jeudi 28 juin 2018

Elections 2018 : Le (nouveau) pari perdu du FNDU ?


Le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) vient d’annoncer qu’il ira aux élections en ordre rangé. Soit avec des listes communes, soit des alliances locales. A quelques semaines des scrutins prévus le 1er septembre prochain, le FNDU semble être arrivé à un accord.
"Nous avons décidé de présenter des listes communes pour faire barrage au régime et imposer son départ par les urnes", a déclaré Mohamed Ould Maouloud lors d’une conférence de presse qui actait cet accord.
"L'accord signé restera souple, pour tenir compte des réalités locales et des conditions qui imposeraient à chaque parti des choix autres", a-t-il ajouté, précisant que la coalition "reste ouverte à tout autre parti politique désirant l'intégrer".
Il a accusé le pouvoir de "chercher par tous les moyens, y compris par l'annonce subite du calendrier électoral très serré, de pousser l’Opposition au boycott". "Nous sommes déterminés à occuper le terrain et à imposer l'alternance démocratique", a-t-il prévenu. Comme s’il ne s’agissait pas du même Ould Maouloud qui avait, en 2013, opposé son veto à la participation de son parti, l’Union des forces du progrès (UFP) et au FNDU.
Dans le préambule de l’accord, on apprend que «les partis du FNDU signataires de cet accord, de concert avec les autres forces de l’opposition, s’engagent à poursuivre leur combat politique pour assurer des prérequis de transparence et d’apaisement du climat politique pour ces élections».
En fait de «prérequis» sont énumérés les fameux «préalables» que le même FNDU a toujours avancés pour conditionner ses participations aux dialogues passés (2012, 2013, 2014 et 2016). A savoir : «la mise en place d’une administration électorale fiable, consensuelle et réellement neutre», «la création d’un observatoire dont le seul rôle est de contrôler le bon respect par l’administration électorale des règles de neutralité et de transparence», «la mise sur pied d’un train de mesures susceptibles de garantir l’impartialité de l’Etat à tous les niveaux (administration territoriale, fonctionnaires, armée, etc.)», «la mise en place d’une observation internationale des élections pour en attester la transparence»…
Avant de menacer : «Dans le cas où les autorités continuent de refuser la mise en place d’un dispositif garantissant la transparence des élections, le FNDU, en rapport avec les autres forces de l’opposition, mettra tout en œuvre pour empêcher toute fraude par tous les moyens pacifiques ce qui conduira sans doute à une confrontation dont la responsabilité entière incombe au pouvoir».
L’accord a pour objectif de garantir à l’opposition d’avoir le plus grand nombre de députés et d’élus locaux et régionaux et d’assurer l’alternance en 2019. Il s’agit en fait d’une «Alliance pour une alternance démocratique» désignée sous l’appellation «Alliance FNDU» qui a pour missions de «faire aboutir la demande de changement démocratique», «d’assurer la plus forte présence de l’opposition» sur l’échiquier, «d’œuvrer pour la construction d’une société juste, égalitaire et pluraliste»…
L’Alliance nationale doit promouvoir la constitution de listes communes tout en prenant en compte «les spécificités des bases locales de chacun des partis de l’alliance». En d’autre termes, «chaque parti peut faire valoir sa volonté d’avoir sa propre liste seule, avec une partie de l’alliance ou avec d’autres forces locales  au niveau de certaines circonscriptions dans lesquelles il n’a pas été possible de partir tous ensemble».
Ce qui ouvre la porte à l’expression de toutes «les nuances». Pour un regroupement dont les constituants ne sont liés que par la volonté d’en découdre avec le pouvoir en place, le pari d’aller en rangs serrés dans des élections aux multiples enjeux, est un pari perdu d’avance. Ou presque.

Elections 2018 : On sait quand mais pas comment


Le gouvernement a décidé de convoquer le collège électoral pour les élections législatives, municipales et régionales 2018 pour le 1er septembre prochain, et en cas de deuxième tour le 15 de ce mois. Suivant la proposition faite par la Commission chargée du suivi de l’application des résultats du dernier dialogue.
Les candidatures pour les députés à l’Assemblée nationale devront être déposées auprès du représentant local de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) pendant la période allant de 18 juillet à minuit jusqu’au jeudi 02 août 2018 à minuit, alors que le dépôt de candidatures pour les conseillers régionaux et municipaux aura lieu à partir de mardi 03 juillet 2018 à minuit jusqu’au vendredi 13 juillet 2018 à minuit. La campagne électorale pour les 3 scrutins sera ouverte le vendredi 17 août 2018 à minuit pour être clôturée le jeudi 30 août à minuit, alors que la CENI se prononcera sur la validité des candidatures de députés au plus tard le mardi 07 août 2018 à minuit, et pour les listes de conseillers régionaux et municipaux au plus tard lundi 23 juillet 2018.
La Commission électorale indépendante (CENI) a lancé un recensement général qui pose de sérieuses difficultés. Il s’agit d’un Recensement à vocation électorale (RAVEL) qui doit lancer un fichier électoral nouveau. Ce n’est donc pas un renouvellement ni un complément, c’est une reprise de l’ensemble du fichier. Il ne suffit pas d’avoir été inscrit une fois sur la liste électorale pour voir son nom y apparaitre. Mais il faut s’inscrire comme si cela n’a jamais été fait.
Il faut aussi se déplacer vers le centre où l’on voudrait voter au cours des futures élections. D’habitude, ce sont les acteurs politiques qui prennent en charge le déplacement des populations sur le terrain. Ceux-ci sont encore «exténués», «vidés» par la campagne d’implantation du parti. Alors comment faire ? Faut-il compter sur l’engouement du public comme ce fut le cas pour la campagne d’implantation, ou trouver le moyen de passer outre la règle de la présence ? Un casse-tête que les politiques de la Majorité doivent résoudre au plus vite.
Il faut dire que plus les inscriptions sont faibles, plus cela profite aux oppositions qui se nourrissent du terreau des villes où il ne sera pas difficile de se déplacer. C’est en général l’intérieur qui profite au pouvoir et à ses satellites.
Rappeler ensuite que le RAVEL est prévu sur deux mois (juin-juillet). Le premier mois est presque passé sans que les opérations ne démarrent. Un mois sera-t-il suffisant ? Surtout que la CENI n’a pas encore recruté tout son personnel.
Comme si ces questions ne se posaient pas, l’Union pour la République a délégué des commissions chargées d’identifier les propositions de candidatures. Dans chaque Wilaya, trois cadres ont été choisis pour faire le tri. Ils ont ordre de rendre leurs rapports au plus tard le 30 juin.
Ces commissions sont en fait des démembrements de la Commission nationale créée il y a peu pour tamiser dans les propositions et éviter les guerres de factions qui s’annonçaient déjà au cours de l’implantation.
Parallèlement, l’UPR continue la mise en place de ses structures de base, l’occasion pour les clivages de s’exprimer ouvertement et partout. Nombre d’observateurs s’obstinent à répéter que le Congrès ordinaire attendu à la fin du processus ne pourra pas se tenir. Alors que les responsables du parti avancent déjà la date du 6 août 2018 pour la tenue du Congrès. Nous serons déjà à quelques jours seulement de la campagne électorale si la date de la première semaine de septembre est retenue.
Par ailleurs, seul le Rassemblement des forces démocratiques de Ahmed Ould Daddah, ne s’est pas encore prononcé sur sa participation aux élections. Même si Mohamed Ould Maouloud, président en exercice du FNDU, avait déclaré que l’ensemble du regroupement dit G8, «y compris le RFD» a décidé de participer. Le parti de Ould Daddah a rectifié le tir en rappelant que rien en fait n’a été décidé. Le Bureau politique, instance dirigeante, continuant ses discussions internes.
Ceci dit, le choix du boycott serait suicidaire pour un parti qui risque la dissolution en cas d’absence. Alors que tout le donne comme grand gagnant de la course prochaine. En effet, il est presque certain que la liste nationale du RFD sera dirigée par son Président Ahmed Ould Daddah. Ce qui déclenchera une dynamique qui peut en faire le premier parti de Mauritanie sur le plan du score national. Cette dynamique peut irradier sur l’ensemble des résultats et profiter aux candidats du parti partout dans le pays.
Sur les 155 députés de l’Assemblée, 88 seront élus à la proportionnelle. Ce qui profitera aussi aux partis d’opposition, y compris les plus petits. La présence des chefs de partis actuels donnera du crédit et une certaine légitimité à la future configuration, faisant oublier l’absence de certains au dialogue.
Jeudi prochain, le conseil des ministres lancera probablement la convocation du collège électoral. Ce sera le point de départ d’une course qui ne doit se terminer que l’année prochaine. Avec l’élection présidentielle.

UFP : La fin d’une époque ?


La rupture est-elle consommée entre le président de l’Union des forces de progrès (UFP) Mohamed Ould Maouloud et certains de ses compagnons et camarades de lutte dont l’emblématique Moustapha Ould Bedredine, jusque-là Secrétaire général du parti.
Surnommé «le Timonier» par ses pairs de la lutte au sein du Mouvement national démocratique (MND), Ould Bedredine est vraiment l’icône de ce pan de l’histoire politique mauritanienne. Son passage dans la législature de 2006 à 2013, l’a confirmé dans le rôle de l’opposant institutionnel, du porte-parole de cette gauche qui a fini par prendre la forme d’une secte. Tellement la formation qui l’incarne était élitiste.
Il n’est pas le seul à se retirer, parce que Kadiata Malick Diallo s’en est elle aussi allée au cours de cette fameuse réunion du Bureau exécutif de l’UFP qui a vu éclater au grand jour un différent qui couve en fait depuis 2013. Avec eux, Ahmed Ould Houbab et bien d’autres «camarades» qui n’ont jamais manqué à l’appel de la direction historique du mouvement d’inspiration gauchiste…

Une cause directe…

En 2013, contrairement à la volonté exprimée par une bonne partie de l’équipe, Mohamed Ould Maouloud avait choisi l’option du boycott des élections en préparation. On avait alors parlé de la trop grande influence de son cousin Mohamed Ould Khlil, nationaliste arabe à l’origine qui avait fait sa conversion seulement depuis quelques mois.
Le boycott n’est pas un choix «naturel» dans le mental ou comme dirait quelqu’un «il n’est pas inscrit dans l’ADN du MND». Au contraire, toute ouverture est pour ce groupe une opportunité qu’il ne faut pas rater pour peser sur le cours des événements. Mais cette considération n’est pas la seule à prendre en compte. Il y a aussi le fait qu’avec le boycott, on privait certains caciques du parti à continuer à occuper la scène publique et à l’utiliser comme terrain de faire-valoir.
L’attitude du président Ould Maouloud a tout de suite été sentie comme une trahison de sa part. Trahison au profit de Mohamed Ould Khlil qui défendait avec acharnement cette option. Et de rappeler à l’occasion, que quand le président Ould Maouloud a eu à proposer un ministre au gouvernement d’union nationale en 2009, il n’a pas hésité à donner le nom de Ould Khlil, fraichement rallié au parti et symbole d’un militantisme chauvin tant décrié par le MND. Ould Khlil n’avait d’autre mérite aux yeux de beaucoup, que d’être le cousin du président de l’UFP et sa nomination n’avait d’autre justificatif que répondre à l’exigence d’équilibres entre factions politiques tribales et familiales au Tagant, la région d’origine des deux hommes.
La crise actuelle a pour cause directe, la «rébellion» publique de quelques jeunes contre les propos tenus par le président Mohamed Ould Maouloud dans un forum sur les réseaux sociaux, propos remettant en cause le caractère laïc des fondamentaux du parti. Un groupe de jeunes avait alors publié une déclaration dans laquelle ils essayaient de remettre l’horloge à l’heure. Mohamed Ould Maouloud a mal pris cette sortie qu’il a jugée comme une rébellion. Il a alors entrepris de faire prendre au parti des sanctions contre le groupe. Ce auquel, les «vieux camarades» se sont opposés.
Mais en réalité, cette crise ne serait que le résultat d’un vieux contentieux jamais réglé. S’agit-il d’une rupture définitive ? Peut-être surtout qu’on parle de la possibilité pour Bedredine et ses compagnons de créer un parti pour se lancer dans la course électorale.

…et des causes profondes à la rupture

En attendant, cette rupture impose de revenir à trois moments de l’histoire récente du parti pour comprendre l’enracinement de la mésentente entre les deux factions du parti.
En mars 2007, arrivent en tête des candidats à la présidentielle, deux hommes qui se trouvent être les deux plus jeunes ministres du gouvernement civil renversé le 10 juillet 1978 : Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah. Tous les deux vont à un second tour où tout peut arriver. C’est l’occasion pour les candidats malheureux au premier tour mais aussi pour les formations politiques de prendre position. Légitimant ici une candidature, comme ce fut le cas quand Messaoud Ould Boulkheir a rallié Ould Cheikh Abdallahi, apportant là un réel plus comme ce fut le cas de Zeine Ould Zeidane quand il a soutenu le même Ould Cheikh Abdallahi.
A l’Union des forces du progrès (UFP), un drame cornélien prenait forme. D’une part, ceux qui estimaient qu’il fallait discuter avec les deux candidats «pour avoir les garanties nécessaires autour d’un accord électoral possible». Pour les tenants de cette thèse, «les deux hommes se valent en tous points : tous les deux sont une survivance du Parti du peuple mauritanien (PPM de feu Moktar Ould Daddah), tous les deux sont issus de l’aristocratie maraboutique conservatrice, tous les deux n’ont aucun passé militant précédant l’ouverture démocratique…»
Ils vont même jusqu’à avancer que s’il y a lieu d’évaluer les deux hommes, il fallait rappeler que «l’expérience de lutte avec Ahmed Ould Daddah n’avait pas été concluante parce qu’elle a finalement obligé le mouvement à s’en aller pour créer l’UFP» après l’interdiction de l’UFD, parti faisant l’objet d’une guerre d’appropriation entre le MND et les partisans de Ould Daddah. Toujours selon eux, «cette expérience doit exclure le soutien du candidat Ahmed Ould Daddah».
Ce n’est pas ce que pensait le président Mohamed Ould Maouloud, candidat ayant obtenu 4,08% des suffrages. Pour lui, le changement ne peut être envisagé qu’avec la victoire de Ould Daddah. Parce qu’il est celui qui incarne l’opposition démocratique au système de Ould Taya, le président renversé le 3 août 2005 après 21 ans d’exercice malheureux.
Ce à quoi ont rétorqué les autres : «Ould Taya est parti et aujourd’hui, c’est une autre configuration qui nait et nous devons y trouver une place en nous alliant le candidat qui nous offre le plus de garanties pour un accord».
Discuter avec le candidat Ould Cheikh Abdallahi, c’était d’abord le faire avec les militaires qui le soutenaient et qui ont fini par en faire leur candidat. Mohamed Ould Maouloud n’en voulait pas. Malgré sa mise en minorité, il menaça de démissionner si les instances du parti votaient contre son choix. Le cœur devait l’emporter mais en laissant une première friction.
Le parti réussit à dépasser la secousse. Surtout que très tôt, Mohamed Ould Maouloud reprend le «droit chemin». Il réussit à réaménager la loi sur le Statut de l’Opposition démocratique pour arracher à Ahmed Ould Daddah ce titre de Chef de file de l’Opposition, ensuite en réalisant un accord avec le gouvernement de Ould Cheikh Abdallahi dirigé par Yahya Ould Ahmed Waqf. L’UFP obtient deux postes ministériels. Une trêve qui ne dure pas, les hostilités des clans du pouvoir aboutissant à la crise de 2008 et au coup d’Etat du 6 août.
Au retour du dialogue de Dakar pendant lequel il a dirigé la délégation du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), Mohamed Ould Maouloud est sommé par les caciques de son parti de faire un choix autre que celui d’un candidat unique de l’Opposition. Arguant l’impossibilité de ranger Ould Daddah derrière Messaoud Ould Boulkheir (ou l’inverse) et/ou de trouver une personnalité consensuelle digne d’incarner le programme et la littérature du parti.
Pour les caciques, il fallait discuter avec tous les candidats en sachant que Mohamed Ould Abdel Aziz a pris une longueur d’avance considérable et qu’il s’est approprié le discours de l’opposition en stigmatisant les «gabégistes d’hier» et en prenant en charge certaines préoccupations des pauvres. C’est vers lui qu’on doit pousser une éventuelle alliance.
Veto de Mohamed Ould Maouloud pour lequel il faut tout simplement soutenir Ould Boulkheir candidat du FNDD. En tout cas pas question pour lui de discuter avec Ould Abdel Aziz. Deuxième moment de déchirure.

Le ras-le-bol

En 2013, alors que la majorité de son bureau exécutif, instance dirigeante, votait pour une participation aux élections législatives et municipales de novembre, Mohamed Ould Maouloud annonce le boycott. Il menace encore une fois de démissionner si on essaye de lui forcer la main. Là encore, les sentiments l’emportent. Le cœur a ses raisons que la Raison ignore… Mais tout cela laisse des traces.
Dans l’immédiat, c’est le départ d’un bon nombre de militants, cadres et dirigeants soit pour regagner directement le parti au pouvoir comme ce fut le cas de Ba Adama (maire de Boghé), de Cheykhata plus tard…, soit pour se mettre en marge de l’action politique comme pour Sy Asmiou, Aïnina…
Aujourd’hui la fronde est dirigée par Moustapha Ould Bedredine, Kadiata Malick Diallo, Ahmed Ould Houbab… les figures de l’UFP qui ont occupé la scène publique et politique ces dernières années. Mais aussi, les figures emblématiques du MND… un mouvement qui n’a jamais connu de déchirures aussi fortes. On peut envisager qu’il s’agit là de la fin d’une époque dans l’histoire politique récente du pays. A un moment crucial pour le pays.

dimanche 10 juin 2018

Editorial 756


Chaque rendez-vous vital pour notre pays a été allègrement raté par notre élite politique. C’est ce qui fait que nous avons l’impression de jouer en dehors des temps impartis aux matchs que nous livrons et aux aires de jeu qui leur sont consacrées. 
En 1992 et en 2003, la démission de l’élite a profité aux forces centrifuges – tribus, groupuscules politiques chauvins, groupes politico-affairistes…- qui allaient cueillir le fruit de l’engagement contre la dictature de l’époque, et faire main basse sur le pouvoir.
En 2005, le rendez-vous de la rupture totale est raté. Parce que l’élite s’est enfermée dans la perspective de la conquête immédiate du pouvoir. Sans penser que cela a un coût. Que cela demande un sacrifice.
En refusant de faire alliance avec les plus jeunes des officiers de la junte, les vrais auteurs du changement, l’élite a compromis la proposition de rupture faite par eux. Quand ils ont mis en œuvre une transition courte avec la promesse de se tenir en dehors du jeu électoral, d’assainir l’administration et les finances, de libérer le politique du joug de l’administrateur…
L’élite a poussé vers la création des Indépendants, puis vers l’interférence des militaires, puis vers le vote blanc à la présidentielle de 2007...
On a perdu cette occasion d’asseoir définitivement une démocratie inclusive et une société progressiste.
En 2007 puis en 2009, même refus de l’élite de prendre l’initiative et de proposer. Plus grave, elle a été incapable d’accompagner, préférant encore une fois tergiverser en attendant la suite des évènements.
Même refus de voir dans les dialogues ouverts, une opportunité de faire avancer les choses, de parfaire les outils de la démocratie et de donner un contenu au projet de refondations d’une Mauritanie nouvelle.
Quand on refuse le renouveau et qu’on n’a pas de proposition alternative, on subit facilement. C’est ce qui est arrivé.
Depuis la dernière tentative d’établir un dialogue, même secret, la classe politique, et particulièrement l’opposition est tétanisée. On entrevoit difficilement de perspective pour elle. D’ailleurs, elle continue à hésiter. Même si, les formations déclarent ici et là qu’elles participent finalement à des élections dont elles ont toujours refusé le processus et les outils.
Une capitulation dont l’opposition traditionnelle se relève difficilement. Alors ?
Comme hier, ce qui est demandé aux acteurs politiques, c’est d’anticiper. A quelques semaines des élections Législatives, municipales et régionales, que faut-il envisager ?
D’abord élaborer des programmes nouveaux rompant avec les discours peu porteurs d’hier. Le moment n’est plus à désespérer les Mauritaniens de leur situation. Le moment est venu de leur donner un espoir.
Partir d’une réalité plutôt heureuse pour fonder une espérance neuve. La stabilité gagnée par la force d’une politique efficace et indépendante est à louer et à préserver. Oui. Notre pays a mené la bataille qu’il faut pour sécuriser son territoire et rassurer sa population et ses voisins que la menace ne viendra pas d’ici.
Dans quelques jours nous recevrons ici les Chefs d’Etats africains comme nous avons reçu les Arabes l’année dernière. Deux moments fondateurs pour rappeler les ancrages arabe et africain d’un pays qui avait perdu le nord pour devenir l’orphelin géopolitique qu’il fut pendant une trentaine d’années.
On parle de gaz et de pétrole. La Mauritanie est déjà riche par son fer, son poisson, son or… Mais elle sera encore plus riche par l’image qu’elle s’apprête à donner quand, en 2019, elle donnera l’exemple d’une alternance pacifique du pouvoir. Peu importe le choix, il conviendra parce qu’il rassurera nécessairement sur la préservation des acquis en matière de sécurité et de stabilité. Pour cela, ce sera un projet consensuel qu’il faut renforcer dès à présent.
2018 doit être l’année du renouveau des discours. Elle doit obliger les projets politiques et sociaux à éclore. Préparer un contrat social entre les Mauritaniens, un contrat de gouvernance entre les Mauritaniens et leurs gouvernants, un contrat politique entre les Mauritaniens et leur élite.
Demain se prépare dès maintenant. La bataille de la Modernité s’engage. Elle doit sonner le glas de toutes les régressions.
L’UPR est plongé dans la préparation de son congrès. Les partis d’opposition sont encore en quête de voie. Pendant ce temps, on avance inexorablement vers des rendez-vous que nous avons mal préparés. Des rendez-vous pleins de promesses de lendemains heureux… 


Mai-juin 2009-Mai-juin 2018 : Il était une fois, «l’Accord de Dakar»…


Cela aurait pu être le fondement d’un ordre politique nouveau en Mauritanie. Il a finalement été une «accamlmie» dans le mouvement tumultueux et (très) accidenté de l’histoire récente de notre pays.
L’Accord de Dakar… premier et dernier moment de convergence, première et dernière tentative d’inclure l’ensemble des acteurs politiques dans une même dynamique.
Rappel.


Fin mai 2009. Le Général Mohamed Ould Abdel Aziz arrivé au pouvoir par le coup d’Etat du 6 août 2008, a démissionné en prévision de l’élection présidentielle prévue le 6 juin. 45 jours avant comme le prévoit la Constitution. Il sillonne le pays. Pour la deuxième fois consécutive. La première c’était pour expliquer son coup de force et légitimer son action par les accueils populaires. La deuxième, c’était pour lancer les grands travaux et faire entendre sa voix, l’ambition s’exprimant déjà. Cette fois, c’est carrément pour battre campagne. Pas un département, pas une bourgade n’a pas vu ou entendu le cortège présidentiel passer… Partout «l’agenda unilatéral» fixant le 6/6 comme jour d’élection présidentielle a été défendu. Pourtant…
Au moment de sa démission, le Général Ould Abdel Aziz a laissé toutes les portes ouvertes. Au cours de son dernier conseil des ministres, il avait déclaré à quelques ministres curieux de savoir quel sera leur sort, que «tout pouvait arriver», qu’ils devaient «s’attendre à quitter le gouvernement si l’intérêt de la Nation le dictait». Au Président intérimaire auquel il remettait le pouvoir, il recommandait de tout entreprendre pour essayer de ramener les protagonistes sur une même voie. Rien de surprenant dans la démarche du Président Ba M’Baré qui a tout de suite essayé de faire passer le message. «Maladroitement», jugeront certains qui lui reprocheront d’avoir tapé aux mauvaises portes. Oubliant que la «régence» du président du sénat n’a pas inspiré confiance aux acteurs politiques, surtout ceux de l’opposition. Ceux-là ne perçoivent pas les changements qui interviennent dans les positions de la communauté internationale sur laquelle ils avaient beaucoup compté…
Qu’est-ce qui pouvait être fait à ce moment-là ? Essentiellement concevoir, entre Mauritaniens et avec des garanties de suivi par la communauté internationale, une solution politique globale qui prendrait en compte aspects techniques, politiques et psychologiques de la crise.
Ce «package» devait être construit autour de l’acceptation par le Président Ould Cheikh Abdallahi de démissionner ouvrant la voie à un processus constitutionnel et, simultanément, au report de l’élection du 6/6. Il verrait un processus électoral consensuel avec un gouvernement d’union nationale qui permettrait la cogestion de la nouvelle transition. Avec notamment des outils représentatifs de toutes les forces en présence. L’apaisement de la scène et des rapports créant l’atmosphère adéquate pour la mise en œuvre d’un tel plan. 
Percevant les «concessions» du Général comme l’expression d’une faiblesse, l’opposition passe allègrement de la «volonté de faire échouer l’agenda unilatéral» à l’expression de préalables à tout dialogue : «C’est seulement après le report de la date que les discussions et le dialogue doivent être ouverts», disaient à l’époque les dirigeants du Front national pour la défense de la Démocratie (FNDD). Alors que pour le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) qui a finalement opté pour l’opposition franche au régime issu du 6 août, la question de la non-éligibilité des militaires était centrale et indiscutable.
La communauté internationale s’organise quant à elle. Après l’échec de l’entremise libyenne, la mission est confiée aux Sénégalais. Le ministre sénégalais des affaires étrangères, Cheikh Tidjane Gadio commence ses contacts. La médiation est immédiatement rejetée par ceux du FNDD pour lesquels le Président Abdoulaye Wade a fait preuve «d’indulgence vis-à-vis des putschistes». Surtout qu’en cette fin mai, il venait de recevoir les lettres de créances du nouvel ambassadeur de Mauritanie «nommé par la junte».
«Nous n’accepterons plus de dialoguer sous les auspices de la Libye et surtout pas à Tripoli», déclarent certains grands leaders du FNDD oubliant qu’ils mettaient hors-jeu le président de l’Union Africaine (Kadhafi) et celui de l’OCI (Abdoulaye Wade).
Psychologiquement, le FNDD semble avoir trouvé une nouvelle ressource politique dans le retour du RFD et de Ould Daddah dans le giron de la franche opposition. Depuis les Etats généraux de la démocratie, les relations entre le Chef de file de l’opposition et le Général ne sont plus comme elles étaient. Puis vint le temps de l’expression de la réelle ambition du Général qui consacra la rupture totale.
Messaoud Ould Boulkheir, Mohamed Ould Maouloud et Ahmed Ould Daddah se retrouvent encore une fois dans le même camp. Oubliées les querelles récentes et anciennes, place à la solidarité sous le pavillon «Opposition».
 Reprenant du poil de la bête, l’opposition au coup d’Etat, s’en prend violemment à la communauté internationale qui commence à apaiser ses relations avec Nouakchott. Jean Ping, président de la Commission africaine, hier extrêmement hostile aux militaires, n’hésite plus à déclarer : «Je continue de suivre de près l’évolution de la situation en Mauritanie, et ce à la lumière de la récente mission effectuée dans ce pays par le Secrétaire Ali Triki, représentant du Président en exercice de l’UA, et le Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’UA, Ramtane Lamamra. Cette mission témoigne de l’engagement renouvelé de l’UA à ne ménager aucun effort pour aider les parties mauritaniennes à agréer et à mettre en œuvre une solution consensuelle à la crise actuelle qui puisse bénéficier du soutien de la communauté internationale dans son ensemble». Avant de conclure : «j’encourage les parties mauritaniennes à parachever le rapprochement de leurs positions respectives par une démarche inclusive, conforme à la Constitution du pays et portée par une volonté sincère de concrétiser les chances d’une sortie de crise consensuelle. Je souligne que l’UA demeure pleinement disposée à aider les parties mauritaniennes dans la réalisation rapide de cet objectif».
En même temps, le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade renouvelle sa volonté à œuvrer pour trouver une porte de sortie en vue de solutionner la crise mauritanienne. Les protagonistes mauritaniens ratent le message. Comme d’habitude…
L’initiative sénégalaise reprend… perspective de plus en plus précise de recul de la présidentielle… de gouvernement d’union nationale… en attendant les réactions des parties se multiplient… dont celle de l’Ambassade des Etats-Unis aux accusations d’ingérence… du FNDD aux positions des puissances étrangères… création d’un nouveau parti dédié au Général démissionnaire…
L’Ambassade des Etats Unis rappelle : «Les États-Unis continuent à croire qu'une solution stable et durable de la crise passe nécessairement par le retour de toutes les institutions constitutionnelles, y compris le retour du président, démocratiquement élu, de la République islamique de Mauritanie. Une fois les institutions démocratiques rétablies, les États-Unis salueront et appuieront tout dialogue politique visant à construire un consensus national pour renforcer la démocratie en Mauritanie». Pour ce faire «Le gouvernement américain a imposé des sanctions sur les visas contre les membres du Haut Conseil d'Etat et les autorités administratives mises en place après le coup. Ces sanctions s'appliquent aussi à d'autres personnalités qui ont soutenu activement ou ont bénéficié du coup d'état. L'application de sanctions financières ciblées contre ces mêmes personnes est encore activement en cours d'examen». Les interférences parasitent l’atmosphère et le processus de pourparlers.
L’opposition politique est accaparée par l’appréciation des positions des pays «amis». Ici ce sont les Etats-Unis qui sont salués, la France stigmatisée.
Arrivée de Wade à Nouakchott et rencontre avec les chefs de ce qui allait devenir «les pôles politiques mauritaniens» (Mohamed Ould Abdel Aziz, Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah). En compagnie de Jean Ping, le commissaire africain. Avant de regagner Dakar, Me Abdoulaye Wade déclare à la presse : «Je pars optimiste, je ne dis pas qu'il y a entente à 100% mais je crois que sur l'essentiel, des convergences existent». Le président Wade qui s’est dit «optimiste», a déclaré qu’il prenait sur lui «que s'il y a consensus entre les différents partenaires sur une date déterminée, je me ferai fort de convaincre le général de l'accepter». Avant d’ajouter : «Avec M. Ping et M. Triki, nous sommes arrivés à la conclusion que les transitions doivent être très brèves et que, dans ce cadre précis, les élections en Mauritanie doivent avoir lieu avant l'hivernage.» Soutien déclaré de la France à la démarche.
Côté opposition, Mohamed Ould Maouloud déclare : «nous sommes disposés à participer à toute proposition conduisant à un dialogue qui met fin à la crise mais nous n’acceptons pas le fait accompli y compris l’agenda unilatéral auquel tient l’autre partie. Nous espérons qu’il y ait un dialogue et un accord sur une solution consensuelle mais il faut poser la question à l’autre partie si elle est prête à une solution consensuelle.»
Le premier round des négociations est ouvert. Plutôt cordial. Pour le camp du candidat Ould Abdel Aziz, il y avait là Sid’Ahmed Ould Raïss, coordinateur national de la campagne du candidat, Melainine Ould Tomy, directeur de cabinet du candidat, Sidi Mohamed Ould Maham, député, virulent adversaire de toute idée de report, Diop Abdoulaye, sénateur de M’Bagne et Coumba Ba, conseillère à la Présidence de la République.
Pour le RFD, il y avait là Mohamed Abderrahmane Ould Moine, vice-président du RFD d’abord favorable au rapprochement avec les militaires et dont une partie de l’entourage était de l’autre côté, Sidi Ould Salem, vice-président du RFD, Nana Mint Cheikhna, députée et fervente opposante au coup d’Etat et Yedali Ould Cheikh, président de la commission Communication du parti, opposé dès le départ à tout rapprochement avec les militaires.
Pour le FNDD, il y avait Moussa Fall, Secrétaire Permanent  du parti ADIL dont le président, Yahya Ould Ahmed Waghf est aujourd’hui en prison, El Khalil Ould Teyeb  député APP et vice-président de ce parti, Saleck Ould Sidi Mahmoud député islamiste de Tewassoul, fortement engagé contre le coup d’Etat, Kadiata Malick Diallo députée UFP et Soumaré Outouma activiste proche des islamistes et militant dans les ONG.
Dès la fin mai, Me Wade fait parvenir un projet d’accord avec toutes les parties. Il fixait la date du scrutin autour de la mi-juillet (11 ou 18), prévoyait la mise en place d’un gouvernement d’union, la reconstitution de la CENI et la démission de Ould Cheikh Abdallahi. La signature devrait avoir lieu à Dakar.
Le ministre Gadio déclare : «L’ensemble du processus pour nous c’était quoi ? C’était participer aux élections pour ceux qui le désirent et participer aux institutions de la transition que seraient le gouvernement d’union nationale et la CENI cogérée par les trois leaders politiques».
Mercredi 27 mai 2009, les protagonistes de la crise mauritanienne se retrouvent à Dakar. Pour l’Union Pour la République (UPR) et donc le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, la délégation est composée de Sid’Ahmed Ould Raiss, Mme Coumba Ba de la présidence, Me Sidi Mohamed Ould Maham, le sénateur Diop et Me Brahim Ould Daddah. Pour le FNDD : Mohamed Ould Maouloud (UFP), Salek Ould Sidi Mahmoud (Tawassoul), Ba Aliou Ibra (Adil), Mohamed Ould Bourbouss (APP) et Dr Outouma Soumare. Pour le RFD : Mohamed Abderrahmane Ould Moïne, députée Nana Mint Cheikhna, Yedaly Ould Cheikh, Dr Sidi Ould Salem et Diop Chouaib.
Le Président Abdoulaye Wade l’ouvre. D’abord les raisons de son intermédiation. «Voisin de bonne volonté», le Sénégal a le droit et même le devoir d’intervenir pour promouvoir la résolution de la crise mauritanienne. «La Mauritanie est dans le Sénégal et le Sénégal est dans la Mauritanie, et aucun des pays n’a le droit d’ignorer les problèmes de l’autres». Puis l’appréciation de ce qui s’est passé en Mauritanie. L’opposition entre «le droit de fait» et «le fait du droit». Entre traiter avec «un chef d’Etat» et «un président légitime». «Nous avons condamné le coup d’Etat, mais nous ne pouvons nous comporter comme s’il s’agissait d’un pays lointain». Il fallait composer avant d’aider à trouver une solution. D’où le rôle de «facilitateur» avec la bénédiction de l’Union Africaine et «de son président le Guide de la Révolution libyenne Moammar Kadhafi». Le retrait du Président Wade, donne le coup d’envoi aux négociations.
La première séance est consacrée aux déballages. On ne se prive finalement pas. Trois à quatre tours de table. A la fin de la journée, on sait à peu près la liste des problèmes qui devront être traités. Sur deux fondations : la cogestion d’une transition dont la durée doit être déterminée et l’adoption d’une démarche convergente. Après les déballages, les négociateurs reviennent juste pour récupérer un document qui fait office de projet d’«accord cadre entre les trois pôles politiques mauritaniens». C’est ce document qui sera la base des négociations. Il est vite ventilé sur les sites électroniques d’information. Ce qui crée problème. Le diable est dans les détails. Même si Ould Maouloud répète : «nous sommes sur la bonne voie».
Le 2 juin 2009, le texte d’Accord entre les trois pôles politiques mauritaniens est paraphé : le pôle du pouvoir en place, celui du Général Mohamed Ould Abdel Aziz, le pôle du FNDD et celui du RFD.
L’article 1 de l’Accord indique : «Les trois grands pôles de la vie politique mauritanienne, signataires de cet ACCORD CADRE, s'accordent sur la nécessité d'une transition organisée de façon consensuelle dans le cadre du présent Accord politique. Ils s'engagent tous, par conséquent, à gérer ensemble la transition en participant aux élections (pour ceux qui le désirent), au Gouvernement Transitoire d’Union Nationale et à la constitution de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)».
Il en découle, selon les termes de l’Accord, «le déplacement du problème vers la transparence des élections en amont comme en aval, c'est-à-dire la fiabilité du fichier électoral, la crédibilisation du scrutin dans son ensemble, l'égalité de traitement des candidats par les médias du service public, la neutralité de l'administration territoriale, l'observation rigoureuse du processus dans son ensemble par la communauté internationale».
La feuille de route est dégagée. Elle fixe les modalités d’une transition consensuelle qui commence par trois actes : démission du Président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi après avoir signé un décret nommant le gouvernement d’union nationale ayant en charge de gérer la transition, et enfin «la prise en charge des effets de cette décision en termes d’intérim de la présidence de la République par le Président du Sénat».
Certains détails concernant notamment la répartition des postes ministériels sont donnés : «Les portefeuilles de ce gouvernement sont répartis de façon paritaire entre le pôle de la majorité parlementaire actuelle soutenant Monsieur Mohamed Ould ABDELAZIZ d’une part et d’autre part les deux autres pôles du FNDD et du RFD. Le Premier Ministre sera nommé sur proposition du pôle de M. ABDELAZIZ, après consultation des dirigeants des deux autres pôles. Les Ministères de l’Intérieur, des Finances et de la Communication seront attribués à des personnalités proposées par le FNDD et le RFD».
La mission de ce gouvernement est définie. Il doit assurer «la continuité de l’Etat et la gestion des affaires du pays ainsi que la mise en œuvre du présent Accord, en particulier la prise de mesures appropriées pour l’organisation et le bon déroulement de l’élection présidentielle ; étant entendu que l’action et les décisions d’un Gouvernement de transition obéissent aux exigences du fonctionnement normal des institutions, de la stabilité des administrations publiques et de la continuité des relations internationales du pays, et que les institutions et structures de Défense et de Sécurité accomplissent leurs missions dans le cadre de la Constitution et des lois de la République».
Sur l’élection elle-même, la date est fixée au 18 juillet 2009. Elle doit être précédée par «une révision exceptionnelle de la liste électorale, la vérification du fichier électoral et la validation des dossiers de candidatures». A propos de la CENI et contrairement à toutes les attentes, les parties prenantes optent pour une institution partisane, composée de façon paritaire : «La CENI sera composée de quinze membres, à raison de quatre proposés par chacun des trois grands pôles politiques, le Président, le Vice-Président et un autre membre devant être des représentants de la société civile ayant la compétence nécessaire et ne faisant pas l’objet d’opposition de la part d’aucun des trois pôles politiques». Malgré cette précision, pourtant de taille, les deux premières personnalités de la CENI seront choisis dans le sérail des futurs candidats.
Pour donner des gages de bonne volonté, les parties s’engagent à apaiser leurs relations durant la période transitoire. Cela doit se traduire par la fin des campagnes de médisance et la libération des prisonniers dans le dossier Air Mauritanie (les leaders du parti ADIL pour l’essentiel). Neutralité de l’administration et de son personnel : «Ces engagements feront l’objet d’un suivi et d’une surveillance dans le cadre des organes et procédures internes ainsi que des mécanismes d’appui mis en place par la Communauté internationale pour le renforcement de la transparence et de la crédibilité du processus électoral».
Autour de la partie «poursuite du dialogue national inclusif», il est stipulé qu’il y a nécessité de «renforcer la réconciliation nationale et la démocratie». Et de préciser : «DANS LE PROLONGEMENT DE L’ELECTION PRESIDENTIELLE, le dialogue national inclusif sera poursuivi et intensifié entre toutes les forces politiques mauritaniennes». Pour renforcer la démocratie, travailler pour prévenir les changements anticonstitutionnels, promouvoir la bonne gouvernance, l’état de droit, adopter les réformes nécessaires à cet effet…
Mise en place difficile de l’Accord. A l’origine des blocages : la mauvaise foi des politiques. Les uns ont signé croyant que les autres allaient refuser. Les autres étaient sûrs de l’impossibilité de tenir le calendrier du 18 juillet.
L’accord qui devait être signé le 3 juin à Nouakchott en présence du président sénégalais, ne le sera que le 4 juin. La libération des prisonniers prendra du retard. Le président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui a accepté de renoncer volontairement à son mandat, exige des préalables dont la dissolution du Haut conseil d’Etat (HCE). D’où le retour à Dakar.
A Dakar II, les parties ont bataillé 24 heures durant pendant trois jours : les représentants du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz ne voulant pas aller au-delà du 18 juillet, ceux de l’opposition ne voulant pas aller en-deçà du 21 juillet. Pour quelques 36 heures, l’élément essentiel de blocage fut celui-là. On perd facilement le temps. Ce sera largement au profit du candidat Ould Abdel Aziz.
La première réunion du Conseil des ministres issu de l’Accord de Dakar est l’occasion d’une profonde mésentente qui n’aura pas d’effet irréversible : le chronogramme est adopté. «de manière frauduleuse», selon les pôles de l’opposition. «C’est un coup d’Etat que nous avons refusé de dénoncer en son temps», reconnait encore aujourd’hui un des leaders de l’opposition. Pour lui, c’est ici qu’il faut situer le péché originel de l’opposition. Il l’explique par le fait que les leaders les plus en vue étaient déjà sur la ligne de départ pour la présidentielle. Tout s’accélère. Nous arrivons au 18 juillet qui voit le candidat Ould Abdel Aziz élu au premier tour à 52%...
L’opposition ne reconnait pas les résultats sauf pour Tawassoul qui en prend acte et essaye un moment de garder le contact. De tergiversation en tergiversation, l’après juillet 2009 passe rapidement. Pas de rupture dans la tonalité des discours. One ne semble pas accepter de croire qu’il y a là un nouvel ordre avec lequel tout le monde doit composer. Jusqu’en 2010.
A la faveur de la guerre menée contre le pays par les groupes jihadistes, des politiques appellent au rapprochement. La Coordination de l’Opposition démocratique (COD) née entretemps du regroupement des principales formations, appelle franchement au dialogue. Le pouvoir accepte. Les relations entre l’Institution de l’Opposition et le pouvoir se normalisent plus ou moins.
Le 28 novembre, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz déclare sa disponibilité à aller à un dialogue franc et inclusif. Les premiers contacts s’établissent. La COD est en train de confection sa plateforme quand éclatent les incidents de Tunisie. Commence la déferlante des révolutions arabes. Le discours de l’opposition adopte le dégagisme dans sa forme la plus radicale. Plus question de discuter avec un pouvoir qu’on croit sur le point de s’effondrer.
Seules les formations comme l’APP, Al Wiam et Sawab acceptent de continuer ce qui a été commencé. Ce qui donne le dialogue de 2012. Avec comme résultats, les élections de 2013.
Depuis plusieurs tentatives. Sans résultats. De Dakar finalement, il n’est rein resté pour la classe politique. Pour la Mauritanie cependant, cela a été un moment crucial permettant de sortir d’une crise qui avait risqué de mettre le pays à plat.
En légitimant la suite du coup d’Etat du 6 août 2008, cet Accord a permis de refonder une Mauritanie stable rendant possible l’ambition de lancer le chantier de la Mauritanie nouvelle.




Institution de l’Opposition Démocratique : Chronique d’une mort voulue


Par la voix de son «leader», l’Institution de l’Opposition Démocratique a annoncé la semaine dernière avoir introduit un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour Suprême contre le décret présidentiel nommant la Commission nationale électorale indépendante. Un acte qui exprime plus la vanité du métier de s’opposer en Mauritanie et qui sonne comme un baroud d’honneur à quelques mois des élections législatives qui donneront forcément une autre configuration et donc une autre Institution que celle d’aujourd’hui.
Il est évident que l’Institution de l’Opposition Démocratique n’a pas bénéficié de suffisamment de soutien de la part de la classe politique, encore moins du pouvoir. Elle a plutôt subi le tir croisé de la part d’acteurs qui lui ont refusé son statut institutionnel.

Un Statut pour éviter le pire

Quand elle est créée en février 2007, dans l’entre-deux-tours d’une présidentielle risquée, l’Institution de l’Opposition Démocratique fut présentée comme une action «préventive» visant à éviter les dérapages postélectoraux. Le souci était de trouver une porte de sortie honorable pour l’opposition «traditionnelle» représentée par des candidats comme Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir. La question était de savoir comment pouvait-«on» les amener à accepter, sans heurts, de perdre en face d’un candidat sorti de nulle part, n’ayant aucune expérience politique et dont le seul atout était d’être soutenu par la junte au pouvoir.
Par la création d’un Statut de l’Opposition, on assurait aux perdants annoncés une présence sur l’échiquier et une participation plus ou moins effective dans l’exercice du pouvoir. Avec, en prime, ce rang, certes protocolaire, égal au chef du gouvernement accordé au Chef de file de l’Opposition démocratique. A l’avance «on» savait qui devait l’être et qu’est-ce que cela permettrait.
La première mouture du texte du Statut fut rapidement adoptée, sans concertations préalables. Aucune force politique, à part l’Union des forces du progrès (UFP), n’a jamais revendiqué l’institution d’un tel Statut. Tous étant fixés sur l’aspect «normalisation de la vie politique» qu’elle peut permettre.
Au lendemain de l’élection présidentielle qui a vu le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi gagner au deuxième tour, la défaite fut difficile à consommer. Alors que la victoire enivrait déjà.
«On» mit du temps à mettre en place l’Institution de l’Opposition. La plus grande difficulté étant de savoir qui fait quoi au sein de l’Institution. Le Chef de file fut cependant reconnu et installé plus ou moins rapidement. Suivront des échanges sulfureux entre les composantes de ce qui devait être le Bureau. Les partis concernés dénuant à Ahmed Ould Daddah ce statut de Chef de file de l’Opposition démocratique. Ce qui n’empêche pas ce Chef de file de rencontrer le nouveau Président de la République au moins deux fois durant l’année de son exercice.

«Ne pas faire de cadeau à Ould Daddah…»

La contestation à l’intérieur et la volonté de limiter «le Statut de Ahmed Ould Daddah» allait pousser les parlementaires de l’UFP à initier une nouvelle loi en vue de limiter les pouvoirs et le statut du Chef de file. La nouvelle loi entend faire du Bureau de l’Institution, non pas de son Chef de file, la personne morale qui la représente. Le poste de secrétaire général devenait important et même ceux de membres. Surtout que la gestion d’un budget conséquent était en cause (ce budget va varier entre 90 et 110 millions par an). Qui sera quoi ? Nouvelle querelle qui va durer celle-là.
La crise politique qui s’ouvre et qui permet à l’UFP et aux Islamistes d’intégrer le gouvernement du Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf, atténue la pression sur l’Institution. C’est Ibrahima Moktar Sarr de l’AJD/MR qui devient Secrétaire général de l’Institution. Mais on joue déjà les prolongations d’un match commencé en août 2005. La crise politique est ouverte.
Le 6 août 2008, le Chef de file de l’Opposition démocratique et son parti le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) préfèrent accompagner ce qu’ils appellent immédiatement «le mouvement de rectification», traduisant ainsi la mauvaise relation avec le pouvoir du Président Ould Cheikh Abdallahi.
La crise qui prend formellement fin avec l’Accord de Dakar et l’élection présidentielle de juillet 2009, va se poursuivre. Empêchant la normalisation des relations entre les Institutions. Il faut attendre le 19 octobre 2010 pour voir côte à côte le Président de la République élu en juillet 2009 et jamais reconnu par ses opposants, et le Chef de file de l’Opposition démocratique qui n’aura pas cependant droit à faire une déclaration publique à sa sortie d’audience. Pendant quelques semaines, les deux hommes évolueront côte à côte au cours de cérémonies officielles successives. Avant de rompre à nouveau.
Arrive la période où la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), regroupant l’essentiel des acteurs opposants, se substitue peu à peu à l’Institution de l’Opposition. Elle permet à tous les leaders d’occuper le strapontin de la présidence tournante et leur évite d’avoir le Président Ahmed Ould Daddah comme seul chef. L’Institution de l’Opposition est ainsi jetée aux oubliettes. Ne subsiste d’elle que le budget et le fonctionnement. Même quand la COD s’avère dépassée comme structure regroupant l’ensemble de l’opposition au pouvoir, les partis décident de créer un Forum national pour la défense de la démocratie (FNDU) au lieu de revenir à l’Institution démocratique légale, l’objectif premier est de la faire dépasser.
Entretemps, le Statut est réformé pour créer un «Conseil de supervision» dirigé par un Président issu du parti qui a eu le plus de députés au cours des dernières élections, avec l’obligation d’être lui-même élu.
Au lendemain des élections de 2013, c’est Tawassoul qui hérite donc de la présidence de ce bureau avec Al Wiam de Boydiel arrivé deuxième et l’AJD/MR de Sarra Ibrahima. L’Alliance populaire progressiste de Messaoud Ould Boulkheir a refusé de faire partie du bureau. C’est naturellement à Al Wiam que revient le poste de Secrétaire général qui devient Idoumou Ould Abdi Ould Jiyid. Le Conseil de supervision est composé lui de : Hacen Ould Mohamed (Tawassoul), Boydiel Ould Hoummoid (Al Wiam) et Soda Wane (AJD/MR).
C’est seulement le 3 novembre 2014, un an après les élections législatives, que le nouveau bureau est installé par le Conseil constitutionnel.
L’article 7 précise en son alinéa premier : «L’Institution de l’Opposition Démocratique est dirigée par un conseil de supervision composé des représentants investis d’un mandat de député, de sénateur ou de membre d’un conseil municipal des partis politiques de l’opposition représentés à l’Assemblée nationale. Le rôle de chacun des membres y est défini en fonction du nombre de députés de sa formation politique». Et en son article 8 (alinéa premier) : «Le Président du Conseil de l’institution de l’opposition est le représentant désigné de la formation politique qui a obtenu le plus grand nombre de siège à l’Assemblée Nationale aux élections législatives générales les plus récentes parmi les partis politiques de l’Opposition Démocratique. En cas d’égalité de sièges, entre deux ou plusieurs partis, le critère de départage retenu est celui du nombre de voix obtenus par la liste nationale de chaque parti».
On pouvait noter l’absence de représentants des partis d’opposition n’ayant pas participé aux dernières élections. Et, malgré la présence de Tawassoul en son sein, convenir qu’il s’agissait là d’une contestation ouverte de la légitimité de l’Institution.

La relance impossible

Le premier défi du nouveau bureau de l’Institution de l’Opposition Démocratique, était bien celui de la reconnaissance par ses pairs et par le pouvoir.
Ses pairs ne le reconnaitront jamais. Alors que le pouvoir fera preuve de défiance arguant que l’Institution de l’Opposition Démocratique n’a finalement été «qu’une excroissance du parti Tawassoul, épousant parfaitement ses positions». Et c’est ainsi qu’une seule rencontre aura lieu entre le Président de la République et le Leader de l’Institution, Hacen Ould Mohamed. Rencontre au cours de laquelle, il a été convenu de traiter avec le Premier ministre pour résoudre les problèmes qui se posent à l’Institution. Plusieurs rencontres entre le Conseil de supervision et le Premier ministre n’ont jamais permis d’aller au-delà des promesses de «régler rapidement les problèmes posés».
La dernière de ces réunions a eu lieu le 19 mars dernier quand, entouré de son ministre de l’intérieur et de ses collaborateurs concernés, le Premier ministre Yahya Ould Hademine a réuni autour de lui les membres du Conseil de supervision pour discuter des difficultés et faire avancer les choses.
D’abord sur la publication du décret d’application de la loi, celui-là même dont on a parlé dès 2010. Jamais ce décret n’a été pris par le gouvernement. Jamais aussi l’Institution n’a bénéficié d’accès direct aux médias publics. Jamais non plus la situation financière et administrative n’a été définitivement éludée.
Le 19 mars, le Premier ministre prend l’engagement de signer lui-même le décret d’application. Ce qui n’a pas été fait. De disponibiliser des véhicules au Leader de l’Institution. Ce qui n’a jamais été fait. De lui permettre d’accéder aux informations et aux médias publics. Ce qui n’est pas encore fait malgré la circulaire du Premier ministre. Même l’ordre protocolaire lui est refusé.
Certes, le Leader de l’Institution reçoit un salaire équivalent à celui d’un membre du gouvernement comme le stipule la loi : «Au titre de leur fonction le Leader Principal de l’Opposition Démocratique ainsi que les membres du Comité de Gestion, ont droits à des avantages protocolaires et matériels fixés par Décret.
Pour le Leader Principal de l’Opposition Démocratique, les avantages matériels ne peuvent être inférieurs à ceux reconnus aux membres du Gouvernement.
Pour les membres du Comité de Gestion ils ne peuvent être inférieurs à ceux reconnus aux Présidents des groupes parlementaires.
Les frais de fonctionnement de l’Institution sont pris en charge par l’Etat.
L’organisation et le fonctionnement de l’Institution sont fixés par décret pris en charge par l’Etat». Mais le budget de l’Institution diminuant d’année en année, il ne couvre plus que huit mois de salaires. Alors que sur le plan politique et donc institutionnel, elle se meurt.
Ce n’est pas du côté des acteurs de l’Opposition qu’il faut se tourner pour trouver inspiration. Même si en son article 6, la loi dit : «En vue de garantir leurs droits reconnus et de faciliter l’exercice de leurs activités, les formations politiques de l’opposition démocratique coordonnent leurs actions dans le cadre d’une Institution autonome. Cette institution est chargée de garantir la sauvegarde des intérêts collectifs de l’opposition démocratique et de faciliter sa représentation au sein des Institutions de la République». Reste que le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) et avant lui la COD offraient aux partis l’impression de diriger à tour de rôle et de s’éviter le diktat de quelques-uns.
Jamais la question de l’Institution ou du Statut de l’Opposition n’a fait l’objet d’un débat au Parlement, ni au sein des formations politiques faisant ou non front. Les acteurs politiques font à présent comme si elle n’existait pas.
Pourtant… elle doit exister.

SAWAB-IRA : Un mariage de saison


Rien absolument ne pouvait prévoir cette alliance entre le mouvement de résurgence abolitionniste Mauritanie dirigé par Biram Ould Dah Ould Abeid et Sawab que dirige Abdessalam Ould Horma. Même s’il existe des antécédents entre les deux idéologies qui nourrissent les deux formations. Même si chacune des organisations y trouve son compte.

C’est en grande pompe, que Sawab et IRA-Mauritanie ont annoncé jeudi dernier leur alliance politique. Officiellement, il s’agit d’un «partenariat» qui permet aux deux formations d’aborder les élections à venir : les Législatives, municipales et régionales de 2018, puis la présidentielle de 2019. C’est le seul acte politique «tactique» visible sur la scène actuelle. Les autres acteurs semblent s’accrocher aux vieux schémas, comptant plus sur la persistance du clivage Pouvoir-Opposition traditionnel qui a jusqu’ici animé cette scène et qui n’aura plus sa signification dans quelques semaines voire quelques jours.

Bienvenue au Sawab

«Au nom du parti Sawab, nous souhaitons la bienvenue parmi nous à ce grand leader Biram Ould Dah Ould Abeid. Avec lui, poursuit Ould Horma, nous nous engageons dans une bataille commune contre l’injustice et l’exclusion et pour une Mauritanie plus démocratique et plus solidaire. Avec Biram, nous œuvrerons à la consolidation de l’unité nationale». 
De son côté, Biram Ould Dah Ould Abeid a promis, dans son mot d’introduction, de «nouer d’autres convergences avec d’autres formations politiques, à chaque fois qu’il deviendrait possible de consolider la dynamique de progrès pour la Mauritanie émancipée du populisme, du racisme, du fanatisme religieux». Appelant les militants présents «contre la coalition de la régression et du déni, avançons en rangs serrés».
C’est donc Sawab qui reçoit. Le parti légalement constitué ouvre les bras à l’organisation «non reconnue» et jusque-là combattue par les autorités. D’aucuns ont oublié que les Baath ont été les premiers parmi les courants nationalistes à tenter de prendre en charge le mouvement d’émancipation haratine. Quand, à la fin des années 70 et au début des années 80, ils réussissent à copter une partie de la direction historique du mouvement El Horr. A l’époque, toute une aile avait basculé dans le rang du parti Baath (Sghaïr Ould Mbarek, feu Mohamed Ould Haïmer…).
Sawab est un parti qui a la particularité d’être plutôt populaire dans la communauté arabe de Mauritanie sans jamais traduire cela sur le terrain. Sawab n’a jamais eu un député, un sénateur ou un maire. Le nom du parti annonce plutôt la pondération et la mesure dans le discours et les méthodes. En fait, ce parti est venu pour faire oublier les déboires de l’Avant-garde, son ancêtre, plutôt sulfureuse.
Il a appartenu à la partie de l’opposition qui a choisi de continuer le dialogue avec le pouvoir en 2011 et de refuser l’option du dégagisme. A ce titre, il a cofondé la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) avec l’APP et Al Wiam. Qu’il a quittée sans préalables mais sans pour autant rejoindre le Forum national pour la démocratie et l’unité. Les deux dernières années, Sawab a fait cavalier seul, organisant des meetings plus incisifs, plus critiques que dans le passé.
Parce que, comme tout parti mauritanien issu d’un groupuscule politique déterminé, il a dû manœuvrer pour ne pas entrer en conflit ouvert avec la direction historique et les dignitaires emblématiques du mouvement dont il se revendique.

Unis pour le meilleur

De son côté, IRA-Mauritanie est une organisation née du parcours d’un homme, Biram Ould Dah Ould Abeid qui l’a lancée il y a de cela dix ans. Virulence, détermination, engagement physique, extravagance de la démarche, excès de langage… ont caractérisé la méthode Biram jusqu’à présent.
De militant anti-esclavagiste, Biram Ould Dah Ould Abeid est vite passé à leader politique. Il atteint le summum quand il se présente à la présidentielle de 2014. Il arrive deuxième avec plus de 8% des voix exprimées et devient un homme politique par excellence.
Les emprisonnements et la virulence du discours lui valent un fort soutien dans les milieux «exclus du système», particulièrement chez les activistes de la communauté noire qui voient en l’homme et en son organisation un cheval de bataille contre la communauté arabe.
Le plus grand soutien de Ould Abeid lui vient de l’extérieur. Plusieurs prix consacrent une reconnaissance internationale sans précédent. Si bien qu’il est aujourd’hui l’incontestable symbole de la lutte anti-esclavagiste et pour les droits en général en Mauritanie. 
Il y a quelques années, il a essayé de lancer un parti politique mais les autorités ont refusé de le reconnaitre. C’est justement cette hostilité de l’Appareil qui le sert le mieux, le présentant comme une véritable victime d’un système que lui qualifie de «raciste et d’esclavagiste».
Quand il revient d’un long périple en Europe et en Amérique, il annonce dès 2017 sa volonté de briguer la Magistrature suprême à l’occasion de la présidentielle de 2019. Il entend ainsi prendre les devants face à une opposition qui a perdu le fil de son combat et qui refuse de penser à cet avenir pourtant proche.
Le calcul est simple : devant l’absence des figures emblématiques désormais écartées pour raison de limite d’âge, l’opposition actuelle est condamnée à fédérer autour d’un candidat unique. Qui, mieux que Biram Ould Dah Ould Abeid, peut prétendre à la légitimité d’être ce candidat ?
C’est ainsi qu’il se lance dans une série de rencontres pour ratisser large et surtout pour normaliser ses relations avec tous les acteurs. Lui qui n’a pas manqué de s’attaquer à tous, souvent sans hésiter à piocher dans le vocabulaire le plus grossier. Il réussit à impulser le regroupement du G8 qui a été pensé pour faire converger toutes les forces opposantes.
Il a été question une première fois d’accord avec l’UFP, puis d’autres formations, avant que l’information ne tombe. D’abord sous la forme d’une adresse faite par Biram Ould Abeid à travers les réseaux sociaux et essentiellement adressée à la diaspora des militants. Ensuite avec cette annonce solennelle faite devant quelques dizaines de militants rassemblés dans la maison des jeunes.

Le pire à venir ?

Le premier objectif de Ould Abeid est bien sûr de trouver un cadre légal qui peut lui servir pour aller à la conquête des sièges au cours des élections futures. Le mélange ainsi réalisé aura certainement sa part.
Il faut rappeler ici que sur les 155 députés de la future Assemblée, 88 seront élus à la proportionnelle, ce qui ouvre de grandes chances aux partis d’opposition.
Mais les risques pour IRA et pour Biram Ould Abeid sont grands. D’abord celui d’abandonner la virulence qui a été son point fort. Quand il dénonce le populisme, c’est effectivement l’annonce d’un revirement dans le discours. Il est difficile pour ses soutiens actuels de s’accommoder de cette nouvelle alliance.
Une lecture – fallacieuse il est vrai – des événements de 1989 a toujours fait porter au parti Baath de Mauritanie la responsabilité des malheurs qui s’en est suivi. Les militants nationalistes noirs, même les plus pondérés parmi eux, ont toujours développé un discours anti-baath. Il sera difficile pour eux de faire comme si rien ne s’était passé.
D’autant plus que l’expérience de Messaoud Ould Boulkheir et de Action pour le Changement est toujours présente dans les esprits.
Quand, au milieu des années 2000, les nationalistes arabes – cette fois-ci les Nassériens – ont réussi leur OPA sur le puissant leader haratine de l’époque, Messaoud Ould Boulkheir. L’arrachant aux activistes noirs qui l’encadraient et l’intégrant dans un parti nationaliste, Alliance populaire progressiste (APP).
La seconde alliance qui risque de sauter à l’occasion de ce partenariat, est celle des courants dits «droits-de-l’hommistes» occidentaux, souvent sous influences diverses et dont l’objectif est d’abord de déstabiliser les sociétés arabes en cassant des pays où la diversité peut être source de divisions.
Pourtant IRA-Mauritanie se justifie : «Dispersés et parfois inaudibles, nous gagnions certes la bataille de la persuasion parmi les nôtres et auprès des nations libres mais demeurions bâillonnés, chez nous, au seuil des collectivités locales et du Parlement. Aujourd’hui, la leçon enfin apprise, il nous appartient de la traduire, en conquête de sièges, sur le terrain de la compétition dans les urnes.»
Est-ce suffisant pour faire adhérer la multitude de soutiens à ce qui n’est déjà pas un mariage de raison ?

MFO