de là), de Rosso, la capitale régionale, de Keur Macène… de partout en Mauritanie. Finalement la seule trace de la richesse investie pour le développement de ces régions intérieures apparait quand on voit les belles bâtisses des anciens hauts fonctionnaires, des dignitaires de différents régimes. Des bâtisses qui détonnent dans l’environnement de misère où elles sont implantées.

On se souvient que dans les années 90 et 2000, le pouvoir avait invité les dignitaires à «revenir chez eux», à «construire chez eux», à consommer le produit de leurs différentes forfaitures (prébendes) dans leurs terroirs. Cela s’est traduit par ces «greffes» qui contribuent encore à enlaidir le paysage de misère et qui sont aujourd’hui les vestiges d’un temps fait d’incongruités, d’intenses gaspillages et de faux semblants.

dimanche 21 juillet 2013

Retrouver la joie d’être ce qu’on est

La victoire des Mourabitoune sur les Lions du Sénégal est historique ne serait-ce que parce qu’elle est la première victoire d’une équipe mauritanienne sur nos frères, devenus nos voisins en 1989, et qui redeviennent ces frères que nous aimons et qui sont une sorte de prolongement «naturel» pour nous. Jamais une équipe mauritanienne n’a osé battre son homologue du Sénégal. La génération à laquelle j’appartiens a encore en tête les scores étriqués de 10 à 1 (années 70) et de toutes les éliminations de Mourabitoune des compétitions régionales et continentales quand nous tombions sur le Sénégal.
Les commentateurs sénégalais ne s’y trompent pas : «…Les Mauritaniens ont pris la peine de monter une équipe nationale contrairement au Sénégal qui a une sélection. Avec cette première qualification historique, la Mauritanie vient de récolter les premiers fruits d’un long travail.»
Le commentateur sportif sénégalais insiste ici sur la mise en place d’une «équipe nationale» et non d’une «sélection». La seconde («sélection») est une juxtaposition de talents supposés ou réels qui peuvent tourner ou pas le temps d’un match. La première («équipe nationale») par contre suppose une solidarité totale entre les joueurs, un engagement individuel pour servir le groupe, un dévouement personnel pour consolider la cohésion du groupe, un sacrifice du moi pour booster le groupe… Elle suppose aussi la mise en œuvre d’une stratégie qui prend le temps de mûrir et de se déployer. Elle nécessite une vision d’ensemble, une priorisation des objectifs, en somme un travail de fond et une construction patiente.
C’est en cela que cette victoire des Mourabitoune est plus qu’un passage de niveau pour la jeune équipe dirigeante de la fédération de football, une équipe qui avait trouvé la Mauritanie bannie de la plupart des compétitions pour ses forfaits et ses incartades face aux exigences des institutions sportives internationales.
Cette victoire est d’abord celle une fibre nationaliste qui avait besoin de trouver une raison de s’exprimer. C’est dans la joie qu’un peuple communie. Dans la douleur aussi. Mais c’est surtout dans la joie que l’émotion peut être un socle solide sur lequel peut se construire la plus improbable des entités.
Hier, ce n’était pas seulement une qualification qui faisait vibrer les Mauritaniens – toutes origines confondues – mais la fierté d’appartenir à ce pays où l’équipe arc-en-ciel a incarné le désir d’être et porté le rêve de s’affirmer.
Le commentateur sénégalais – je reviens encore à lui – explique : «Des moyens ont fait aussi la différence. Là où les Sénégalais promettent des miettes aux joueurs en cas de qualification, la fédération mauritanienne propose à chaque joueur une prime de qualification d’un million d’Ouguiyas (monnaie locale) soit un peu plus de trois millions de francs CFA par joueur. Certainement le coût financier a fait la différence tout comme la présence dans les gradins du président de la République Ould Aziz, a sans doute motivé les joueurs à aller jusqu’au bout. Le tout grâce à une équipe dirigée par un homme en l’occurrence le technicien français Patrice Neveu qui a fait de cette compétition sa priorité.»
Et là où Patrice Neveu ne s’est pas trompé, c’est quand il a dit : «C’est un peuple qui a besoin de reconnaissance»

Cette victoire est un premier pas vers cette reconnaissance dont on a besoin. Mais elle est déjà une communion, un moment de retrouvaille pour nous, un moment d’affirmation pour ce que nous sommes et ce que nous devons être : des Mauritaniens et fiers de l’être.

samedi 20 juillet 2013

Encore cette faillite des mairies

Dans quelques semaines, il sera question de renouvellement des conseils municipaux. A mon avis le bilan est fait si l’on prend comme critère les amoncellements, les poubelles et l’indifférence générale face à la gestion des déchets ménagers.
Tijikja, parce que j’y suis, à l’entrée de la ville, aux abords des principales artères, des ordures qui pourrissent emplissant l’atmosphère de leurs odeurs nauséabondes. Avec la pluie, les déchets fermentent et les odeurs se solidifient vous agressant comme s’il s’agissait de coups qu’on vous assène.
Même triste image à toute entrée de village, de commune ou de ville. Mais je ne parlerai que de Tijkja et de Boutilimitt où j’estime qu’il ya une population créditée d’une nette avance sur la plupart des Mauritaniens. La consistance de l’élite (en quantité et en qualité), la vieillesse des traditions urbaines, la Modernité et l’ouverture à la mondialisation… autant d’atouts qui auraient faire de ces villes, comme d’Atar aussi, des joyaux, des cités modernes et surtout propres.
A Boutilimitt, tout près de l’hôpital construit sur financement des Qataris, des amoncellements qui pourrissent l’environnement des malades hospitalisés et des leurs. Au milieu de ces amoncellements, des citernes de gaz remplissent les bouteilles en dehors de toute norme de sécurité. Sur l’avenue principale, celle que constitue le goudron de la route de l’Espoir, vous ne pouvez faire cent pas sans être agressé par les odeurs pestilentielles.
C’est bien parce que je connais les maires de ces deux villes (et que je les respecte) que je les interpelle ici personnellement : Mohamed Ould Biha et Youssouf Ould Abdel Vettah, bougez-vous, l’image que reflète votre exercice est bien ternie par la présence des ordures dans les rues de Tijikja et de Boutilimitt ; Messieurs les maires, l’odeur qui pollue l’environnement dans les deux villes et qui met les populations en danger, cette odeur est une sorte d’objection de conscience pour votre exercice, elle est un désaveu permanent de cet exercice.

Je suis malheureux parce que je sais que si ces deux maires-là ne sont pas conscients du préjudice que cette situation fait subir à la décentralisation, aux élus locaux et finalement à la démocratie, si eux qui ont les moyens et qui peuvent avoir les moyens dont ils ont besoin, si eux deux ne font rien, on ne peut rien espérer des maires de DarNaim, de Arafat, de Nouadhibou, de Néma, d’Aïoun, de Kaédi, de Sélibabi, de Kiffa, de Rosso… de tous ces maires qui n’ont pas leur culture, leur niveau de conscience politique et leurs moyens.

vendredi 19 juillet 2013

La quatrième fête des dattes

C’est la quatrième édition de la fête des dattes à Tijikja, capitale du Tagant. Plus d’officiels que d’habitude, mais pas de ministre. Elle s’assagit parce qu’elle devient plus populaire. Surtout que le Ramadan a dû dissuader la «bourgeoisie» de Nouakchott de faire le déplacement. Cette popularité se traduit par l’ouverture sur les Oueds du Tagant d’abord, ensuite sur toute la culture oasienne de Mauritanie.
Dès la séance d’ouverture un accord a été signé entre les maires des communes à vocation oasienne pour mutualiser la fête sinon à l’organiser de façon alternative. C’est au cours de la cérémonie officielle d’ouverture de la quatrième édition que l’accord a été solennellement annoncé. Le maire de Tijikja, Mohamed Ould Biha a accepté le principe.
Si l’on comprend bien, la fête de Tijikja est désormais «la fête des dattes» parce qu’elle intervient en période de guetna. Parce qu’elle implique désormais toutes les communes oasiennes.
La quatrième édition de la fête arrive en plein Ramadan, ce qui lui donne un cachet religieux qui s’est traduit par la présence des troupes de Med’h. autre particularité : la présence des poètes dont ceux qui ont participé aux compétitions internationales, genre Emirou Chou’araa Sidi Mohamed Ould Bamba, Mohamed Ould Taleb, Abu Shaja, Ould Bella’mash…
Moins ambitieuse que les années précédentes, la fête de cette année n’a pas attiré le grand Nouakchott. Comme qui dirait que les Tijikjois ont décidé de passer la main. Le prétexte de l’implication des autres est bon quand on sait que la manifestation est coûteuse pour l’habitant, surtout le cadre qui se trouve obligé de mobiliser une infrastructure de réception pour les amis et compagnons venus d’ailleurs.
On ne saura pas pourquoi c’est au secrétaire général du ministère du développement rural qu’est revenu la mission d’ouvrir cette édition du festival. Pourtant c’est le ministère de la culture qui prend en charge pour l’essentiel la facture. C’est son secrétaire général qui invite autorités et partenaires. Il est plus question de culture que d’agriculture, de tourisme, de commercialisation des produits…
Qu’à cela ne tienne, c’est le Maire de Tijikja qui ouvre la cérémonie. Trois secrétaires généraux (développement rural, culture et commerce), le Wali, les Maires des communes oasiennes du Tagant et de l’Adrar, et une forte délégation de l’UPR conduite par son secrétaire général, Oumar Ould Maatalla, par ailleurs ministre de l’enseignement secondaire, avec lui le fédéral de son parti Mohamed Ould Abdi.

Moins de chao dans l’organisation que les précédentes éditions, mais assez de laisser-aller. Sympathique cependant atmosphère.

jeudi 18 juillet 2013

Mort d’un authentique rebelle

J’apprends ce soir la mort de Mohamed Ould Cheikh Ould Ahmed Mahmoud. Une légende parmi ceux qui ont participé aux balbutiements de la Mauritanie moderne.
Dans mon enfance, j’ai beaucoup entendu parler de l’homme. D’abord quand il était ministre de la défense et que, dans mon environnement social, on l’accusait d’être derrière «l’acharnement» qu’on prêtait au pouvoir de l’époque contre l’Emir Ould Oumeir et ses compagnons qui étaient rentrés du Maroc en 1964.
Ensuite quand il a été accusé d’avoir fomenté une sorte de «putsch» avant l’heure. Ce qui lui avait valu d’être écarté du pouvoir.
Je comprendrai plus tard que tout ce que j’entendais sur l’homme relevait d’une propagande malveillante. J’apprendrai qu’il est le véritable auteur d’un ouvrage qui racontait la Mauritanie du labeur, celle du prolétariat. «Hamid al Muratani», son nom d’emprunt, a essayé de faire une lecture du rapport de classes dans la société mauritanienne traditionnelle. Une vision moderne de l’Histoire et de sa dynamique même si la grille marxiste donne une lecture tronquée. Un essai qui galvanisera la gauche de l’époque et qui sera le livre-référence de toute une époque.
En 1992, alors que je travaillais à Al Bayane, quelqu’un est venu me dire qu’un certain Mohamed Ould Cheikh voulait me voir et qu’il était prêt à se déplacer. L’âge, le rang social et le respect qui est dû à cette famille d’érudits – une famille qui a donné Abdel Wedoud, Docteur Cheikh, Abdallahi… maa cha a Allah -, la classe de l’homme m’obligeait plutôt à aller moi-même le voir.
L’occasion de m’entretenir avec lui des heures durant. Il était venu à Nouakchott, acceptant de rompre momentanément un exil volontaire dans le village de Ayn Essalama près de Boutilimitt. Ce voyage, le premier du genre avait été causé par un arbitraire subi par son fils. Parce qu’il a été l’un des premiers enseignants du Président Maawiya Ould Taya, il voulait le faire intervenir pour lever cette injustice. Mais le faire intervenir sans que cela l’oblige à se rabaisser à solliciter ce concours. Pour lui, une injustice est obligatoirement réparée par le premier responsable du pays…
Quand je venais le voir, on parlait plus de notions comme «l’espace public» que du problème qui le tracassait. Il m’expliquait que «tout commence par là : la reconnaissance d’un domaine public». Il était excédé par la gazra et trouvait qu’elle était la manifestation de la faillite de l’Etat. Il me disait que la gazra ouvrait la voie à toutes les dérives, y compris l’inféodation de l’Appareil judiciaire aux mafias politico-financières qui avaient fait main basse sur l’Etat. Il prédisait un destin sombre pour le pays si l’on ne revenait pas au respect du domaine public.
Je comprenais alors que j’avais là un homme qui avait fait ses choix qu’il défendait en les adoptant dans ses comportements de tous les jours. Un homme de principe comme on en voyait de moins en moins. Un homme de conviction et d’engagement. En somme, un romantique réfractaire aux diktats de la société et à tous les prêt-à-porter de la pensée. En somme un authentique rebelle…
C’est cet homme qui nous quitte aujourd’hui. Sans fracas. Portons son deuil qui est aussi celui d’un certain sens de l’engagement, une certaine philosophie et une pratique de l’humanisme universel.
C’est aux Mauritaniens, dans leur ensemble, qu’il faut présenter ses condoléances à la suite de la mort de Mohamed Ould Cheikh. L’anti-esclavagiste, le moderniste, le militant de la citoyenneté, de l’égalité, de la justice… le patriote incompris de ses compagnons qui l’ont écarté trop tôt.

Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune. 

mercredi 17 juillet 2013

4 en 1, confusion de numéros

C’est l’histoire de mon ami Mohamed Mahmoud, un personnage fait politesse, humilité et humanisme. Avec lui, la confusion des numéros prend une ampleur particulière. Il est toujours dérangé par ceux qui appellent d’autres. Et il a fini par s’habituer au public de quatre personnes, chacune prenant un moment de la journée plus que les autres.
Dès le petit matin, il est réveillé par ceux qui veulent parler à «Hasni». Il finira par savoir qu’il s’agit d’un chauffeur de taxi qui prend ses départs de la ville de Kiffa. Il y a ceux qui lui demandent «pourquoi le retard ?», ceux qui se rappellent à son bon souvenir pour «ne pas être oubliés», ceux qui attendent à tel ou tel endroit… et toujours sans attendre la réponse, ils raccrochent parfois après avoir exprimé clairement leur état d’âme. Le bal des «clients perdus de Hasni» dure jusqu’à 10 heures.
Souvent à partir de ce moment, parfois un peu plus tard, ce sont ceux qui cherchent Hamoud, un ancien administrateur, notable de son état et très sollicité par ceux qui sont liés à lui. Et toujours sans attendre de savoir qu’ils font erreur, ils se lancent dans des explications et ne laissent pas à Mohamed Mahmoud la possibilité de placer un mot. On imagine l’énervement quand ils se rendent compte de la méprise après avoir exposé leurs problèmes. «Yakhouya maa tgoulli ‘annu maahu nta…» Justement «huwa aana ba’d yaghayr maani huwa»… ça se termine souvent par des remontrances mal formulées.
A partir de 15 heures, Mohamed Mahmoud est pris pour «Docteur Hamidoun». C’est le ballet des patients qui veulent prendre rendez-vous, changer une ordonnance, avoir un conseil, savoir comment le trouver «immédiatement»… La méprise dure jusque dans les 23 heures.
Là commence le ballet de «Melika». Des appels insistants même après avoir eu Mohamed Mahmoud et compris qu’il n’avait rien de Melika. Parfois l’abord est familier, parfois non. Mais toujours pressé de déverser ce qu’on a à dire. Sans attendre donc de savoir si on a la bonne personne…
Mon ami Mohamed Mahmoud prend la chose philosophiquement. «Le matin, je suis le chauffeur de taxi, le midi, le notable, l’après-midi le docteur et le soir la fille. Je me suis habitué à cela et la méprise ne me dérange plus».
Moi je vous le raconte pour partager avec vous quelques-uns des multiples inconvénients de cet outil qu’est le téléphone dans une société comme la nôtre où l’excuse n’existe pas, où l’autre n’a pas le droit de dormir ou de converser tranquillement sans être dérangé par quelqu’un qui, au mieux, va dire : «ghalat». Accompagnant souvent le moment d’un rire qui vous laisse l’impression qu’un inconnu vient de se payer votre tête.

mardi 16 juillet 2013

«C’était seulement un jeune black qui rentrait chez lui à pied…»

Et pour continuer la citation : «…, pas armé, et il a été tué parce qu’un homme blanc a eu peur». C’est ainsi qu’un manifestant résumait l’affaire qui secoue l’opinion publique américaine…
Tout commence le 26 février 2012 quand un adolescent de 17 ans est pris pour cible par un vigile de 29 ans. Le jeune était afro-américain et s’appelait Trayvon Martin. Il venait de s’acheter des friandises (bonbons) d’un magasin et en sortait, rabattant sur sa tête la capuche de son blouson. Quand il fut interpellé par un vigile, George Zimmerman qui passait par là et qui avait suspecté le jeune de délinquance. L’altercation finit dans le sang parce que le vigile n’hésite pas à tirer sur l’adolescent. Sa défense arguera qu’il était en légitime défense.
L’acte avait été immédiatement assimilé à un meurtre. Il ne laissa personne indifférent. Même le Président Barack Obama dut commenter sévèrement l’acte : nous étions à la veille de la présidentielle et il fallait au premier président afro-américain ne pas s’aliéner la communauté à laquelle il est supposé appartenir. Il avait alors dit que s’il avait un fils, «il ressemblerait à Trayvon».
L’acte intervenait après plusieurs tueries qui avaient traumatisé l’Amérique sans la convaincre de mettre en œuvre une législation à même de limiter le port d’armes. C’est dire combien était attendu le verdict du procès du vigile qui a finalement été acquitté par un jury populaire composé de femmes, toutes blanches selon certains commentateurs. Aux Etats-Unis, c’est l’incompréhension et la colère qui motivent les milliers de manifestants qui sont quand même restés calmes.
«Nous ne sommes malheureusement pas surpris par ce verdict, nous vivons dans un système où la violence et la sécurité se confondent, où des Américains estiment qu’être en sécurité signifie sortir son arme et tirer en premier». Depuis l’enquête de la police, on a jugé bonne la version de George Zimmerman selon lequel il a été agressé par l’adolescent. Au nom de la loi «Stand your ground» qui autorise l’usage d’une arme à feu dès qu’on sent sa vie mise en danger chez soi ou dans un bar.
Le procès qui s’est ouvert le 24 juin n’a même pas été l’occasion de dénoncer le délit de faciès, encore moins le racisme qui conduit à des méprises pareilles.
La colère des américains est légitime. Elle est restée raisonnée parce qu’elle n’a pas occasionné de débordements comme ce fut le cas quand il y a eu l’affaire Rodney King à Los Angeles en 1992. Ici, ce sont des policiers qui se sont acharnés contre un afro-américain esseulé et sans défense. La violence des images n’a pas empêché la justice de prononcer l’acquittement des policiers. Ce qui a suscité une vague de violence qui a touché tous les Etats Unis.
Le verdict dans l’affaire Trayvon a failli provoquer la même explosion de violence. Mais les manifestants se sont retenus. En attendant de trouver la possibilité de corriger, on célèbre la mémoire du jeune Trayvon Martin. Les bonbons et la capuche sont devenus les symboles du ralliement à la cause de Trayvon.

lundi 15 juillet 2013

Les effets de mode

Il y a quelques semaines, les éléments du GGSR et ceux de la police avaient déclenché une campagne d’interdiction de stationner aux abords de la BCM. C’est le grand espace situé en plein milieu des administrations qui était désormais réservé au stationnement des véhicules. Plus question de les laisser encombrer les abords du Sénat, de la BSM, du Ministère de l’intérieur, de la défense… Plusieurs jours durant, de jeunes éléments furent mobilisés pour habituer les usagers à utiliser cet espace pour garer leurs véhicules. On aurait dit à ce moment-là que le grand problème du pays était celui-là : le stationnement plus ou moins abusif aux abords de ces administrations.
Passez aujourd’hui par là pour voir que l’on est revenu à la situation ante. Les vieilles habitudes sont revenues de plus belle : plus de place où garer parce que les abords de la BCM sont de nouveau encombrés.
J’en parle, parce que c’est la même chose pour l’environnement de la Polyclinique. Souvenez-vous quand on engageait une violente campagne contre les détaillants et commerçants de la zone au nom d’une réorganisation de l’espace. Débats télévisés, débats radiophoniques, opérations coup-de-poing, grenades lacrymogènes, matraques… tous les moyens furent utilisés pour dégager la place et obliger les vendeurs à déguerpir. Quelques mois après, ils ont revenus exactement là où on voulait leur interdire de s’installer et de s’adonner à leurs activités.
C’est la même chose partout où l’on a essayé d’imposer l’ordre par la force publique et où, finalement, c’est le désordre qui a fini par l’emporter.
Les couleurs des taxis, les axes, le respect des feux, la décongestion des marchés… toutes les fois où les autorités ont voulu imposer un ordre, cela a pris l’allure d’un effet de mode. La campagne démarre en grande pompe, avec les explications et les justifications, avant de retomber et laisser régner le désordre ante.
Qu’est-ce qu’il faut en déduire ? la faiblesse de l’autorité publique ? la réfraction de la population à l’ordre ? le refus de respecter les lois et règlements ? l’incapacité de vivre ensemble ? ou tout ça ensemble ? 

dimanche 14 juillet 2013

Socrate n’est pas Mauritanien

C’est une émission de télévision qui cherche visiblement à créer une atmosphère plaisante en donnant la parole aux enfants. Le jeune reporter pose des questions compliquées à des enfants âgés de 4 à 9 ans. Cela passe par la définition du «socialisme», du «capitalisme», «qu’est-ce que les Talibans ?», «c’est quoi le salafisme ?», parfois des questions à propos de pays ou sur l’histoire du monde arabo-musulman.
On peut bien se gausser des réponses qui sont toujours farfelues, surprenantes ou tout simplement dangereuses. Mais on ne peut que remarquer que sur la quinzaine de gosses qui subissent le test, aucun ne dit : «je ne sais pas». Les plus timides d’entre eux – ils sont peu nombreux – regardent à gauche et à droite avant d’avancer une réponse. Mais vous n’entendrez jamais «je ne sais pas» (maa na’raf).
C’est une attitude bien de chez nous. Qui vous a jamais dit qu’il ne sait pas quoi vous répondre pour être ignorant de la chose ? Ici chacun prétend tout savoir ou au moins savoir un peu de tout. Juste de quoi donner l’impression que l’on était un «fataa», un gentilhomme au sens médiéval du terme : la tête bien pleine plutôt que la tête bien faite. C’est ainsi qu’entre le faqih et le médecin, vous ne pouvez faire la différence, l’un répondant à la place de l’autre dans ces émissions du Ramadan. Qui est le journaliste dans tout ça ? qui est le technicien ? qui est le spécialiste ?

…En réfléchissant à cette situation qui est la nôtre, je me suis rappelé que Socrate n’aurait jamais pu être un Mauritanien. Sa grande sagesse du Maître Socrate ayant été : «Tout ce que je sais c’est que je ne sais rien».

samedi 13 juillet 2013

Les rôles inversés

Ce sont maintenant les Russes qui cherchent à prouver aux Nations Unies que les rebelles syriens ont utilisé des armes chimiques, notamment le gaz sarin dans leur guerre. Pour ce faire, la Russie avance un ensemble de preuves basés sur des faits, des témoignages et sur des conclusions.
Le gaz utilisé aurait été fabriqué artisanalement tout comme les missiles qui ont servi à le transporter. Seuls les rebelles ont besoin d’en fabriquer artisanalement. Des journalistes de la télévision russe ont pu prendre en image l’une des attaques au gaz perpétrée par les rebelles. A partir des renseignements glanés çà et là, on peut conclure, toujours selon les Russes, que les rebelles ont bien utilisé des armes chimiques dans cette sale guerre.
Il y a quelques semaines, ce sont les Occidentaux qui rassemblaient les preuves contre les forces régulières. Des images de victimes ont alors fait le tour du monde. Des journalistes français ont fait une enquête qui leur a permis d’apporter les preuves de l’utilisation du gaz sarin dans cette guerre, cette fois-ci par le régime.
Dans cette guerre de Syrie, on semble tempérer les ardeurs depuis l’élection d’un réformateur en Iran. Il y a certainement un lien entre cette élection et l’apaisement de l’ardeur guerrière occidentale. Surtout que l’on sait que l’objectif premier était d’affaiblir, à défaut de détruire l’ossature de la résistance face à l’Etat hébreux et à l’Occident hégémonique en général.
Hier, l’Occident cherchait à prouver l’utilisation d’armes chimiques par le pouvoir pour le rendre encore plus criminel aux yeux de l’opinion publique et justifier une intervention armée.
Aujourd’hui, ce sont les Russes, alliés du pouvoir, qui cherchent à incriminer plutôt les rebelles. Dans les deux cas, les mêmes outils et les mêmes arguments.

vendredi 12 juillet 2013

Elections, un piège à…

Depuis le début, la question est posée : qui a intérêt et donc qui veut réellement aller aux élections ? La réponse est sans appel : personne ou presque.
Le nouveau système électoral, avec notamment l’augmentation des taux de proportionnelles, assure à tous, même les plus faibles, une part des sièges à pourvoir. Il est sûr donc que chacun des partis actuellement plus ou moins bien pourvus, y perdront des plumes.
Côté Majorité, l’Union pour la République (UPR) est loin d’être assuré de garder son poids électoral actuel. Héritier de ADIL, le parti du Président Ould Cheikh Abdallahi, l’UPR n’a pas eu l’expérience d’une compétition électorale depuis sa création autre que la présidentielle dont la dynamique était lancée et soutenue ailleurs.
Les partis satellites de l’UPR, comme l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP) ou le Parti républicain pour la démocratie et la réforme (PRDR) pour ne citer que les plus significatifs en termes de représentativité électorale, ces partis n’ont pas les moyens de rééditer leurs exploits passés. La conjoncture a changé et arriver aux mêmes scores relève de l’impossible pour eux.
Les nouveaux partis, comme ceux des jeunes, n’ont pas encore l’expérience requise pour être assurés de résultats «acceptables». Ils pourront certes profiter des mécontentements que susciteront les choix de l’UPR pour récupérer les plus déterminés des postulants à la candidature. Mais ce ne sera pas suffisant pour leur donner assez de confiance pour aller aux élections sans appréhensions sérieuses.
Côté Opposition, le statut du chef de file de l’Opposition répond à de nouveaux critères qui écarteront certainement Ahmed Ould Daddah, le président du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). D’abord l’esprit du Statut consiste à mettre en lace une Institution et non un homme : l’«Institution de l’Opposition démocratique» et non le «chef de file». Ensuite, il faut être un élu pour accéder à ce statut. Le président du RFD est donc sûr de ne pas pouvoir briguer ce poste de chef de file de l’Opposition. Pas besoin de parler du recul très probable du parti, ni de l’avancée d’autres partis d’Opposition, les nouvelles règles suffisent à elles seules pour assurer une alternance à la tête de l’Institution de l’Opposition.
Avec les évènements d’Egypte, mais aussi le positionnement quelque peu hasardeux au niveau national, les Islamistes de Tawaçoul doutent désormais de pouvoir faire le raz-de-marée qu’ils assuraient depuis deux ans. La récente visite de terrain du Président Ould Abdel Aziz a démontré combien est factice l’implantation du parti dans certains milieux : c’est dans les agglomérations «acquises» - jusque-là à Tawaçoul – qu’il a eu les accueils les lus fervents (le triangle Rosso-Rkiz-Mederdra). Le reflux «révolutionnaire», les prises de position sur la Syrie où la guerre civile a détruit tout un pays et le changement de stratégie chez les Qataris pèsent déjà sur l’analyse de la situation favorable jusque-là.
L’Union des forces du progrès (UFP) est poussée par son élite dirigeante vers le boycott. Même si le «centralisme démocratique» qui dicte au parti d’écouter la base, pousse déjà vers la participation. Le courant du boycott et du refus de la tenue de telles élections travaille sérieusement pour empêcher le débat sur la question.
Côté Opposition participative, on voit désormais l’initiative lancée par le Président Messaoud Ould Boulkheir comme une manœuvre visant à reculer l’échéance. Sinon comment comprendre que celui qui a diligenté le dialogue avec le pouvoir après avoir tout fait pour tenir ses compagnons à l’écart, qui a abouti à des résultats probants parce que significatifs pour l’organisation d’élections transparentes et régulières, qui a participé au tri d’une Commission électorale indépendante chargée d’organiser ces élections… comment comprendre que cet homme-là cherche aujourd’hui à reprendre un dialogue «inclusif», exige la mise en place d’un gouvernement de consensus (ou d’ouverture, ou d’union) chargé d’organiser les élections et reconnaisse ainsi l’échec de l’entreprise menée avec d’autres et dont les résultats ont été loués par tous ?
Finalement, on se rend compte que seuls El Wiam de Boydiel Ould Hoummoid, le Président Ould Abdel Aziz lui-même, les petits nouveaux partis qui n’ont pas de grandes influences sur l’opinion publique et un petit peu Tawaçoul, seuls ceux-là ont intérêt à voir se dérouler ces élections.
El Wiam parce que c’est un parti qui allie héritage de Taya, notabilisme et moyens, ce qui l’assure d’aller au-delà de ses espérances, surtout qu’il ne sera jamais perçu comme «opposition radicale». Ni par le pouvoir qui le traitera en partenaire et non en adversaire, ni par les éventuels mécontents qui voudront exprimer leur état d’âme sans aller trop loin.
Le Président Ould Abdel Aziz concoctera une Majorité à partir de la configuration politique qui apparaitra après les élections qui seront pour lui un teste avant l’échéance de 2014.
Pour les petits partis, ce sera l’occasion de profiter (au moins) de la proportionnelle et de se faire une place sur l’échiquier.