samedi 31 janvier 2015

La CUN recrute

La Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN) recrute une trentaine de cadres. Pour la première fois, cette administration a préféré faire appel à la Commission nationale des concours pour ce faire. Une manière de s’assurer que le recrutement va se faire dans des conditions optimales de régularité. D’éviter aussi de recourir aux méthodes traditionnelles de recrutement qui consiste à choisir dans son environnement immédiat. C’est pourquoi la décision de faire appel aux compétences de la commission nationale doit être saluée. Surtout que rien n’oblige la locataire des lieux, Maty Mint Hammadi, à procéder ainsi.
La Commission nationale des concours vient de terminer une série de concours organisés pour le recrutement de centaines de fonctionnaires destinés à répondre aux besoins d’administrations diverses. Ces concours ont vu la participation de milliers de candidats : près de 9000 pour le concours des Douanes, 14.000 pour la santé, etc. Jusqu’à présent aucune plainte n’a été déposée auprès des autorités compétentes (commission des concours, ou administrations concernées). Ce qui n’a pas empêché certains de nos confrères de parler d’irrégularités sans préciser lesquelles. Et toujours en se basant sur les rumeurs qu’ils contribuent ainsi à alimenter.

vendredi 30 janvier 2015

Une année d’Afrique

Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz remet le sceptre à un successeur pour la présidence tournante de l’Union Africaine. C’est ainsi qu’en un an, la Mauritanie aura eu l’honneur de diriger l’organisation panafricaine, surtout de la représenter sur la scène internationale, notamment dans les sommets UA-Union Européenne, UA-Etats Unis d’Amérique, le G20… Ce fut un honneur, mais aussi une opportunité pour notre pays d’affirmer sa présence, de reprendre ses marques sur la scène internationale. Nous venons de loin…
Les déboires de la diplomatie mauritanienne vont amener le pays à renoncer à ses vocations originelles qui voulaient en faire un trait d’union et une terre de convergence pour les ensembles Arabe et Africain. Il a fini par se perdre et par perdre ses repères pour devenir une sorte d’«orphelin géostratégique» n’étant plus ni Arabe ni Africain.
La reconnaissance d’Israël puis l’établissement de relations diplomatiques avec ce pays le coupaient du Monde Arabe. Le retrait de la CEDEAO lui faisait tourner le dos à l’Ensemble Africain.
La présidence de l’UA nous aura permis justement de reconquérir l’environnement qui est naturellement le nôtre. La présence de notre Président sur tous les fronts africains a remis la Mauritanie au centre de l’Afrique, nous poussant à recadrer notre diplomatie pour un plus grand enracinement dans notre versant sud que nous avons dédaigné deux décennies durant.
La chance du Président Ould Abdel Aziz aura été d’avoir d’abord dirigé le Conseil Paix et Sécurité (CPS) de l’UA et d’avoir, à ce titre, dirigé les panels chargés d’intervenir en Libye et en Côte d’Ivoire pour régler les crises qui se transformaient en guerres civiles. Dans les deux cas, le CPS de l’UA était sur le point de trouver des solutions quand l’interférence impromptue des puissances occidentales, particulièrement de la France en a voulu autrement.
En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo était déjà d’accord à remettre le pouvoir à Alassane Ouattara et la mission de l’UA avait déjà pris le chemin d’Abidjan, quand les forces françaises ont intervenu pour l’arrêter.
En Libye, une feuille de route avait déjà été acceptée par les chefs politiques des rebelles et par Moammar Kadhafi quand les avions de l’OTAN ont décidé d’intensifier leurs bombardements pour arriver à tuer le Guide libyen.
L’expérience des panels avait permis à la Mauritanie d’accueillir par deux fois des sommets de chefs d’Etats africains. Ce qui la préparait à la présidence de l’UA. Plusieurs sommets ont été organisés – et très bien organisés – à Nouakchott. Dont le dernier, et pas le moindre, est celui qui a eu lieu les 19 et 20 janvier autour de «la transparence et (le) développement durable en Afrique». Un sommet voulu et promu par Transparency International et la Banque Mondiale.
Notre pays passait pour modèle dans le domaine sécuritaire. La stratégie élaborée par la Mauritanie pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé en général a fait effet. Ce qui lui a permis de lancer le sommet du G5 du Sahel regroupant outre notre pays, le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso. On parle désormais du «Processus de Nouakchott» qui fait partie de l’architecture de paix et de sécurité mise en œuvre par l’UA.
Ce retour sur la scène africaine doit se traduire par une réintégration de l’espace CEDEAO avec lequel nous sommes désormais liés par des accords spéciaux qui nous font profiter des privilèges accordés par l’OMC pour ces ensembles économiques qui regroupent des pays pauvres comme le nôtre.
Il doit aussi se traduire par un ancrage solide dans notre espace maghrébin et la recherche de solutions aux multiples blocages qui empêchent justement l’Union du Maghreb Arabe d’avancer. Un renforcement de l’axe Tunis-Nouakchott, la mise en confiance du Maroc et de l’Algérie, peuvent amener nos pays à trouver un point de convergence autour du règlement de la question libyenne. Un processus maghrébin de règlement de la crise libyenne peut être amorcé par les autres pays du Maghreb s’ils s’y mettent. La Mauritanie peut en être la locomotive.

Quoi qu’en disent ses détracteurs, la présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz de l’UA aura été bénéfique pour la Mauritanie qui a pu revenir sur la scène pour se frayer un chemin dans cette jungle où les plus faibles doivent se démener pour se faire une place. 

jeudi 29 janvier 2015

Le sectarisme est le Mal

Dernièrement, l’opinion publique mauritanienne, celle qui se construit sur la toile, a été bouleversée par cette rencontre entre le Président de la République et les représentants de la communauté Soninké. Le choc était d’autant plus grand que les termes sont ceux de l’AMI, agence d’information officielle. On s’attend désormais à la couverture par cette agence, et par les autres médias publics, des activités des communautés et pourquoi pas des tribus. Au-delà de tout ce qui a été dit, il faut insister sur deux aspects de la question.
Les représentants de la communauté Soninké sont venus se démarquer d’une déclaration qu’un autre groupe aurait rendu publique au nom de la communauté Soninké, un groupe de jeunes qui se réclame aussi représentants de communauté Soninké. L’un et l’autre des groupes font usage de faux. Aucune communauté n’a de représentants attitrés. Déjà, aucun village, aucune caste, aucune tribu, aucun groupe ne peut se prévaloir d’une unité qui lui permette de désigner des représentants pour parler en son nom. Qu’est-ce qui se passe alors ?
Comme au niveau de chaque tribu, de chaque communauté, voire de chaque famille, la concurrence entre les acteurs pour un placement dans les structures de l’Etat (poste électif, poste administratif…) prend souvent des allures tragiques, comme s’il s’agissait d’une lutte à mort. C’est l’un des héritages de l’époque PRDSienne qui a vu l’exacerbation des différences devenir une donne dans la gestion des affaires publiques.
La lutte de placement qu’on peut aussi dire de classement est le moteur qui fait mouvoir l’espace politique. Le reflux des idéologies et des visions humanistes a cédé la place aux réflexes grégaires, épidermiques. Même les causes les plus nobles sont devenues un fonds de commerce politique dans cette lutte de classement. Il suffit de voir tous ces faux militants se greffer sur le combat légitime des anti-esclavagistes. C’est la faute à tout le monde.
C’est pourquoi, le salut du pays passe nécessairement par une réhabilitation, une revivification (pour parler à la manière des Soufis) des vocations premières d’un Etat qui n’avait d’autre atout pour s’imposer aux siens et aux autres que la foi de ses bâtisseurs.
Au début était la volonté des Mauritaniens de renoncer à leurs particularismes pour fondre dans une structure qui appartient à tous et qui vit de l’apport de chacun. La volonté de créer un espace où la citoyenneté prime sur l’appartenance communautaire, où l’égalité imprime les rapports entre individus.
Créer un espace où se développeront de nouvelles valeurs favorisant l’émancipation de l’individu des pesanteurs d’une société traditionnelle qui n’est pas à pleurer pour ce qu’elle impose de rapports et de pratiques iniques. L’on doit reconnaitre que, malgré les survivances mais aussi les déviances, nous sommes loin et même très loin du système qui régissait notre société et notre espace. Ce n’est pas la peine de polémiquer là-dessus.
Revivifier les vocations de départ consiste à refuser à tous ceux qui n’ont plus rien à nous offrir que le retour à nos rapports épidermiques, à leur refuser de nous imposer leurs manières de nous voir. Cela commence par dénoncer ces faqih et shaykh qui nous imposent les lectures les plus rétrogrades de notre religion, par lutter contre ces politiques ayant échoué dans leurs entreprises multiples et qui n’ont plus à nous proposer qu’à cultiver nos différences pour en faire une source de confrontations, et par combattre les discours développés sur l’espace public pour remettre en cause les principes sacrés pour lesquels nous nous sommes engagés ensemble (discours inégalitaires, propos contre le statut personnel, soutenant l’esclavage, cultivant les particularismes pour en faire une valeur…).

Ce n’est pas parce que nos politiques n’ont plus de quoi nous faire rêver à un avenir meilleur (parce que commun) que nous devons accepter de nous laisser berner par des discours qui se construisent autour des particularismes singuliers et non des richesses plurielles.  

mercredi 28 janvier 2015

Fin de l’impunité ?

Les récentes affaires qui ont secoué le ministère des finances et le système bancaire donnent l’occasion au Président Mohamed Ould Abdel Aziz de réaffirmer sa volonté déclarée d’engager une lutte sans merci conte la gabegie. Cette lutte commence naturellement par l’assainissement du système financier.
On voit, à travers la succession d’interpellations dans le milieu des percepteurs, que les pouvoirs publics sont dans la phase de mise en œuvre d’une opération coup de poing qui demande du courage, de la détermination, de l’équité, et, bien sûr, une volonté politique soutenue et inébranlable. Les limogeages dans la haute administration et les interpellations suivies ou non d’inculpations ne suffisent pas à elles seules. Les enseignements tirés du contrôle et des inspections doivent être lisibles (et visibles) pour prétendre à un soutien populaire à la politique engagée contre la mauvaise gestion sous toutes ses formes.
Il faut rappeler que la demande sociale en matière de lutte contre la gabegie n’est pas évidente. Même si elle découle d’une attitude logique qui doit être celle de tout humain «normal», ayant grandi dans un univers qui bannit le vol et l’indélicatesse sous quelque forme que ce soit, cette attitude n’est pas le fort de notre encadrement national (société politique, notabilités traditionnels, chefs religieux, élite en général). Il suffit de voir les soutiens apportés aux auteurs de malversations par les partis politiques, les segments entiers de notre société bienpensante, de pans de l’élite… Ces soutiens donnent aux prédateurs l’air de héros des temps modernes. Tout ça parce qu’entre l’exigence d’assainissement et la demande sociale et politique, il y a un hiatus difficile à passer.
En attendant, il est utile de rappeler ce que nous écrivions il y a quelques semaines, quand les premiers trous ont été découverts dans les perceptions de l’intérieur. On concluait que le système de prédation dans les finances avait fini par prendre l’allure de réseaux maffieux qui ont profité de l’absence de contrôles et d’inspections professionnelles. L’absence d’auditeurs au sein de la direction du Trésor y est pour beaucoup. Et ce ne sont pas les auditeurs de l’Inspection générale d’Etat qui vont combler le déficit : en fait ils ne voient que ce qui est évident. Ils ont eu quand même le mérite d’avoir été à l’origine des actions d’assainissement, mais il faut, pour aller plus au fond, renforcer, instituer s’il y a lieu, le contrôle interne. Parce que toutes les perceptions inspectées ont été mise à défaut.
Dans toutes les situations de dérapages découvertes ces derniers temps, il est évident qu’il y a eu négligence de la part de la hiérarchie, à tous les niveaux. Quand une petite commune comme Jidrel Mohguen (Rosso, Trarza) affiche plus de 120 millions de recettes en un exercice, il y a lieu pour toute la chaine de la hiérarchie de se poser des questions et d’émettre des doutes. Donc de donner l’alerte immédiatement. Au lieu de cela, on a continué à satisfaire les demandes de provisionnements exprimées par les percepteurs sans se poser des questions.
Pendant des années, des situations comme celle-là ont été enregistrées partout en Mauritanie : des communes dont le budget dépasse rarement les deux millions et qui se retrouvent avec un niveau de recettes exorbitant. Deux explications à cette situation : 1. C’est une manière pour les percepteurs de réorienter les dépenses des fonds destinés aux différents plans d’urgence pour justifier leurs affectations. 2. Le percepteur ayant la latitude de produire lui-même des carnets pour prélever taxes et amendes, il en abuse sans que cela se traduise sur les écritures officielles du trésor public.
Ici apparait la responsabilité pécuniaire du percepteur, une responsabilité pour laquelle il paye en s’expliquant devant la police financière puis en allant devant une juridiction et probablement en prison. Mais il y a une responsabilité technique qui doit aussi être identifiée pour payer ses manquements. Sans l’indulgence, la négligence et la bienveillance (complicité, diront certains) de la hiérarchie, le fauteur aurait sévi une fois peut-être mais la prédation n’atteindrait jamais les proportions qu’elle a atteint. Il y a aussi la responsabilité politique qui est engagée. Nous savons tous qu’une partie des fonds amassés frauduleusement va dans l’entretien de couvertures politiques (hommes influents qui protègent, dépenses inconsidérées pour le Parti au pouvoir, clientélisme tribal, régional et local, entretien des services régionaux et ceux de renseignements…). La main de l’Etat doit aller là où est passé l’argent de l’Etat suivant une procédure frauduleuse.
La responsabilité technique et politique n’est jamais dégagée, même si l’on doit considérer que les derniers limogeages au sein des Finances répondent justement à cette exigence-là. Mais ce n’est pas suffisant pour créer une forte adhésion autour de cette guerre contre la gabegie dont on veut faire l’axe principal du mandat en cours. Il faut plus pour dissuader les cercles et les réseaux de prédation qui se greffent autour des dysfonctionnements de l’administration.
La maitrise des flux au niveau des dépenses doit s’accompagner d’un contrôle total des recettes par l’émission de carnets uniques de quittance pour les différents démembrements de l’Etat pour s’assurer que toute la collecte va dans les caisses du Trésor public (communes, Autorité de transport, amendes…).
L’assainissement du secteur exige une mise à terme de la règle de l’impunité. On devra payer à tous les niveaux de responsabilité son indélicatesse, sa négligence et sa protection du Mal.

mardi 27 janvier 2015

Argent, argent… arnaque, arnaque…

Au centre hospitalier de Nouakchott, appelé «Hôpital national», il existe désormais un système de kit qui fait payer aux malades le service rendu. Il s’agit de trois niveaux de traitement :
-          Le kit I payé à 5000 UM. Il concerne les malades en consultation dans les urgences, en général les maladies qui ne demandent pas de gros traitements ;
-          Le kit II à 10.000 UM. Il concerne la catégorie suivante, celle qui demande hospitalisation et traitements particuliers ;
-          Le kit III à 15.000 UM. C’est le plus lourd parce qu’il couvre les malades du bloc opératoire.

La première décision du nouveau directeur, nommé il y a quelques semaines, a été d’interdire aux médecins de prescrire de traitements avant la présentation de quittances par les malades. Aucun médecin ne peut plus délivrer une ordonnance avant la présentation de cette quittance. Le malade peut alors prendre les médicaments auprès de la pharmacie de l’hôpital.
Le problème, c’est que les ordonnances des malades externes qui sont les plus nombreux ne coûtent jamais plus 1500 UM, alors qu’aucune ristourne n’est prévue dans le circuit. La plupart des malades de l’hôpital national payent donc 5000 UM sans avoir eu pour 1500 UM. Où va le reliquat ? quelque part certainement.
Ce qui est considéré déjà comme une arnaque des populations, est perçu comme une possibilité d’aller vite en besogne…
Avant l’arrivée de l’actuel directeur, le malade payait 500 UM pour la consultation, recevait son ordonnance et allait acheter les médicaments qui lui sont prescrits. Cela lui coûtait rarement plus de 1500 UM quand il s’agit de traitements de premier degré.
Les nouvelles mesures adoptées imposent aux malades et à leurs parents de payer plus pour ce qu’ils reçoivent. Un système ingénieux d’arnaque…
On sait cependant que l’hôpital national a toujours été – surtout ces dernières années – le moins pourvu en moyens de tous les centres hospitaliers de Nouakchott. S’il reçoit entre 700 et 800 mille ouguiyas de subvention pour le lit, l’hôpital Zayed va jusqu’à plus de trois millions par exemple. Ce au moment où l’on sait que la pression exercée sur l’hôpital national est la plus forte.

Ce qui n’explique absolument pas le fait de faire payer aux citoyens le prix fort par le recours à ce procédé de kit qui sème le doute et ajoute aux problèmes qui se posent déjà au malade…

lundi 26 janvier 2015

Et le droit dans tout ça?

A la suite de la mutinerie de la prison centrale de Nouakchott, les autorités judiciaires sont vite montées au créneau pour se justifier plus que pour éclairer. Un passage des propos entendus, l’affirmation que la décision de libérer ceux parmi les prisonniers dont la peine avait expirée avait été prise le vendredi même, «mais des problèmes personnels avaient empêché la mise en œuvre de la décision avant la fin de l’heure légale».
En entendant cela, je me suis rappelé des propos similaires tenus en avril 2002 par le directeur de la police politique qui me retenait alors depuis douze jours. Il arrive avec ses principaux collaborateurs et me dit : «Tout est fini, la décision de te libérer est prise parce qu’on n’a rien trouvé contre toi. Mais on arrive en fin d’heure et je ne peux procéder à sa mise en application parce que je vais en weekend». Et en riant : «…quarante-heures de plus ce n’est rien, à la première heure dimanche tu pourras aller chez toi…»
Treize années séparent les deux affirmations, mais leur effet est le même. Leur justificatif aussi. Voilà qu’un responsable – peu importe s’il est de la police ou de la justice – peut décider de maintenir en prison quelqu’un qui est libre par le fait de la loi ou de la décision politique. Peu importe pour ces gens si les détenus souffrent, peu importe ce que la liberté signifie pour quelqu’un qui en était privé, peu importe si leurs décisions personnelles respectent ou non la morale, la loi… Un abus d’autorité, voilà ce que le Procureur a reconnu l’autre soir à la télévision publique.
Cet abus d’autorité, le ministère de la Justice avait cherché à l’éviter. Il y a quelques années, le ministère avait commandité un système d’alerte pour permettre à la direction des prisons de suivre l’état d’avancement de la peine de chaque prisonnier électroniquement. A la fin de la peine, un bip permettrait aux autorités concernées d’agir immédiatement. L’Union Européenne avait financé ce projet dont le mécanisme n’a jamais été utilisé par les autorités concernées. Après cet incident, il est temps de s’approprier et d’activer ce mécanisme qui existe sous forme de projet parce que personne n’en veut au ministère.
Ce qu’on nous cache et qu’on n’a pas pu comprendre à travers tout ce qui a été dit et écrit sur la question, c’est que les prisonniers sont une source de revenus. Tant qu’ils sont là. Pour tout le système, judicaire et pénitencier.
A la longue, un système maffieux s’installe où chacun trouve un petit quelque chose à soutirer. De l’avocat, au juge, au gardien de prison, au codétenu… tout le monde… a besoin de prisonniers.
En contrepartie, les prisonniers établissent facilement des rapports de complicité avec cet environnement dans lequel ils sont obligés de s’adapter. C’est seulement ainsi qu’on peut comprendre comment des prisonniers salafistes peuvent avoir des Smartphones dans leurs cellules. Ce qui leur permet de maintenir le lien avec l’extérieur, parfois de continuer à prêcher leurs dangereuses idéologies, à recruter…
La mutinerie de l’autre soir doit servir. Aucune impunité n’est acceptable en la matière. Et pour le signifier, la réaction doit être rapide.
Pas besoin de rapports pour savoir que l’abus d’autorité a été exercé à l’encontre de citoyens dont la peine a expiré ou de savoir que les prisonniers ont besoin de sérieuses complicités pour préparer un tel coup.
Pas besoin d’analyses pour comprendre que les manquements et les excès ont mis le pays dans une situation qui a remis en cause toutes les certitudes concernant la sécurité et la stabilité. Qu’ils ont mis les Salafistes dans la position des Justes qui revendiquent un droit, juste ce droit… qui ont fini par faire plier l’injustice par la violence… comment faire ensuite pour empêcher la jeunesse mauritanienne, une certaine partie de cette jeunesse, de les adopter comme héros… en un temps où la recherche de modèle et de héros est effrénée ?

Il y a des coupables à la faillite – même momentanée – de l’ordre et de la justice. Il faut faire payer quelqu’un… qui ?   

dimanche 25 janvier 2015

La réponse du FNDU

Finalement, la réponse du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) aux propositions du gouvernement est tombée. Il s’articule autour des questions suivantes :
-          Un gouvernement consensuel : un gouvernement avec de larges prérogatives et qui respecte les lois de la République est la seule garantie de la neutralité de l’administration et empêche l’utilisation des services et des intérêts publics dans la course politique ;
-          Les Institutions électorales que sont le Conseil Constitutionnel, la CENI et les directions du ministère de l’intérieur impliquées dans les opérations électorales. Toutes ces structures devront être restructurées et leurs responsables nommés de façon consensuelle ;
-          La neutralité de l’administration afin de garantir la non interférence de l’autorité publique et de l’argent public doit se faire à travers l’élaboration d’une nouvelle loi sur la neutralité de l’Etat dans le jeu politique et dans les élections, ainsi que la mise en application de toutes les lois ayant rapport à ce sujet. Mettre fin aux nominations sur la base d’allégeances politiques, éloigner l’administration de la politique, nommer sur la base de la compétence sans discrimination, et prendre des dispositions afin de l’indiquer avant tout processus de dialogue ;
-          Eloigner l’attribution de marchés publics, d’agréments et tout service public de la politique avant toute élection ;
-           Révision et application des lois sur les budgets électoraux pour les candidats et limitation de la participation individuelle à chaque campagne ;
-          L’annonce officielle par le chef suprême des Armées Président de la République de l’interdiction d’activités politiques aux éléments des forces armées et de sécurité, en plus de la déclaration solennelle des commandants des corps en vue d’affirmer le caractère républicain de son institution et leur engagement d’être à égale distance de tous les protagonistes politiques ;
-          Le vote des militaires en même temps que les civils et dans les mêmes conditions ;
-          Ouverture des médias publics à tous les protagonistes politiques de façon juste et continue, et désignation des responsables de ces établissements sur la base de la compétence et de l’indépendance ;
-          La préparation matérielle des élections demande quant à elle : la révision des textes relatifs aux élections de façon consensuelle ; l’accélération de l’opération d’enrôlement à l’intérieur et à l’extérieur et remise gratuite de la carte d’identité nationale aux enrôlés ; audit du fichier électoral ; implication de tous les protagonistes dans la préparation des listes électorales.

Rapidement résumées les propositions du FNDU qui devront être remises ce lundi au Premier ministre Yahya Ould Hademine. On saura alors si les prédispositions des uns et des autres sont sérieuses ou s’il s’agit simplement de manœuvres dilatoires. Ce à quoi nos politiques nous ont habitués.

samedi 24 janvier 2015

La mise à nu du système judiciaire et pénitencier

Toute la soirée de vendredi à samedi, Nouakchott a vécu au rythme d’événements singuliers et pour le moins inattendus survenus dans la prison civile de Nouakchott.
Tout commence en fin d’après-midi quand des prisonniers salafistes accrochent des gardes venus mater un sit-in qu’ils organisent depuis plus d’une semaine. Ce sit-in visait à protester contre le maintien en détention de quatre d’entre leurs amis dont la peine a expiré et que le Parquet refuse de libérer, sans explications.
L’accrochage entre gardes et prisonniers prend l’ampleur d’une bataille rangée qui voit les Salafistes prendre le dessus, avec le retrait des gardes qui laissent derrière eux deux de leurs camarades qui deviennent alors des otages aux mains des prisonniers. On tente dans un premier temps de couvrir la mutinerie en utilisant la force. Mais très vite, les autorités se rendent compte qu’il est trop tard. Les Salafistes, bien organisés et ayant les moyens technologiques de faire participer l’extérieur au déroulement des événements, ont déjà envoyé les images des deux otages à l’extérieur.
Sans scrupules, la plupart des moyens d’informations privés – télévisions et sites électroniques – publient immédiatement les photos. L’alerte est donnée. Les événements se déroulent alors en direct de la prison de Nouakchott.
C’est un peu avant minuit que preneurs d’otages et autorités arrivent à un accord : les quatre prisonniers salafistes sont libérés en échange de la libération des otages. Une honte à double niveau.
D’abord au niveau de l’éthique : voilà des prisonniers dont la peine a expiré et qu’on maintient malgré cela en prison. Une habitude qui relève de la normalité de l’excès d’autorité dont font preuve les hommes du Parquet. Il suffit de faire la liste de tous les prisonniers dont la peine a expiré et qui sont maintenus malgré cela en détention. Paresse ou insouciance ? probablement les deux à la fois.
Ensuite au niveau sécuritaire : voilà que des prisonniers qui plus est salafistes peuvent prendre en otage des gardes en plein Nouakchott. On est loin, très loin, du zéro risque qu’on espérait avoir approché avec toutes les réussites en matière sécuritaire.
L’action de ces dernières vingt-quatre heures met effectivement à nu le système judiciaire en étalant sur la place publique ses défaillances, son incohérence et sa mauvaise foi. Défaillances, incohérence et mauvaise foi sont à la source de l’arbitraire exercé au quotidien contre toutes les victimes qui ne comptent (ou décomptent pas).
Elle a mit à nu aussi les insuffisances du système pénitencier qui finit par vivre sur le compte des prisonniers qui, eux, ont tout loisir à se comporter comme ils veulent. Sinon comment expliquer la présence de téléphone de grande qualité dans la prison ? et les armes blanches, s’il y en a eu ? et cette bonhomie qui caractérise les relations entre prisonniers et geôliers ? que dire aussi de ces prisonniers fraichement rapatriés de la prison du désert qui les isolait et qui prouvent qu’ils ont la possibilité de continuer à agir et à recruter ? où en sont les ONG qui reprochaient aux autorités de les avoir isolés ?
Les prisonniers salafistes dont la peine a été consommée et qui ont finalement été libérés à la suite de cette action violente sont :
1.      Tiyib Ould Salek, arrêté en 2005. Il était accusé d’abord de participation à l’opération de Lemghayti qui a coûté la vie à 17 de nos vaillants soldats. Il a été ensuite jugé pour avoir reçu de l’argent de l’extérieur en vue d’organiser des actions terroristes et d’avoir recruté à cet effet. Il est accusé d’appartenir à une filière internationale, c’est pourquoi les services espagnols ont demandé à l’interroger dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Madrid le 11 mars 2004.
2.      Mohamed Said Ould Moulaye Eli accusé d’avoir participé à plusieurs actions d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Il a été appréhendé puis jugé en Algérie où il a écopé de trois ans fermes. Remis à la Mauritanie, il a été condamné à deux ans. Sa peine a expiré le 15 de ce mois.
3.      Taleb Ould Hmednah, recherché pour appartenance à AQMI, il a été arrêté au Sénégal puis remis à la Mauritanie. Il a été jugé et condamné à cinq ans de prison. Son frère Abdel Kader a été tué au Mali au cours de l’offensive française de 2013. Sa peine a pris fin il y a deux mois environ.
Mohamed el Hafedh alias Jouleybib qui fait partie de ceux qui ont bénéficié de l’amnistie faisant suite au dialogue de 2010. Il est vite repris et accusé de recruter pour le compte d’AQMI. Il est condamné à cinq ans avant de faire appel, ce qui lui permet de réduire sa peine à trois ans qui ont pris fin ce vendredi, le jour de la mutinerie.

vendredi 23 janvier 2015

Le cas Ould Sellahi

Les mémoires du célèbre prisonnier Mohamedou Ould Sellahi sont parues cette semaine sous le tire de «Carnets de Guantanamo». Premier du genre, ce livre retrace l’expérience douloureuse de notre compatriote, torturé par la police de son pays, parfois sous la supervision des agents du FBI et de la CIA, avant d’être livré par les autorités aux Américains qui ont dû être convaincus de l’utilité pour eux d’accepter ce cadeau.
Nous sommes en octobre 2001 quand le jeune ingénieur Mohamedou Ould Sellahi est arrêté par la police politique mauritanienne pour une deuxième fois. Cette fois-ci, alors qu’il participait à une réunion tribal qui préparait l’une des visites carnavalesques du Président Moawiya Ould Taya à l’intérieur du pays.
La première fois, ce fut au lendemain de son retour de l’extérieur où il avait pourtant été longuement interrogé par les polices du Canada et de l’Allemagne sur son implication éventuelle dans la préparation des attentats du 11 septembre 2001. Toutes les polices du monde avaient fini par le laisser tranquillement rentrer chez lui. Mais ici, il arrivait à un moment où le pouvoir cherchait à tout prix à trouver des excroissances aux réseaux terroristes pour justifier l’autoritarisme qui occasionnait des répressions périodiques contre telle ou telle mouvances.
C’est en août 2002 que Ould Sellahi est remis aux Américains et c’est seulement en octobre de la même année qu’il arrive à Guantanamo. Où a-t-il été quand il a quitté la Mauritanie, et surtout comment les Mauritaniens ont-ils convaincus les Américains de le prendre avec eux ? Selon lui, il a fait un séjour en Jordanie et un autre en Afghanistan avant d’être à Guantanamo.
Une première tentative a vu venir à Nouakchott des éléments du FBI qui ont participé à l’interrogatoire de Ould Sellahi par la police. Un interrogatoire où l’utilisation de la torture a été systématique chaque fois que le prisonnier semblait ne pas vouloir collaborer. En présence ou non des agents américains, les policiers ont longuement interrogés Ould Sellahi. Sans résultat apparemment parce que les agents du FBI repartiront sans être convaincus par les révélations.
Puis vinrent des agents, probablement de la CIA, habitués eux aux méthodes des polices arabes et musulmanes en général. Ce sont eux qui finalement accepteront d’amener Mohamedou Ould Sellahi.
Agé de 32 ans à l’époque, Mohamedou Ould Sellahi semble avoir été contraint à collaborer dans un premier temps. Ses mémoires nous diront jusqu’à quel niveau il a pu tenir.
Douze ans après les événements, le voilà qui consigne son expérience dans des carnets qu’il publie dans vingt pays. Tous les droits ont été donnés au journal The Guardian qui a d’ailleurs publié des extraits du journal intime de notre compatriote.
Nous ne savons pas pour notre part combien de passages sont réservés à la partie mauritanienne de sa mésaventure qui a tourné au drame. Séparé de sa famille, notamment de son épouse palestinienne et de son enfant vivant depuis en Allemagne sur le compte de compatriotes amis, puis de sa famille mauritanienne, il apprendra la mort de sa mère à laquelle il vouait un grand amour, alors qu’il est retenu contre son gré dans la prison américaine de Guantanamo.
Reste pour nous le droit de demander des explications aux autorités de l’époque : au Président de la République, au Premier ministre, au ministre de l’intérieur, au directeur général de la police, au directeur de la police politique… Pourquoi avoir livré un compatriote aux Américains, même s’il était demandé par eux ?
Et si réponse il y a, ils devront rendre compte de ce qu’ils lui ont fait subir de tortures et de mauvais traitements. Il faut que quelqu’un paye et il en est temps. 

jeudi 22 janvier 2015

L’enlisement au Mali ?

Il ne se passe plus un jour sans que les régions du Nord malien ne soient le théâtre d’affrontements entre les forces multinationales et maliennes d’une part et les Jihadistes d’autre part. La carte des préoccupations dans cette région est en train de changer. Avec de moins en moins de premier rôle pour les organisations connues comme le MUJAO (mouvement pour le Jihad en Afrique de l’Ouest), les Mourabitounes (mouvement créé pour unifier les segments AQMI sous un même commandement, celui de Mokhtar Belmokhtar alias Belawar), Ançar Eddine du dirigeant touareg Iyad Ag Ghali…, de moins en moins de rôle aussi pour les mouvements rebelles qui ne finissent pas de se reconstituer, de s’unir et de se désunir. Ce qui complique la lisibilité de la situation : on ne sait plus qui est qui et qui veut quoi. Les commentaires malveillants et l’intoxication à travers la presse faisant le reste.
De nouveaux mouvements sont en construction. Ils épousent souvent les contours d’une ethnicité qui ne dit pas son nom. Les agresseurs de Nampala et ailleurs sont pour la plupart des Peulhs. Jusqu’à présent cette composante ethnique du Nord n’occupe pas de place prépondérante dans le dialogue intercommunautaire d’Alger. Alors que les prédicateurs radicaux ont trouvé dans cette exclusion de fait un motif et une justification pour recruter au sein de cette composante importante de cet espace. On y pensera quand on se rappellera que, comme les Bidhânes et les Touaregs du Nord, les Peulhs ont leurs ramifications sociologiques partout en Afrique de l’Ouest. Que partout où ils sont, ils vivent une marginalisation plus ou moins avérée. Que les raisons de les pousser dans les bras du radicalisme sont d’autant plus fortes qu’ils sont naturellement un peuple religieux, fier d’avoir été l’élément essentiel de la propagation de l’Islam au sud du Sahara.
Toutes les missions internationales – celle de l’ONU (MINUSMA) et celle de l’Union Africaine (MISMA) – reconnaissent désormais l’ambigüité de la situation et la difficulté à trouver des solutions et à rétablir l’ordre.
L’une des grandes difficultés reste l’absence de l’Etat malien et son incapacité à étendre son autorité sur le Septentrional comme on dit là-bas. La présence de troupes étrangères ne peut être envisagée indéfiniment car elle est déjà assimilée à une force d’occupation. D’autant plus que personne ne peut assurer l’intégrité territoriale du Mali en dehors de ses fils. Personne non plus ne peut trouver de solutions aux problèmes posés en dehors d’eux-mêmes. 
Dans une déclaration faite aujourd’hui, Pierre Buyoya, le chef de la MISMA a invité à la mutualisation des efforts car aucun pays du Sahel, ne peut réussir seul à combattre le terrorisme et ses ramifications transfrontalières.
Selon les termes du communiqué rendu public par son bureau, «cette mise en commun des moyens devrait se faire à travers une pleine appropriation par les pays concernés du Processus de Nouakchott dont l’objectif est le renforcement de la coopération en matière de sécurité entre les pays du Sahel et l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) dans la région sahélo-saharienne». 
C’est dans ce cadre qu’il faut envisager le passage à l’acte par «la mise en place d’une force régionale d’intervention rapide au Nord du Mali, des patrouilles conjointes aux frontières et une force multinationale pour faire face à Boko Haram»
La reprise des pourparlers d’Alger s’annonce difficile et l’accord qui peut en découler restera fragile tant que toutes les problématiques de la région ne sont pas prises en compte.

mercredi 21 janvier 2015

Transparence et développement en Afrique

L’événement était de taille : une conférence internationale sur la transparence en Afrique dans un pays classé très bas dans la perception de l’indice de corruption et dans le classement annuel publié par Transparency International. C’est que lors de sa visite en Mauritanie en décembre dernier, Peter Eigen, président de TI avait été subjugué par le dispositif mis en place par notre pays pour lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance en général. Le rapport qui sortait la semaine de sa visite, et qui plaçait la Mauritanie à la 122ème place ne l’avait pas empêché de provoquer cette réunion internationale sur terre mauritanienne.
Sous le thème «Transparence et développement en Afrique», la rencontre a finalement réuni les experts de tous horizons : institutions internationales (TI, Banque Mondiale, Union Européenne, Union Africaine, PNUD…), organisations de la société civile locales et régionales et les représentants de gouvernements. En fait ce qui fait la fameuse triptyque du «Triangle magique» tel que défini par Peter Eigen.
Après deux jours de discussions ouvertes, les participants ont convenu de «la nécessité urgente et permanente d'accélérer les progrès dans la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et toutes les autres formes de flux financiers illicites, à travers des approches globales et stratégiques à long terme». Relevant que «l'Afrique est dotée d'une richesse de ressources naturelles, dont le pétrole et le gaz, les mines ainsi que les ressources marines». Malgré cela, notre continent vit toutes ces misères qui n’expriment en rien ses potentialités. Pourtant, «avec une bonne gouvernance à tous les niveaux, ces ressources naturelles peuvent transformer les vies de millions de citoyens africains des générations actuelles et futures. Avec une bonne gouvernance, les ressources naturelles peuvent permettre à nos Etats de créer des emplois, dynamiser la croissance économique, réduire la pauvreté et les inégalités, accroître l'intégration sociale et favoriser le développement durable».
Dans le texte intitulé «Déclaration de Nouakchott», les participants ont appelé «à soutenir et à suivre l’engagement du gouvernement de la Mauritanie, qui assure actuellement la présidence de l’Union Africaine». Notamment «à encourager la gestion efficace et transparente des ressources publiques par des institutions fortes et fonctionnelles, une fonction publique professionnelle et efficace, ainsi que des politiques saines de gestion budgétaire et de passation de marchés et l'utilisation des nouvelles technologies et des instruments pour la publication et l'analyse des données fiscales». Ensuite «promouvoir et renforcer la coopération et le dialogue entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé, afin de construire le consensus politique et la compréhension qui sera nécessaire à prévenir et éradiquer la corruption, le blanchiment d'argent, et les flux financiers illicites.»
Sans oublier d’appeler à «réaffirmer davantage le soutien pour les efforts des pays membres de l'Union africaine pour récupérer et restituer les avoirs volés, à refuser un havre de sécurité aux recettes de la corruption, à mettre en place les principales conventions régionales et internationales de lutte contre la corruption par leurs engagements internationaux de recouvrement des avoirs, et à initier les procédures internes contre les agents corrompus y compris le recouvrement des avoirs volés».
La conscience aigue de l’utilité des médias amène les participants à «soutenir la liberté de, et l'accès à l’information, un principe qui est vital à la promotion de l'ouverture et la redevabilité dans la politique public et la passation des marchés, et à permettre à la société civile, y compris les médias, à aider à prévenir et lutter contre la corruption et ses infractions principales».
Les participants ont déclaré s’être réunis à l'invitation de Mohamed OULD ABDEL AZIZ, Président de la République Islamique de Mauritanie, et Président en exercice de l'Union africaine, avec le soutien de la Banque africaine de développement, l'Union européenne, Deutsche Gesellschaftfür Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH, Transparency International (TI), le Programme des Nations Unies pour le Développement, et la Banque mondiale ; provenant du secteur public, du secteur privé et de la société civile, et en présence du chef d'État de Mauritanie, de représentants de plusieurs gouvernements, et de hauts représentants des organisations internationales et régionales.

mardi 20 janvier 2015

Dialogue : la copie du gouvernement

Dans le papier remis par le Premier ministre au Secrétaire permanent du FNDU, on note d’abord l’engagement de la Majorité à s’inscrire dans la dynamique du dialogue constructif inclusif, en vue de créer «une atmosphère politique apaisée». Partant de ce principe et «en vue de concrétiser sa volonté d’ouverture, la Majorité déclare sa disponibilité à discuter les thèmes suivants qui ont été soulevés par l’Opposition».
Thèmes à discuter : la couverture par les médias publics des activités de l’Opposition, le rétablissement de la confiance entre les deux pôles, l’arrêt de l’exclusion des cadres et hommes d’affaires de l’Opposition («s’il s’en trouve»), réorganisation du Conseil Constitutionnel, organisation de nouvelles élections municipales et législatives consensuelles et recul des sénatoriales, restructuration de la CENI, accord sur un calendrier électoral, réforme de la Constitution pour lever la limitation d’âge pour la candidature aux présidentielles, interdiction à l’Armée Nationale d’interférer dans la politique, organisation d’élections présidentielles anticipées, redéfinir les pouvoirs du Parlement et du Premier ministre, l’Unité nationale, la sécurité publique et extérieure, la loi et la transparence dans la gestion des affaires publiques, neutralité de l’administration, indépendance de la justice, relations des partis au pouvoir avec l’administration et la redéfinition du leadership de l’Opposition.
Le document conclut à la nécessité de discuter l’ensemble de ces questions «dans le cadre d’un dialogue national consensuel auquel tous les acteurs de l’espace politique national». Chacune des deux parties sera conviée à désigner des représentants à ce dialogue.  
Même si le document (en Arabe) précise qu’il répond à des doléances écrites, nous n’avons pas connaissance d’un écrit autre que celui de la proposition de Messaoud Ould Boulkheir. Or de nombreux points soulevés par le document du Premier ministre ne figurent pas dans la proposition de Ould Boulkheir. Notamment la question de l’organisation d’une élection présidentielle anticipée, mais pas seulement. Alors ?
Dans sa copie, le Premier ministre s’est voulu exhaustif : il a complété la proposition de Ould Boulkheir par toutes les demandes antérieurement exprimées par l’Opposition, mais aussi par tout ce qui peut l’intéresser. Les dix-huit points recouvrent effectivement le spectre revendicatif de l’Opposition dans son ensemble. Cela pose plusieurs problèmes.
D’abord de quelle opposition parle-t-on quand on fixe les protagonistes au nombre de DEUX ? Dans les documents on se suffit à désigner LE POUVOIR et L’OPPOSITION comme les deux parties prenantes. Dans ce cas, le label OPPOSITION désignera en même temps ceux de la CAP (Wiam, APP et Sawab) et ceux du FNDU. Mais accepteront-ils d’être traités au même niveau, de désigner leurs représentants d’un commun accord, de défendre les mêmes points de vue… ?
Même au sein du FNDU, les divergences sont évidentes et s’expliquent par les différences dans les approches et dans les conduites. Si le parti Tawassoul a participé aux dernières élections législatives, abandonnant ses compagnons de la défunte Coordination de l’opposition démocratique (COD), c’est bien parce que sa vision de l’avenir politique du pays et de son rôle sur l’échiquier est différente des autres. Si l’Union des forces du progrès (UFP) doit payer le prix du boycott qu’elle a adopté malgré de fortes réticences au sein des masses populaires et même de l’élite dirigeante, c’est bien parce que la direction historique s’est inscrite dans la logique d’autres composantes de la COD comme le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) de Ahmed Ould Daddah. Les sentiments l’ont emporté à ce moment-là, mais la Raison a repris le dessus plus tard.
Autant dire que la proposition du gouvernement peut paraitre comme une manœuvre dans la mesure où l’on est sûr de côté qu’il sera difficile de trouver un accord entre les acteurs de l’Opposition. Surtout si ceux-ci lisent la proposition comme étant un moment de faiblesse, la conclusion est alors : «il ne faut pas aider le pouvoir à sortir de ses problèmes, mais le laisser s’empêtrer encore plus pour provoquer sa chute inéluctable». Cette conclusion amène à refuser toute ouverture sur le vis-à-vis.
On peut cependant refuser en adoptant une attitude de rejet pur et simple. C’est mortel et on le sait. On peut aussi faire des contrepropositions impossibles à réaliser et dans ce cas faire croire à une disponibilité qui n’est pas réelle mais qui a l’avantage de renvoyer la balle ailleurs, loin de son camp.

lundi 19 janvier 2015

Ould Mohamed Laghdaf revient

C’est sans doute l’information du jour : Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, resté Premier ministre pendant plusieurs années (en fait d’août 2008 à août 2014), revient aux premières loges en devenant Ministre secrétaire général de la Présidence. Ce poste fut conçu pour coordonner l’action de tout l’Exécutif et son occupant devait jouer le rôle d’interface entre la présidence et le Premier ministère (ou le gouvernement). Mais la succession à ce poste de personnages insignifiants lui a fait perdre son rôle et son poids. Au lieu d’être perçu comme un Premier ministre bis, le secrétaire général de la Présidence a fini par devenir un conseiller si ce n’est un attaché de cabinet de plus à la Présidence. La nomination de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf peut-elle signifier une réhabilitation du poste ?
Homme de confiance qui a su (ou pu) accompagner Ould Abdel Aziz aux moments difficiles, Ould Mohamed Laghdaf a été chargé de superviser le dialogue politique qui a fini par ne concerner que la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP formée par l’APP de Messaoud Ould Boulkheir, Wiam de Boydiel Ould Hoummoid et Sawab de Abdessalam Ould Horma). Avec cette expérience, Ould Mohamed Laghdaf est pressenti par certains observateurs comme le futur vis-à-vis de l’opposition dans le dialogue attendu. Même si l’enclenchement de ce dialogue a été du fait du Premier ministre actuel, Yahya Ould Hademine qui a déjà remis une proposition de thèmes au secrétaire permanent du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU). Cette feuille de route est le deuxième acte d’un processus dont on ne voit pas clairement le déroulement.
Tout commence par une énième proposition de dialogue élaborée par le président Messaoud Ould Boulkheir. Après quelques rencontres avec le Président de la République d’une part et les leaders les plus en vue de l’opposition d’autre part, Ould Boulkheir consigne ses propositions dans un document qu’il fait parvenir aux autorités.
La proposition de Ould Boulkheir s’étale sur quatre étapes dont la première consiste en une rencontre préliminaire entre le Président de la République et les leaders de l’opposition, «à sa convenance, ensemble ou individuellement». L’objectif est de «les rassurer quant à sa volonté sincère d’échanger avec eux sur tous les problèmes majeurs du pays dans le but d’aboutir, ensemble, à des résultats qui garantiront au pays une transition consensuelle, rassurante, paisible, civilisée et démocratique». A ce stade, les rencontres «valent également déclaration solennelle d’intention et engagement des deux parties à accepter et à respecter les clauses» énumérées ensuite.
Engagements : ne pas recourir à la violence pour changer le pouvoir, ne pas remettre en cause la limitation des mandats présidentiels, ne pas soutenir un successeur désigné, adapter la législation et la réglementation en vigueur «pour prémunir le pays contre les dérapages et les extrémismes de toute nature susceptibles de porter atteinte à l’unité et à la sécurité du pays» (?), promouvoir une administration «au service de tous» loin des jeux politiques et «une justice pour tous, indépendante et crédible», restructurer la CENI et le Conseil Constitutionnel «sur les seuls critères de la compétence et de l’intégrité», couper les liens entre les partis soutiens du Président de la République et l’administration, reconsidérer le leadership de l’Opposition démocratique (Statut de l’Opposition), «interdire par tous les moyens légaux et réglementaires l’implication de l’Armée Nationale dans les activités politiques autres que le droit de vote universel», amender la Constitution pour «supprimer la limitation de l’âge des candidats aux présidentielles, y définir et y changer le mode de désignation des membres du Conseil Constitutionnel», pour finir par proposer «l’organisation de nouvelles élections municipales et législatives inclusives et le report des élections sénatoriales en vue d’y rendre possible la participation la plus large».
Les deux parties désignent alors leurs représentants aux négociations formelles qui devront se tenir «à l’abri des médias». Suivra ensuite l’ouverture officielle et solennelle et la dernière étape qui est celle de la mise en œuvre des termes de l’accord.
Le papier est daté du 7 janvier 2015. La réponse viendra le 14 janvier sous forme de feuille de route remise de main à main par le Premier ministre Yahya Ould Hademine au Secrétaire permanent du FNDU, Mohamed Val Ould Bellal (voir le posting prochain).

dimanche 18 janvier 2015

Dommage collatéral

Le maire de Villiers-sur-Marne a décidé de déprogrammer le film Timbuktu de notre compatriote Abderrahmane Sissako. Pour lui, cette œuvre qui vient d’être nominé pour l’Oscar du meilleur film étranger fait l’apologie du terrorisme. Alors que le film est le premier acte de combat contre l’obscurantisme et contre l’idéologie qui soutient et justifie l’exercice de la violence en terre d’Islam et ailleurs. C’est la preuve de cette folie qui prend l’élite bienpensante du pays qui a vu naitre la philosophie des Lumières. On ne sait plus distinguer la bonne graine de l’ivraie, l’amalgame est l’exercice le mieux partagé au sein de la classe dirigeante.
Le Maire, devant l’énormité de sa décision, a dû revenir là-dessus en expliquant au journal Le Monde que «compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene était originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables des trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film».
On peut rappeler la grande cabale suscitée par la censure du film Exodus dans certains pays arabes et tout le tintamarre produit par la presse occidentale autour de la question. Le film qui remanie profondément l’Histoire pour ancrer l’idée du’ «Peuple errant» qui fonde la victimisation chez les idéologues particulièrement du sionisme, a été jugé une instrumentalisation, un usage de faux pour justifier les prétentions de l’Etat hébreux sur les terres arabes, notamment la Palestine.
Pour revenir à Timbuktu, il faut signaler que le réalisateur s’est abstenu de faire une déclaration à la presse locale, préférant réserver ses paroles aux médias étrangers. Nous apprenons par une dépêche de l’AFP que la nomination de son film est «un grand signe pour la Mauritanie et l’Afrique». Ajoutant qu’il s’agit là de «la reconnaissance d’un travail accompli avec la passion et l’engagement de femmes et d’hommes de différents pays unis pour défendre nos valeurs universelles d’amour, de paix et de justice».
Pour lui ; le film défend les valeurs universelles d’amour, de paix et de justice. On est loin, très loin de l’apologie du terrorisme.

samedi 17 janvier 2015

Qui marche, et pour aller où ?

Comme dans de nombreuses villes du Monde islamique, Nouakchott a connu sa marche de l’après prière du vendredi. A la suite de l’appel lancé par le Forum des Imams et Ulémas proche de Tawassoul, l’Association des Ulémas, proche du pouvoir, entre autres organisations islamiques, des milliers de Nouakchottois ont marché pour dénoncer ce qu’ils considèrent être une offense fait à l’Islam et aux Musulmans après la publication de nouvelles caricatures dans le numéro de Charlie Hebdo et systématiquement reprise par les médias français et d’autres médias internationaux.
La marche s’est d’abord dirigée vers la présidence où l’attendait le locataire du lieu entouré de ses principaux collaborateurs. Le discours était net et sans ambages. Premier axe : la position par rapport aux caricatures, à leurs auteurs, à leurs soutiens, à leur esprit. Deuxième axe : l’explication personnelle par rapport à la présence sur les réseaux sociaux.
Pour le deuxième axe, ce fut surtout l’occasion de démentir l’existence de comptes facebook ou tweeter pour le Président de la République. On sait que depuis un certain temps, des pages sont animées en son nom sur la toile. Sur ces pages des positions ont été exprimées. La dernière d’entre elles, largement reprise par la presse électronique, annonçait l’imminence d’une épuration au sein du système financier mauritanien, quelques heures seulement avant les premiers changements à la tête de la BCM, de la CDD et enfin du ministère des finances. La déclaration du Président mettait un terme à de nombreuses supputations données pour informations précises et analyses lumineuses autour de soi-disant déclarations du Président Mohamed Ould Abdel Aziz sur ses pages. Un mensonge de plus, entretenu depuis longtemps… on passe à un autre mensonge que doivent préparer nos internautes. Sans commentaire.
«Je ne suis pas Charlie, je ne suis pas Coulibaly». Explication de texte : la première partie de l’affirmation permet au Président de se démarquer de l’esprit et de la pratique de l’hebdomadaire français qui est rapidement revenu à ses habitudes de stigmatisation et d’orientation contre l’Islam et le sacré des Musulmans. La deuxième partie lui permet de revenir sur le combat mené par le pays contre le terrorisme ces dernières années et de rappeler qu’il a toujours considéré que la menace était globale et qu’elle trouvait justement sa justification dans le ciblage systématique des Musulmans et de leur religion.
L’essentiel étant d’expliquer l’absence à la marche internationale de Paris. «Je ne soutiendrai jamais ce qui touche aux valeurs et au sacré des Musulmans». Tous les présidents de pays musulmans ayant participé à la manifestation de Paris ont dû au moins s’expliquer devant leurs opinions publiques. Autant, la solidarité avec la France est exigible à la suite de cet assassinat, autant il leur était préjudiciable de se retrouver dans une marche où les caricatures du Prophète Mohammad (PSL) étaient brandies en signe de victoire.
Si la Mauritanie a marché dans le calme, d’autres pays ont manifesté violemment leur hostilité à la France. C’est le cas, en Afrique, du Niger où les manifestants s’en sont pris malheureusement à des églises et à leurs compatriotes de confession chrétienne. Qui est responsable de ces morts ? D’abord ceux qui ont tenu à poursuivre l’œuvre jugée blasphématoire provoquant ainsi l’ire de près de deux milliards de Musulmans à travers le monde.
Qui est responsable de cette hostilité envers la France ? Ceux qui tiennent encore à en rester à faire des amalgames entre des brebis galeuses, perdues pour tous, et les adeptes d’une religion monothéiste qui a tant donné à l’Humanité.
Quand on décidera en France de parler des causes profondes de l’existence des loups solitaires et autres groupes terroristes, de passer à l’après 11 janvier, on comprendra et on corrigera peut-être. Les problèmes d’intégration, de ghettoïsation, d’exclusion, de stigmatisation et d’injustice dont la moindre manifestation n’est pas cette situation où l’antisémitisme est combattu par des lois dangereuses pour le principe sacré de la liberté d’expression, alors que l’islamophobie est toléré sur la place publique.
J’ai entendu une jeune élève dire : «Quand on s’attaque aux homosexuels, on crie à l’homophobie ; quand on parle des Juifs on crie à l’antisémitisme ; quand on attaque l’Islam, on parle de liberté d’expression». Vue d’ici, la réalité est celle-là.