mercredi 16 juillet 2014

Chez Tawaçoul, le premier pas?

C’est une tradition qui prend forme : chaque 17ème jour de Ramadan, le parti Tawaçoul invite à «dé-jeûner» une grande partie des acteurs politiques, des vecteurs d’opinion et de responsables syndicaux. Cette année, la présence du président de l’Union pour la République (UPR), Dr Isselkou Ould Ahmed Izidbih, a été la surprise pour les présents.
Dans un pays où l’on veut instituer les divergences politiques en animosités virulentes et où le discours politique se nourrit de haines plus ou moins clairement exprimées, dans ce pays, la présence au même moment et dans le même lieu de Ahmed Ould Daddah, Mohamed Ould Maouloud, Sarr Ibrahima, Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, Abdessalam Ould Horma, Saleh Ould Hanenna, Jamil Mansour…, autour de la même table que Ould Ahmed Izidbih, partageant repas et commentaires, cette présence est un événement. Pour Tawaçoul, il s’agit sans doute d’une initiative visant à briser la glace et à «passer à la suite».
Le pays vient de vivre une présidentielle contestée par le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) où sont regroupés partis et syndicats d’opposition. Quelques mois avant, on tirait le rideau sur des Législatives et Municipales boycottées par une partie de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) : seul justement Tawaçoul de la COD avait participé à ces élections.
C’est justement pour dépasser le syndrome COD que le FNDU a vu le jour. Un peu pour reprendre l’initiative dans un cadre autre que la COD qui arrivait à extinction après avoir essayé par tous les moyens de bouter Mohamed Ould Abdel Aziz hors du pouvoir. Après avoir surtout opté pour la pire des solutions, le boycott qui l’excluait désormais de la vie politique future.
Le FNDU a buté sur l’intransigeance de certaines de ses composantes qui ne voulaient pas entendre parler d’une «candidature unique de l’opposition» pour la présidentielle alors prévue dans quelques semaines. C’est cette intransigeance qui allait mener au nouveau mot d’ordre de boycott qui n’aura finalement pas grand effet sur le taux de participation (plus de 56%). Aujourd’hui que le Président Mohamed Ould Abdel Aziz est confortablement réélu, avec la bénédiction de la communauté internationale, avec aussi cette impression que «les boycottistes ont raté quelque chose», l’heure est à l’initiative. Avec cette lancinante question : comment relancer le processus pour permettre aux «exclus» de revenir dans le jeu et, du coup, de rouvrir le jeu afin de parfaire ses règles (le boycott empêchant l’amélioration de ces règles) ?
Briser la glace d’abord. Quand il prend la parole, le président de Tawaçoul, Mohamed Jamil Mansour commence par remercier de leurs présences «les alliés, les amis et les partenaires nationaux». Les «alliés» pour désigner ceux avec qui le pacte du Forum a été engagé ; les «amis» sans doute pour noter la présence des présidents de l’AJD/MR et de Sawab ; et les «partenaires nationaux» pour définir la relation qui doit prévaloir entre les protagonistes politiques de l’Opposition et de la Majorité représentée ici par Ould Ahmed Izidbih de l’UPR, le parti au pouvoir.
Cette «pacification», même si elle ne s’exprime à présent que sur le plan du langage, est importante dans la mesure où entre Tawaçoul, les Islamistes en général, et la personne du président de l’UPR, le courant n’est jamais passé. De l’époque où il occupait le poste de Recteur et où l’Université a été le théâtre d’un activisme contestataire fortement nourri par la mouvance islamiste, jusqu’à la période où, directeur de cabinet du Président, il était resté seul face au courant fer de lance de l’opposition radicale. Cette animosité a pris parfois des tournures féroces à travers les médias.

La pacification peut être le premier pas vers une «normalisation» des relations entre les acteurs politiques. Ce soir, nous avons assisté à une rencontre cordiale où tous ceux qui ont pris la parole ont évité les questions qui fâchent. C’est sans doute pourquoi, les chefs politiques, notamment Mohamed Ould Maouloud et Ahmed Ould Daddah ont préféré s’en tenir au sujet de Gaza. Le premier proposant une manifestation commune pour dénoncer les exactions commises par Israël. Le second rappelant la souffrance des Musulmans de Myanmar, «autre foyer d’extermination des Musulmans». Seul Ould Ahmed Izidbih a espéré que cette retrouvaille ait une suite, en demandant aux partis de «faire la même chose que Tawaçoul». Ce que, personnellement, j’ai voulu comprendre comme une invitation à dé-jeûner chez l’UPR. Ce sera pour quand ?