dimanche 31 mars 2013

Le Président Hollande se trompe


Dans une récente sortie, le Président français, François Hollande s’est dit satisfait de la guerre menée au Mali. Il considère qu’il avait «atteint ses objectifs» parce qu’il avait pu «arrêter l’offensive terroriste», «reconquérir les villes occupées par les terroristes» et aller dans «le réduit des terroristes, dans leur sanctuaire». Le Président Hollande qui est au plus bas dans les sondages, en profite pour dire que «la France a été regardée comme le pays de la délivrance» et que «chaque Français doit en être fier et les soldats français doivent en être remerciés».
Dans cette partie du propos, le Président Hollande se trompe énormément. La guerre des terroristes, celle qu’ils affectionnent et qu’ils savent mener, vient de commencer. Avec les kamikazes, les terrains minés, les attaques surprises… Ils sont désormais ici et nulle part. Ils frappent quand ils veulent et où ils veulent. S’ils arrivent à maintenir le rythme des attaques actuelles encore quatre semaines, on commencera alors à parler d’enlisement. Ce n’est pas parce que les soldats français ne tombent pas en nombre qu’il faille parler d’une réussite militaire. Les Maliens et les Tchadiens meurent en nombre eux. Les civils aussi.
Pour ce qui est de la fierté «légitime» des Français, elle devrait être tempérée par ce qui se passe sur le terrain en matière d’exactions, de répressions et de règlements de compte sauvages. Assassinats, enlèvements, tortures, expropriations, chasse à l’homme…, les forces maliennes avec lesquelles l’Armée française partage tout, sont coupables du pire en terme de représailles et de punitions collectives. Que dire des dizaines de victimes civiles innocentes maltraitées, dépossédées, parfois exécutées sans discernement sous le couvert de la reconquête du Nord ? L’Armée française est la première à savoir, à voir directement parfois s’exercer l’arbitraire contre des populations isolées (Peulhs, Touaregs, arabes, Songhaïs). Qu’a-t-elle fait pour arrêter cela ?
Sur le calendrier des opérations, le Président François Hollande a promis que le processus de retrait commencera en avril et qu’en juillet, il n’y aura plus «que 2000 soldats français au Mali dans le cadre sans doute d’une opération de maintien de la paix de l’ONU». Que faire de l’exigence onusienne d’avoir des forces parallèles à celles destinées au maintien de la paix, des forces qui auront vocation de continuer la guerre aux groupes terroristes ? Le secrétaire général de l’ONU a bien dit la semaine dernière que les forces qui seront mobilisées dans le cadre d’une mission des casques-bleus, seront assistées par d’autres qui auront pour mission de faire la guerre. Le Président Hollande a fait semblant d’ignorer cela.
Son envolée l’a amené à se dire «intraitable» sur la question de l’élection présidentielle en juillet prochain. Et de demander «deuxièmement» un «dialogue avec toutes les composantes de la société malienne». On doit en comprendre que la France tient d’abord à l’organisation d’une élection présidentielle qui permettra de légitimer le pouvoir qui en sortira à Bamako. Mais lequel des Mali va choisir «son» Président ? celui qui est sur la route de l’exil ou celui qui est terrorisé par les perspectives ouvertes depuis l’effondrement de l’Etat malien ? Qui est, au sein de la classe politique malienne actuelle, apte à diriger en temps pareils ? où est le charisme nécessaire à cela ? Et, grande question, à quoi sert une légitimation par les urnes si le Mali dont doit hériter le futur pouvoir est exsangue, atomisé et occupé ?
Ce dont le Mali a besoin aujourd’hui, c’est d’abord de se retrouver et de renouer les liens entre les différentes communautés, d’imposer un dialogue à toutes les composantes du paysage politique et social et de les amener à imaginer une porte de sortie qui pourrait assurer la reconstruction de l’Etat et la restauration (réhabilitation) de la démocratie. L’élaboration d’une vision d’ensemble dont l’objectif premier est la réconciliation nationale et la création de refondations assurant un avenir commun, sur la base de la recherche de compromis possibles…, il n’y a que ça pour assurer un avenir viable et stable au Mali. Et certainement pas les affirmations d’un Président français en proie à de nombreuses difficultés et qui veut atténuer la désaffection de son opinion publique en imposant sa volonté à des peuples certes pauvres mais libres quand même de concevoir par eux-mêmes ce qu’il leur faut…

samedi 30 mars 2013

CAREJA ou «CARETHA»

Il y a deux ans environ, la Mauritanie exprimait le besoin de reconstruire la route Rosso-Nouakchott. Les amis européens lui offrirent gracieusement le financement du tronçon Nouakchott-Bombri, soit environ 140 kilomètres. Le reste, Bombri-Rosso soit une soixantaine de kilomètres, fut pris en charge par la Banque Mondiale.
Le premier tronçon financé par les Européens connut de nombreux problèmes dont notamment la difficulté de faire accepter aux partenaires le choix de l’entreprise ATTM, comme meilleur choix. Les deux parties ont fini heureusement par accepter de reprendre le processus : l’appel d’offres vient juste d’être lancé.
Le deuxième tronçon n’a pas connu ces difficultés. Il fut adjugé pour une société espagnole pour un montant de 20 millions dollars. On ne fit pas attention au montant de la proposition, la deuxième proposition était à 25 millions dollars (considérable différence), ni aux moyens, ni à l’historique de la société. «Mécaniquement», le marché fut octroyé au moins-disant, sans aller plus loin pour savoir si l’entreprise était crédible ou si elle était capable d’honorer ses engagements. On oublia même qu’elle avait soumissionné pour le premier tronçon et proposé environ trente millions d’euros pour un marché estimé à quarante-quatre millions. Qu’à l’époque le caractère farfelu de sa proposition avait été pris en compte pour la mettre hors-jeu. Elle eut le marché de Bombri-Rosso…
La société espagnole s’appelle «CAREJA», transcrit phonétiquement cela donne «karekha». Localement, on l’appelle «karetha», en jouant sur l’une des lettres en Arabe, les habitants ont construit ce mot qui veut dire «la catastrophe». Ils jurent n’avoir jamais vu plus d’une dizaine d’engins sur la route. Tout ce temps, la route n’a pas avancé d’un mètre, la société se contentant de colmater les trous, de creuser des tranchées aux abords, de produire beaucoup de poussière et de gêner la circulation déjà très affectée par l’état de la route. On dit que la société exploite le tout-venant du bord de mer, ce qui ajoute aux inquiétudes des populations qui y voient une menace contre l’environnement.
Normalement, en octobre prochain, nous devrions avoir une route toute neuve, large de 7 mètres avec un accotement de 1,5 m de chaque côté. De quoi émerveiller la région et les visiteurs de la porte sud du pays. Au regard de l’activité actuelle, il est impossible de réaliser cela.
On se demande si cela va affecter le premier tronçon ou pas. Si les travaux ne se terminent pas dans les délais impartis, la Banque Mondiale va retirer son financement. N’est-ce pas ?

vendredi 29 mars 2013

Le rôle de la Corée du Nord

Je ne vais pas vous faire la leçon sur l’histoire des deux Corées, sur la guerre froide, l’équilibre des terreurs et tout ce qui s’en est suivi. Vous savez sans doute mieux que moi, sinon vous pouvez accéder à toutes les encyclopédies du net pour vous affranchir de l’ignorance d’un tel épisode de l’Histoire du Monde moderne. Par contre je vais partager avec vous la réflexion de mon ami Moussa (le noir) sur la Corée du Nord et sur son rôle.
Il me disait il ya quelques années, qu’elle existait des peuplades en Mauritanie, réduites au métier de bergers, tributaires de groupes plus forts, vivant une misère qui ne dit pas son nom, au sein de ces peuplades, il n’y avait pas de place pour les plus âgés. Quand un homme – ou une femme – atteint l’âge de l’incapacité à courir derrière les troupeaux, à les traitre, à battre leur laine ou même à leur enlever les tics et autres parasites, à cet âge la personne est installée sous le «pan sud-ouest» (elkhaalva ilguebliya-sahliya) de la tente, solidement attachée au poteau qui soutient aussi cette partie de la tente.
Généralement nue, la personne est prise pour folle par tout nouvel arrivant. Ses airs perdus et son état font déjà assez peur. Et si l’étranger n’y trouve pas une sérieuse raison de déguerpir sans attendre d’être traité selon le rituel consacré dans ces contrées, le troisième âge s’en mêle. La loque remplit ses mains d’excréments et les balance vers cet étranger téméraire. Ne lui reste plus que recevoir les excuses des parents «sains» et l’obligation de repartir honteusement avec une odeur dont il aurait bien pu se passer.
Pour mon ami, c’est ce rôle qui est dévolu à la Corée du Nord qui possède quelques têtes nucléaires dont elle menace ponctuellement ses voisins, principalement le Japon et la Corée du Sud (depuis peu les Etats-Unis). «Dès que la Chine veut déranger un ordre qu’on entend lui imposer, elle actionne cet être dégueulasse visiblement atteint de démence». Le temps de faire peur à tous, de leur faire abandonner certains de leurs projets, de les faire reculer sur d’autres fronts et les choses reviennent à leur plus simple expression : le fou répugnant qui reste cependant assis sagement là où il est… jusqu’au jour où l’on tente d’imposer une présence de trop, une posture qui ne convient pas… et les jets qui recommencent…

jeudi 28 mars 2013

La déprime qu’on nous impose


Pas pire déprime que celle que notre classe politique et médiatique nous impose depuis un certain temps. Dans notre pays, il est désormais malsain de dire que «quelque chose va bien». Il est désormais très difficile pour l’un de nous de faire un raisonnement qui conduit à l’espoir de pouvoir prendre une route pouvant probablement mener quelque part.
Le «politiquement correct» est ici fait de discours entretenant l’angoisse au présent, l’incertitude pour le futur. La désespérance est en fait le facteur déterminant qui permet à certaines idéologies, à certains courants politiques, ceux qui ne sont pas vraiment porteurs de projets, de se mouvoir et d’arriver à tenir la société.
Ce n’est pas par hasard si les acteurs politiques refusent de rompre avec la virulence des propos, si des médias rompent avec la mesure et si tous cherchent à discréditer les institutions et les symboles sans respect et surtout sans recherche : on ne s’aménage pas une marge de manœuvre pour demain, parce qu’on a décidé de se lâcher en utilisant ses dernières cartouches, celles qu’on estime les plus meurtrières.
La violence des discours, l’approximation dans les propos avec notamment l’exagération de l’aspect négatif de notre réalité, expliquent largement l’état de tension actuelle. A force de rumeurs et d’analyses catastrophiques, la tristesse donc le désespoir sont entretenus par les «bienpensants». Ceux qui vivent à Nouakchott et qui ne dépassent pas les trois cents personnes… c’est déjà six mille doigts… pour manipuler un millier de claviers… et inonder le seul espace public dynamique en Mauritanie : l’Internet.
En réalité, la gestion passée a produit des agressions qui ont conduit à la destruction des espaces publics traditionnels. Le lotissement répondant toujours à la volonté intéressée des administrateurs a fini par privatiser tous les espaces publics dans les villes. Les asphyxiant encore plus et empêchant surtout la jeunesse des quartiers de trouver des lieux d’épanouissement, de rencontres et d’échanges. Où est le quartier de Nouakchott, de Nouadhibou, de Kaédi, d’Aïoun, de Néma, de Boutilimitt, de Sélibaby… où est, dans toutes nos villes, l’espace public qui permet de souffler, de sortir, de se rencontrer ? On sait que les «espaces publics» ont été attribués par les administrateurs aux plus offrants. Et quand les voisins sont assez influents pour empêcher cette «privatisation», ces espaces sont affectés pour la construction des mosquées. La seule soupape devient celle-là pour une société de plus en plus étouffée par la promiscuité.
Les organisations de la société civile qui auraient pu servir de cadre d’épanouissement, les partis, les journaux, l’internet… tout fut investi et infesté pour en chasser justement tout ce qui peut ressembler à une velléité d’épanouissement.
Les «années de braise» ne furent pas seulement terribles pour l’Unité nationale, pour l’expression politique, pour l’économie du pays, pour les valeurs…, elles le furent aussi pour le bien-être mental. Conséquence de cette gestion catastrophique : le recul de la joie qui a été fatal pour l’expression individuelle et collective du bonheur. On a fini par ne plus s’émouvoir…
Aujourd’hui, on tente de nous maintenir dans cet état d’esprit qui fait de nous des zombies. C’est pourquoi on a envie de crier à la figure de ceux qui nous dépriment tout l’espoir qu’on nourrit de voir le pays évoluer.
De voir se reconstruire les fondements qui furent à la base de l’ambitieux projet de Mauritanie. Un Etat pour tous et qui demande la participation de tous. Une société égalitaire et juste. Equitable surtout. Un citoyen libéré des jougs anciens, accompli, ambitieux pour lui-même et pour son pays, refusant l’exclusion pour lui et pour les autres, attentif aux douleurs de ses frères, solidaire avec les démunis…
C’est encore possible. C’est surtout possible actuellement. Il suffit de le vouloir pour forcer le cours de l’Histoire. Pour ce faire de redonner espoir et de renoncer à vouloir nous maintenir dans un état de désespérance qui est préjudiciable à l’existence même du pays. La conquête du pouvoir ne justifie pas qu’on travaille à l’effondrement d’un Etat. 

mercredi 27 mars 2013

La Mauritanie passe le témoin

Les chefs d’Etats Majors des pays du champ (Algérie, Niger, Mali et Mauritanie) sont à Nouakchott depuis hier. Ils viennent pour faire le point sur la coopération et la coordination en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, objet de l’accord signé le 13 août 2009 entre les quatre pays à Tamanrasset en Algérie.
Cette réunion est aussi l’occasion d’une passation de témoin entre le Chef d’Etat Major de notre Armée, le Général de Division Mohamed Ould Ghazwani et son homologue nigérien. En effet, la présidence mauritanienne du Conseil se termine dans un contexte particulièrement pesant à cause de ce qui se passe au Mali. D’une manière ou d’une autre, la présidence mauritanienne aura été marquée par le déclenchement d’une guerre totale contre les terroristes. Une guerre qui vise aussi le rétablissement de la légalité dans le Nord malien devenu le foyer de tension qui menace toute la région. La communauté internationale a fini par comprendre la nécessité d’éradiquer le crime organisé dans cette partie du monde. Une ambition de l’Etat Major conjoint installé à Tamanrasset et qui s’est trouvé prisonnier des divergences d’approches entre les pays du champ : le Niger va-t-en-guerre et l’Algérie attentiste.
La réunion de Nouakchott a permis d’évaluer la situation sécuritaire dans la zone à la lumière des évènements du Mali. De voir certainement dans quelles mesures les pays du champ devront aller ensemble pour assurer la paix après l’épisode de la guerre.
Au moment où se tenait cette réunion, le Secrétaire général des Nations Unies a parlé de la nécessité de déployer de nouvelles forces pour le maintien de la paix dans le Nord malien et au plus vite. Chose nouvelle, il a aussi indiqué qu’il était nécessaire de mobiliser une «force parallèle» qui aura pour mission de continuer à combattre le terrorisme et le crime organisé.
11.200 hommes seront nécessaires selon lui pour préserver la quiétude des populations. «Étant donné le niveau et la nature de la menace résiduelle, il y aura absolument besoin d’une force parallèle opérant au Mali (et potentiellement dans la sous-région) aux côtés de la mission de l’ONU afin de mener des opérations importantes de combat et de contre-terrorisme», a-t-il souligné dans son rapport présenté mardi.
La «force parallèle» sera constituée visiblement des forces françaises qui devront rester le temps nécessaire. Selon une dépêche de l’AFP, la présence de cette force «sera nécessaire pour un certain temps". Le texte ne fait pas référence explicitement aux troupes françaises et présente ce dispositif comme une des "deux options possibles soumises à l’examen du Conseil de sécurité". L’autre option consiste à "renforcer la mission politique» de l’ONU au Mali tout en laissant à la Misma, la force panafricaine, le soin d’assurer la sécurité. La Misma serait assistée par «des efforts militaires bilatéraux, en soutien aux forces maliennes". Elle aurait alors un rôle "offensif et de stabilisation centré sur les groupes extrémistes armés».
Alors d’où viendront les forces de maintien de la paix ? Il est certain qu’une partie des forces africaines déjà présentes feront partie des casques-bleus. Mais il est probable que la Mauritanie, l’Algérie et peut-être d’autres pays comme le Maroc envoient aussi des troupes pour assurer la paix dans la région. En fait, tous les pays intéressés par le développement de la situation malienne et qui n’ont pas envoyé des troupes faire la guerre, seront de la partie.

mardi 26 mars 2013

Convergence vers la Mauritanie

En moins de deux mois, Nouakchott a accueilli plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements de la sous-région. Le Président du Niger, celui du Mali dans le cadre d’une visite de travail, ceux de l’OMVS (Mali, Sénégal et Guinée), le Premier ministre algérien… sont venus discuter des relations de leurs pays avec les autorités de Nouakchott.
Aujourd’hui, la capitale reçoit la conférence du commandement des Etats Majors des pays du champ (nous y reviendrons). Demain, c’est le chef d’Etat Major de l’Armée française qui commence sa tournée africaine par Nouakchott qui ne participe pas pourtant aux forces multinationales déployées au Mali.
Dans quelques jours, Nouakchott va recevoir la conférence des ministres des 5+5. L’occasion pour le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, d’effectuer une visite de 24 heures et de participer ensuite à la conférence. Il sera rejoint par son homologue de l’intérieur, Manuel Valls. Une opportunité pour les deux pays d’approfondir leurs discussions autour de la question malienne.
A la mi-avril, c’est le Premier ministre mauritanien qui devrait se rendre au Maroc pour présider la Commission mixte de coopération entre les deux pays. Un mois après la tenue de celle avec l’Algérie.
Cette «effervescence» diplomatique indique clairement que la Mauritanie revient à son giron naturel. Elle reconquiert sa place dans le milieu qui lui sied : ouest-africain et maghrébin. Après avoir cherché avec extravagance de diluer ses efforts en établissant des relations avec des pays lointains, après avoir tout fait pour s’isoler dans son espace en tournant le dos aux Africains de son versant Sud et en dédaignant ceux du Nord, là qui revient à une diplomatie plus ou moins équilibrée, celle qui lui convient. Une façon de revenir à sa vocation première de terre de convergence, de trait-d’union.

lundi 25 mars 2013

Le choc des mots

Au cours de la cérémonie d’ouverture de la 15ème session du sommet de l’OMVS, des mots ont été prononcés, d’autres «dits», pour reprendre l’expression de la présentatrice qui ne pouvait s’empêcher d’inviter tel ou tel Président «…à dire son discours», parfois «…pour son discours». Parmi ces mots celui d’«esclave» prononcé par le Président Alpha Condé de Guinée qui a voulu terminer son discours par une interpellation à ses homologues, un peu dans l’improvisation pour détendre l’atmosphère.
«…A mon ami le Président Ould Abdel Aziz, tous mes remerciements, ainsi qu’à mon jeune frère Macky Sall, et à mon …esclave Dioncounda… tout le monde sait que les Traoré sont les esclaves des Condé…»
Après avoir marqué un moment de surprise, les présents donnèrent l’impression de bien prendre la blague. Il s’agissait en fait d’un impair, d’ailleurs punissable par la loi mauritanienne. Par une amende et un emprisonnement.
Cette vanne autour d’une question aussi dramatique que l’esclavage, aussi actuelle aussi dans les sociétés ouest-africaines, ne sera pas du goût de tous. En attendant d’entendre les réactions des uns et des autres, il est important de rappeler le chemin parcouru par la Mauritanie sur la voie de l’émancipation. En témoignent ces propos de Boubacar Ould Messaoud, l’und es grands pionniers de la cause : «Je considère que la question de l’esclavage en Mauritanie a fait un grand progrès. L’un des signes révélateurs de ce progrès est que les féodaux, propriétaires d’esclaves, qui hier se ventaient et se considéraient des hommes de parole et d’honneur, nient à présent l’esclavage et le cachent et sont capables de mentir pour cacher leur forfaiture. Une fois pris en flagrant délit, ils inventent tous les stratagèmes pour justifier leur relation avec ces gens que tout le monde connait comme étant leurs esclaves ou les descendants de leurs esclaves. On les trouve chez eux comme domestiques, gardiens de troupeaux ou autres.
Le combat que nous avons mené a amené les esclavagistes à nier le phénomène et ne plus s’en venter comme avant, quand ils se qualifiaient de nobles et les autres d’esclaves, d’hommes inférieurs. Ils ont toujours cette considération, mais n’ont plus le courage de le dire». (interview à maurisahel.com)

dimanche 24 mars 2013

Vers un nouveau départ pour l’OMVS

Mars 1972 a lieu à Nouakchott la déclaration de naissance de l’Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), une évolution de l’Organisation des Etats riverains du Sénégal (OERS). Elle comprend le Mali, le Sénégal et la Mauritanie. Trois pays qui acceptent de faire de ce cours d’eau qui les traverse un espace d’intégration et de convergence.
Il s’agissait de concevoir ensemble une mise en valeur de cette ressource, d’abord de concevoir le fleuve comme élément de stabilisation et d’intégration et non de discordes.
Aujourd’hui, mars 2013, les chefs d’Etats de l’Organisation reviennent à Nouakchott pour le 15ème sommet, cette fois-ci avec un nouveau membre qui est la Guinée où le fleuve prend sa source (Fouta Djalon). Le temps de la refondation est donc arrivé. C’est aussi celui de la relance.
Alpha Condé de Guinée, Dioncounda Traoré du Mali et Macky Sall du Sénégal sont arrivés à Nouakchott pour assister au sommet prévu demain lundi. Les ministres et les experts ont déjà fini de préparer le sommet où d’importantes mesures doivent être adoptées. Notamment la nouvelle répartition des rôles et des postes de responsabilités au sein de l’Organisation avec l’entrée de la Guinée. Mais aussi le siège des démembrements de l’organisation.
Lors de la réunion des ministres, le président en exercice du Conseil des ministres, le Sénégalais Oumar Gaye a estimé que «le chemin parcouru entre le 14ème et la 15ème conférence est marqué par des progrès constants, massifs et multisectoriels», ajoutant que «les sept résolutions et les nombreuses recommandations de la dernière conférence ont été intégralement exécutées hormis une relative au CGFO qui est encours d'exécution». Avant de juger «le bilan à la fois honorable et satisfaisant».
Parlant des réformes opérées par l'OMVS, le ministre a précisé que les principales réformes ont couvert la refonte et la modernisation de l'ordonnancement juridique, refonte assimilable à une véritable naissance juridique, la refondation programmatique, la réadaptation institutionnelle, l'adoption d'une approche programme évolutif et la structuration de la coopération technique et financière.
Il a aussi révélé que le Banque Mondiale, le Royaume des pays Bas et le Fonds de l'environnement mondial ont accepté de financer les secondes phases duprojet de gestion des ressources en eau à usages multiples (PGIRE) pour un montant de 90 milliards de FCFA et du GEF pour un montant de 15 millions d'euros.
Il a enfin précisé que ses collègues et lui vont proposer à la conférence des Chefs d'Etat et du gouvernement une série de mesures à prendre pour la pérennité de l'OMVS, au grand bénéfice des populations des pays membres. 
La partie mauritanienne a exprimé sa détermination et  son engagement à consolider, à approfondir et à améliorer ce précieux cadre de coopération et ce vecteur pertinent d'intégration patiemment bâti, pour élargir les opportunités de développement de nos Etats respectifs. 

samedi 23 mars 2013

Un grand pas en avant


Le conseil des ministres de jeudi a adopté un projet de décret portant dissolution de l'Agence Nationale d'Appui et d'Insertion des Réfugiés (ANAIR) et son remplacement par une «Agence nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage, de l’insertion et de lutte contre la pauvreté». Au-delà de la complexité de l’acronyme, la nouvelle agence constitue une révolution en soi. Mais en quoi consiste-t-elle ?
Selon le ministre de la communication, Me Hamdi Ould Mahjoub, la création de l’agence «répond à un certain nombre de besoins relatifs à la définition et à la proposition de programmes visant à éradiquer les séquelles de l'esclavage, et ce en concertation avec les acteurs intervenant dans le domaine d'exécution desdits programmes. 
Il a noté que l'établissement vise également à concevoir, coordonner, exécuter et suivre les programmes d'insertion dans la vie active des réfugiés revenant au pays , cela en plus de la promotion de programmes entrant dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté en vue d'éradiquer définitivement le phénomène de la pauvreté en Mauritanie.
Le ministre a précisé que la nouvelle agence est soumise à la tutelle de la Présidence de la République. Elle est, a-t-il dit, l'instance à travers laquelle l'Etat exécutera toutes les opérations liées à l'éradication des séquelles de l'esclavage et à l'insertion dans la vie active des réfugiés qui ont regagné le pays ainsi qu'à la promotion des programmes visant à lutter contre la pauvreté.
L'agence œuvrera aussi à la centralisation des programmes qui étaient exécutés dans ce domaine par d'autres institutions comme le commissariat aux droits de l'homme, le commissariat à la sécurité alimentaire et d'autres secteurs.
Elle s'intéressera également à toutes les questions se rapportant aux citoyens revenant de l'étranger, aux réfugiés et aux victimes des séquelles de l'esclavage.
Elle aura en outre à utiliser tous les vecteurs potentiels pour créer de nouvelles opportunités d'emploi et renforcer les capacités de revenus et d'insertion sociale des couches les plus vulnérables en vue de résorber les inégalités et d'encourager la cohésion sociale, a dit le ministre.
La nouvelle agence œuvrera en outre à l'exécution de travaux portant sur l'accès à l'eau potable et aux services de base, à la promotion de l'habitat social et des activités génératrices de revenus, cela en plus de la prise en charge immédiate des mauritaniens qui reviennent dans le pays dans des circonstances exceptionnelles et de l'appui urgent devant être apporté à toutes les victimes des catastrophes naturelles comme les inondations et autres
» (compte-rendu AMI).
Autant dire qu’elle ambitionne de reprendre de nombreux programmes qui n’ont pas forcément réussi par le passé. Le fait de la placer directement sous le contrôle de la présidence indique l’intérêt que lui porte le Président de la République. Visiblement, le Président Ould Abdel Aziz veut faire part d’un choix stratégique en se mettant en avant lui-même dans la lutte contre l’esclavage et ses séquelles. Avec la projet «Nouadhibou, zone franche» et la Caisse de dépôt et de développement (CDD), c’est le troisième axe stratégique qu’il entend mettre en avant pour éventuellement le capitaliser aux échéances électorales prochaines.

vendredi 22 mars 2013

«Diplomatie culturelle»


C’est un terme utilisé par l’un des intervenants au cours de cette manifestation culturelle qui a réunit les fils et Mourides de la famille Shaykh Ahmadou Bamba à ceux d’Ehl Shaykh Sidiya à Boutilimitt.
L’intervenant voulait expliquer l’importance d’une telle rencontre qui est aussi un moyen de rapprochement des peuples et des cœurs. Durant trois jours, conférences, débats, chants religieux, échanges de ziyaras… auront permis de faire la rétrospective d’une relation forte, tissée par deux grands érudits – Shaykh Ahmadou Bamba Al Khadim et Baba Wul Shaykh Sidiya – sur la base d’une foi inébranlable et d’une reconnaissance mutuelle.
La rétrospective est le meilleur moyen de comprendre le destin de cette relation, ses raisons, ses ressorts et ses résultats.  Ensuite il fallait cultiver ce patrimoine commun pour en faire une richesse du présent.
"Nous voulons maintenant tirer des enseignements de la longue relation entre les deux familles, pour bâtir l’avenir et revivifier ces relations en les consolidant", a dit Cheikh Abdul Ahad Mbacké, président de la commission de la communication et de la culture du Magal de Touba. Entre les familles de Shaykh Ahmadou Bamba et de Baba Wul Shaykh Sidiya, "les relations datent de très longtemps. Shaykh Ahmadou Bamba est venu à Boutilimit lorsqu’il était âgé d'une trentaine d’années. Il est aussi revenu ici en 1903, après son exil au Gabon". Il a fini par inviter la communauté musulmane de la Mauritanie et du Sénégal à s’inspirer des valeurs de paix, de tolérance et d’unité de l’islam, pour "bâtir un espace pacifique".
Les journées organisées dans la maison de Souleymane Wul Baba Wul Shaykh Sidiya, ont été l’occasion de plusieurs pèlerinages : celui des Mourides sur les traces du vénéré Shaykh Ahmadou Bamba, celui des disciples de Shaykh Sidiya, celui des nostalgiques d’une époque de grandeur et de savoirs, celle des fondateurs et des visionnaires qui ont établi des relectures dynamiques et revivifiantes de l’Islam. Une manière pour nous autres de ces latitudes de nous approprier cette grande religion qu’est l’Islam.

jeudi 21 mars 2013

Le crash de trop


C’est le premier Tucano qui s’écrase depuis que ces «petits» (mais efficaces) avions de combat ont été introduits dans notre ciel. Très vite, l’Armée a rendu public un communiqué dans lequel elle a indiqué les circonstances du crash. Sans aller cependant dans les explications de l’accident. Une commission d’enquête a été nommée et on attendra certainement ses conclusions pour avoir la version officielle.
Mais d’après nos informations, l’avion qui revenait d’une révision normale, avait à son bord un pilote, le capitaine Ahmed Taleb Ould Aheimad, et un mécanicien, le sergent Boubacar Mbodje. Le premier était aux commandes, le second assis derrière lui, là où se trouvent aussi des manettes de commande de l’appareil. A un moment donné, le pilote a senti qu’il perdait le contrôle de l’avion qui tanguait dangereusement vers la gauche. Quand il fit part de la situation à son mécanicien, celui-ci lui déclara qu’il avait coincé son pied dans la manette de commande et qu’il n’arrivait plus à le retirer.
Le pilote s’empressa de dire au mécanicien de ne pas paniquer et de s’arrêter de bouger en attendant qu’il puisse redresser l’appareil. Peine perdue. Le stress était pesant. L’avion continuait de piquer à une vitesse trop forte pour permettre d’actionner l’éjection automatique qui nécessite un équilibre. Puis vint le moment de choisir : il fallait s’éjecter au plus vite. Le pilote a essayé en vain de faire éjecter le mécanicien, mais ses efforts furent vains. Il s’est finalement éjecter alors qu’il était déjà très proche du sol. Ce qui explique la force du choc. Le mécanicien a été malheureusement emporté par l’appareil dans sa chute. Tandis que le pilote a été récupéré en mauvais état, lui qui a tout essayé pour sauver son compagnon.
La commission d’enquête vient juste de commencer ses investigations, mais elle ne risque pas de trainer dans ses conclusions qu’elle doit nécessairement rendre publiques. En attendant, on peut dire que plus vite l’information réelle est donnée, mieux ça vaut pour la suite.

mercredi 20 mars 2013

Les nouveaux mercredis de MP


Vous vous souvenez sans doute de cette tradition chez Mauritanie Perspectives (MP) qui consiste à rassembler des groupes de réflexion autour d’une problématique qui touche la Mauritanie et de produire une participation au débat national. Depuis deux mercredis, c’est la jeunesse qui est au centre des préoccupations de MP.
L’objectif de plusieurs sessions de discussions et d’échanges est de produire des propositions d’ici la fin de l’année en cours. Des propositions qui peuvent tracer la voie la meilleure pour répondre aux aspirations de la jeunesse mauritanienne. Ces propositions doivent nécessairement émaner des organisations de jeunes à travers des rencontres sur des thématiques diverses mais qui essayent toutes de prendre en charge les préoccupations d’aujourd’hui.
La rencontre de ce mercredi a été l’occasion pour certains jeunes de se rencontrer de visu, pour la première fois alors qu’ils appartiennent à un réseau qui s’appelle «Mauritanie, je veux t’aider». Plus, deux de ces jeunes ont publié un ouvrage où ils ont rassemblé les échanges dans le cadre de ce réseau. Un ouvrage de moins de cent pages qui est une espèce de florilège. Assez révélateur de la jeunesse d’aujourd’hui qui n’a pas besoin d’être physiquement ensemble pour faire cause commune.
Les débats introduits par le sociologue Amadou Sall ont permis un échange riche visant à préparer le processus de réflexion qui doit nécessairement aboutir à un démembrement vers les quartiers de Nouakchott et de Nouadhibou, puis vers la jeunesse rurale. Car la réflexion doit être le fruit d’un large éventail pour assurer la représentativité et la globalité de la prise en charge des problèmes posés.
Le produit de la réflexion doit être proposé aux différents acteurs de la société : décideurs, partis, administration, parlementaires, média…

mardi 19 mars 2013

Ainsi va la vie


Il y a quatre jours, je reçois un coup de téléphone. La voix m’est familière, surtout le «R» prononcé en «ghayn» arabe (ce qui est correspond à l’originel). Mon interlocuteur me demande si j’ai reconnu la voix en ajoutant : «c’est normal que tu ne la reconnaisses pas, ça fait longtemps. Je me demande même si tu vas te rappeler le nom, je suis Mohamed Abdallahi Ould Babana…»
Oui, bien sûr que c’est la voix d’un camarade de classe qui fut plus tard Procureur, puis ministre de la culture, puis Ambassadeur. Je suis enchanté de le retrouver après tant d’années sans contact direct. Même si on se respectait, sans doute parce qu’on s’appréciait, nous n’avons jamais été très liés au point de savoir chacun où en était l’autre. Je lui exprime mon réel sentiment de disponibilité et lui rappelle que nous avons partagé des moments qui méritent d’être revisités.
«Justement, je vais t’inviter à prendre un thé. Ce sera l’occasion de discuter d’un papier que je prépare pour le journal à propos de la Cour pénale internationale qui vient d’arrêter les poursuites contre le nouveau président kenyan alors qu’elle continue ses démarches contre le soudanais Oumar al Bachir, deux poids deux mesures…»
Je comprenais les préoccupations du diplomate qui fut représentant de la Mauritanie au siège de l’Union africaine en Ethiopie. Et je présumais qu’il allait s’agir d’un bon papier d’analyse. Je m’empressais donc de lui exprimer mon enchantement à l’idée de voir un cadre mauritanien s’exprimer sur des sujets d’actualité tel celui-là.
«Je vais t’appeler dès que j’en termine, comme ça on va en discuter, ce sera peut-être le weekend prochain, Inchaa Allah». J’étais naturellement d’accord.
Il est onze heures ce matin. Je suis en conférence quand quelqu’un me glisse qu’un certain Mohamed Abdallahi Ould Babana a décédé. «Qui ça ?» Il me répète le nom en ajoutant : «Je pense qu’il s’agit d’un ancien ministre de la culture, c’est lui qui a rallié le parti de Boydiel…».
C’est justement la seule personne à laquelle je crois devoir téléphoner à cette occasion. Je ne le trouve que plus tard et il me confirme qu’il s’agit bien de mon ami. Je lui raconte mon échange téléphonique avec lui. Il lui en avait parlé. Il semble même qu’il était pressé de finir le papier pour le publier dans l’édition qui suivait. Allah en a voulu autrement…
Qu’Allah l’agrée en Son Saint Paradis, qu’Il allège la douleur de ses proches, parents, amis et compagnons. Ainsi va la vie…
Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune.

lundi 18 mars 2013

Une utopie qui se réalise


Un reportage télévisé qui présente une commune d’Espagne, Marinaleda, quelque part dans la province de Séville en Andalousie. Cette région qui nous est, à nous autres Musulmans maghrébins «le paradis perdu».
On explique dans le reportage comment fonctionne cette démocratie citoyenne, basée sur la consultation et l’implication directe des citoyens. Ici, tous les aspects de la vie font objet de discussions et de mise en œuvre par la communauté des citoyens. Le maire de la ville, Juan Manuel Sanchez Gordillo est régulièrement réélu depuis une trentaine d’années.
Un barbu anticapitaliste qui rappelle par ses envolées, les illuminés d’antan, ceux qui ne courent plus les rues.
Alors que dans nos communes, les maires accaparent le pouvoir décisionnel et la gestion quotidienne des communes, à Marinaleda les questions de logement, d’emplois, d’équipements, d’impôts, d’infrastructures, de productions agricoles, de transformation, de commercialisation des produits…, tout est l’objet de votes populaires. C’est la coopérative agricole qui est à la base de l’organisation du système économique. Ici, on produit la meilleure huile du monde, grâce au sérieux du travail collectif. Elle possède pour ce faire des terrains arrachés à un riche propriétaire «traditionnel», une survivance d’un temps révolu, mais qui pèse encore lourdement sur le système d’organisation en Europe en général, en Espagne en particulier. Exactement comme ce que nous vivons ici malgré la loi domaniale : des milliers d’hectares de terres cultivables qui sont constamment en jachère (encore que la jachère suppose qu’ils seront utilisés ultérieurement alors qu’il n’en est rien).
Alors que certaines de nos communes demandent la création d’une police, il n’en existe pas à Marinaleda où pourtant règnent une discipline et une sécurité parfaites. Les assemblées générales de citoyens se tiennent chaque année pour décider de l’avenir. Tout est exploité en commun et les bénéfices vont dans la création de nouveaux centres d’intérêts participant au bien-être général et individuel. Les salaires sont les mêmes pour tous : 47 euros pour six heures et demi de travail dans les champs et huit heures à l’usine, par jour bien sûr. La location d’un logement est en moyenne de 15 euros par mois, la crèche est à 12 euros (cantine comprise). Quand on veut construire «sa» maison, on bénéficie d’un terrain viabilisé à condition de participer soi-même aux travaux qui sont assistés cependant par des professionnels mobilisés par la mairie qui fournit tout le matériel.
Ils sont heureux les gens de Marinaleda. Ils vivent loin de la crise. Ni chômage, ni excès de disparités, ni fractures sociales irréparables, ni racisme, ni mépris de l’autre ou de soi… l’idéal en attendant mieux.

dimanche 17 mars 2013

Camion : danger


Encore une fois, des vies ont été emportées sur la route Nouakchott-Nouadhibou parce qu’un chauffeur de camion aura abandonné son camion en pleine chaussée, sans signalisation aucune. Cela s’est passé dans la nuit de jeudi à vendredi, une voiture transportant trois personnes, deux militaires embarqués à un poste et le propriétaire du véhicule, a percuté de plein un camion garé au milieu de la route. Un camion que rien ne signalait et qui n’avait même pas de feus arrières. L’horreur qui a coûté la vie aux deux militaires. Les blessures du propriétaire du véhicule sont relativement graves mais heureusement sa vie est hors danger.
Tous des jeunes de 35 ans, fauchés par la mort et l’inconscience. Il y a peu une histoire tragique secouait Nouakchott. Celle d’un père attendant sa fille au sortir d’une école privée et qui l’a vue se faire écraser par un camion venant à toute allure. C’est que les camions qui chargent coquillages et sable ne sont pas en règle. Leurs chauffeurs roulent à des vitesses extraordinaires sur des axes très fréquentés. Et personne ne veut les arrêter. Jusqu’à quand ?

samedi 16 mars 2013

L’un des pionniers s’en va


Je n’ai pas connu directement l’homme. Seulement à travers ses fils, ce que j’entends de ses amis et compagnons et les photos où il apparait. C’est justement, l’impression que me laissent les photos qui est la plus significative pour moi.
Chaque fois que je déroule les images sur un écran, je ne peux m’empêcher de m’arrêter toutes les fois où l’image de Sidi Mohamed Deyine apparait. La grâce des gens de bien, de ceux qui incarnent les valeurs immuables de générosité, de noblesse d’esprit, de dignité et d’abnégation. Son visage sur les photos, c’est un peu cette Mauritanie qui ne souffre aucune flétrissure, cette Mauritanie qui ne s’érode pas, qui ne se salit pas, qui ne prend aucun coup de vieux… Je ne peux l’imaginer autrement que sur cette photo où il apparait au premier plan avec Haiba Ould Hommodi notamment. Une beauté qui doit être un reflet d’un intérieur encore plus beau. Ce doit être ça l’Aura.
Sidi Mohamed Deyine est né vers 1920 à Boutilimitt. Il a été directeur de la Medersa de Boutilimitt avant d’être nommé ministre de l’éducation, de la jeunesse et du travail dans le gouvernement du 23 juin 1959. Il fait partie de quelques trois ministres retenus par feu Moktar Ould Daddah dans le gouvernement d’après indépendance. Le 29 septembre 1961 il est nommé ministre de l’intérieur, le 1er juillet 1963 il va aux affaires étrangères. Et en janvier 1965, il quitte le gouvernement pour d’autres fonctions.
Pour le Nouakchottois que je suis, Ehl Deyine, c’est cette maison de l’Ilot V aux abords de laquelle on ne voit jamais d’attroupements, l’on n’entend jamais de clameurs, même pas un stationnement abusif : tout y est en (et dans) l’ordre. Ce sont aussi ces enfants, devenus adultes, sans avoir jamais provoqué d’inconvenances. Une éducation qui «vient de loin» (pour traduire l’expression Hassaniya), un poids et une mesure qui sont ancrés dans cette tradition-là. Celle dont Sidi Mohamed Deyine était l’incarnation.
Qu’Allah l’agrée dans Son Saint Paradis, qu’Il allège le poids de sa perte.
Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’une.

vendredi 15 mars 2013

Demain, commémorons


16 mars 1981… une date que je ne veux pas oublier. Parce qu’elle a coûté au pays par la perte de quelques vaillants officiers et par une nouvelle blessure ouverte dans les cœurs d’une partie de cette Mauritanie qui n’arrive pas à faire le deuil de tous ses fils perdus bêtement.
Car que faut-il retenir de cette folle aventure qui a conduit les colonels Kader et Ahmed Salem et leurs amis et compagnons à venir à Nouakchott en ayant l’intention de prendre le pouvoir. Oubliant que ce pouvoir dont ils voulaient débarrasser la Mauritanie avait ses pions dans l’environnement politique qui les avait pris en charge. Seuls les soutiens probables (ou possibles, ou évidents, ou inconditionnels…) du groupe n’étaient pas au courant du projet. Le Comité militaire s’était préparé à les recevoir et à faire échouer leur projet. C’est de bonne guerre.
Après un procès vite fait, quatre des conspirateurs sont exécutés dont bien sûr les deux colonels… Une perte sèche. Un vide qui ne sera jamais comblé pour ceux qui connaissent les quatre hommes. Il n’y a que le Président du CMSN de l’époque qui ne semble pas regretter, lui qui en est encore à justifier son refus de clémence. Avec force et arrogance. Il avait bien sûr le droit de ne pas gracier les hommes qui voulaient le renverser, probablement le tuer. Mais à un moment de la vie d’un homme, il faut réévaluer les actes et les choix pour ne pas rester avec l’impression d’avoir toujours bien fait. D’autant plus qu’il y a mort d’hommes.
On attend des explications des hommes politiques qui accompagnaient et poussaient vers le projet de prise de pouvoir par la violence. Pourquoi ? pourquoi fomenter cela à partir de l’extérieur ? pourquoi ne pas avoir mobilisé à l’intérieur ? pourquoi avoir oublié ceux qui auraient dû être traités comme les martyres d’une cause ? y avait-il d’ailleurs une cause ? laquelle ? et qu’en reste-t-il ?
Pour résumer, les animateurs de l’AMD (alliance pour une Mauritanie démocratique), mouvement politique ayant inspiré le 16 mars, nous doivent de nous dire ce qu’il en reste, ce que nous devons en retenir pour le pays, pour le peuple, pour les acteurs… Ceux-ci sont-ils des héros ou simplement des victimes ? S’ils sont des héros pourquoi leurs amis politiques ne les ont-ils jamais célébrés publiquement ? S’ils sont des victimes, pourquoi ne les pleurent-ils pas ?
Au bout d’une précédente réflexion à la même occasion, je concluais : «Dans ce pays, les relations entre civils et militaires ont toujours mal fini. Chaque militaire qui entre sur la scène politique a été poussé par un groupe politique déterminé. Quand le coup aboutit à une prise de pouvoir, une période de grâce s’ouvre pour le groupe concerné, l’occasion d’exclure les protagonistes politiques, d’accaparer à soi tous les privilèges, de promouvoir les siens. Cela finit fatalement par la contestation, le blocage et un divorce entre les ailes militaire et civile du pouvoir. Toujours au profit de la première parce que la seconde (l’aile civile) n’a jamais eu les moyens de ses ambitions.
Si, par contre, le putsch n’ouvre pas sur une prise de pouvoir, les militaires sont abandonnés à leur sort et vite oubliés par les politiques qui les ont poussés sur cette voie. A ceux-là, à tous ceux-là je dis : honte à vous».

jeudi 14 mars 2013

L’expérience de la prison


Chaque fois que quelqu’un est en prison, je pense à ce jour d’avril 2002. Je suis entre les mains de la police d’Etat depuis bientôt une semaine. Enfermé dans une chambre, située juste au-dessus du bureau du directeur général de la sûreté nationale à l’époque (les anciens bureaux, non loin du ministère de l’intérieur). Avec un matelas (10 cm d’épaisseur) et une moustiquaire. Durant la semaine, j’ai été interrogée deux fois la nuit par le DSE qui s’évertuait quand même à me faire sentir qu’il n’avait aucun plaisir à me garder ni à m’interroger. Une manière bien à lui de garder des relations de sympathie avec ceux qui se retrouvent entre ses mains. Cela lui réussit d’ailleurs parce qu’une relation particulièrement affective finit par s’établir entre le bourreau et la victime, entre le geôlier et son prisonnier. Au cours du premier interrogatoire, vous vous dites que celui qui vous interroge veut vous aider à éviter le pire… Vous en oubliez que le pire, c’est ce que vous vivez déjà : la privation de liberté.
Le fait d’avoir pour unique occupation de compter les carreaux du vieux tissu qui recouvre l’éponge sur lequel vous dormez. Puis, lassé, vous regardez autour de vous en essayant d’établir un contact avec ceux qui vous ont précédé dans cette petite chambre qui ouvre sur des toilettes publiques. Ici, quelqu’un avait noté une série de petits traits, comme pour compter les jours (c’est comme ça que Robinson Crusoé faisait). Vous vous dites qu’il s’agit là peut-être  d’une marque de passage laissée par Mohamedou Ould Sellahi, celui qui fut accusé par les Américains d’en savoir plus sur Al Qaeda, qui leur fut «offert» par le pouvoir mauritanien et qui est encore prisonnier sur la base américaine de Guantanamo.
Quand vous avez établi un dialogue avec celui-là, vous le quittez rapidement pour suivre les appels à la prière qui viennent quand même jusqu’à vous. A différents moments de la journée et dans différentes circonstances.
Vous entendez l’appel de l’aube alors qu’arrive jusqu’à vous les cris et les plaintes d’on ne sait qui. Quand vous demandez, le matin, de quoi il s’agissait, on vous dit que les éléments de la police qui dorment dans les couloirs – ils sont nombreux parmi ceux qui sont chargés de réprimer les nombreuses manifestations quotidiennes -, ces éléments font des cauchemars et cela se traduit par ces cris et plaintes que vous entendez.
Ces plaintes arrivent à un moment de la nuit où commencent à s’élever les appels à la prière des nombreuses mosquées de Nouakchott. Comme tous les bruits vous arrivent et comme ces appels ne sont jamais faits en même temps mais sur une durée qui varie entre 20 et 30 minutes, vous finissez par confondre les bruits qui vous arrivent. Vous n’êtes plus sûrs s’il s’agit d’un bruit de hautparleurs parasités ou d’un cri de douleur émis par une victime (même si vous croyez ce qu’on vous dit sur les cauchemars des policiers, vous jugez qu’ils sont victimes aussi). Vous vous dites qu’on a choisi ce moment pour «faire couvrir» les effets de la douleur provoquée par la violence quotidienne, les faire couvrir par les appels à la prière et les lectures coraniques.
Avec les prières de Dhohr et Al ‘Açer (après-midi), c’est un autre bruit qui fait concurrence aux hautparleurs des mosquées : celui qui provient des standards, ces boîtes à musique qui pullulent à Nouakchott. Durant tout le séjour dans cette chambre de la DGSN, dès 14 heures, arrive de loin, de très loin mais avec force, une musique désuète, un peu bâtarde : des voix de filles qui chantent «moula guerta». Vous allez souffrir malgré vous cela jusqu’aux environs de 20 heures.
La nuit venue, vous ne vous en rendez compte que parce que les bruits ne vous arrivent plus ou quand vous regardez à travers les stries d’une vieille fenêtre. La lumière crue vous empêche de trouver le vrai sommeil. Vous avez le temps de regarder le plafond, de voir un morceau de tissu suspendu près de l’ampoule. Vous commencez à méditer sur la mort, sur le suicide… cela vous occupe. Le temps pour que les bruits de la nuit reviennent… les plaintes… les muezzins… les mouvements de va-et-vient…
Un jeudi, le directeur arrive et me dit : «Votre dossier est fini. Je crois que vous devez être libéré incessamment. On a envoyé le dossier avec un peu de retard, on ne devra pas avoir la réponse aujourd’hui. D’ailleurs, moi je vais en weekend et je ne serai pas là quand il arrivera à la fin de l’heure… qu’à cela ne tienne, tu devras attendre dimanche… ce n’est rien…»
Oh que si ! que c’est quelque chose de priver quelqu’un de sa liberté, de ne pas le laisser vivre sa vie, embrasser ses enfants, parler avec ses amis, jouir de ses facultés, toutes ses facultés…
Onze jours d’emprisonnement finalement. Pour rien. Parce que quelqu’un avait décidé qu’il pouvait me priver de ma liberté sans conséquence pour lui. Mais le plus dur pour moi fut ce propos qui me disait que je comptais pour rien dans ce système-là. Je me consolais en me disant que je n’étais pas le seul : aucun citoyen ne comptait vraiment pour ce système finalement vomi. Sans regret.

mercredi 13 mars 2013

Qu’est-ce qu’ils veulent ?


Au juste, que veulent les acteurs politiques ? Voyons voir.
A suivre la conférence de presse de la COD l’autre jour, on n’a pas de réponse. A force de vouloir tout et tout de suite, la Coordination de l’opposition a fini par ne rien vouloir avec précision, ne rien vouloir du tout. Le communiqué exprimait différentes positions en même temps.
La première exigeant le départ de Ould Abdel Aziz. La seconde demandant la constitution d’un gouvernement de consensus avec lui. La dernière fixant quelques conditions techniques sans lesquelles les élections ne peuvent être transparentes. Et dans son discours, le nouveau président de la COD, Jemil Ould Mansour de Tawaçoul nous apprend qu’il n’est pas question de laisser passer les élections si les conditions de transparence ne sont pas remplies. «Nous allons empêcher leur tenue», a-t-il dit. Comment ? On suppose que ce n’est pas tout simplement en organisant des manifestations «autorisées» et «pacifiques», lesquelles ne peuvent en rien gêner le déroulement du scrutin.
Au cours de cette conférence de presse, le podium était occupé par Ahmed Ould Sidi Baba du RDU, président sortant de la COD, à sa gauche Ahmed Ould Daddah du RFD, Saleh Ould Hanenna de Hatem, à sa droite Jemil Ould Mansour, puis vient Mohamed Ould Maouloud… Des hommes dont les visions, les cursus, les lectures de la vie, les réflexes, les appréhensions, les prédispositions, les fondamentaux, les goûts… ne sont absolument pas les mêmes et sont même, des fois, diamétralement opposés. Comment accepter pour eux une stratégie convergente pour quelque raison que ce soit ? On comprend que ce qui les unit c’est l’aversion d’un pouvoir et de celui qui l’incarne, Mohamed Ould Abdel Aziz. On voit alors qu’il s’agit d’une tactique de conjoncture qui vaut ce qu’elle vaut mais qui est appelée à durer le temps de laisser resurgir les différences.
La Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) n’est pas plus «claire» dans ses démarches. On se rappelle que si le dialogue inclusif a échoué, c’est parce qu’une partie de la COD avait choisi d’y aller sans vraiment insister auprès de ses pairs. Pour ne pas être excessif, nous allons dire que c’est un manque de volonté et non une volonté délibérée de laisser au bord de la route une partie de la COD, qui a donné le résultat qu’on sait.
Le Président Messaoud Ould Boulkheir qui s’emballe (et se passionne) pour le processus de dialogue. Qui obtient ce qu’il voulait (et ce que voulaient ses compagnons) : de grandes réformes politiques et institutionnelles, avec en prime la mise à l’écart de certains de ses concurrents immédiats, compagnons de route par moments. Le Président Ould Boulkheir qui salue la mise en œuvre de l’accord entre les deux parties, assiste à la promulgation des lois issues du dialogue, s’élève un moment contre toute idée de «nouveau dialogue» et qui revient ensuite pour proposer une «initiative de sortie de crise». Comme si tout ce qu’il a entrepris jusqu’à présent relevait de l’inutile.
La Majorité quant à elle n’a même pas de visibilité sur la scène actuelle. L’Union pour la République (UPR) qui en est leader se rappelle de son existence quand il s’agit de publier un communiqué, souvent lapidaire et vindicatif, parfois hors sujet. Comme le communiqué de l’autre jour qui demandait au gouvernement d’agir pour alléger la souffrance du consommateur. Ne le fait-il pas déjà ? Des communiqués qui ont souvent l’allure d’articles polémiques, écrits à la hâte pour faire diversion, soit sous forme de papiers signés par le service de communication, soit de déclaration du secrétaire exécutif chargé de la politique. Dans l’un et l’autre des cas, des sorties qui ajoutent à l’illisibilité du rôle et du positionnement.
Au milieu de tout ça, il y a la CENI qui a donné l’impression d’avoir trouvé le filon en décrétant un deadline pour les élections. Cela fait deux semaines (un peu plus). Qu’est-ce qui a été fait depuis ? Rien. Les délais courent pourtant. Le RAVEL (recensement à vocation électorale) n’a pas été lancé alors qu’il nécessite trois mois. Les discussions avec les partis politiques et les protagonistes en général, n’ont pas été entamées. Aucune opération de communication n’a accompagné l’annonce de la date des élections. Est-ce l’âge qui bloque ? est-ce la méconnaissance du terrain politique ? est-ce la peur des acteurs ? On ne sait pas encore. Par contre, on voit et on sait que cette honorable institution semble tétanisée. Elle est incapable de donner signe de vie depuis sa dernière sortie.
Au fait, nous sommes en droit de nous demander ce que veulent nos politiques. Parce que leurs positionnements manquent de lisibilité (de visibilité pour certains). La crise, la vraie, commence ici.

mardi 12 mars 2013

Pour ne pas oublier


Le 12 mars 1959 fut publié le décret 59-001 fixant la date de l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie (RIM) pour la journée du 28 novembre 1960. Pourquoi ce choix ? Quelles ambitions ? Quels atouts ? Quels défis ? Pour ne poser que les questions les plus simples.
Le choix de la date du 28 novembre n’est pas fortuit. C’est le jour où, en 1908, une colonne coloniale dirigée par le lieutenant Reboul fut décimée par les résistants sous le commandement de l’Emir Ahmed Ledeyd Ould Sidi à Legweyshishi, non loin de l’actuelle Tiguint, en plein Aftout. Pour ancrer cette date et affirmer une certaine indépendance (déjà) vis-à-vis de la tutelle coloniale, le groupe des bâtisseurs fédérés autour de Me Moktar Ould Daddah avait donc fait passer ce choix. Sans fracas.
L’ambition que ces jeunes affichaient était celle de créer un Etat moderne. Au vrai sens du terme : égalité, justice, équité, développement, indépendance, citoyenneté… tout y était en termes d’idéaux nobles à promouvoir au profit de tous les fils de cette Nation à construire. En somme, il fallait quitter les cadres étroits de la tribu, de l’ethnie, du village, du campement et même de l’Emirat pour se retrouver dans une aire plus globale, plus générale et qui a la particularité d’être pour tous. Pas seulement pour les bien-nés, pas seulement pour les guerriers ou les marabouts, les noirs ou les blancs, les tributaires ou les esclaves… un pays pour tous. Qui restait à construire… par tous.
L’atout premier des jeunes bâtisseurs était bien sûr la volonté de bien faire, d’avoir une vision de l’œuvre qu’ils veulent entreprendre, d’être prêts à tous les sacrifices pour parvenir à prendre la route qui doit être la leur. Leur ancrage dans une société où la culture de l’humilité, de la modération et de la vérité est encore présente, et le fait d’être encore imbus de cette culture, constituent des atouts certains.
Ne citons que les plus simples des défis : s’affirmer au milieu d’un monde hostile qui regarde ce pays en construction comme une épine dans les pieds, imposer sa volonté face aux velléités des voisins beaucoup trop en avance par rapport à nous ; se faire respecter dans cet environnement qui ne sied déjà qu’aux plus forts ; combattre les forces centrifuges et rétrogrades de l’intérieur et convaincre leurs compatriotes de la viabilité d’un tel projet pour ne pas laisser ces frères égarés au bord de la route ; créer un Etat avec une capitale, une administration, une Armée, un gouvernement…
…Il y a 54 ans donc était lancé ce projet de Mauritanie qui reste à l’état de projet tant que la première flamme n’a pas été ravivée.
Nous avons besoin d’un électrochoc puissant, à même de rendre le mouvement à nos cœurs, afin de croire à nouveau à un Etat moderne qui nous rassemblerait tous et qui siérait pour nous tous.
Nous avons besoin de refondations et de redressements. Pas de querelles politiciennes sans lendemains. Nous avons besoin d’ouvertures. Pas de lectures obscurantistes et sectaires. Nous avons besoin d’humilité. Pas d’extravagances dans nos positions et nos expressions…
Nous avons besoin de nous reprendre, de nous ressaisir, de nous raisonner… pour savoir ce qu’on veut et savoir comment y parvenir.

lundi 11 mars 2013

Le Mali qui était


"La France a favorisé une fiction de démocratie", c’est le titre d’un article écrit par l’ancienne responsable du service culturel de l’Ambassade de France à Bamako, Mme Danielle Rousselier, écrivaine de son état. J’ai lu le papier sur noorinfo.
La dame dit avoir travaillé de 2007 à 2009 à Bamako et qu’elle fut témoin d’une attitude de complaisance qui a caractérisé les relations des puissances occidentales, de la France qu’elle représentait, avec le Mali de Amadou Toumani Touré (ATT). Une complaisance qui engage, selon elle, une «responsabilité partielle» de la France dans l’engrenage qui a mené à cette guerre».
La «fiction de démocratie au Mali» a servi de faire-valoir d’une politique africaine qu’on a voulu nouvelle depuis la conférence de La Baule et qui ne faisait en fait que répéter une attitude condescendante de la France vis-à-vis de l’Afrique. C’est ainsi qu’une indulgence a caractérisé les rapports avec un régime qu’on savait corrompu. Parmi les exemples cités par l’auteur, nous retiendrons celui-là :
«En novembre 2009, les autorités maliennes ont tenté de camoufler l’incendie en plein désert, près de Gao, d’un Boeing 727 transportant six tonnes de cocaïne «évaporée» dans les sables. L’affaire du Boeing «Air Cocaïne» a révélé ouvertement à la fois que le paisible Mali était bien devenu le carrefour du trafic de drogue en Afrique et, plus grave, que les trafiquants avaient bénéficié de complicités dans l’administration et dans l’armée au plus haut niveau. En a-t-on pour autant tiré toutes les conséquences sur la nature profondément corrompue du régime d’Amadou Toumani Touré, faisant le lit des trafiquants de drogue et favorisant par là le narcosalafisme avec les conséquences que l’on sait sur le fragile équilibre avec le Nord et les Touaregs ?»
l’auteur expliquait ensuite comment la scène malienne s’était appauvrie et pourquoi elle devenait le lieu où se développaient les discours religieux les plus radicaux. C’est bien parce que le débat politique n’existait plus et parce que l’élite intelligente (ou supposée l’être) a démissionné après avoir été corrompue.
«La France n’était, certes, pas la seule à fermer les yeux. L’aveuglement fut international : on avait trouvé un pays à qui dispenser l’aide, et les bailleurs de fonds comme les ONG se précipitaient sur ce pays modèle dont la façade démocratique a volé en éclats lors du putsch du 22 mars 2012.» C’est ainsi, selon elle, qu’au nom de «la bonne gouvernance», «nous avons été complices d’un Etat malien prédateur, appuyé sur une «société civile» artificielle profitant de la faiblesse et de la corruption du régime pour s’enrichir à vive allure sur le dos du pays
Cela nous rappelle, nous Mauritaniens, les sautes d’humeur, légèrement feintes de ATT, quand notre pays avait décidé de réagir à la menace en usant de son droit de poursuite. A l’époque, ATT faisait tout pour atténuer l’engagement de la Mauritanie, engagement qui dérangeait (déjà) les affaires dans cette partie du Mali. On ne peut faire l’économie de l’évaluation de cette époque qui a vu les autorités du Mali démissionner et s’effacer devant le diktat des bandes criminelles. Le résultat fut une politique de consensus qui était en fait une sorte de fuite en avant qui n’en finissait pas de commencer.
Pour ne pas tomber dans le panneau et pour avoir les bons résultats de l’intervention militaire au Mali, les amis de ce pays (dont nous sommes) doivent dire la vérité. A ses dirigeants, à son élite, à son Armée. Vous êtes responsables de ce qui vous arrive. Vous êtes les seuls à pouvoir trouver, entre vous, la porte de sortie de la crise qui a mis à terre l’Etat et les Institutions.

dimanche 10 mars 2013

Le «T’heydine» en question


L’émission de Cheikh Sidi Abdalla sur TVM, celle de l’espace culturel (el vadaa ethaqaafi) est finalement la plus suivie et la plus commentée de toutes ces émissions qui peuplent l’univers du petit écran. C’est qu’elle est l’occasion pour ce chercheur universitaire et grand intellectuel d’inviter des gens qui ont quelque chose à dire, quelque chose à nous dire. Soit en témoignant à travers leurs propres cursus et en parlant d’une Mauritanie aujourd’hui insoupçonnable. Soit en présentant leurs propres productions littéraires et artistiques.
La dernière fois que je vous ai parlé de cette émission, c’est qu’elle recevait quelqu’un d’aussi impressionnant (tout en étant l’humilité incarnée) que Mohamed Mahmoud Ould Wedadi… Je respecte la volonté de l’homme qui ne veut pas qu’on lui colle un quelconque titre, sinon tous les grands titres lui siéraient. D’autant plus que je crois qu’il y a des gens que les épithètes sont incapables de définir. Ould Wedadi en fait partie.
L’émission de cette semaine recevait Mohamed Ould Ahmed Ould Meidah (Demba pour les intimes). Un homme de culture. Naturellement. Un poète. Naturellement. Un narrateur. Naturellement. Un chercheur. Naturellement. Un enseignant. Naturellement… Tout ce que Mohamed entreprendra lui réussira. Tout ce qu’il fait lui va et il ne fait que ce qu’il lui va. Naturellement.
Une première partie de l’émission a été consacrée à l’œuvre d’Ehl Manou, au T’heydine en fait. Il s’agit d’une forme d’expression poétique qui est le récit épique des sociétés auxquelles les griots appartiennent. Comme la culture Bidhâne est un parfait mélange des héritages nord-ouest-africains, on peut affirmer que ce genre est un emprunt à l’aire culturelle Mandingue qui a excellé dans toutes ses formes. Peut-être que les griots Bidhâne ont évité de verser dans les aspects magiques et extraordinaires des grandes légendes épiques de leur versant sud. A part la légende de Nwefel qui n’est pas une t’heydina, mais juste une légende jouée au rythme du karr de Legneydiya, le griot Bidhâne n’a pas cultivé cette dimension extraordinaire de l’épopée.
En fait, l’épopée est restée un poème dédié aux faits et actes qui font la grandeur du cavalier, du guerrier et de sa tribu. Et comme l’a si bien dit Mohamed, le T’heydine a permis l’adoption d’une sorte de «précis» du bon comportement pour le guerrier qui avait besoin de tempérer sa force guerrière et de modérer son monopole de la violence. C’est grâce à T’heydine que l’échelle des valeurs a été fixée et qu’elle a été respectée. C’est donc grâce à cela que le plus fort devait rester humble, courageux, digne, attentif aux plaintes du plus faible, peu porté sur les biens d’ici-bas, ne craignant que la colère du Tout-Puissant… tout ce qui nous est décrit dans le T’heydine.
La particularité de ce genre, c’est qu’il est «dit» pour valoriser certains comportements guerriers dont certes le courage, la témérité, l’adresse, mais aussi la droiture, la bonne connaissance des textes fondateurs de la Loi et de la Morale islamiques, l’équité, la prévenance, l’humilité… Il oblige donc au respect de ces normes comportementales.
La langue utilisée est «vieille». C’est-à-dire qu’elle relève du Hassaniya originel qui est très proche de l’Arabe ancien. On peut déclamer une T’heydina que personne aujourd’hui ne comprend entièrement. Cette langue très recherchée indique une grande maitrise chez les auteurs, mais aussi les auditeurs qui savent apprécier. C’est ce qui renforce le côté savant de cette culture populaire qu’est la poésie dialectale Hassaniya et la musique qui l’accompagne.
Dernière remarque fondamentale, c’est l’universalité de la langue utilisée et des valeurs promues. Que nous soyons au Hodh, au Tagant, dans l’Adrar, le Gorgol, le Brakna ou le Trarza, chez les Idaw’ish ou chez les Awlad M’Bareck, chez les Awlad ‘Ammoni ou chez les Awlad Ahmed Ben Demane, chez les Awlad Abdalla ou les Awlad Nacer… partout, ce sont les mêmes valeurs qui sont célébrées, la même terminologie, les mêmes figures rhétoriques qui sont utilisées par de prodigieux griots ont porté notre culture au firmament.
Seddoum Wul N’diartou, Wul Manu, Ghardhou… des noms qui ont été les plus grands et qui ont laissé les plus belles œuvres. De vrais créateurs, de vrais génies de leurs temps.
Le T’heydine est désormais classé «patrimoine de l’Humanité». Ou comme le dit Mohamed Ould Ahmed Ould Meidah : «le jeune homme du Mozambique est aussi propriétaire que moi de ce patrimoine…». Heureusement pour nous qu’il y a encore des gens qui vont préserver pour nous ce pan de nous-mêmes que nous avons délaissé.