mardi 2 août 2011

Prévenir et résoudre certains conflits


A l’initiative de SOS-Esclaves et du FONADH, avec l’appui de Anti-slavery international et le financement de la Fondation Baring, une table-ronde a réuni militants d’ONG de Droits de l’Homme, élus et intéressés par la question samedi dernier. La table-ronde avait pour thème la prévention et la résolution des conflits fonciers intercommunautaires.
Le président de SOS Esclaves, Boubacar Ould Messaoud a situé l’intérêt de la démarche qui vient dans le sillage des efforts visant à renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale du pays sur la base du dialogue et du respect mutuel. Il a présenté le document de base – élaboré par Isselmou Ould Abdel Kader, ancien ministre, ancien Wali et grand connaisseur de la question du foncier dans les régions sensibles du pays. Ce document est, selon Boubacar Ould Messaoud, un diagnostic mesuré sans être complaisant, objectif sans passion, de la situation du foncier et des conflits y afférents en Mauritanie. Le président de SOS Esclaves a dit qu’il met en exergue le rôle et la place qu’occupent les questions foncières dans le conscient collectif, leurs représentations culturelles, identitaires d’une communauté à l’autre, et au-delà, le rôle joué par ces questions dans les rapports politiques, sociaux et économiques de notre société. 
«Il (le rapport) traite en profondeur les différents aspects de la problématique : le statut juridique du foncier, les modes d’appropriation de la terre, les inégalités dans la répartition entre communautés et au sein de celles-ci, les formes d’exploitation de certaines couches sociales (esclaves et anciens esclaves en particulier), l’exclusion de la propriété de certaines catégories comme les esclaves et les femmes, les sources de conflits liés au retour des déportés et à la raréfaction des espaces, les rapports entre communautés locales et secteur privé, la mauvaise application de la législation et le détournement de la réforme de 1983 au profit exclusif des agriculteurs du secteur privé et au détriment des paysans locaux». Selon Ould Messaoud, trois points méritent une attention particulière : 1- «Etablir l’état des lieux de la réforme de 1983 et de l’Ordonnance n° 83 127 du 05 Juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale et ses textes d’application pour mesurer les progrès accomplis mais aussi les points faibles,  les reculs et les violations incontestables des droits des communautés locales»; 2- «Etudier en profondeur tous les conflits communautaires et intercommunautaire existants, en priorité ceux concernant les anciens déportés au Sénégal, mais également les sources potentielles de litiges pour proposer une approche consensuelle de prévention et de règlement impliquant toutes les parties prenantes sous l’égide, chaque fois que nécessaire, des Autorités Publiques et Instances Locales de médiation et d’arbitrage»; 3- Réfléchir sur la dimension économique de la question foncière et ses liens organiques avec la lutte contre le chômage et la pauvreté au regard de la réalité actuelle qui indique que 75 % des pauvres du pays vivent dans le monde rural, que le taux de pauvreté est de 59% en milieu rural contre 28,9% en milieu urbain (Avec des pointes de plus de 70% dans certaines zones de l’Assaba, du Guidimagha, du Gorgol ou du Brakna), que le petit paysan local ne dispose en moyenne, en zone irriguée, que d’une parcelle de 0,5 ha contre plus de 100 ha pour un agriculteur du secteur privé».
La loi foncière de 1983 se base sur un principe révolutionnaire : la terre appartient à celui qui la met en valeur (el ardou liman ahyaaha). Elle était destinée à redresser un tort qui voulait que la terre continue d’appartenir à des gens qui ne la travaillent pas. Que ceux qui la travaillent réellement continuent à vivre en totale dépendance des anciens maîtres et autres seigneurs locaux. Dans les années 90 et 2000, au moment des grands financements des surfaces agricoles par l’argent de la Banque Mondiale et de l’Union européenne, les autorités avaient trouvé l’astuce en s’engageant dans les conventions de financement à consacrer 1/3 des surfaces aménagées aux propriétaires traditionnelles. Dans l’esprit des bailleurs, les propriétaires sont ceux qui travaillent la terre. Dans la réalité, c’était une manière de pérenniser les méthodes d’exploitation traditionnelle, avec notamment le métayage. C’est ainsi que la plupart des propriétaires des surfaces aménagées aujourd’hui – dans les PPG, le PPB, au Trarza…- sont les descendants des seigneurs d’hier.
28 ans après son élaboration, il est temps de revisiter la loi foncière pour en faire un outil de redistribution des terres et permettre l’accès à la propriété foncière aux vrais travailleurs du secteur. Stimuler ainsi la production, résorber le chômage et surtout régler un problème social sérieux d’inégalité et d’injustice.