samedi 20 avril 2013

Ne croyez rien de ce qu’on vous dit


J’ai lu l’autre jour que le Président Messaoud Ould Boulkheir a rencontré – une fois «a téléphoné», une fois «a rencontré» - le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz. Que les deux hommes ont discuté de l’initiative du président de l’Assemblée nationale qui venait d’être acceptée – toujours selon ce que j’ai lu – par la Coordination de l’opposition démocratique (COD). Déduction : on est sur le point d’aboutir à un accord politique qui ferait dépasser à la Mauritanie la situation actuelle.
J’ai lu aussi – il y a quelques jours – que la CENI a décidé de fixer le 1er octobre comme jour d’élections (premier tour). Ceux qui ont lu l’information n’avaient pas besoin de poser la question, il suffisait de regarder le calendrier pour voir que c’est un mardi : le jour d’élections est toujours un vendredi. Mais le sens critique est le moins partagé chez nous.
D’ailleurs, nos lecteurs, nos auditeurs continuent de croire (à 100%) ce que nous leur servons. Alors que chaque semaine, voire chaque jour, nous leur donnons la preuve que nous ne sommes pas crédibles. Je crois que c’est lié à la demande de vérité qui n’existe pas. Nous sommes dans une société où la demande d’exactitude n’est pas évidente.
Quand on ouvre un site, qu’on lit un journal, on écoute une radio ou l’on regarde une télévision, ce qu’on attend ici, ce n’est l’information, c’est le commentaire de l’information. Ce n’est pas le fait qu’on veut avec exactitude, c’est la confirmation de ce qu’on a entendu dans tel ou tel salon, chez tel ou tel groupe politique. Ce n’est pas l’analyse froide et raisonnée qu’on espère, c’est le commentaire partisan et virulent.
C’est aussi à nos lecteurs, nos auditeurs et nos téléspectateurs qu’il faut reprocher les manquements à la déontologie qu’ils sont prompts à dénoncer. Ils sont en partie responsables de la corruption du secteur des média. Par leur propension à ne s’intéresser qu’à la moins probable des informations, qu’au plus fallacieux des arguments, qu’au plus tendancieux des commentaires.
Comment nous arrive l’information ? Très peu d’entre les journalistes ceux qui vont à la quête de l’information. En général, elles arrivent dans nos rédactions, prêtes à être diffusées. Nous les créons parfois. Quand on a un souci de primeur de l’information. En ajoutant «de sources sûres…», «de sources proches de…», «selon une grande figure qui a préféré gardé l’anonymat…»… dès que quelqu’un préfère garder l’anonymat, il perd sa notoriété. Il devient un inconnu, un néant.
On accompagne l’information selon ses positions et ses préférences. Parce qu’elle a été servie par «un ami», elle peut être réaménagée pour lui donner la forme qui sied. Si elle est commanditée par un «bailleur», elle est servie tel qu’elle est parvenue, avec la grossièreté souvent, les fautes et les insuffisances. Si elle est soufflée par un service, elle est amplifiée par la rumeur qui l’accompagne.
Dans notre pays, on a oublié – tous, hommes politiques et journalistes – que la démocratie se nourrit de vérité et de transparence, de dialogues et d’échanges, d’équité et d’engagements. Que le pire ennemi de la démocratie est bien la propension à exacerber les différences, à exciter les frustrations, à provoquer les fractures et à créer un climat propice à la violence.