jeudi 30 août 2012

Non, la Mauritanie n’est pas coupable


Dans ce qui se passe au Mali, certains grands leaders de la politique locale n’hésitent pas à culpabiliser le pouvoir actuel en lui attribuant la responsabilité entière dans la déconfiture de l’Etat et dans la partition du territoire. Sincères ou prétextes pour charger un adversaire, ces accusations méritent réflexion.
Quand en juillet 2010, l’Armée mauritanienne entreprend sa première action guerrière contre AQMI en plein territoire malien, l’ensemble de la classe politique, à quelques exceptions près, approuve à juste titre. En effet, depuis le temps que cette organisation s’attaque impunément aux intérêts de notre pays, nombreux ceux qui espéraient – qui attendaient avec impatience – une réaction de la part de notre Armée. L’union «sacrée» permit un rapprochement entre le pouvoir et l’opposition, rapprochement qui s’est traduit par une rencontre entre le Président de la République et le chef de file de l’Opposition démocratique et, plus tard, par l’acceptation par toutes les parties – ou presque – de la nécessité d’ouvrir un dialogue politique. Il s’en suivra une proximité entre les symboles de chacun des camps : l’image du Président de l’Assemblée nationale et du chef de file de l’Opposition aux côtés du Président de la République dans tous ses déplacements officiels, cette image est restée jusqu’en décembre 2010. Les uns et les autres s’étaient entendus sur le principe de préparer une plate-forme en vue du dialogue dont l’ouverture devait être solennelle. Les évènements de Tunisie, puis d’Egypte allaient interrompre le processus d’ouverture, les camps revenant à plus radicales positions… en tout cas pour certains d’entre eux.
Revenons à l’action en territoire malien. Le premier revers subi par l’Armée mauritanienne fut celui de Hassi Sidi en plein territoire malien. Nous savons aujourd’hui que les Mauritaniens avaient été trahis par des officiels maliens fortement impliqués dans la préparation d’une attaque préventive contre des convois d’AQMI qui se regroupaient en vue d’une attaque en Mauritanie. Puis vinrent les épisodes victorieux (pour la Mauritanie) de Wagadu, la forêt où AQMI voulait installer une base avancée pour pouvoir lancer ses attaques contre la Mauritanie de tout près. Malgré les trahisons des officiels maliens dont un officier du cabinet militaire de ATT (dont la communication avec AQMI avait été enregistrée et remise au président malien lui-même), l’Armée mauritanienne est a pu détruire le camp en construction et poursuivre les combattants pour les éloigner encore plus de nos frontières. C’est à ce moment-là que certains politiques locaux ont parlé de «guerre par procuration», reprenant les termes des communiqués de l’organisation terroriste responsable de la mort d’une quarantaine de Mauritaniens, de l’assassinat et du rapt de plusieurs étrangers sur le sol national. Pas assez apparemment pour considérer que cette guerre a été imposée à la Mauritanie.
Quelques autres attaques et/ou contre-attaques ont permis aux Mauritaniens d’éloigner la menace et d’instaurer la peur dans le camp ennemi. C’est ainsi que l’Armée nationale a pu extraire des responsables d’actions en territoire mauritanien dont certains ont permis la libération d’otages occidentaux. Comme elle a pu s’attaquer à des convois de l’organisation et à ceux, plus utiles pour elle, du trafic de drogue qui profitait largement aux populations locales et en faisait des alliés passifs du crime organisé.
L’action réussie de l’Armée mauritanienne malgré ses moyens et son expérience toute nouvelle, cette action a mis à nu le laxisme qui caractérisait l’attitude du gouvernement ATT. Aux yeux de ses élites militaires et civiles, le pouvoir malien avait démissionné préférant laisser aux autres la mission de pacifier une partie de son territoire. Ajouter à cela la corruption, le sentiment d’exclusion des populations locales, l’interférence officielle dans les réseaux de trafics et de traite d’otages, la fuite en avant de l’autorité centrale et son refus de régler les problèmes exacerbés par l’arrivée massive de combattants rentrant de la Libye, l’allégeance à certaines «puissances» régionales (Algérie, Burkina…)… Assez pour faire d’une manifestation de soldats, une mutinerie puis un coup d’Etat.
Le Mali s’est effondré à cause de la mauvaise gouvernance des problèmes qui le secouent cycliquement depuis son indépendance, notamment la sédition du Nord. Il s’est effondré aussi à cause de la carence de sa classe politique qui n’a pas pu anticiper et accepter d’une part de prendre en charge ces problèmes (dans la campagne présidentielle qui a précédé les évènements de mars, aucun candidat n’est allé au Nord), d’autre part de s’éloigner du giron d’un pouvoir qui dérivait inexorablement (la recherche constante d’un gouvernement d’union nationale pour partager le gâteau).
Ce pays s’est effondré de lui-même. La Mauritanie (pouvoir et société) est le premier de ses voisins à regretter cela et à travailler pour que l’unité territoriale et la stabilité soient retrouvées. Il en va de notre avenir à tous.