dimanche 8 juillet 2012

Pour reparler du 10 juillet


Nous sommes le 10 juillet 2008. La bataille fait rage entre les deux ailes du pouvoir, la civile et la militaire. D’un côté, une sainte alliance entres les «victimes du 10 juillet 1978 et celles du 3 août 2005», d’un autre les militaires qui tentent de faire la rupture avec le passé. Au beau milieu des deux protagonistes, la Mauritanie et les espoirs des Mauritaniens.
Comment, dans notre éditorial de l’édition N°408, nous lisions la situation ?
«Cette semaine, on aurait dû fêter… non pas fêter, disons ‘commémorer’ le trentième anniversaire du 10 juillet 1978… Mais les événements nous obligent à occulter cette date. Ou plutôt à ne pas s’étaler comme il se doit là-dessus.
Le 10 juillet 1978, Me Mokhtar Ould Daddah, Président depuis l’indépendance, est surpris par l’entrée du jeune lieutenant Moulaye Hachim qui lui dit : «Monsieur le Président, l’Armée a décidé de vous retirer sa confiance…» La guerre du Sahara est passée par là.
En arrivant au pouvoir l’Armée avait promis d’instaurer la démocratie en remettant le pouvoir aux civils, de redresser l’économie et surtout de sortir le pays de la guerre.
Il aura fallu 29 ans pour arriver à un régime civil légitimé par des élections dont la transparence et la régularité ont été saluées par tous les acteurs. L’économie nationale n’a jamais été redressée. Et le pays, même s’il n’est plus en guerre, continue d’en souffrir les affres.
Nous avons tous écrit sur cette période dont le moins qu’on puisse dire, est qu’elle a constitué l’ère de la négation. De l’Etat, des valeurs, de la culture… de tout.
Il aura fallu l’avènement de jeunes officiers – officiers de seconde génération, ayant fait l’Armée après le 10 juillet – aux commandes pour voir les militaires s’engager sérieusement sur la voie de la réforme.
Le symbole, en avril 2007, était fort. Le 10 juillet 1978, Eli Ould Mohamed Val, était un jeune lieutenant en charge d’une unité sous les ordres du commandant Moulaye Ould Boukhreiss. Ce dernier avait fait bouger ses troupes en direction de Nouakchott. Si lui savait pourquoi, ses subordonnés ignoraient tout de l’action.
C’est ce jeune lieutenant qui passera le pouvoir à l’un des plus jeunes ministres du gouvernement civil renversé à l’époque. En effet Sidi Ould Cheikh Abdallahi était, avec Ahmed Ould Daddah (son cadet), des plus jeunes de l’équipe.
Les vrais auteurs de cette orchestration n’ont appartenu ni au CMRN, ni au CMSN. Les colonels Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Ghazwani appartiennent à une génération d’officiers qui sont venus à l’Armée pour le métier. Non pour le pouvoir. S’ils sont aux affaires, c’est bien pour sauver une situation qui a failli les entraîner eux-mêmes. 19 mois pour relancer l’espoir d’un ordre nouveau. Malgré les interférences du Conseil militaire.
Aujourd’hui le débat porte sur le rôle des uns et des autres dans l’exercice du pouvoir. Comme si les jeux n’étaient pas faits à l’avance.
Le malheur pour nous, c’est qu’on découvre l’ampleur de l’incompétence politique de l’Appareil qui nous dirige. Sinon comment comprendre la mésentente entre le Président et ses différents partenaires ? Comment comprendre le pourrissement d’une situation dont les faiblesses sont claires ? Comment comprendre d’abord l’absence de réaction du chef du gouvernement, chef du parti Adil, ensuite l’entrée en scène fracassante du Président, son recul et enfin sa tentative de relance ?
Les questions sont nombreuses. Les réponses sont inquiétantes. Les parades sont dangereuses.
En attendant, nous pouvons positiver et nous dire qu’il y a quelque chose de changé en Mauritanie. Les militaires n’interviennent pas directement. La démarche entreprise semble se conformer à la légalité. Ce sont les députés et les sénateurs qui font front. Au nom de leur légitimité. Quelqu’un me disait qu’il est heureux de voir se développer «le logique des urnes», plutôt que «la logique des armes». Je pensais aussi qu’il faille se féliciter d’entendre enfin plus parler de motion de censure que de motions de soutien.
La logique de la confrontation nous mène droit au blocage. L’essentiel c’est de ne pas reprendre la phrase de 1978, mais d’arriver à une solution politique et légale. «Les élus du peuple vous retirent leur confiance…», c’est ce que les frondeurs préparent visiblement. Vont-ils aller jusqu’au bout ? Nous verrons».
…et nous avons vu.