vendredi 22 mai 2015

Remaniement partiel

Le départ de Sidi Ould Tah est la raison principale de ce remaniement qui n’a finalement touché que trois départements.
D’abord le département des affaires économiques et du développement occupé par Ould Tah depuis le 31 août 2008 et la formation du premier gouvernement des lendemains d’un certain 6 août. Un record de longévité qui sera difficilement battable sous la présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz. C’est finalement Sid’Ahmed Ould Raïss, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie (BCM) qui hérite du portefeuille.
On savait que l’homme était en instance de retour depuis que, répondant à une question concernant le lien de son limogeage avec l’affaire Maurisbank, le Président avait dit au journaliste qui posait la question : «… qui vous dis qu’il (Ould Raïss, ndlr) n’est pas destiné à d’autres fonctions ?». C’est fait.
Sid’Ahmed Ould Raïss est, dans l’entourage de Ould Abdel Aziz, le mieux indiqué pour succéder à Ould Tah qui va à la Banque arabe pour le développement économique de l’Afrique (BADEA). Ancien ministre des finances et Gouverneur de la BCM, Ould Raïss connait bien le dossier des affaires économiques. L’habitude de côtoyer, de discuter, de négocier avec les partenaires techniques et financiers du pays lui donne quelques atouts dont on a besoin en ces temps où les relations avec le FMI connaissent un relâchement non déclaré. La méthode de gouvernance du département pourrait ne pas subir de grands changements : le ministre restera le seul maitre à bord…
Deuxième «mouvement», celui opéré au ministère de la Justice qui accueille une nouvelle figure : Me Brahim Ould Daddah. Un nom qui revient dans la sphère de l’Exécutif, il y a tentation de titrer : «Un Ould Daddah au gouvernement, jamais vu depuis 1978». Jusque-là conseiller à la Présidence de la République, Me Brahim Ould Daddah a fait ses preuves dans plusieurs dossiers de négociations (Dakar, les Chinois dans la pêche…). Il va au gouvernement comme ministre d’un secteur qu’il connait bien. Son prédécesseur, Sidi Ould Zeine, grand économiste de renom, a pu faire avancer bien des dossiers, notamment celui des prisons et ceux liés à l’esclavage et au volet mesures à prendre au niveau de la Justice dans la feuille de route élaborée par le gouvernement en accord avec l’organisme chargé des Droits de l’Homme aux Nations-Unies. Mais la réforme fondamentale du secteur judiciaire attend encore. Elle demande certes un engagement politique déterminé, mais aussi une vision clairement définie du département. L’avocat saura-t-il faire sauter le verrou de l’immobilisme ?
Sidi Ould Zeine succède à Ismael Ould Sadeq au département de l’habitat et de l’urbanisme. On peut se demander ce que vient faire l’économiste dans cette galère où l’on ne parle que de gazra et de kebba. Pourtant, les capacités de l’homme à élaborer une vision, puis à la présenter et à la défendre, lui donnent la chance de pouvoir être celui par lequel les objectifs initiaux, notamment l’éradication de la gazra, seront réalisés. Avec aussi cette possibilité d’amener les populations à s’approprier la stratégie mise en œuvre. Du coup, l’opération qui est perçue jusqu’à présent comme une opération technique vaine, peut être réalisable. Surtout que son aspect politique et social sera mis en évidence par un ministre qui peut rester à l’écoute des populations et qui a le courage d’aller au-delà des blocages qui empêchent jusqu’à présent l’éradication de la gazra.

En somme, le remaniement n’est pas celui annoncé par les salons de Nouakchott. Il n’est pas celui attendu par l’opinion publique. Il n’est pas non plus le remaniement que dicte la conjoncture. Mais le Président Ould Abdel Aziz a toujours préféré opérer par remaniement partiel jusqu’à aboutir à un renouvellement de ses gouvernements.