mercredi 2 avril 2014

Couac au dialogue

A peine ouverte, la première session du dialogue entre les pôles politiques mauritaniens se referme sur une atmosphère d’incompréhension et de rejet. Le Forum nationa pour la démocratie et l’unité a prétexté l’absence du gouvernement pour refuser de venir au premier round. Puis le ministre de la communication a été envoyé ouvrir les négociations. Son retrait juste après son mot d’introduction a été un nouveau prétexte pour les représentants du FNDU pour se retirer. Ils ont considéré qu’il s’agissait là d’un manque de considération, peut-être d’une «preuve de mauvaise volonté de la part du gouvernement». Il est vrai que le ministre aurait pu attendre la réponse solennelle des représentants du FNDU, quitte à se retirer ensuite. Comme il est vrai qu’il s’agissait d’une séance d’ouverture d’un round destiné à élaborer un ordre du jour pour «passer aux choses sérieuses» avec d’autres vis-à-vis et dans d’autres circonstances. Tout ça est léger, n’est-ce pas ?
Le jeu qui se déroule devant nous cache (mal) les défis qui sont lancés à chacun des protagonistes qui savent qu’il s’agit là d’une occasion pour eux.
Pour le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, il s’agit de s’assurer de la présence dans la course de candidats de poids (ou non) à même de légitimer l’élection et d’éviter au mandat prochain d’être vicié à la naissance. Il sait que personne ne menace son pouvoir et qu’il peut ouvrir le jeu comme il se doit sans risquer grand-chose. Il est prêt donc à faire toutes les concessions qu’il faut et qui pourraient être demandées dans le cadre d’une élection. Même s’il ne peut pas reculer les dates et même s’il refuse à constituer un gouvernement d’union, il reste visiblement ouvert à toutes les autres perspectives (CENI, audit de la liste électorale…). Mais son personnel est-il au même degré de donscience des enjeux, surtout au même niveau de confiance ?
Pour le FNDU, la perspective d’un candidat unique est impossible à envisager et a d’ailleurs été abandonnée lors du lancement du forum. Il reste que l’élection future constitue une voie de retour pour les principaux partis de l’opposition radicale, ceux qui avaient boycotté les législatives et municipales et subissent aujourd’hui les conséquences néfastes d’un tel positionnement. C’est le cas de l’Union des forces du progrès (UFP) et du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), les deux plus grands (et plus significatifs) de l’ensemble. Pour ces partis, la mise en route de plusieurs candidats peut mettre en danger le candidat Ould Abdel Aziz, quitte à se retrouver plus tard, dans un second tour qui pourrait être décisif pour toutes les parties. Il y a donc quelque chose à jouer dans la participation. Surtout qu’il n’y a rien en perspective dans le positionnement actuel qui les met hors-jeu. S’ils peuvent par exemple imposer l’idée d’une reprise des élections législatives et municipales, ce sera pour ces partis l’occasion de revenir dans le jeu. C’est déjà ça de gagné. Mais, les divergences tactiques et les «intérêts égoïstes» peuvent-ils attendre ?
La CAP est un peu l’arbitre dans le jeu. C’est elle qui va faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, en apportant son soutien à l’une ou l’autre des positions. On sait que la CAP a déjà mené le même exercice avec la Majorité et qu’elle en est sortie avec des réformes fondamentales qui ont été à la base du système politique qui a permis les dernières élections. Elle peut imposer aux deux parties le retour aux accords de 2012 pour les enrichir par de nouvelles propositions. Ce qui permettra la recomposition de la CENI, le renforcement de son rôle et de son indépendance.
On peut – et on doit – rester optimiste parce que chaque partie est convaincue de l’utilité pour elle de faire aboutir le processus actuel. Les politiques finiront par trouver la voie. On l’espère du moins.