vendredi 11 janvier 2013

Ba M’Baré nous quitte


Je ne l’ai pas connu vraiment. Il était discret et n’aimait pas s’ouvrir à la presse. Ce qui fait que je n’ai échangé avec Ba M’Baré que deux fois dans sa vie. La première à Maghama où il recevait le Premier ministre venu lancer les fameux projets de «Maghama décrue».
Il était une fraiche «recrue» de la Majorité au pouvoir. Mais le discours qu’il tenait était encore celui de la critique acerbe. La deuxième fois que j’ai eu à discuter avec lui, c’était beaucoup plus tard alors qu’il était déjà président du Sénat. Une discorde l’avait opposé à l’un de ses collaborateurs. La divergence avait vite pris l’allure d’un conflit ethnique qui pouvait déterminer l’avenir de la Nation. Tellement, la campagne contre Ba M’Baré était forte. Il m’avait appelé pour m’expliquer que la presse avait le droit de tout écrire sur lui sauf qu’il est raciste. Il me semblait profondément affecté par ce que certains avait dit et écrit sur son passé et sur ses sentiments vis-à-vis de toutes les composantes de la Nation.
Je le rassurai quant à ce que notre journal pouvait écrire et sur l’importance pour nous de ce genre de questions trop sérieuses pour être évoquées à tout bout de champ. Je lui avouais que je ne le connaissais qu’à travers la forte relation qui le lie à Maurice Benza, homme d’affaires et ancien député d’Akjoujt. Cette relation et l’attachement de ce dernier à sa personne suffisaient amplement à mes yeux pour lui réserver un préjugé favorable… Il exprima un sentiment mitigé : même s’il appréciait bien son ami, le vieux chef Denianké qu’il était m’en voulait de l’apprécier à travers un tiers, il avait certainement raison.
La stature et le parcours de l’homme en faisaient une personnalité de premier plan dans ce pays. Et tout observateur digne de ce nom se devait de connaitre l’homme.
Le peu que je connais de lui me fait dire qu’il avait les qualités d’un guerrier de son rang : candeur, franchise, courage et spontanéité. Je crois aussi qu’il avait un sens aigu de l’honneur et de la modération dans les engagements.
Il a très tôt rejoint les rangs de l’opposition à Ould Taya, puis il a rejoint ce camp, sans fracas, sans théâtralité.  Elu sénateur de Maghama, il fut choisi comme président de cette institution. Avec des supputations autour de sa personne, de ses choix politiques, de ses fréquentations, et même de sa nationalité (on ne recule devant rien ici)… si bien que la perspective de le voir investi comme président par intérim en inquiéta plus d’un. Pourtant, Ba M’Baré restera égal à lui-même. Toujours sans fracas. Une chance pour le pays à un moment où toutes les dérives étaient envisageables… et même probables.
Le premier Président négro-africain du pays – au moins pour quelques mois – s’en est allé en toute dignité, en silence… «seule le silence est grand… tout le reste est faiblesse»… et Ba M’Baré, vieux guerrier qu’il était, n’aimait pas les faiblesses.
C’est à Allah que nous appartenons et c’est à Lui que nous revenons.
Que sa famille, que ses amis et fidèles compagnons, que ceux de Wali, de Toulel, de Maghama et tous ses proches trouvent ici l’expression de nos condoléances les plus attristées.