mercredi 31 octobre 2012

La sortie de Messaoud


Depuis une semaine, des sites d’information qui prétendent à un certain sérieux écrivent (et réécrivent) que le Président de l’Assemblée, Messaoud Ould Boulkheir, a demandé au Premier ministre de lui donner un bulletin de santé du Président de la République. Dans un deuxième temps, les mêmes sites ont publié que le même Ould Boulkheir a menacé d’interpeller le Conseil constitutionnel sur la vacance du pouvoir.
C’est pourquoi son intervention marque un tournant dans le feuilleton de l’automne que constitue l’événement du 13 octobre. L’intervention du Président Messaoud devait être comprise dans ce contexte de rumeurs et de fausses informations, d’accusations aussi contre sa personne. Il a voulu, comme il l’a dit, rassurer les Mauritaniens sur la santé de leur Président. Il devait ajouter, pour être juste, ceux des Mauritaniens qui veulent être rassurés et il y en a heureusement. Parce qu’il y a aussi ceux qui ne cherchent pas à l’être et qu’il faut laisser se débattre dans les pénombres de leurs noires consciences.
Des anciens collaborateurs de Ould Abdel Aziz, abandonnés en cours de route, des anciens soutiens de Ould Taya, orphelins aujourd’hui d’un passé «généreux», des prédateurs d’antan toujours assoiffés de misères mauritaniennes, des jeunes fils-à-papas dont les pères ont sévi en leur temps, tous relayés par des sites «intéressés» parce que partisans, ont pu entretenir une atmosphère malsaine tout ce temps. L’intervention de Messaoud a éclipsé, voire annihilé les efforts et la stratégie de ceux-là.
Pour conclure en attendant le retour ici du Président de la République, on peut retenir deux choses : la continuité des services publics donc du gouvernement et la maitrise de l’élément sécuritaire.
Rien, absolument rien, n’a été perturbé dans la marche publique quotidienne. Les salaires ont été versés normalement la veille de la fête de l’Aïd, la prière s’est déroulée normalement sous la présidence du Premier ministre et avec la présence des personnalités qu’il faut : Président de l’Assemblée, ministres, ambassadeurs, personnalités civiles et militaires…
Mais là où les autorités ont excellé à mon avis, c’est l’absence de tout déploiement particulier dans les rues. Aucun dispositif n’a été déployé depuis le 13 octobre, ce qui a permis d’atténuer les effets dévastateurs des rumeurs savamment orchestrées et répandues à Nouakchott et à l’intérieur du pays. Et c’est tant mieux.
Le Président de l’Assemblée nationale s’est emporté face aux questions qu’il a ressenties comme des provocations. A travers lui, ce sont tous les acteurs politiques qui doivent savoir que les journalistes ne sont pas là pour leur faire des cadeaux, pour les caresser dans le sens du poil ou pour les encenser. Leur devoir est de les déranger, de les acculer et de les sortir de leurs réserves. A eux de se retenir, de se contrôler, d’esquiver les questions indésirables, de ne pas y répondre, de contre-attaquer mais dans la mesure du convenable… Heureusement que le Président de l’Assemblée a eu le réflexe de présenter ses excuses à la profession, une humilité qui demande un certain sens de la responsabilité qui fait défaut chez la plupart de nos hommes politiques qui nous reprochent parfois leurs échecs et leur manque de discernement. L’incident est clos mais il doit être le moment de repenser nos rapports les uns aux autres. Encore une fois, c’est aux politiques de revoir leurs copies…

mardi 30 octobre 2012

Aux sources de la rumeur

Il était habillé sobrement : un boubou passablement terni, une chemise rose manches longues, des chaussures de grande qualité… Il s’est assis face à moi dans la salle d’attente d’un haut responsable politique de la place. On ne se connaissait pas, on se tournait donc le dos (en fait le regard).
Son téléphone sonne. «Wanni, wanni… ah, bon ? sur la chaine Al Alam, la chaine iranienne ? ah bon ? Je n’ai pas vu, mais je sais que c’est une chaine très sérieuse. D’ailleurs il y a quelque chose qui ne tient pas. Je vais prendre pour toi toutes les informations et te rendre compte. Mais je peux te dire d’ores et déjà que les médecins français qui l’ont traité ont effectivement exprimé beaucoup d’inquiétudes. Ça, gaa’, je le sais par une source digne de foi qui était à l’hôpital Percy… ah bon ? ils ont dit l’hôpital américain ? donc à l’hôpital américain, c’est là-bas qu’il s’est soigné… en tout cas les médecins disent qu’il est irrécupérable… non, ne t’en fais pas, je te donnerai l’information exacte, mais saches que tu dois être certain qu’il est mal en point…»
Est parti ainsi cette rumeur concernant des révélations qui auraient été faites sur cette chaine que peu, très peu, de Mauritaniens regardent. Une chaine qui n’a aucune prédisposition particulière à être plus informée que les autres et surtout pas que les Mauritaniens.
De retour ici, je me rends compte combien le pays a été secoué par les folles rumeurs de samedi dernier (27/10). Coup d’Etat, incapacité du Président, réunion du Conseil de sécurité… mais quel «conseil de sécurité» ? qui décide de l’incapacité du Président ? le Conseil constitutionnel ? qui dirige en son absence ?
L’esprit critique aurait permis à chacun de nous de faire les conclusions qu’il devait faire. Il n’y a pas de conseil de sécurité en Mauritanie. Si on me dit que l’Etat Major est encerclé, je vais voir ce qu’il en est. Si on me dit qu’un autre lieu est encerclé par des forces spéciales, je m’en vais contrôler. En Mauritanie tout peut être connu si l’on veut. Mais veut-on vraiment ?
Je ne pense pas pour ma part. Comme je le répète depuis des années, la vérité n’est plus l’objet de quête. La précision non plus. C’est ce qui explique le règne de la rumeur. On en vit désormais. Mais avec elle, nous perdons du temps et de l’énergie. D’abord à savoir comment, ensuite à savoir pourquoi…

lundi 29 octobre 2012

Faute de communication


Quand en 1989, le gouvernement de Ould Taya refusait de communiquer ou de laisser communiquer sur les évènements avec le Sénégal, il condamnait le pays à paraitre comme le méchant du contentieux. Tout le monde l’avait dit, lui-même l’avait reconnu. On croyait qu’avec lui finissait cette époque où la rigidité de la personne et son renfermement déteignait sur la conduite des autorités. L’ouverture médiatique sans précédent enclenchée en 2005 devait convaincre les premiers décideurs de l’utilité d’une communication utile et efficace. Rien ne semble acquis.
On doit certes se féliciter de la rapidité avec laquelle les autorités ont donné l’information sur l’accident du Président, même si les imprécisions devaient participer à semer la confusion. Se féliciter surtout de la sortie du Président lui-même avant de prendre l’avion pour Paris. Mais depuis ?
On a cumulé maladresses et insouciance. Quand on sort une photo du Président en pyjama, en compagnie du ministre de la défense en visite à Percy, on prend beaucoup de risques. Quand, une semaine après les évènements, on décide de sortir la version du tireur malheureux, on ajoute à l’interrogation. Quand on publie, sans l’image ou le son, un message du Président à son peuple, on renforce le doute…
En la matière, l’amateurisme n’a pas sa place. Il peut même être contreproductif donc dangereux. Qu’est-ce qui est en jeu ? C’est la santé du Président de la République. Ce n’est pas celle du citoyen lambda. C’est celle de celui qui a été élu par 53% de Mauritaniens pour assurer la stabilité du pays, la justice pour les citoyens, l’application de la loi, la prospérité pour tous, la démocratie, l’égalité… je cite en vrac pour dire l’ampleur de la mission de l’homme dont on ne sait absolument rien aujourd’hui. Du moins officiellement.
Quand les autorités ont communiqué l’autre soir sur les évènements, il y a eu une version officielle, plus ou moins crédible mais tout à fait proche du réel. Cela a fait cesser momentanément les rumeurs. Alors pourquoi ne pas communiquer aujourd’hui ?
Etant à Paris, je crois savoir que le Président s’est rendu, après sa sortie de Percy, dans une maison de la campagne, «hors de Paris» en tout cas. Là, il vit une convalescence entouré de ses proches, sans contact avec les Mauritaniens de France. Mais en liaison permanente avec le pays dont il suit les affaires comme s’il était en voyage. Qu’y a-t-il diable à cacher en cela ? Rien sinon qu’on veuille, pour une raison ou une autre, entretenir les rumeurs les plus folles. Quel intérêt ? Aucun, si ce n’est de cultiver une culture de doute et de décrédibilisation de tout ce qui est officiel.
Le droit de savoir et le devoir de communiquer, deux notions qui doivent être remises à jour chez nous. Deux notions qui sont aussi le fondement de la démocratie, même si elles n’ont jamais semblé préoccuper la plupart d’entre nos acteurs.
On sent l’inquiétude chez chaque Mauritanien. L’inquiétude fonde le doute qui est en lui-même un drame que notre espèce peut vivre en termes de violentes déchirures. Ce n’est pas de la philosophie, c’est la condition humaine qui fait qu’on n’aime pas l’incertain, qu’on est sceptique quand on sent qu’on nous cache quelque chose et qu’on perd la foi quand on est à ce stade-là.
Demain le Président rentrera ou après-demain… Restera pour nous le goût amer d’avoir été floués : nous ne savons rien aujourd’hui (de précis) de l’homme qui a promis d’être «nouveau» et qui ne nous a jamais rien caché depuis qu’il est là.

dimanche 28 octobre 2012

Ahmed Ould Khoubah n’est plus


Que c’est dur d’apprendre la mort de quelqu’un, que c’est dur quand on apprend la mort de quelqu’un qu’on aime… c’est encore plus dur quand on est loin de ceux qui peuvent partager la douleur de l’instant…
Je suis seul… non, pas seul parce que je suis dans un métro parisien à une heure de forte affluence… si, je suis seul parce que personne de ce monde qui est là ne peut m’être d’un secours quelconque… aucun ici ne peut me soutenir en ce moment de faiblesse… aucun ne peut m’écouter tenter de résumer l’homme Ahmed Ould Khoubah dont je viens d’apprendre la mort, le résumer en quelques mots qui ne peuvent être dits que dans ma langue : «maa ‘alimna ‘alayhi min suu’in».
On se rend compte combien sont utiles ces rassemblements qui suivent la perte de quelqu’un et pendant lesquels on rivalise en discours oraisons, comme si l’on découvrait les qualités de la personne à laquelle on n’a souvent rien reconnu en son vivant. Quelqu’un me dira que le plus regrettable, c’est qu’on va dire d’Ahmed ce qu’on dit des autres morts. Non ! ce n’est pas juste.
Ahmed Ould Khoubah est l’un des premiers professeurs de mathématiques du pays. Jeune contestataire, il a appartenu à la mouvance des Kadihines, ce mouvement de gauche qui a marqué les années soixante et soixante-dix. Un avatar du mai 68 français. A l’époque où l’on ne savait pas encore que «le marxisme n’est qu’une autre façon d’occidentaliser le Tiers-Monde» (selon les termes de Claude Lévi-Strauss). La mondialisation a connu ici l’une de ses expressions.
Pour dire que Ahmed Ould Khoubah a marqué l’esprit de deux générations de Mauritaniens : celle qui est la sienne et celle qui avait fini par les voir en modèles. Je fais partie de la dernière, celle qui a vu les Kadihines se compromettre un à un et renier toutes les valeurs pour lesquelles ils avaient pourtant emballé des pans entiers de la société.
Contrairement à la plupart – pour ne pas dire tous ceux qui ont été aux affaires -, Ahmed Ould Khoubah a tenu malgré les coups du temps, malgré les tendances des «camarades», malgré les déviances sociétales… Il est resté Ahmed Ould Khoubah, un être rare pour ne pas dire unique : chaque homme peut être unique, mais rares sont ceux qui sont …rares.
Mes larmes ce jour-là pouvaient couler à la porte de la Gare de l’Est… Avec la perte de Ahmed Ould Khoubah, je perdais une inspiration, pas seulement un proche. Et comme j’étais loin, je n’avais d’autre consolation que celle-là…
Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune.

samedi 27 octobre 2012

Le Président ne viendra pas


L’exposition des produits mauritaniens continue dans le hall de la Bourse de Paris. Elle n’attire pas beaucoup de monde. Pour nous, c’est un problème de communication. Pour ceux qui l’hébergent, c’est la fête de la Toussaint et ses vacances, la paresse des Parisiens…
Tous les officiels venus de Nouakchott sont là. A eux s’est ajouté, le vice-président du Sénat, Mohamed el Hacen Ould Haj de passage à Paris. Suffisant pour délier les langues : «le Président Ould Abdel Aziz va visiter l’exposition…» On rabat les troupes. Même à Paris, l’effet du téléphone arabe est extraordinaire. Mais c’est surtout de Nouakchott que les appels sont les plus pressants.
Je reste sur les lieux, le temps de me faire servir un plat de couscous cuisinée par une famille de compatriotes vivant en France et profitant de l’expo pour proposer ses services.
J’apprends que le ministre du commerce a signé un accord avec la Chambre de commerce de Paris à Caen. J’apprends aussi la manifestation d’intérêt de quelques gros investisseurs, y compris dans le domaine des pêches.
Tout le monde est finalement content de la manifestation. Le ministre promet l’élaboration d’un document critique pour éviter les erreurs actuelles au futur. Et là je pense à une particularité bien de chez nous : nous donnons toujours l’impression d’avoir à faire les choses pour la première fois. On ne capitalise pas les expériences du passé et on se lance toujours comme si c’était la première fois. En tout.
Pas besoin de chercher loin, toute entreprise que nous lançons, nous voulons bien faire croire qu’elle est la première du genre, même si on va dire que nous sommes à tel nombre d’éditions. C’est le goût de l’improvisation et la tendance à l’inorganisation. C’est maladif, mais regardez autour de vous.
Même en politique, c’est ce que nous essayons de faire, toujours à vouloir reprendre des élections, les organiser, les contester pour les voir réorganiser, les organiser de nouveau… un cycle qui n’en finit pas de nous désespérer de la démocratie et de nous-mêmes. La même chose pour les projets de développement, pour les manifestations anodines…
J’ai toujours pensé qu’il s’agit là de l’une des nombreuses conséquences de notre rapport au temps. Ce rapport qui nous refuse d’avoir une vision progressiste et historique du temps. Nous refusons de regarder derrière nous pour faire la somme de ce que nous avons fait et nous projeter vers un avenir quelconque. Non, on tourne en rond. Toujours obligés de reprendre là où l’on a commencé la première fois.
La révolution à notre niveau, c’est d’abord celle de la reconquête du temps, de la correction de sa perception chez nous. Elle n’est pas pour demain. 

vendredi 26 octobre 2012

Jour de fête


Nous sommes jour de fête d’Al ad’ha. Je remarque qu’on ne dit plus en France «Tabaski» ou «Aïd el kebir» mais «al ad’ha» qu’on prononce plus ou moins correctement. Ce doit être lié à l’actualité en Syrie où une trêve a été décrétée sur demande de l’envoyé spécial des Nations Unies. On a donc repris l’appellation arabe et essayé de restituer la prononciation originelle.
Ici la fête se fête… surtout dans le quartier où je suis. Partout des groupes qui vont dans des lieux de prières, souvent des mosquées reconnues comme celle où nous allons prier «El fat’h», non loin de la Goutte d’or à Barbès.
Un «cousin» nous explique que nous avons à «remercier Allah de nous avoir permis cette prière. Il y a quarante ans, mon père se battait ici pour avoir le droit de prier avec ses coreligionnaires. Il a fini par être soutenu seulement par trente personnes qui tenaient à avoir un lieu où pratiquer leur culte. Pendant très longtemps cela n’a pas été notre préoccupation… Aujourd’hui regardez ! ce n’est pas la seule mosquée du coin, il y en a d’autres, aussi pleines, aussi vivantes…»
C’est ce qui dérange une partie de l’intelligentsia «de souche» qui y voit la continuation de la conquête musulmane qui, dit-on, s’est arrêtée à Poitiers en 832. Justement, c’est à Poitiers que le dernier incident d’occupation d’une mosquée a eu lieu. C’est là que les «Gaulois» ont senti le ciel leu tomber sur la tête en voyant «les hordes de barbares Sarrazins ou Maures déferler dans leurs rues…». Seulement aujourd’hui, les Musulmans ne sont plus les Maures ou les Sarrazins d’antan. Ils viennent de toutes les origines, de toutes les couleurs, de tous les milieux… On sent, même si on n’est que de passage, le dynamisme de l’Islam de France.
Malgré tout ce qu’on entend de loin, on ne sent pas une suspicion particulière. Au contraire, à Paris en tout cas, ce sont Africains et Arabes qui dominent. Dans les rues où ils sont les plus visibles. Dans les trains où ils sont les plus bruyants. Dans les restaurants, les hôtels, au pied des immeubles… partout, partout. Et sur les «Blancs» qu’on voit, il suffit de prêter les oreilles pour savoir que la plupart viennent d’ailleurs (européens). En fait on peut rester à circuler à Paris sans entendre parler Français que de temps en temps. C’est un aspect de la marche du Monde où les frontières disparaissent. Un aspect de ce que les sceptiques appellent «la mondialisation» et qui n’est peut-être qu’une formule non aboutie de l’universalité. En attendant, cela a donné Obama aux Etats Unis, Sarkozy en France… Imaginons le cheminement qui a été celui des deux hommes. De quels parents sont-ils nés ? où ont-ils grandis ? comment sont-ils parvenus là où ils ont fini par parvenir ? Après on relativisera toutes ces questions liées au mouvement naturel des hommes…

jeudi 25 octobre 2012

La Mauritanie célébrée


Cela commence par des présentations : du ministère du développement et des affaires économiques dont le représentant a essayé de cadrer le cadre et le climat des affaires ; du ministère des mines et du pétrole qui a présenté les deux secteurs porteurs de l’économie nationale ; du ministère du commerce et du tourisme dont l’intervention a présenté la stratégie en matière de commerce et de tourisme justement ; et enfin, du Conseiller du Président chargé du dossier «Nouadhibou, zone franche». Le tout suivi d’une série de questions auxquelles des réponses ont été apportées.
Avant de passer aux deux ministres présents, celui du commerce et celui du pétrole. Bamba Ould Daramane (commerce) qui se trouve être le principal maître-d’œuvre de la manifestation devait profiter d’une question posée par l’un de nos compatriotes, Melainine Néma Chérif, sur la sécurité, pour présenter la stratégie déployée par le pays en vue de sécuriser son territoire. Expliquant qu’il s’agit là d’un attribut de souveraineté et d’une nécessite pour la stabilité et la cohésion de cette jeune Nation. S’il était possible pour les groupes armés de circuler librement en Mauritanie, d’enlever ou d’assassiner des gens, ce n’est plus le cas. Reconnaissant qu’il n’y a pas au monde un lieu où la sécurité est assurée à 100%, il a insisté sur le fait que la Mauritanie a réussi quand même à reprendre en main son territoire et à y assurer l’ordre. En dehors des zones habitées et des points de passages obligatoires, des zones militaires ont été définies par les autorités, ce qui a permis de limiter les déplacements des groupes dans notre territoire. «Ce n’est pas parce que nous voulons attirer les investissements que nous avons entrepris de tels efforts, c’est d’abord pour assurer la sécurité et la sérénité de nos populations et protéger notre intégrité territoriale», a-t-il martelé.
Prenant la parole, le ministre du pétrole, Taleb Ould Abdi Val, a expliqué la politique d’ouverture de son département invitant les partenaires à venir. Proposant toutes les facilités légales pour permettre justement de réaliser le développement du pays qui se voit désormais en «pays minier».
Pour sa part, le président de la Chambre de commerce de Mauritanie, Mohamedou Ould Mohamed Mahmoud a pris la parole pour expliquer que «nous voulons une coopération gagnant-gagnant, pas plus».
L’originalité de la journée a été sans doute la présentation du projet «Nouadhibou, zone franche» qui semble avoir intéressé les nombreux présents. Ils étaient plus d’une cinquantaine d’opérateurs à avoir fait le déplacement ce jour-là. Après cette séance, la délégation officielle conduite par Bamba Ould Daramane a visité les stands où étaient exposés les produits mauritaniens.

mercredi 24 octobre 2012

La Mauritanie à Paris


On se prépare à la Bourse de Paris à déployer l’artisanat, les images et les atouts de la Mauritanie. Mais le sujet reste celui de la santé du Président de la République. Les rumeurs qui circulent à Nouakchott ont reprises ici. Sans esprit critique.
On parle des gens qui ont fait le déplacement. Des parents, des amis, des hommes d’affaires… des raisons des uns et des autres. On exprime la compassion. Dans la communauté mauritanienne de Paris, on exprime surtout de l’incompréhension. Contrairement à ce qui a été annoncé par les médias nationaux (publics suivis par les privés), il n’y a pas eu de rencontre entre le Président et une délégation représentant les Mauritaniens de France. «Elle était prévue mais a été reportée au dernier moment», nous explique-t-on. Cela ajoute à la confusion.
Je décide quant à moi de me rendre à l’hôpital Percy dans l’après-midi. Avec mes confrères de TVM, nous marchons longtemps. Nous nous perdons malgré toutes nos précautions et nous n’arrivons sur les lieux que quelques instants après la sortie du Président. Beaucoup de Mauritaniens ont fait le déplacement ce jour. Nous finissons tous par peupler les bus et les trains du quartier pour revenir de là où nous sommes arrivés.
On croit que la résidence est sa destination. Mais non ! visiblement, il a choisi d’aller loin de Paris pour avoir le repos absolu. Du coup, nous respectons ce droit à la discrétion et ne cherchons pas à savoir où il est exactement. Même si nous sommes submergés par les rumeurs de Nouakchott.
Ce mercredi, la journée parisienne se termine sur une note d’espoir, celui de voir le Président Ould Abdel Aziz revenir au plus tôt en Mauritanie et engager de nouveaux processus à même de permettre l’ouverture de nouveaux horizons pour le pays.

mardi 23 octobre 2012

Vol de nuit


Cela fait longtemps que je n’ai pas pris Air France. Depuis en fait ce temps où la xénophobie, devenant l’un des aspects de la pensée dominante en France, a commencé à dicter certains comportements aux employés de cette compagnie. Cela a aussi coïncidé avec la hausse des prix des billets sur cette compagnie qui est aujourd’hui la seule à joindre directement Nouakchott à Paris.
Je prends donc l’avion d’Air France pour me rendre à Paris où la Mauritanie a décidé de se déplacer suivant en cela son Président parti s’y soigner. Là-bas, pendant quelques jours, la Mauritanie sera célébrée par le ministère du commerce, de l’artisanat et du tourisme (j’ai oublié quelque chose ?). Une troisième édition d’un évènement devenu «traditionnel», même si…
Dans l’avion j’utilise ma tablette pour visionner un enregistrement qu’on m’avait fait de Tergit, le premier film entièrement «mauritanien». Il a fait partie d’une saga produite par feu Hammam Fall, un précurseur à qui l’on doit, en plus de Tergit, «Nomades modernes» et «Maimouna». Des films qui ont accompagné les heures de gloire nationale marquée par la nationalisation des ressources, de la monnaie, de la culture et donc du cinéma.
J’adore regarder ce genre de films qui provoquent chez moi une plongée dans un Nouakchott et une Mauritanie insoupçonnable aujourd’hui. Ces filles qui dansent et chantent en toute liberté, sans provoquer d’émois. Hadrami Ould Meidah et tous les autres éléments de l’orchestre national, véritables créateurs, artistes incontestables, jouant un mélange de tradition et de modernité dont la somme fait un blues original (et originel, nous rappelant d’où vient cette musique…). Les orchestres d’Atar et de Kaédi débordant de bonheur et de gaieté. Et ces deux «vieux» dont le film tente de raconter les pérégrinations à travers une Mauritanie multiple et riche…
L’hôtesse qui me proposait «du thé ou du café» me tira de ma plongée dans ce temps qui me semblait être «le temps de la Mauritanie». Je décidai alors de partager ce moment… avec ceux qui n’ont pas oublié, avec ceux qui n’ont pas connu…

lundi 22 octobre 2012

A quelque chose malheur est bon


L’accident dont le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a été victime est la conséquence première d’un comportement qui fait fi des impératifs sécuritaires et qui fait oublier que la personnalité de Président de la République n’a pas le droit de s’exposer aux risques. Rien que parce que les risques qu’il court, il les fait courir à l’ensemble de la Nation. Nous espérons que la leçon sera tirée.
Cet accident a révélé deux choses fondamentales à mon avis. La première est liée à l’attitude des protagonistes politiques qu’on croyait définitivement installés dans une posture de forte inimité. Avec le discours qui prévalait sur scène, on avait fini par croire que la classe politique mauritanienne avait perdu le fondamental sens de la mesure et de l’abnégation. L’élan de solidarité exprimée vis-à-vis du Président et la suspension de la plupart des activités politiques, nous enseignent qu’un fonds de Mauritanie reste. Qu’il est prêt à affleurer si l’occasion se présente.
Ce fonds de Mauritanie, c’est ce qui doit faire qu’une convergence soit possible, que les acteurs puissent s’entendre sur l’essentiel qui est celui de préserver la stabilité du pays, son intégrité et la bonne marche de ses Institutions. En adoptant une posture conciliante, notre personnel politique s’est «trahi» en révélant «sa» vérité : pas de haine profonde…
Au lendemain de l’accident, dimanche matin, la vie se déroulait normalement dans tout le pays. Nous sommes dans un pays où la vendeuse du coin, le journaliste d’à côté, le charretier, le professeur, l’avocat… où tout un chacun se comporte comme si sa vie, son travail, sa mission étaient liés à la présence du chef de l’Etat. Quand un évènement intervient au niveau de la présidence, tout le pays reste suspendu, comme si rien ne pouvait tourner en l’absence du Président. Chaque fois que le Président fait un voyage, c’est toute la République qui hiberne.
Au lendemain de l’accident, la vie a donc repris normalement. Ceux qui avaient un séminaire à ouvrir ou à clôturer l’ont fait. Les bureaux étaient ouverts et leurs occupants présents. Rien n’a changé. D’ailleurs, on a évité tout déploiement sécuritaire qui pouvait signifier qu’il existait un quelconque risque de dérapage.
Les deux attitudes sont heureuses. La première – l’élan de sympathie exprimée – parce qu’elle ouvre la voie à la relance d’un front intérieur à un moment où pointent les risques d’une guerre annoncée à nos frontières et où la cohésion intérieure est le seul rempart devant les menaces qui en naissent.
La seconde parce qu’elle indique que l’Etat n’est pas lié à un homme d’une part et d’autre part que, contrairement à ce que nous soutenons parfois, il y a bien un système qui permet d’assurer la stabilité pour le pays et la continuité pour son administration.
Même si l’on doit rappeler qu’il s’agit d’un précédent grave, le tir sur le Président, même par erreur, signe la fin d’une époque. On peut espérer en effet, un autre rapport à la fonction. Un rapport qui trouverait l’équilibre entre une attitude distante des populations et une autre qui peut être assimilée à la banalisation de la fonction. On peut espérer aussi qu’elle donne le coup d’envoi à un rapprochement entre les acteurs qui ne sont finalement pas des ennemis mais des partenaires différents.
Le retour espéré pour les jours qui viennent du Président de la République doit prendre la forme d’une rupture avec le train de vie des jours d’avant. Il doit y avoir un avant et un après.  

dimanche 21 octobre 2012

Libye, un an après


Le 20 octobre 2011, les chaînes arabes d’abord, occidentales ensuite exposaient les faits à leurs manières : les premières en donnant les détails d’une mort qui fut en fait une exécution après tortures et sévices, les seconds en s’arrêtant sur le rôle ô combien «glorieux» des services de renseignements de leurs pays. La nouvelle était : la mort de Kadhafi.
Cette mort aurait pu signifier la fin d’une ère et l’avènement d’une autre. Après 42 ans de règne sans partage, marqué par l’exercice continu de l’arbitraire et après avoir été l’un des plus grands suppôts du Satan occidental, Kadhafi rendait l’âme après avoir été fait prisonnier par un groupe de rebelles qui lui ont fait subir les pires sévices (viol, tortures…) avant de l’exécuter froidement.
Certes la Libye avait besoin de se débarrasser du dictateur, mais était-ce la bonne manière ? Certainement non ! D’abord on aurait voulu le dictateur trainé devant les tribunaux de la Cour pénale internationale ou ceux de son pays. Le voir s’expliquer, regretter, demander pardon… Mais à part nous, personne ne voulait du déballage qu’aurait occasionné ces procès. Ni les puissances occidentales qui flirtaient avec le régime et l’aidaient à réprimer ses oppositions. Ni les dirigeants arabes complices de l’équipée de l’OTAN contre le Guide de la Révolution libyenne.
Mais la mort – de la sorte – de Kadhafi posait un autre problème, celui de l’impossible réconciliation sociale. Dans une société fortement tribalisée, l’exposition du cadavre pendant quelques jours par les rebelles, a sonné le glas d’une retrouvaille possible. Il y a quelques semaines, le principal instigateur de l’assassinat de Kadhafi a été retrouvé, gisant dans son sang, violé, victime de sévices immondes… Transféré d’urgence en France où il est admis comme réfugié humanitaire, il finit par rendre l’âme. Certains de ses compagnons de l’époque se trouveraient encore entre les mains de geôliers plus barbares qu’eux. C’est la loi du talion qui semble s’exercer.
Aujourd’hui, c’est Bani Walid qui s’embrase. Sous prétexte d’en chasser les «résidus» de l’ancien régime, l’Armée libyenne nouvellement constituée a donné l’assaut à la ville. Retour sur les images de 2011 : l’exode des populations, le massacre des innocents, la destruction des infrastructures… Avec une différence : cette fois-ci, c’est l’Armée nationale qui les cause et non les bombardiers de l’OTAN. Mais quelle différence pour les libyens démunis ? 

samedi 20 octobre 2012

Les douleurs du passé


Ce matin, j’ai entendu sur les ondes de RFI, le témoignage d’une dame du nom de Kadiata Touré, ancienne pensionnaire du camp Boiro, une prison de triste renommée qui a servi à Sékou Touré, le premier président de Guinée pour torturer et assassiner ses opposants. L’un des plus célèbres prisonniers de ce camp est sans doute Diallo Telli qui fut secrétaire général de l’OUA avant de mourir le 1er mars 1977 de mauvais traitements. On estime aujourd’hui que 5000 personnes seraient mortes et enterrées dans ce camp.
Les années soixante en Guinée sont marquées par le parachèvement du pouvoir absolu du «révolutionnaire» Sékou Touré qui avait osé dire «non» à la France libérant son pays du joug colonial. Mélange de Castro et de ce qui sera Dadis Kamara, Sékou touré est le promoteur d’une idéologie qui pense qu’on a «surestimé les capacités de compréhension du peuple», ce qui, à ses yeux explique la volonté de passer outre ce peuple et de le traiter comme «chose».
En ces années, le versatile Sékou Touré tergiverse entre la volonté d’ouvrir le pays aux capitaux étrangers et celle de maitriser l’activité économique. Une loi-cadre est promulguée le 8 novembre 1964 en vue d’organiser le secteur économique, principalement le domaine commercial. En déformant la dernière syllabe, les Guinéens obtiennent loi-cafre, pour dire le caractère arbitraire de cette loi qui impose des dépôts en banque aux commerçants. Seules les proches du régime peuvent satisfaire aux exigences énoncées.
C’est aussi la période des longues files devant les magasins en vue d’acheter de quoi manger. Comme de tradition, une délégation des femmes se rend chez Sékou Touré pour poser les problèmes des ménages guinéens. Le Président considère qu’il s’agit là d’une conspiration des maris. Répressions.
Les folies de Sékou Touré lui font dire que si le peuple n’a pas de sucre qu’il «mange le miel», après tout le sucre nous était inconnu avant la colonisation, tout comme le thé ou le café qui doivent être remplacés par la bouillie… Comme faisaient les ancêtres selon lui.
En 1965, il décide, lors de l’un de ses discours fleuve, d’appeler à la création de partis politiques autres que le Parti démocratique de Guinée (PDG) qu’il dirige et qui lui sert d’appareil d’embrigadement. Il s’engage même à subventionner les nouveaux partis à hauteur de 150 millions francs guinéens pour éviter les subsides de l’extérieur.
Un riche négociant du nom de Mamadou Touré et que l’on surnommait «Petit Touré» pour sa taille, crée le Parti de l’unité nationale de la Guinée (PUNG). Il est craint par Sékou qui voie en lui le descendant de l’Almamy Samori, figure emblématique de l’Ouest-africain, aspirant légitime au pouvoir dans une société encore marquée par les gestes glorieuses du passé. Sous la dictée de son mauvais génie, Fodéba Keita, Sékou Touré procède à l’arrestation de plusieurs figures politiques dont Petit Touré qui est immédiatement envoyé au camp Boiré. Son frère le suit immédiatement. Kadiata Touré est l’épouse de ce frère de Petit Touré. Elle va avoir sa part de souffrances.
Elle est arrêtée dix jours après son accouchement et envoyée dans le camp Boiré. Elle survit grâce à la complicité d’un geôlier qui lui passait la nourriture qu’il recevait de chez lui. Huit mois de souffrances dans ce camp. Dans on témoignage, elle a parlé de l’épouse de Petit Touré, aujourd’hui morte, et qui a gardé son enfant qu’elle a eu en prison pendant quatorze ans.
Pathétique témoignage qui rappelle combien était dure la vie sous les dictatures…

vendredi 19 octobre 2012

Du poisson pour les masses


Tout a commencé par un coup de tête en 2006 : la délégation chargée de la surveillance maritime décide de distribuer gratuitement aux populations le poisson confisqué aux bateaux ne respectant pas la réglementation. Puis a suivi l’idée de le vendre à moindre prix pour assurer la permanence de l’approvisionnement du marché naissant.
Grâce à cette vente – 50 UM le kilogramme – et la saisie de camions frigos étrangers, l’opération évolue vers l’acquisition de containers frigos qui permettent le stockage du produit en attendant de l’écouler. C’est un poisson appartenant à la classe du «petit pélagique» comme le chinchard ou la sardinelle, qui alimente ce marché. Cela permet de laisser le poisson de grande valeur marchande entre les mains de ceux qui vivent de son commerce, tout en disponibilisant un marché de grande valeur nutritive aux populations et à un prix très bas. Un double objectif est ainsi atteint : - un apport nutritionnel de qualité à très bas coût, par une année de stress alimentaire ; - lutte préventive contre le goitre, par l’iode que seul le poisson de mer contient.
Ce circuit prend son envol en 2011 avec un total de 2.779.311 kilogrammes écoulés sur l’ensemble des points de vente qui se répartissent comme suit : Nouakchott (1.137.551 kg pour 2011), Nouadhibou  (214.540 kg), Kaédi (30.000 kg), Rosso (132.010 kg), Boulenwar (2.390 kg), Bir Moghrein (8000 kg), Zouératt (222.580 kg), Wadane (25.250 kg), Kiffa (218.140 kg), Atar (275.380 kg), Aleg (203.670 kg), M’bout (235.830 kg), Akjoujt (71.970 kg).
Au cours des six premiers mois de 2012, le total vendu est de 2.476.870 kilogrammes dans les mêmes points de vente auxquels il faut ajouter Boutilimitt (53.920 kg), Boghé (152.159 kg) et Aïoun (129.000 kg). Au cours de la même période, il y a eu de distribués, 200.930 kg à Kaédi, 16.690 kg à Boulenwar, 22.000 kg à Bir Moghrein, 290.990 à Zouératt qui couvre aussi Fdérik, 123.020 kg à Rosso, 39.381 kg à Wadane, 156.860 à Kiffa, 280.960 kg à Atar, 130.734 kg à Aleg, 64.000 kg à M’bout, 71.970 à Akjoujt, 525.780 kg à Nouakchott qui couvre désormais Idini et Wad Naga et 129.000 kg à Nouadhibou.
Pour une population qui a toujours tourné le dos à la mer et aux produits de mer, c’est déjà une petite révolution. Surtout que 2011-2012 fut marquée par une sécheresse qui a fait peser la menace de la crise alimentaire. L’apport de ce marché est incontestable dans l’approvisionnement du marché en denrées alimentaires, qui plus est riche en protéines.
Signe de la réussite de l’opération, l’intérêt que lui portent désormais les partenaires étrangers. En effet, les Espagnols, les premiers partenaires dans le secteur des pêches, y ont vu l’opportunité de participer à la fourniture d’une alimentation saine et de qualité aux populations et de façon pérenne. Grâce à un financement à hauteur de cinq millions euros, ils sont en train de mettre sur pieds une structure permanente en vue de gérer le projet et de l’institutionnaliser encore mieux. La construction des lieux appropriés de stockage a été lancée ces dernières semaines. Bientôt le projet acquerra des camions en plus et développera une infrastructure lui permettant de couvrir l’ensemble des régions de Mauritanie dont restent : le Guidimakha, le Tagant et le Hodh Echergui. Grâce à ce financement, d’autres points de vente verront le jour un peu partout sur le territoire national. Objectif : du poisson pour les masses.

jeudi 18 octobre 2012

Le Président va bien


Hier mercredi, le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a reçu la visite du ministre français de la défense accompagné de certains hauts responsables de son département. Une visite de courtoisie qui en dit long sur l’intérêt que les Français portent aux relations entre les deux pays. comme pour démentir les rumeurs circulant ces jours-ci à Nouakchott, l’AMI a publié des photos du Président accompagné du ministre français.
Hier aussi, le Président a marché dans le hall de l’hôpital Percy. Il a reçu la visite de nombreux de ses compatriotes résidents ou non en France. Ceux-ci n’ont pas pu cependant le voir, les règles des visites étant ce qu’elles sont dans cet hôpital militaire où sont soignés les grands blessés des guerres.
Comme aucun organe vital n’a été touché et comme sa santé s’améliore rapidement, le Président Ould Abdel Aziz pourrait sortir dans les jours qui viennent de l’hôpital mais devrait rester à Paris une dizaine de jours pour la convalescence.
Signe de «détente», tous ses collaborateurs qui l’ont rejoint là-bas ont été priés de rentrer. Ils ont tous revenus mardi et mercredi.
Cette absence ne semble pas affecter le cours normal de la vie en Mauritanie. Aucune mesure particulière n’a été prise, aucun déploiement de forces dans les rues, aucun signe de tension… tout semble normal. Comme quand il est là ou qu’il est en voyage. Et c’est tant mieux. Le pays n’a pas besoin de pression de plus que celle exercée par la perspective d’une guerre au Mali. Une guerre programmée mais qui semble  compromise par les choix stratégiques des uns et des autres des intervenants (CEDEAO, pays du champ, ONU, France, USA…).

mercredi 17 octobre 2012

La CENI évalue


Des voix commencent à s’élever pour critiquer la lenteur avec laquelle la CENI se déploie. Certains n’hésitant pas à attribuer cette lenteur à l’âge de ses membres qui sont tous déjà à la retraite et dont la majorité n’a pas une idée actualisée des mécanismes administratifs du pays. les critiques ont commencé aussi à dire que la CENI ne fait que des recrutements, chacun de ses membres essayant de caser les siens. On est toujours exigeant vis-à-vis des autres sans prendre en compte les contraintes auxquelles ils doivent faire face dans l’exécution de leurs missions. Et on est toujours prêt à faire le procès pour 20% d’échec tout en se taisant sur 80 ou 100% d’échec…
Après les visites de terrain qu’elle a entreprise pour savoir où en sont les administrations concernées par les opérations de vote, l’Agence d’enrôlement et la commission d’appui, la CENI vient de déployer plusieurs délégations en vue de faire une évaluation de l’état d’avancement des inscriptions sur les registres, la disponibilité des populations, des administrations et les infrastructures qu’elle pourrait utiliser au moment des démembrements.
C’est ainsi qu’une mission dirigée par Memed Ould Ahmed est partie couvrir les régions du Trarza, Brakna, Gorgol et Tagant. Pour les Hodh, l’Assaba et le Guidimakha, c’est Moulaye Ahmed Ould Hasni qui dirige la mission. Pour le nord, Adrar, Inchiri, Tiris Zemmour et Dakhlet Nouadhibou, la mission est dirigée par Mohamedhen Ould Bagga. Les autres membres s’occupent de Nouakchott où la durée prévue pour la mission est de trois jours (trois départements par jour). Pour l’intérieur, les missions prendront une dizaine de jours.
On peut donc espérer que dans une quinzaine de jours, la CENI commencera à s’entretenir avec les partis politiques pour savoir les appréhensions des uns et des autres et surtout pour (re)lancer le processus politique.

mardi 16 octobre 2012

La culture de la rumeur


L’un des legs malheureux des trois dernières décennies, est cette propension du Mauritanien, quelque soit son degré d’instruction, son origine sociale, sa piété… à préférer la rumeur à l’information.
J’essaye, dans mon entourage, de faire prendre conscience aux gens de la gravité d’une telle situation qui fait qu’aujourd’hui votre interlocuteur ne veut pas entendre la vérité et lui préfère le faux. C’est ainsi que la rumeur a remplacé l’information et que la culture de l’imprécis a moulé nos esprits. Quand je dis «Mauritanien» ici, comprenez bien qu’il s’agit du Nouakchottois qui a fini par imposer ses (re)lectures des faits par usage excessif de l’internet et du téléphone portable. Avec le premier, on croit avoir trouvé le support inaliénable de la vérité. Notre rapport à l’écrit étant de le sacraliser, nous avons fini par croire que ce qui passait par internet était «écrit», alors qu’il s’agissait tout simplement d’un détournement de l’outil informatique au profit d’un mode d’expression orale, celui qui a fait «çadrayet aaswaaqa», une sorte d’arbre à palabres où les habitants des Mahçars d’antan vidaient leurs contentieux «verbalement».
L’usage généralisé des téléphones portables a, quant à lui, fait que nous n’avons plus de complicités entre nous, de chuchotements, d’informations passées entre nous, chacun de nous exposant publiquement, et à voix haute, ses échanges avec ses vis-à-vis. Le message est alors reçu accidentellement par des oreilles auxquelles il n’était pas destiné. Des oreilles qui reçoivent des bribes, qui les retiennent et qui en font forcément des histoires qui n’ont souvent rien à voir avec les faits d’origine. Comme nous sommes tous devenus des «récepteurs accidentels» de bribes d’information, nous avons fini par devenir des producteurs d’information.
Ajoutons à cela, le développement non maitrisée des moyens de communications comme les journaux, les sites et maintenant les radios (les télévisions sont encore en retard). A chacun de ses phénomènes a correspondu une dérive. A l’époque de la prolifération des journaux, c’est la diffamation et/ou l’encensement de celui qui offre ou qui n’offre pas qui a fini par décrédibiliser le secteur. Est arrivé le phénomène des sites qui a, en plus de cette tare originelle, a institutionnalisé la culture de la rumeur et de l’approximation. Les radios relayant carrément les discussions de salon et consacrant aussi les deux tares héritées de l’exercice de l’écrit (sur papier et sur internet).
Chaque fois que vous allez donner une information exacte, rapporter un fait dont vous avez été témoin, il se trouvera toujours quelqu’un qui va vous dire : «’ajiib, aana ba’d sma’t, bizarre, moi j’ai entendu quand même…» Pour vous donner une version complètement étriquée de l’évènement qui s’est déroulé sous vos yeux et dont vous n’avez raté aucun détail. Le plus grave, c’est que vous allez vous retrouver tous en train de discuter la version «remaniée» et/ou construite, le témoin que vous êtes oubliant qu’il avait été témoin, se retrouve écrasé sous les suppositions des autres. Dans notre entourage d’aujourd’hui, rares ceux qui cherchent la vérité, l’exactitude des faits. La tendance est de chercher à noyer tout dans un flot d’approximations et de suppositions qui changent selon les interlocuteurs.
Dans notre société, la bataille doit être aussi celle de la réhabilitation de la vérité. Ici, la vérité a perdu sa notoriété.

lundi 15 octobre 2012

Notre Président est «touchable»

Les étrangers arrivent difficilement à comprendre qu’un président de la République soit blessé par une unité quelconque dans les conditions qui sont celles qui pèsent sur le Sahel en général et sur le pays en particulier. Ils ne peuvent pas concevoir que le Président de la République refuse de s’incliner devant les exigences de sa sécurité. C’est normal qu’ils doutent donc de la version officielle. Mais nous ?
Nous savons que le Président Ould Abdel Aziz n’a jamais accepté de se priver de sorties en solitaire, dans les rues de Nouakchott et dans le désert. C’est, pour lui, la même chose que quand il s’arrache à ses gardes du corps et qu’il sort du tracé initialement prévu par le protocole, pour aller se mélanger à la foule, sans précaution aucune. Sa manière de répondre à l’élan populaire de ses soutiens, de se confondre avec la foule et de rester en contact avec le citoyen lambda.
Avec ce qui est arrivé samedi dernier, le Président va-t-il se résoudre à obéir à sa sécurité et à respecter les consignes préalablement fixées ? Peut-être. Peut-être pas.
D’une part, c’est là une leçon – à moindre frais heureusement – qui sert à comprendre que, dans les conditions actuelles, le Président de la République est «touchable», c’est-à-dire qu’on peut l’atteindre. Vu son statut de Président de la République d’un pays fragile, a-t-il le droit de s’exposer de la sorte sans tenir compte des conséquences de ses «sorties» impromptues des tracés initialement prévus ? C’est la question qu’il doit se poser et dont la réponse doit lui dicter son comportement futur.
D’autre part, il s’agit d’un style qui lui va bien et qui rompt avec les déplacements calculés au millimètre près de ses prédécesseurs qui affichaient une grande réserve vis-à-vis de la «normalité». Et parce qu’on évoque la «normalité», on peut dire que le Président Ould Abdel Aziz a toujours voulu être un …président «normal». Sans le dire comme ça. Mais en restant avec des habitudes qui lui font gagner quelque proximité, physique et affective, avec les citoyens de son pays. Dans le temps, parmi les choses qui impressionnaient chez Mokhtar Ould Daddah, c’est cette «présence parmi nous» qui participe à son adoption par ses concitoyens qui sont alors naturellement poussés à lui laisser une place dans leurs cœurs.
Entre les deux attitudes, celle qui impose le critère sécurité et celle qui met en avant celui de la convivialité, il y a un équilibre à trouver. 

dimanche 14 octobre 2012

Le Président va mieux


Pour une première c’en était une : hier, samedi, en fin d’après-midi, la voiture du Président de la République qui revenait d’une sortie dans le désert, est l’objet d’un tir d’une patrouille militaire dans les environs de Toueyla (trentaine de kilomètres au nord de Nouakchott). C’est la version donnée par le ministre de la communication qui fait foi dans la mesure où aucun crédit ne peut être accordé à tout ce qui se dit. Notamment sur l’éventualité d’un acte délibéré visant la personnalité du Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz.
Tout ce qui lie l’accident à une entreprise terroriste aurait été immédiatement exploité par les autorités qui se verraient alors à l’avant-garde de la lutte contre le phénomène et subissant pour cela l’ire des combattants. C’est pourquoi la thèse de l’accident parait la plus probable.
Au-delà du fait de savoir ce qui s’est passé exactement, c’est la santé du Président de la République qui importe en ces heures. Pas seulement pour les raisons humanitaires et affectives que l’on peut prétexter, mais surtout pour ce que cette mort aurait impliqué pour la Mauritanie. Imaginons un moment que le pire était arrivé. Le pire étant la mort du Président. Quel que soit par ailleurs le responsable de cette mort ou le mobile de l’acte, le pays serait plongé aujourd’hui dans l’inconnu.
Si j’en parle, c’est bien pour interpeller ce qui reste des consciences nationales afin de les amener à prendre sérieusement en compte la fragilité de cette entité qu’est la Mauritanie.
Nous avons encore en tête les images de juin 2003, le sac de certains édifices publics, la désertion des prisonniers, la fuite des hommes d’affaires et des dignitaires du régime de Nouakchott, la peur d’une population désemparée, celle d’une classe politique tétanisée et incapable de réaction.
Il y a eu certes des coups d’Etat chez nous, toutes sortes de coups (la nuit, le matin, l’après-midi…), mais jamais, à part celui du 8 juin 2003 cela n’a entrainé mort d’homme. Et les morts de ce jour-là, nous avons accepté, implicitement, de les inscrire dans la rubrique «pertes et profits», la plupart des responsables ayant aujourd’hui pignon sur rue (et notoriété).
Chez nous, l’assassinat politique relève du domaine de la légende. Certains continuent de croire que l’Emir Mohamed Fall Ould Oumeir, que Sidi Mohamed Ould Soumeyda, que le colonel Ahmed Ould Bouceif et ses compagnons, que le commandant Jiddou Ould Saleck, que même Ahmed Ould Minnih et Pr Mohamed Ould Ahmed Aicha… que tous ceux-là ont été victimes d’un complot (sabotage, empoisonnement…). Cela reste cependant du domaine des allégations. Jamais, depuis le temps des Emirats, il n’y a eu un assassinat politique sur cette terre. Et si la dévolution du pouvoir a toujours été par voie de coup d’Etat, elle est restée sans violence.
Ceux qui veulent accréditer l’idée d’une opération visant le Président de la République doivent se reprendre et saisir les conséquences de leur propagande.
Remercions Allah de nous avoir préservés du pire et reconnaissons qu’il n’y avait aucun intérêt à cacher la vérité si elle était autre que celle donnée officiellement. C’est d’ailleurs ici le lieu de souligner la rapidité avec laquelle le ministère de la communication a réagi. Une première aussi dans ce pays où l’on a appris à cacher tout, le temps de laisser s’installer le doute et la peur.
Tout le monde savait que le Président de la République passait ses heures de repos en plein désert, au nord de Nouakchott. Tout le monde savait qu’il se déplaçait seul, sinon «légèrement» accompagné, même dans les rues de la capitale où il a pris l’habitude de circuler de nuit comme de jour. Mais ce que nous ignorions c’est qu’il y avait des patrouilles de l’Armée dans ces zones-là. En fait, la présence, la semaine dernière, de dizaines d’intervenants miniers américains, australiens et européens à Nouakchott et le passage du rallye «légende des héros» expliquent largement les derniers renforcements de la sécurité autour de la ville de Nouakchott plusieurs fois menacée par AQMI. Cette patrouille mise en cause dans le tir accidentel pourrait faire partie de ce déploiement.
N.B: Le Président a été blessé au niveau du côté (bas, shaakla), aucun organe vital n'a été touché. Il a subi une opération réussie à l'Hôpital militaire et a été évacué pour des soins complémentaires.

samedi 13 octobre 2012

La presse en question


Au moment où l’on passe à la mise en application de la loi relative à l’aide publique à la presse, il est utile pour tous de marquer un moment d’arrêt pour savoir ce qui ne va pas.
Le foisonnement des sites et des journaux n’a finalement pas été un signe de bonne santé. Sauf peut-être qu’il est le meilleur indicateur de la facilité avec laquelle on peut créer un organe depuis que les contraintes ne sont plus là. Ce foisonnement a favorisé l’entrée sur la scène médiatique d’acteurs qui n’ont rien à voir avec le secteur. D’où les excès enregistrés ces derniers temps et qui sont le premier grand mal de la presse. Insultes, diffamation, stigmatisation, racisme, apologie de la violence… tout y est pour tendre encore plus les rapports sociaux et politiques entre les différents segments de la société. Ça se passe comme si tout le monde était de mèche pour promouvoir la rumeur, les à-peu-près, les médisances, les mensonges…
C’est que la paresse intellectuelle, mais aussi l’incompétence notoire, a fait que la plupart de nos confrères se contentent de reprendre les papiers de certains sites. Du «copier» et «coller». D’où l’uniformisation de l’information. La ligne éditoriale n’existant pas, les organes – sites, journaux et maintenant radios et télé – ont fini par répéter les mêmes informations, les mêmes analyses. Nous savions, depuis l’explosion du phénomène des pharmacies et des stations d’essence, que la duplication est le fort des Mauritaniens. Il suffit que l’un d’eux se lance dans une aventure qui lui réussit plus ou moins pour voir tous ceux qui le peuvent lui emboiter le pas, utiliser les mêmes matériaux que lui, s’adresser à la même clientèle, pêcher dans les mêmes eaux… Sans innovation, sans apport supplémentaire. C’est l’une des causes de l’échec de l’industrialisation du pays.
Aujourd’hui elle est la première raison du manque de crédit de la presse. Quand vous avez lu, avant de dormir, quelques quatre sites mauritaniens, vous pouvez vous abstenir de chercher du nouveau dans les journaux du lendemain. Ils ne font en général que reprendre, avec les fautes souvent, les textes qui paraissent dans ces sites. Même qu’ils ne changent rien à l’alignement des sujets.
Il est temps pour nos organes de presse de mûrir et de se professionnaliser. L’information qu’on donne doit être vérifiée, sinon, et pour être le plus complet possible, donner toutes les versions des faits sans prendre partie. Bien sûr qu’on a le droit d’exprimer son opinion, sa position, mais sans prétendre cependant à l’objectivité. Parce que le souci doit être celui de la transparence avec le citoyen que nous devons nous abstenir de tromper.
Entre l’expression d’une opinion ou d’une position et l’information donnée de façon tendancieuse, il y a un pas… énorme. Que l’on franchit allègrement à chaque bout de phrase ici. Tout développement de la presse commence par la prise de conscience de ses insuffisances. Qui sont criantes aujourd’hui.

vendredi 12 octobre 2012

Mauritanides, bientôt en kiosque


Jorge Luis Borges, «Loterie de Babylone» : «Comme tous les hommes de Babylone, j'ai été pro-consul; comme eux tous, esclave ; j’ai connu comme eux tous l’omnipotence, l’opprobre, les prisons…»
Abdel Wedoud Ould Cheikh, notre grand sociologue que nous n’avons su retenir parmi nous et qui «conclut» le premier recueil des «Mauritanides», la célèbre chronique de Habib Ould Mahfoud : «Comme tous les hommes de la Ruritanie, j’ai été berger, j’ai été täkûsu, j’ai été Ministre ; comme  tous, esclave du Sultan ; j’ai connu comme eux, les grands espaces démultipliés par de lointains mirages, les fétides marécages urbains de Mustikcity et les premiers frémissements de la religion du sac plastique, les sombres geôles de la Structure-boutique.  (…) La Structure-Boutique, sortant de son indifférence habituelle aux récriminations des joueurs, dût faire appel à des théologiens chargés d’élever le statut de La Loterie et celui de la place que le hasard y occupe au rang de dogme religieux essentiel corroboré par des hadîth prémonitoires. Et de faire des preuves du hasard dans la glorieuse histoire du Sultanat une matière fondamentale d’enseignement. C’est depuis cette époque que l’école ruritanienne prit le nom d’Ecole du Hasard qu’elle garde encore de nos jours».
Dans ce recueil des Mauritanides, on retrouve 94 textes triés par un comité désigné par l’Association des Amis de Habib. Les critères de choix ne sont pas expliqués et les textes ne sont pas contextualisés… m’enfin, si l‘on considère que la mise en contexte est le fait de restituer la conjoncture dans laquelle le texte a été écrit. L’une des grandes richesses des Mauritanides, c’est d’être une chronique d’un temps, d’être le commentaire de ce qui était chaque semaine. Il s’agit d’un texte littéraire certes, mais aussi d’un témoignage… sur une période donnée.
Dans ce recueil d’environ 380 pages, on retrouve la fraicheur d’antan et, sur l’essentiel, les problèmes de toujours.
Habib Ould Mahfoudh (1960-2001) est né aux environs de N’yivrâr près de Méderdra, capitale de l’Iguidi et chef-lieu de département de la région du Trarza dans le Sud-ouest mauritanien. C’est dans cette région qu’il passa ses premières années au gré des affectations de son père qui fut l’un des premiers gendarmes du pays. Issu d’une tribu guerrière du Nord, Habib a vite été pétri de cultures riches et diverses. Sous la tente qui l’a vu naître, trois écoles du domaine bidhân (maure) s’enrichissent l’une de l’autre : celle de la mesure et de l’humilité, celle de la vivacité et de la spontanéité, et celle de la candeur et de l’endurance.
C’est dans l’environnement extraordinaire de N’yifrâr des années 1960 qu’il grandit et qu’il s’ouvre à la vie. Il apprend à être curieux sans être impertinent, doué sans espièglerie, intelligent sans prétention... C’est comme ça qu’on naît et qu’on grandit ici.
Son premier maître d’école est un poète, feu Mohamed Ould Bagga, sa première classe se passe sous la tente, son premier livre personnel est un Larousse que son père lui a rapporté et qu’il se met à réciter dès qu’il a su lire.
Il débarque à Méderdra à la fin des années 1960 où il termine son cursus scolaire primaire puis se déplace à Nouakchott en 1972 où il entre au Collège des Garçons. Ceux qui ont étudié avec lui ont encore le souvenir de ce garçon intelligent, qui était toujours premier en français. C’est en classe de troisième qu’il compose son premier poème et écrit son premier théâtre.
Mais c’est au Lycée National qu’il se fait connaître. Trois années durant, les élèves de la filière Lettres Modernes n’auront d’yeux que pour celui qui peut aligner des dizaines de lignes sans faire de faute, réciter des centaines de vers sans sourciller. Il obtient le bac en 1980 et se retrouve orienté vers Alma Ata en Russie, pour faire des études de Cinéma. Ce qu’il refuse. Il est finalement inscrit à l’Ecole Normale Supérieure de Nouakchott où il brille véritablement ce qui ne l’empêche pas de la quitter au bout de deux ans. Il est envoyé à Aioun, dans l’Est de La Mauritanie où il enseigne pendant quatre ans tout en complétant sa connaissance de la Mauritanie et en redécouvrant les trésors cachés de la culture bidhân.
En 1987, il est affecté à Nouadhibou où il essaye de s’accrocher à un métier qui a perdu ses lettres de noblesse puis il est muté à Atar en 1991.
Entre-temps ses amis qui ont fondé Mauritanie-Demain, font vite appel à lui. Ici il se fait remarquer par son génie et son courage. C’est là qu’on découvre Mauritanides et c’est ici que Habib se découvre lui-même acceptant d’offrir au monde une face de son être si riche et si complexe.
Zekeria Ould Denna, sans doute le plus grand connaisseur de l’auteur pour avoir été le premier à étudier ses textes dans le cadre de sa thèse de doctorat en sciences politiques, sans doute le plus à même de saisir toutes les tournures, les réserves cachées, les dimensions des propos, la vision du monde et de la littérature, Zekeria a écrit de lui : «…Sur un autre terrain littéraire, H’bib affectionnait plus que tout l’invention langagière et l’imagination truculente du célèbre auteur des San-Antonio. L’amour des livres et de l’écrit en général était d’autant plus sincère et profondément ancré dans la vie de H’bib Ould Mahfoudh qu’il ne s’accompagnait d’aucune ostentation. Lecteur compulsif, à la mémoire prodigieuse, il cite les meilleurs vers des poètes qu’il aime (ou qu’il n’aime pas !) de façon indifférente à leur langue d’origine. Ce n’est pas le moindre des paradoxes d’un homme qui entretenait les paradoxes et les contradictions. C’est parce qu’il se moquait des positions figées et des choix hâtifs ou définitifs qu’il n’a, contrairement à ce que l’on croit, jamais eu une ‘’position’’ politique au sens classique du terme. Il avait cependant des positions éthiques fortes et indiscutables qu’il ne se satisfaisait d’ailleurs pas, comme il est de coutume en Mauritanie, de proclamer bruyamment. Mais sa véritable posture à lui, c’était avant tout l’irrévérence et le sens de la distance ironique.
Cet authentique "écrivain populaire" dont les références vont de l’éclectisme le plus raffiné aux sources orales les plus communes, des Grands Classiques à la BD, du Coran au Mahabaratha, en passant par…tout le reste. A cet égard, je ne vois personne dans l’histoire récente de la Mauritanie qui puisse se prévaloir d’une telle quantité de connaissances sur sa propre société alliée à une parfaite maîtrise des grandes et moins grandes questions culturelles du monde actuel et qui soit capable de les restituer dans une écriture aussi parfaitement maîtrisée. Plus qu’une option, le bilinguisme était une seconde nature chez cet homme qui est sans doute l’un des rares écrivains au monde à avoir réglé à son propre niveau le lancinant problème de la ‘’Traduction’’, hantise de la littérature mondialisée et question centrale de la philosophie de la connaissance».
Nous devons ce recueil qui parait très prochainement chez Karthala, à la persévérance de la veuve de Habib, Taqla Mint Abdeidalla, à celle de ses amis, et surtout à Sylvain Fourcassié, responsable de Coopération française (financier de l’édition) et à notre ami Ali Bensaad du Centre Jacques Berque. Merci à tous ceux-là. 

jeudi 11 octobre 2012

Elections en vue


Les partis ayant participé au dialogue – Majorité et Opposition – ont été reçus par le Premier ministre la semaine dernière. Ils ont convenu de réactiver la commission de suivi des résultats du dialogue, dirigée conjointement par Boydiel Ould Hoummoid (pour l’Opposition) et Ahmed Ould Bahiya (pour la Majorité). La commission s’est ensuite réunie et a décidé de prendre contact avec la CENI pour discuter des élections et de la date de leur organisation.
Le gouvernement croit qu’il sera prêt techniquement dès décembre. Le rythme actuel de l’enrôlement permettrait d’approcher le cap des deux millions à cette date-là.
Selon les projections faites à partir des données 2009, 2007 et 2006, le nombre d’inscrits ne doit pas atteindre 1,5 millions (il était de 1,2 environ en 2009). Ce chiffre sera largement dépassé dans quelques semaines. Les textes se rapportant aux élections qui restent à élaborer, sont tous en cours de finition, la plupart sous forme de décrets. Pour le reste, la Mauritanie, quoi qu’on dise, a capitalisé une expérience considérable en la matière.
La CENI qui a la responsabilité d’organiser (entièrement) ces élections est en phase d’installation, avec une lenteur qui commence à inquiéter. Recrutements du personnel, location de locaux, visites sur les lieux des institutions concernées (commission d’appui et agence d’enrôlement)… ont été les principales activités de la CENI. Les 7 «sages» n’ont encore reçu aucune des formations politiques pour écouter les doléances des uns et des autres. C’est ce qui est attendu dans les jours qui viennent.
On peut comprendre que personne, sur l’échiquier politique national n’a intérêt à aller aux élections. Aucun parti n’est sûr d’avoir le même nombre de représentants dans une future élection et les principaux acteurs seraient très heureux de garder le statu quo.
Pour Mohamed Ould Abdel Aziz qui pousse vers ces élections, l’existence pour lui d’une majorité (qu’il a trouvée devant lui) ne doit pas déranger. Au contraire. Pour Messaoud Ould Boulkheir, la situation idéale est celle où il se trouve : président d’une Assemblée où il n’a que quatre députés (sur 95). Pour Ahmed Ould Daddah, toute nouvelle élection lui enlève le statut de chef de file de l’Opposition. Pour les autres parties prenantes rien n’indique qu’elles auront plus qu’elles n’ont aujourd’hui.
Mais il y a l’autre acteur avec lequel il faut compter : les partenaires extérieurs de la Mauritanie qui voudraient s’organiser des élections au plus vite. En plus de la volonté politique déclarée des autorités qui déclarent être prêtes à partir de décembre…
La perspective des élections et la nécessité de discuter les conditions dans lesquelles elles seront organisées, vont-elles être saisies comme une opportunité d’ouvrir un dialogue, le plus inclusif possible ? L’entêtement des acteurs va-t-il l’emporter ?

mercredi 10 octobre 2012

L’obscurantisme rampant


Chinguit TV reçoit un jeune «présumé» faqih si l’on s’en tient à sa manière d’enrouler le turban, sa barbe hirsute et l’attribut de «shaykh» qui accompagne les questions de la journaliste qui est en face de lui. Quand je capte l’image, le jeune shaykh est en train de justifier l’interdiction pour la femme de faire du sport. A peu près en ces termes : «Se bâtir des muscles, c’est le propre des hommes. Quand je veux avoir une femme, c’est une femme que je veux, pas un homme… et puis à quoi me sert d’avoir une femme qui peut me battre si je devais la frapper…» Et de se lancer dans une longue diatribe contre l’autonomisation des femmes, la promotion de leur rôle dans la société… On peut se croire n’importe où dans le monde musulman sauf en Mauritanie. Ici, en effet, la caractéristique première de notre société est bien cette place de choix que la femme occupe, celle de patronne des lieux, survivance d’un matriarcat aujourd’hui occulté.
C’était sur les ondes de Radio Nouakchott (ANI). Cette chaine privée reçoit ce jour-là l’un des grands idéologues du Salafisme mauritanien, Mohamed Ould Zarouq dit Sha’ir (le poète). L’homme est très connu ici pour avoir fait partie des victimes des répressions qui ont visé, dans les années 90 et 2000, la mouvance islamiste. Très représentatif du courant salafiste, il bénéficie d’une grande aura en son sein.
Deux heures en face de Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaaly, fin connaisseur de la pensée religieuse et journaliste professionnel, auront permis de comprendre que le mouvement salafiste dont certains pans cherchent à créer un parti, que ce courant manque de maturité. Aucune des questions fondamentales n’a été élucidée. Ni la position vis-à-vis de la démocratie qu’on veut pratiquer à travers les élections tout en considérant le Parlement comme une hérésie. Ni de la femme qui n’a pas le droit de diriger, ni d’être totalement autonome. Et, plus grave, on en est sorti sans avoir entendu une condamnation claire des actes criminels qui sont commis au nom de l’Islam.
Si j’en parle, c’est parce qu’il faut ajouter ces propos à tous ceux entendus – et dénoncés ici – sur la légitimation de l’esclavage, la place de la femme, l’utilisation des moyens modernes, la cohabitation avec le non-musulman… Il y a une espèce d’obscurantisme rampant qui étale son échappe sur la société et qui nous fait revenir… revenir n’est pas le mot approprié, parce que nous n’en avons jamais été là… qui nous condamne à une régression (au sens psychanalytique) sans précédent dans notre Histoire.
En face, personne ne semble relever la tête. Les politiques sont occupés ailleurs. Les intellectuels ne s’intéressent pas à ce genre de problématiques. La société civile est accaparée par ce qui se passe sur la scène politique.
Normalement, les Ulémas «éclairés», ceux qui ont toujours présenté la Modernité comme le véritable enjeu pour nos sociétés, normalement ceux-là auraient pu contester cette exégèse équivoque et dangereuse. Mais ils sont réduits au silence par la pratique du terrorisme intellectuel qui fait que la meute est toujours prête à les vilipender et à les traiter de «Ulema banava»…