mardi 14 août 2012

Le moment ultime


La Oumra «officielle» est décidée pour la même soirée, vers 9 :30 heure locale. Nous choisissons de la faire à part, jugeant que les officiels sont toujours pressés par le protocole. Alors que le moment demande une grande présence, une concentration exceptionnelle et une attention toute particulière. On a la chance d’être là, on ne doit pas être pressé d’en finir. Tout le plaisir est pour soi. Parce qu’il y a un réel plaisir à accomplir un devoir religieux aussi significatif pour nous autres musulmans.
Le fait de côtoyer des milliers de personnes, de voir s’agglutiner les millions autour d’un monument de la taille d’une chambre, d’entendre toutes les langues de la planète, de voir toutes les couleurs, tous les genres humains ici réunis, comme «happés» par on ne sait quel courant invisible, tout cela relève du miracle.
Viennent toujours à l’esprit les prières du Prophète Ibrahim (Abraham) quand, abandonnant les siens dans ce désert, ou quand élevant les fondations avec son fils du monument qui allait devenir… la Mecque des Musulmans, il suppliait Allah, le Dieu Unique, de bénir ces lieux, de fournir à leurs habitants biens et grandeur et d’en faire une destinée pour les croyants. C’est fait. Là se trouve le secret trésor de ces contrées.
Aujourd’hui le pétrole permet de répondre aux demandes pour entretenir les Lieux Saints. Et il faut dire que des dépenses énormes sont faites chaque année pour rendre plus faciles les processions et pour permettre aux croyants d’accomplir les rituels sans trop de difficultés. Il est difficile de répondre aux attentes de trois millions de personnes qui convergent en même temps vers un même lieu. Mais tout est fait cependant pour y arriver.
C’est la Nuit du Destin, le lendemain de notre arrivée que je décide ma Oumra. Avec Abderrahmane Ould Mini, nous nous dirigeons vers la mosquée Aïcha à la sortie de la ville, c’est le Miqaat de ceux qui se trouvent déjà à La Mecque. Un parcours de combattant. Heureusement que je suis en compagnie d’un combattant, celui qui a été le vrai cavalier du 8 juin 2003. Sans Ould Mini, il n’y aurait jamais eu de 8 juin 2003, ce sont les chars et les hommes sous son commandement qui ont semé la panique dans tout Nouakchott. Sans lui aussi, les dégâts auraient été beaucoup plus importants en août 2004 quand les Cavaliers tentaient leur deuxième chance en introduisant des armes et des explosifs dans la ville. Il avait choisi d’occuper les services en leur livrant les cachettes au lieu de les laisser à la merci des vandales dans les quartiers populaires. Ce n’est pas le moment d’en parler, mais j’ai toujours soutenu – depuis juin 2003 – que ce mouvement n’a pas livré ses secrets.
Nous sommes dans des moments de grande dévotion, mais cela ne nous empêche pas de «digresser». Mais toutes les digressions n’amèneront jamais Abderrahmane à abandonner cette humilité qui le distingue déjà de ses compagnons d’armes qui cherchent chacun à tirer la couverture à lui en se donnant le meilleur rôle… Passons.
Nous avons la chance, Abderrahmane et moi, de prendre «l’allée des travailleurs de Ben Laden». Il s’agit d’une route taillée dans la montagne qui entoure le Haram (Mosquée autour de la Kaaba). Nous sommes dirigés par un cordon sécuritaire vers la Kaaba. Nous accomplissons nos sept tours tranquillement avant d’aller compléter le parcours entre Safaa et Marwa. Nous prenons le temps de faire toutes les prières, de penser à nos proches, parents amis, compatriotes, à aller au-delà du particulier pour l’ensemble de la communauté. On a la chance d’avoir le temps pour accomplir les rites selon les prescriptions, tout en y mettant la dévotion dont on peut être capable.
Il me prend à témoin pour ses prières pour Messaoud Ould Boulkheir qui lui a permis de faire ce voyage et pour lequel il implore la bénédiction du Tout-Puissant. Je le prends à témoin pour la pensée aux miens, pour le pardon à tous ceux qui m’ont fait mal dans ma vie, à tort ou à raison. C’est un moment de vérité et d’abnégation qui vous illumine quand vous sentez que vous vous êtes acquittés et bien acquittés de votre devoir envers votre Seigneur.
Sur le chemin du retour vers Nouakchott, nous passons par Médine, la ville du Prophète Mohammad (PSL). Tout respire ici la tranquillité et l’abnégation. Quand on est à La Mecque on est frappé de plein par la Toute-Puissance divine, on est écrasé telle ment l’on sent l’insignifiance de notre humaine condition. A Médine, on sent la clémence : on est en présence de celui dont on espère l’intercession le jour du jugement dernier. Ce sentiment vous accompagne dès que vous venez à Médine. Il ne vous quitte pas. Et il fait votre bonheur d’être là.
Que Dieu nous protège.