lundi 30 avril 2012

Au secours, la FNT revient !


Il était une fois la fédération nationale des transports. Qui avait des droits sur tout le secteur du transport. Pour chaque voiture de transport, la FNT recevait une dîme qui variait de 100 à 500 UM. Un Etat dans l’Etat. Des milliards et des milliards que les services publics collectaient pour être virés dans un compte privé. Pendant des années.
La réforme du secteur des transports des années 2000 avait laissé espérer une amélioration par la libéralisation du secteur. On s’attendait à une baisse des prix, à une réorganisation des opérateurs, à un renouvellement de la flotte…
Pendant une décennie, la résistance à la réforme a fait qu’elle s’est apparentée à un chaos. Comme si on voulait nous dire que la libéralisation était une mauvaise option et que la mainmise du privé était une aubaine.
La FNT, anciennement tentaculaire, fut réduite il est vrai. Mais rien de sérieux n’a été fait pour assurer la continuité «normale». Jusqu’à la création de l’autorité de régulation du secteur, on avait cru que la réforme avait été oubliée.
Avec cette autorité dont la direction est contestée – on devrait dire la présidence, mais je veux être le plus complet possible -, on a aujourd’hui l’impression qu’on cherche à restaurer une FNT sans les avantages en matière d’organisation et d’efficacité. On veut visiblement rééditer l’imposition qui faisait loi.
Par arrêté, l’autorité a décidé de faire payer à toute voiture de transport une taxe de sortie (et d’entrée) variant selon le domaine d’activité. Un bus de 15 places reliant Nouadhibou à Nouakchott doit payer 28.000 UM par trajet pour son gasoil, que le bus qui part à heure fixe, est rarement plein, qu’il paye le chauffeur 2000 UM par voyage, comment imaginer un poids de plus de 7.500 UM ?
Les camions vont de 2500 UM à 60.000 UM, selon le tonnage. Pour les carrières et les mines, les camions payent 4000 UM par sortie. Les récépissés ne sont pas conformes alors que la loi précise leur forme et leur contenu. Les sommes sont prélevées par un personnel recruté de façon anarchique.
Qui dit mieux ?  

dimanche 29 avril 2012

Mauritanids/FM, des pionniers


C’est la deuxième fois cette semaine que je suis invité par Mauritanids FM, la première station radio libre du pays. Je suis heureux d’y découvrir des jeunes très actifs et très entreprenants qui veulent à ouvrir leur station à toutes les expressions.
Les émissions de débats sont les plus fréquentes et permettent de garantir le pluralisme. Il ne se passe pas une heure sans débat. Tout est prétexte pour ouvrir au débat.
Le défi pour cette radio, c’est qu’elle est la première à être lancée depuis la libéralisation de l’espace audiovisuel. Elle doit donc mettre la barre très haut pour prendre son envol par rapport à ceux qui vont suivre. Surtout en matière d’informations et de débats pluriels. Toutes les oppositions y sont passées, tout comme les soutiens.
C’est pourquoi je tiens à féliciter mes confrères de Mauritanids, tout en leur espérant la plus grande réussite. Une réussite qui déterminera le développement de la liberté d’expression et qui contribuera à apaiser la scène politique.

samedi 28 avril 2012

L’autodafé de trop (suite)


Des centaines de jeunes étudiants des écoles religieuses ont manifesté dans les rues de Nouakchott pour protester contre l’autodafé organisé par Birame Ould Abeidi, hier vendredi. Ils se sont rendus à la présidence de la République où ils ont été accueillis par le Président Ould Abdel Aziz qui a promis que le geste ne restera pas impuni. De partout, les condamnations ont fusé. Révélant l’ampleur du choc causé par l’autodafé, premier du genre sur cette terre.
Dans la soirée, Birame Ould Abeidi sera arrêté par la police. Arrestation musclée, parce que l’homme a organisé autour de sa personne une milice chargée de le protéger. C’est cette milice qui s’en est pris à un enseignant qui se trouvait dans les environs de la prière organisée par les amis de Birame. L’homme a été battu, lui et sa famille parce qu’il a déclamé la profession de foi consacrée par les Musulmans (laa ilaaha illa Allah, Mouhammad Rassoul Allah).
Cette affaire aura des implications politiques certaines. Elle arrive alors que les acteurs de l’opposition cherchent à conclure «bellement» le cycle de protestations visant à obliger le départ de Ould Abdel Aziz. Même si personne ne semble pouvoir affirmer que c’est la formule «sit-in ouvert en permanence» qui a été retenue, le rendez-vous du 2 mai a été pris pour obliger Ould Abdel Aziz à dégager. Rien de moins.
Fer de lance de cette opposition, le parti islamiste Tawaçoul comptait beaucoup sur la frange Haratine et sur la question de l’esclavage, pratiques et séquelles, pour allumer le feu de la révolution programmée et expliquée par Mohamed El Mokhtar Echinguitty, l’un des idéologues de l’Islamisme moderne en Mauritanie. Il expliquait dans un article publié en janvier dernier que les forces sur lesquelles la révolution doit compter sont au nombre de quatre : les élèves et étudiants, les Haratines, l’opposition traditionnelle et la force islamiste montante.
On a vu la mobilisation des syndicats estudiantins affiliés à la mouvance islamiste à l’ISERI et à l’Université (UNEM). On a vu aussi la constitution d’un regroupement d’élèves du primaire contestataires. C’est ce qui a animé la rue ces dernières semaines. Tout comme les marches et meetings de la Coordination de l’Opposition Démocratique composée essentiellement de «l’opposition traditionnelle» (à Ould Taya). Tawaçoul est vraiment à la pointe du radicalisme face au pouvoir en place. Ne restait donc que la force Haratine, celle qui devait constituer la chaire à canon, au moins l’avant-garde de cette révolution.
Birame Ould Abdeidi et son organisation IRA ont été adoubés par la mouvance islamiste pour servir de catalysateurs de la frange dont les frustrations et les misères sont à instrumentaliser pour donner une dimension sociale à la révolution. Nonobstant quelques clashs qui ont opposé Ould Abeidi à certains symboles de la mouvance, notamment le Cheikh Ould Dedew, les dirigeants de la mouvance ont continué à espérer pouvoir s’appuyer sur l’IRA. Des éléments ont même été envoyés en renfort et comme pour accompagner et encadrer le mouvement.
Le problème aujourd’hui, c’est qu’en brûlant des ouvrages islamiques à la base de l’idéologie fondant le rite malékite pratiquée en Mauritanie depuis les Almoravides, l’organisation de Ould Abdeidi se met sur le dos tous les segments de la société mauritanienne.
Quelle que soit le positionnement social, aucune frange sociale ne peut rester indifférente à un tel acte. Aucun parti, fut-il Tawaçoul (surtout Tawaçoul), ne peut se dérober devant l’opinion publique. Chacun étant obligé de prendre position et de dénoncer. En dénonçant, ils justifient les mesures prises à la suite de l’autodafé. En prenant la défense de Ould Abeidi, ils bénissent son acte. Drame cornélien… que devra supporter la COD et surtout Tawaçoul… et qui aura des conséquences sur la scène politique.

vendredi 27 avril 2012

L’autodafé de trop


Un évènement, s’il en est ! L’activiste Birame Ould Abeidi a choisi cette journée de vendredi pour manifester son refus de ce qu’il considère être l’hégémonie du rite malékite qu’il juge esclavagiste. Deux actes ont fondé ce que Birame et ses amis considèrent être une résistance contre cette hégémonie et ses tenants.
Une prière du vendredi conduite par un membre de l’organisation et dans laquelle le prêche a été une violente diatribe contre les Fuqahas et autres exégètes qui perpétuent l’esclavagisme, selon les militants, par leurs fausses interprétations des textes coraniques et de la Tradition du Prophète (Sunna). Cette prière sera suivie par un autodafé des livres considérés comme étant à la base des dogmes du Malékisme qui est le rite exercée par le nord-ouest africain depuis le 11ème siècle. Le premier d’entre ces livres-références sera le Précis de Khalil (Moukhtaçar Khalil). En plus d’autres ouvrages qui traitent du Fiqh malékite.
On peut imaginer le tollé que cela soulève. De toutes parts, les condamnations ont fusé. Premiers dérangés par les deux actes, ce sont les alliés politiques de Birame Ould Abdeidi, surtout les Islamistes de Tawaçoul qui comptaient beaucoup sur l’instrumentalisation de la question de l’esclavage, pratiques et séquelles, pour enflammer les rues dans le cadre de la révolution programmée depuis quelques semaines. D’ailleurs, le communiqué de ce parti était plutôt «mou», en tout cas moins virulent que toutes les autres expressions contre cette manifestation.
Deuxième camp dérangé, celui de l’autorité politique qui a réussi jusque-là à éviter de faire de Birame, une victime. Plus : l’autorité a réussi jusqu’à présent à éviter de faire des prisonniers parmi les protestataires. Malgré tous les excès enregistrés ici et là. Le geste de Birame engage la responsabilité des autorités dans la mission de protection des croyances et des fondements moraux de la société. Il est donc probable qu’il y ait une réaction de la justice qui ne pourra se permettre de faire profil bas.
«Je ne peux pas comprendre le geste», nous dit Me Mahfoud Ould Bettah, président de la Convergence démocratique. Cette incompréhension est générale. Un acte de provocation dont l’objectif premier est d’amener les autorités à arrêter Birame Ould Abeidi et d’en faire une victime. Il y a quelques mois, l’intéressé qui coordonnait avec certains segments de l’opposition, avait lancé l’idée de la constitution d’un gouvernement de transition nationale. Il promettait la divulgation de la composition de ce gouvernement pour les semaines à venir. On a oublié cette promesse. Il revient d’un voyage en Europe et décide donc de procéder à cet autodafé.
On sait depuis quelques siècles, que «là où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes» (Heinrich Heine, Almansor)… Rien, absolument rien ne peut justifier un tel acte.

jeudi 26 avril 2012

Abidjan, un an après


Réveil très tôt, le décollage pour Abidjan est prévu à 5 heures et quart. Avec un groupe de journalistes (publics et privés), nous devons accompagner le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz, invité comme observateur au sommet extraordinaire de la CEDEAO. Le sommet doit traiter des crises malienne et bissau-guinéenne. La Mauritanie et l’Algérie sont présents comme «pays du champ».
Sans le dire, la CEDEAO comprend qu’il ne peut rien se passer sans ces pays du champ avec lesquels il faut compter le Niger. C’est pourquoi elle tient à leur présence.
C’est l’occasion de revoir Abidjan où je n’y suis pas allé depuis cette visite du Panel du CPS de l’UA chargé de régler la crise postélectorale. Notre pays qui dirigeait le CPS à l’époque présidait ce Panel de chefs d’Etats. Entre «la République du Golf» - c’est comme ça qu’on appelait à l’époque le camp du président élu Alassane Dramane Ouattara, retranché à l’hôtel du Golf sous la protection internationale -, entre cette République et celle de Gbagbo qui s’entêtait à vouloir rester au pouvoir, le dialogue était impossible.
En réalité la mission africaine était piégée par l’engagement de certains de ses membres. Le burkinabé Blaise Compaoré était le principal soutien de Ouattara, alors que Gbagbo bénéficiait du soutien indéfectible du sud-africain Zuma. Et derrière se profilait le marionnettiste Sarkozy qui avait décidé d’en finir avec Gbagbo. Les pressions venaient de toutes parts pour empêcher tout accord.
Pendant ce temps, c’était le peuple ivoirien qui souffrait les affres d’une guerre civile imposée par des agendas extérieurs. Un an après, on veut bien croire que la légalité retrouvée, tout a changé en Côte d’Ivoire. Il est vrai que les images des confrontations, des balles perdues, des dommages collatéraux, que ces images ne sont plus visibles au quotidien. Mais la haine est là. Le désespoir aussi, ainsi que la perte de foi. Les gens qui circulent dans les rues semblent réservés, comme s’ils attendaient un signal. Lequel ? Celui de reprendre le chemin de la guerre ? Pas forcément. Celui de contester la satellisation de leur pays ? Sûrement pas. Celui de se rebeller à nouveau pour imposer un ordre nouveau ? Peut-être pas.
Ils attendent… Au sommet, on est surpris par l’atmosphère qui règne. On n’a pas l’impression que nos interlocuteurs ivoiriens nous disent tout. Pourtant ils se plaignent. De la hausse des prix, de l’insécurité endémique, de l’absence de perspectives politiques et sociales, du chômage, de l’économie qui ne redécolle pas, de l’espoir qui ne revient pas…
On tourne tout de suite la discussion vers la victoire de Chelsea, le club anglais qui compte parmi ses joueurs quelques «éléphants» dont Didier Drogba, l’artisan de la victoire du club contre la plus belle équipe d’Europe, le Barça. C’est quelque chose qui fait briller l’étoile ivoirienne en ces temps d’obscurité qui durent depuis… qui ne finissent pas de durer…

mercredi 25 avril 2012

La communication, une arme


Ce jour, mercredi, a été choisi par le Regroupement de la Presse Mauritanienne (RPM), regroupement d’éditeurs de journaux auquel La Tribune appartient, pour organiser une journée de discussions entre les représentants des forces armées et de sécurité et ceux de la presse. Il s’agissait de permettre aux premiers de dire comment ils peuvent répondre aux attentes des seconds dans le cadre de la transparence en matière de communication.  
Des présentations de la direction de la communication et des relations publiques de l’Etat Major national, de la Garde nationale, de la Gendarmerie nationale, de la direction de la Sûreté nationale, des Douanes et une du RPM. Celui-ci, par la voix de l’un de ses membres (Isselmou Moustapha de Tahalil) a introduit la journée en présentant une note sur les attentes des journalistes.
La Direction de la communication de l’Etat Major a rappelé l’état dans lequel étaient nos forces armées quand les organisations terroristes ont décidé de s’en prendre à notre pays, jugé maillon faible de la zone. Les attaques de Lemghayti, de Ghallawiya et de Tourine (2005-2008) ont exprimé ce mépris affiché par ces organisations face à une armée …désarmée. Depuis trois ans, les choses ont changé. La mobilisation d’unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé en général, ainsi que l’équipement des forces et la réhabilitation des bases fixes, la constitution d’une force aérienne, tout cela a permis, non seulement d’éloigner le spectre des attaques organisées à partir de l’extérieur, mais aussi d’anticiper ces attaques et d’apporter la peur dans le camp d’en face.
Sur les opérations, l’Armée a corrigé les premières erreurs se rapportant au manque de communication, en essayant d’accompagner la presse en lui fournissant les informations le plus rapidement possible, et en lui ouvrant les portes de l’Etat Major et des unités opérationnelles. Le temps de laisser la rumeur prendre le dessus est loin.
La communication qui a suscité le plus d’intérêt et de discussions reste celle de la Direction générale de la Sûreté nationale. Présentée par le Commissaire Divisionnaire Ould Adda, Directeur de la Surveillance du Territoire (DST), la communication a pris la forme d’une présentation sur l’immigration clandestine et du rôle de notre pays. On a appris que notre pays est devenu un pays d’accueil depuis que les Européens maîtrisent plus ou moins leurs frontières. Ils sont environ 50.000 immigrants à attendre une opportunité de départ pour l’Europe. Ils sont jeunes pour la plupart, sans qualifications particulières. Ils attendent et s’installent dans les villes en Mauritanie où ils ajoutent à la pression démographique déjà exercée sur les infrastructures sanitaires, celles de l’éducation, de la rue… Au cours des premiers mois de l’année en cours, 3113 immigrés clandestins ont été renvoyés vers les frontières mauritaniennes. 24.000 étrangers sont entrés, 8.495 d’entre eux sont restés. Pour une population urbaine comme la nôtre, ce chiffre constitue un danger réel. En effet, si l’on se projette sur le futur proche, on est surpris de constater qu’en quelques mois cette population d’immigrants s’installant chez nous, peut atteindre 90.000, l’équivalent des habitants de la ville de Kiffa, troisième concentration urbaine en Mauritanie. Par ailleurs, il y a aussi le fait que ces étrangers occupent des milliers de postes à pourvoir dans les sociétés minières en activité dans le pays. Ils seraient plus de dix mille à travailler aujourd’hui dans ces sociétés.
Comment faire pour trouver un équilibre entre la prise de conscience d’un tel défi sans verser dans la xénophobie ? C’est toute la question qui est posée aux autorités qui ont à traiter le phénomène, aux journalistes qui ont à le mettre en exergue.

mardi 24 avril 2012

De l’action et non de la réaction


J’ai été invité hier par les gens de l’Union pour la République (UPR) à une cérémonie que je croyais l’occasion de débats. A l’image de ce qui s’était passé avec les Islamistes de Tawaçoul la semaine dernière. Comme la direction du parti au pouvoir est sortante de cette école politique, j’avais cru qu’on aurait droit à la même ouverture. Je me trompais…
En fait, il s’agissait d’une cérémonie de lancement des missions devant aller à l’intérieur «porter la bonne parole». Tous les ministres et cadres de la haute administration étaient là. C’est Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine, le président du parti qui a fait un discours à l’occasion. Les aspects politiques du discours, ont été noyés dans une littérature plutôt «aiguisée», celle que nos groupuscules politiques adorent utiliser. Une littérature qu’on retrouve actuellement dans tous les discours et qui a la particularité de prétendre au complot, aux traitres, aux ennemis de la Nation, à ce qui reste (in)traductible comme le concept «murjivvine»… Finalement, les mêmes litanies que le camp d’en face.
Dommage pour Ould Mohamed Lemine, un homme de consensus au sein d’un chaos où l’on cherche à reproduire les réflexes du passé. L’UPR n’arrive pas à se libérer du poids de la pratique politique ancienne. Il n’arrive pas à développer un discours et une stratégie propres. Et, pour simplifier, je dirai qu’il vit, comme toute la Majorité, aux dépens du Président Ould Abdel Aziz. Ils bouffent jusqu’à présent sur l’actif de l’homme. Sans lui apporter grand-chose. C’est bien ici qu’il faut situer la faiblesse majeure du pouvoir actuel.
Chaque cycle d’objection et d’opposition – nous vivons l’activité et le positionnement politique comme des cycles, souvent contradictoires -, oblige le Président de la République à sortir lui-même de sa réserve, à occuper l’arène.
La bataille ne se situe pas au niveau de la mise en valeur des acquis de la première moitié du mandat de Ould Abdel Aziz. Parce que ceux qui appellent à son départ, s’en foutent pas mal. Parce que les populations elles-mêmes voient ce qui est fait et en profitent. TVM et Radio Mauritanie sont suffisants comme outils de propagande pour les réalisations à mettre en exergue.
Le débat, au niveau des partis politiques, doit être celui des projets, des visions, des positionnements…
Dans notre pays, nous avons besoin de voir nos partis militer, travailler pour la promotion de l’égalité et de la citoyenneté. Nous avons des partis qui instituent des aristocraties qui viennent se superposer à celles déjà existantes (et déjà pesantes). Nous avons besoin de partis qui nous proposent des solutions d’avenir, pour entrer dans le Modernisme. Nous avons des partis qui perpétuent le flou artistique qui leur permet d’évoluer sans mérite. Nous avons besoin de partis visant à raffermir la démocratie, à mettre fin à l’autorité des intermédiaires devenus «grands électeurs». Nous avons des partis qui s’empressent de récupérer les chefs politiques et notables traditionnels selon la même logique électoraliste…
A mi-mandat, le Président Ould Abdel Aziz a certes besoin de se relancer, d’asseoir un système qui peut réellement le servir, et surtout l’accompagner. L’opportunité ouverte par la mise en œuvre des résultats du dialogue va lui permettre quelques refondations nécessaires.
Nous avons désormais les élections législatives et communales en perspective. Espérons que cela oblige notre classe politique à s’inscrire dans cette dynamique politique constructive. Au lieu d’en rester à demander le départ d’un élu qui est à mi-mandat ou à vouloir maintenir un statu quo qui lasse…

lundi 23 avril 2012

De Nouakchott et de Paris


Toute l’après-midi d’hier, mon attention était captée par deux évènements : la marche organisée par les jeunes et les femmes de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), et les débats accompagnant le premier tour de l’élection présidentielle française.
Des milliers de jeunes, de moins jeunes et de femmes ont défilé dans les rues de Nouakchott pour demander le départ du Président Ould Abdel Aziz. Reprenant en cœur les slogans lancés par leurs ainés des partis de la Coordination. Ces ainés ont tout fait pour se contenter d’être des invités d’honneur. De quoi faire oublier les déconvenues du Nord…
On ne va pas discuter les motivations de la COD, encore moins les incohérences du discours et des positions. Je vais me contenter de constater que cette marche qui a pris un itinéraire «risqué», passant de l’ancienne Maison des Jeunes, par la direction régionale de la Sûreté, empruntant l’avenue Abdel Nasser, pour passer devant l’Ambassade de France et finir par un meeting devant la TVM.
Nous en apprenons que ce n’est pas le nombre, ni le parcours, ni les slogans qui provoquent la violence car il n’y a eu aucun heurt. Parce que la marche était autorisée et qu’elle n’a pas débordé, aucune provocation n’a été enregistrée. Tout s’est passé suivant les «normes démocratiques» et dans le respect du droit à l’expression.
C’est bien parce que les manifestants de l’ISERI ou de l’Université refusent de suivre les procédures administratives menant à l’autorisation par les autorités, c’est bien pour cela qu’ils justifient la répression dont ils sont victimes. Quand on perturbe l’ordre public, on doit en assumer les conséquences… Et quand on a la possibilité de manifester librement et sans violence, on doit en profiter… et, comme disent les amis du Canard, «la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas»…
Les débats autour du premier tour de l’élection française m’ont appris beaucoup de choses, énormément de choses. Je ne veux en retenir aujourd’hui qu’une : je crois comprendre maintenant pourquoi notre classe politique refuse le dialogue, la confrontation des idées et des visions…
Cela demande un niveau, une vision, une capacité à exprimer ses idées, à prendre la parole en public, à avoir une foi, du courage pour la défendre, de la prestance pour crédibiliser les propos, du sérieux dans les analyses… autant dire que cela demande beaucoup… beaucoup trop.

dimanche 22 avril 2012

Au pays du gâchis (fin provisoire)


Probablement le dernier épisode de cette série qui retrace un itinéraire dans un pays où l’histoire récente est une superposition de gâchis, de rendez-vous manqués, d’entreprises avortées, d’aventures irraisonnées, de potentialités dilapidées, de Mozart(s) assassiné(s) …
Nous continuons de perdre du temps en conjectures politiciennes. A savoir si les élections organisées en juillet 2009 étaient régulières. Si le Président élu à l’époque, reconnu entretemps par l’ensemble de la classe politique, est légitime. S’il a le droit de terminer son mandat ou non, de choisir ses hommes ou pas, de mettre en œuvre son programme ou pas…
La classe politique nous impose un surplace qui nous donne l’impression d’être aux premières heures de 2008-2009, de n’avoir jamais été à Dakar, de n’avoir jamais signé un Accord, mis en place un gouvernement d’union nationale avec pour mission d’organiser des élections pluralistes avec toutes les garanties de transparence… Avec l’impression que cette classe politique n’est pas celle qui a fini par reconnaitre ces élections…, n’est pas celle qu’on connait…
On perd du temps à chercher à provoquer un changement «brusque», soit par un coup d’Etat – on ne s’en est pas caché -, soit par une révolution dont on ne prévoit ni la mise en scène ni l’aboutissement. Alors que la sagesse et le sens «démocratique» auraient dû dicter à toute la classe politique de préparer calmement et sûrement les échéances prochaines. Celles très prochaines des législatives et des municipales, celle plus lointaine de la présidentielle (fin de mandat).
Mais on semble pressé. On veut provoquer de nouvelles élections. Au plus vite. On ignore que cette recherche effrénée d’une nouvelle crise retarde encore la maturation de l’évolution politique tant espéré.
Je comprends. La classe politique sait plus que nous autres, que la période de transition ouverte en 2005 ne s’est pas refermée. Que parmi ses conséquences figure forcément une profonde refonte de l’entreprenariat politique, voire un rajeunissement des acteurs, une reformulation des discours. On retarde cela et on perd du temps en cherchant à avoir tout (le pouvoir) et tout de suite. On continue à croire que l’on peut accéder à l’accomplissement sans mérite…
Les postes de contrôles (police, gendarmerie, douanes, eaux et forêts, et groupement routier) continuent de perturber la circulation des personnes. Les questions de savoir qui sont ceux qui passent, d’où viennent-ils et où vont-ils continuent d’occuper ces postes qui nous donnent l’impression que nous vivons sous un Etat de siège.
Nous perdons du temps… un temps précieux qui aurait pu servir à redonner goût au travail, à la vie… servir à réhabiliter l’intelligence et la compétence… à vaincre la médiocrité qui a sévi tout ce temps.
Quel gâchis !!!!!

samedi 21 avril 2012

Au pays du gâchis (6)


Il s’appelle ‘Beyd el Barka – littéralement «l’esclave de la Baraka». Un nom typique d’esclave de la société Bidhâne traditionnelle. Lui n’a jamais connu la condition servile franche. Il a vécu libre avec cependant une forte dépendance vis-à-vis de ceux qui sont supposés avoir été ses maîtres.
Sa forme rondouillette lui donne l’air d’un diminué mental. «Enveloppé», pour ne pas dire le mot «gros» qui vexe quelques-uns, ‘Beyd el Barka joue l’homme de milieu social modeste mais qui est de toutes les discussions. Rien ne lui échappe : aucun sujet ne lui est vraiment étranger, même s’il essaye d’abord de jouer l’innocent, l’ignorant qui découvre.
Tout le monde y trouve son compte. Ceux qui se plaisent encore à vivre les vestiges d’une aristocratie désuète et anachronique en se faisant servir par un plus faible sur lequel il est encore possible de déverser son trop plein de frustrations. Lui qui fait payer au plus fort le service qu’il rend et la compagnie qu’il propose.
Très vite on se rend compte qu’un éléphant ça trompe énormément… Quand on fait la somme de la journée – des discussions et des dépenses -, on se rend facilement compte que le perdant n’est pas ‘Beyd el Barka qui aura fait passer ses messages. Son rôle social lui donne le droit de ne pas mâcher ses mots. A chaque occasion, il aura rappelé combien la situation d’aujourd’hui était à son avantage, lui le descendant d’esclave qui travaille et produit, qui fait la politique à ses heures perdues, qui aide ici et là et qui milite pour une intégration entre anciens maîtres et anciens esclaves. Il ne rate jamais l’occasion d’amener la discussion autour du sujet, de culpabiliser ses interlocuteurs en les rendant responsables des fractures qui existent, de provoquer chez eux une colère qui en dit long sur leur incapacité à s’adapter et à faire face aux nouvelles règles de la vie.
A la fin de la journée, si l’on fait les comptes, c’est bien la poche de ‘Beyd el Barka qui aura été garnie au détriment des autres poches…
J’ai, dès les premières répliques de ‘Beyd el Barka, compris que j’étais en présence d’un esprit structuré, d’une personnalité politiquement formée, d’une intelligence éclairée… Quand il commence à me jouer la même partition que les autres, je lui dis franchement comment je le perçois. Au début renfrogné, il finit par éclater de rire. «Tu sais, quand je suis venu à Nouakchott pour la première fois, je suis allé dans la maison de mes parents Ehl Yessa. C’est là-bas où je me suis approché de Jemal et de Abderrahmane, des garçons brillants et très engagés. A l’époque, il y avait le MDI (mouvement des démocrates indépendants, mouvement de jeunes libéraux des années 80 et 90, ndlr). Même si j’ai refusé l’engagement politique pour lequel je n’avais pas le temps, j’ai appris beaucoup de choses de ces jeunes qui espéraient défaire notre monde. Après, j’ai dû rentrer chez moi. Grâce à mes parents, j’ai eu un boulot dans une boîte locale qui m’a permis de m’installer parmi les miens, de les aider à évoluer, à changer…»
C’est, selon lui, sa manière de participer aux changements sociaux, «à la révolution qui doit être calme et douce». Discuter, remettre en cause, rassembler, libérer, émanciper… en douceur.
En attendant, la préoccupation de ‘Beyd el Barka, en ces jours de visite présidentielle, c’est de trouver Hacenna Ould Ahmed Lebeid, l’homme d’affaires envoyé à Foum Legleyta par le parti UPR (union pour la République) pour organiser l’accueil. Notre homme le cherche, mais l’envoyé est introuvable. Ni la veille, ni le jour-même.
Il finit par dire, et il a raison de le dire, qu’il ne sait pas quelle est l’utilité de ces envoyés sur des terrains conquis, à «des populations qui viennent à Mohamed Ould Abdel Aziz et non à son parti… que de gâchis !»

vendredi 20 avril 2012

Au pays du gâchis (5)


Je n’ai pas encore parlé des forêts classées… déclassées. De ce déboisement programmé par une administration corrompue et irresponsable pendant des années. Pour ceux qui, comme moi, ont connu les plaines alluviales du Walo et du Diéri, pour ceux qui ont connu la forêt d’El ‘Atf au Gorgol et tout l’espace qui s’étend sur les régions du Brakna, Gorgol, Guidimakha et un peu Assaba, pour ceux-là la vision de ces berges dénudées, de ces étendues aujourd’hui dégarnies, provoque une profonde tristesse…
Tout a commencé à la fin des années 80, avec les événements de 1989. Il n’y a pas que les hommes qui ont souffert de l’avidité des administrateurs et de l’exercice quotidien de l’arbitraire. La terre a aussi souffert. Parce que, aux yeux de «nos» administrateurs de l’époque (dont certains sont aujourd’hui des moralisateurs), ces terres étaient bonnes à cultiver… Cultiver… Non !
En fait, chacun distribuait les parcelles au profit de ses parents et amis, les revendait lui-même à de soi-disant agriculteurs. Cela était le prétexte pour accéder au crédit agricole, aux subventions de commercialisation, aux aides pour faire face aux fléaux qui ravageaient les cultures… Chaque année, le circuit était le même. Tout le monde y trouvait son compte. Tout le monde ? Non ! Perdaient dans ce jeu perfide, les populations locales, l’activité agricole et le pays tout entier.
Les forêts commencèrent à souffrir dans un deuxième temps, quand il n’y avait plus de terres cultivables à arracher aux populations, à «exploiter» en… exploitant l’Etat. Arrivèrent alors les commerçants de charbon de bois.
La loi dit que le charbonnier a le droit de consommer les arbres morts. Les administrateurs – toujours les mêmes – octroyèrent des permis à de riches commerçants de Nouakchott et d’ailleurs. Dans les années 90, on comptait parmi ces «opérateurs», des Guinéens et des Maliens.
Les heureux gagnants de ce loto destructeur de l’environnement utilisèrent d’abord le bois mort. Bientôt épuisé. On commença alors à «tuer» les arbres. Les méthodes s’apparentaient à des meurtres d’hommes. Deux méthodes étaient utilisées.
La première consistait à planter un clou géant au cœur de l’arbre (au milieu du tronc), à laisser la sève couler. Trois, quatre jours et voilà le bel arbre qui perd ses feuilles et qui meurt en versant des larmes (sève). La deuxième consiste à «pister» les racines pour en découvrir les bouts au loin. Autour de chaque bout de racine, on allume un feu qu’on entretient durant six à sept jours. L’arbre meurt lentement et inexorablement.
On fabrique ainsi le bois mort qui alimente le commerce des charbonniers. Une véritable maffia qui a été plus forte que tous les efforts de nos partenaires et ceux des collectivités locales qui voyaient ainsi dilapidée l’une de leurs ressources premières.
Je me souviens que la coopération française et le Groupe BSA avaient entrepris une action en vue de protéger ce qui restait de ces forêts. C’est la Garde nationale qui fut sollicitée. On a même envisagé de monter une unité de cavalerie pour surveiller cet espace. C’était trop tard : l’Etat était déjà à genoux devant les maffias et il ne restait pas grand-chose des belles forêts d’antan.
Les Mauritaniens d’aujourd’hui peuvent, s’ils veulent avoir une idée du gâchis ainsi opéré, regarder de l’autre côté de la rive du fleuve Sénégal. Ils verront une berge boisée et des forêts classées, réellement protégées.

jeudi 19 avril 2012

Au pays du gâchis (4)

La route serpente les monts Wawa, des affleurements de la chaîne des Mauritanides, le plus vieux relief du monde. De part et d’autre s’étalent des plaines rocailleuses. Le sol est noir et n’importe quel souffle est prétexte pour que s’élèvent des nuages de poussières. Le goudron s’arrête brusquement. 
Pour aller à M’Boud, il faut finir en piste renforcée. On entre dans la ville sans s’en rendre compte. Pourtant on est dans l’une des plus vieilles villes de cette partie de la Mauritanie. C’est d’ici que l’administration coloniale a géré, pour quelques temps, les régions de l’Assaba, du Guidimakha, du Tagant (en partie)… pour faire plus simple, tout le pays Idaw’ish fut géré de M’Boud…
Mais M’Boud pour moi, c’est d’abord le pays qui a vu le poète Erebâne Wul A’mar Wul Maham souffrir les affres d’une prison qui va lui faire composer l’un des plus beaux poèmes dits en pays Bidhâne. Il y décrit son état de prisonnier obligé de transporter le bois pour le camp, dure épreuve pour ce chef traditionnel, prince du romantisme mauritanien. Etat qu’il semble mieux supporter que le fait de voir l’hivernage venir, les dépressions de M’Boud verdir, les bourgeons pousser… Parce que cette période-là signifie nécessairement que les campements Idaw’iish sont partis vers le nord lointain : le temps de fuir le sud et ses moustiques vient avec l’hivernage. Le regret du poète, c’est que ne viennent plus ceux qui apportent les nouvelles de Ebbo’aiish, cette bien-aimée avec laquelle la prison l’a séparée…
«Raaçi dhalli haamil min ‘uud
‘aalim ba’d elhay el ma’buud
Ennou çaa’ib wu thqiil u kawd
Hamli biih u gaasi u qriish
Enni maa nigdir kint en’uud
Saabig dha nirvid ‘uud ihshiish
Ghayr ethqal min dhe yel ma’buud
Eçayv ‘gueb wu dhlaam aniish
Wu khdhaaru legrayir vi Mbuud
Wu nzaahit virgaan idaw’iish
U guellit zaad khbar had i’uud
Kaan ijiib akhbaar Ebbo’aiish”
Quand on voit l’Aftout, on se demande comment un poète a pu chanter ces terres poussiéreuses et «hérissées» ? Le génie de Erebâne s’exprime dans tout ce qu’il compose. Dans un poème célèbre, le poète chante la période où les campements désertent les grandes dunes pour les dépressions alluviales…
«kelhamd illi manzal la’laab
dahru vaat u gafaat shaab
likhriiv u taavi ‘aad ish haab
il harr u varqet yaajoura
u vraq baass ilkhayl illarkaab
ilmin ha kaanit ma’dhuura
u khlat bard ellayl u lemdhal
waryaah issehwa mahruura
u khlat zaad igiliiw u dhal
ilkhayma hiya waamur»
(Les grandes dunes ne sont plus occupées,
ce temps-là est passé, bonheur !
le temps des pluies hivernales s’éloigne,
les fortes chaleurs/ont baissé, bonheur !
comme le souffle de l’harmattan
qui empêchait de monter les chevaux,
-prétexte pour les mauvais cavaliers, ha !
et se sont accordées la fraîcheur de nuit et la fraîcheur de jour,/
le vent du nord ouest a soufflé,
 s’est fondu dans l’air encore humide des marigots asséchés,
dans l’ombre des tentes et celle des acacias)
Merci à Nick Gewinner pour la précieuse aide dans la traduction.

mercredi 18 avril 2012

Au pays du gâchis (3)


Je vous épargne toutes les étapes sur lesquelles nous reviendrons dans notre édition hebdomadaire…
Foum Legleyta… quelque part dans le département de M’Bout (prononcé M’Boud par les locaux)… Nous sommes ici au milieu du pays Aftout. Des plaines à n’en pas finir. Une monotonie rompue par les pics résiduels de la chaîne des Mauritanides qui affleure de temps en temps laissant paraître le plus vieux relief du monde, avec des escarpements travaillés par des centaines de millions d’années d’érosion et d’adversité.
Le plus grand barrage de Mauritanie… Depuis l’époque du premier régime civil, celui de Ould Daddah, les autorités avaient opté pour faire de la zone le grenier de la Mauritanie. Trente ans après le lancement des premiers projets, quelques dizaines de milliards d’ouguiyas engloutis depuis, la région est devenue la plus pauvre de Mauritanie. Misère et maladie.
Quand le Président prend la parole devant des milliers de gens venus l’acclamer, il doit voir à sa gauche les vestiges de l’ancienne antenne de la SONADER. De vieilles villas aujourd’hui abandonnées, une piscine, une salle de réunion, une grande villa de passage, des cuisines… témoins d’une splendeur qui n’a eu d’autres conséquences sur la population et sur la région que la provocation d’une urbanisation anarchique et d’un exode massif de populations qui ont abandonné leurs modes de production traditionnelle. Il n’y a pas d’électricité dans le gros bourg de Foum Legleyta, ni l’eau courante… du moins jusqu’au projet pour le lancement duquel le Président est venu.
Ce projet est ambitieux. Il vise à alimenter 472 localités de l’Aftout, éparpillées sur les territoires du Brakna, du Gorgol et même de l’Assaba, à travers des conduites d’un total de 800 kilomètres. D’autres activités économiques sont lancées en même temps. Notamment la pêche dans la retenue du barrage. Les pêcheurs nous disent qu’ils peuvent collecter jusqu’à 400 kilogrammes de poisson par jour. «Si nous travaillons en groupe, on peut facilement atteindre les 700, voire 800 kilogrammes». (nous y reviendrons dans le reportage de l’édition hebdomadaire).
La Société nationale de développement rural (SONADER) est sans doute le symbole de ce gâchis immense. Une trentaine de milliards – probablement plus – depuis sa création au milieu des années 70. Un résultat presque nul. Que représentent les coopératives encadrées par la SONADER dans la production nationale ? combien de terres cultivables occupent les projets de la SONADER et pour quel rendement ?
Rien que les PPG (petits périmètres du Gorgol, I, II et suite) ont englouti une quinzaine de milliards d’ouguiyas pour une production qui ne représente pas aujourd’hui les 5% de la production nationale. Et les CPB (Boghé) ? et la décrue de Maghama ? et le Lac d’Aleg ? et Foum Legleyta ? qui en a réellement profité ? où sont partis les fonds ? où sont les gestionnaires véreux ? que cherchent-ils actuellement ?

mardi 17 avril 2012

Au pays du gâchis (2)


Boghé… Mais pour y aller d’Aleg, on passe par Azlatt, cette grande dune qui rompt la monotonie du paysage. La platitude et la noirceur du sol sont interrompus par ce grand «silk», une série de dunes qui se joignent pour ne plus faire qu’une. La difficulté de traverser apparait avec le détour que la route goudronnée est obligé de faire. Au lieu d’affronter la dune là où elle parait la plus dense, la route fait un virage, dangereux certes mais obligatoire.
C’est là où la dune semble mourir, à quelques deux kilomètres à l’ouest de la route (à droite), que la plupart des victimes des exactions commises en 1991 ont été enterrées. En cachette à l’époque. Quand je suis venu sur place en août 1991, les restes étaient encore visibles. Là aussi, les prédateurs ont sévi.
Il y avait bien des gouverneurs, des préfets, des responsables militaires (et politiques) qui ont commis le crime, qui l’ont couvert. Où sont-ils aujourd’hui ? que font-ils ? dans quel camp se trouvent-ils ? que veulent-ils ?
…Plus loin, toujours sur cette route qui relie Aleg à Boghé, un village moderne avec une grande auberge appelée «Auberge de l’unité». En mars 2009, il y avait là quelques tentes du HCR abritant les expulsés mauritaniens fraichement rapatriés du Sénégal. Avec quelques têtes de bétail, un petit fonds financier, une organisation des plus élémentaires, des dizaines de Mauritaniens injustement renvoyés de chez eux, revenaient sur ces terres qui furent les leurs… Aujourd’hui, c’est un gros bourg qui est là, avec une réelle activité économique, une réelle intégration sociale… avec surtout le recouvrement de la dignité et des droits.
En mars 2009, Ould Abdel Aziz avait fait un passage par ici, de retour de Kaédi où il avait effectué la fameuse prière de l’absent qui scellait la reconnaissance par l’Etat du mal qui a été fait.
Sur ces terres, ont vécu heureuses des populations qui ont toujours vu une richesse dans leur diversité, une complémentarité dans leurs modes de vie… qui ont fait de la fraternité une seconde religion, de la solidarité une valeur morale… et vinrent des administrateurs avides, des politiques calculateurs… pour s’approprier terres et biens des uns, ils les ont chassés vers l’autre rive prétextant leur non-appartenance à cette Nation… De l’avidité de ceux-là est née la fracture que la Mauritanie mettra du temps à soigner…

lundi 16 avril 2012

Au pays du gâchis (1)


Le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a commencé, hier dimanche, une grande tournée qui va le mener au Brakna, puis au Gorgol, pour revenir au Brakna. Une boucle qui va lui permettre de faire la démonstration de sa popularité dans des milieux supposés acquis politiquement à ses protagonistes. Démonstration faite dès l’étape d’Aleg, la capitale du Brakna.
Beaucoup de monde, venu même de Nouakchott. Et surtout une population locale très présente. Dans sa diversité ethnique (Négro-africains et Arabes) et générationnelle (jeunes et moins jeunes). Dans sa diversité politique aussi : toutes les écoles, anciennes et nouvelles, étaient là. On va toujours dire que les populations de l’intérieur du pays obéissent aux injonctions de l’administration – ce qui est faux, les choses n’étant plus ce qu’elles étaient.
L’itinéraire choisi répond aux activités prévues. C’est ici une adduction d’eau, d’électricité à inaugurer. Là, un projet de ville. Ici, des infrastructures à renforcer ou à créer…
Mais cet itinéraire correspond, à mon avis, au parcours dans le pays du gâchis. Le Président Ould Abdel Aziz aurait pu se contenter de parler de ce qui aurait dû être fait et qui n’a pas été fait dans les localités visitées. Rappeler que c’est la faute de gestionnaires qui couvrent, pour la plupart d’entre eux, aujourd’hui de leurs voix la scène.
A Aleg, où sont passés les centaines de millions du projet Lac d’Aleg ? où sont passés les quelques milliards engloutis pendant les trente dernières années ? où sont passés agriculteurs et éleveurs, laborieux et volontaires qui peuplaient cette plaine fertile qui ne produit toujours pas de quoi alimenter le marché local ?
La pauvreté est là malgré tout ce que les pouvoirs publics, les partenaires extérieurs ont envoyé comme fonds. Malgré les projets lancés en grande pompe et qui finissaient par mourir en silence, dans l’indifférence totale des premiers responsables. On n’a pas besoin d’inspecteurs, ni d’études, ni de contrôleurs pour voir que ce qui était destiné à développer la plaine d’Aleg a été détourné. Par qui ? Par des administrateurs, des hauts cadres responsables de projets, directeurs centraux, secrétaires généraux, ministres, Premiers ministres… celui qui se trouve à la base de la prédation «arrose» toute la chaîne. Les populations sont abandonnées à leur sort. Personne ne rend compte. Personne ne paye.
C’est pourquoi, ils peuvent hausser le ton aujourd’hui, prétendre à l’honorabilité et donner des leçons aux autres. Ils comptent sur la courte mémoire…

dimanche 15 avril 2012

Tout sauf le «Muhguin»


On raconte que l’hyène – gourvav pour certains, gaboune pour d’autres – mangea toutes les bêtes de somme de sa famille. Son père et sa vieille mère s’en prirent violemment à elle (ou à lui, féminin en Français, masculin en Hassaniya).
«Comment va-t-on transporter nos affaires, quand demain nous devrons aller à la recherche de meilleurs pâturages ?» Et ‘gaboune’ de répondre : «Aucun problème, je transporterai toutes vos affaires sur mon dos».
Le moment venu, tôt le matin, on sonna le clairon du voyage. Notre vaillant ami prit sur son dos toutes les affaires : ballots (tasufra), malles, tentes, mats, piquets, ustensiles de cuisine, matériel de traite, outils du puisatier… tout, vraiment tout. Au moment où la vieille mère voulut arpenter les ballots, elle vit l’entonnoir par terre.
L’entonnoir, appelé localement ‘muhguin’ était fait du tronc d’un arbre, adress, le plus léger des bois connus sous nos latitudes. Son utilité est grande dans la mesure où il sert dans la traite des chamelles. «Attends que je prenne le muhguin, dit la vieille mère à son brave fils». «Ah non, maman ! je ne prendrai jamais le muhguin sur mon dos. Tout sauf le muhguin !»
On le raconte pour fustiger cette personne qui aura tout fait et devant laquelle ne restait qu’un effort minime à faire pour atteindre l’objectif, mais qui refuse de faire l’effort. Malgré la facilité de ce qui lui reste…
Allez savoir pourquoi je vous rappelle cela à ce moment précis… faites l’effort de savoir… et dites-moi.

samedi 14 avril 2012

Le dialogue, pas la guerre


Ce qui suit est une reprise mise à jour de l’éditorial de l’édition de la semaine passée.
Le 2 avril dernier, le bureau politique du MNLA déclare : «Nous rassurons les États voisins, les populations de la sous-région et la Communauté Internationale que la libération de l’Azawad contribuera à renforcer la sécurité, le développement et la paix pour une meilleure intégration des peuples, des cultures et une meilleure stabilité dans la zone saharo-sahélienneQuelques jours plus tard, le MNLA déclarait l’indépendance de l’Azawad.
Quelle menace plus grave pour la sécurité, la stabilité et la paix de la région ? D’ailleurs aucun pays de la région, aucune organisation régionale n’a accepté de se taire là-dessus : tout le monde a dénoncé l’option choisie par le MNLA. Notre pays est l’un des premiers à réagir à cette malheureuse décision. L’hostilité des uns et des autres était attendue. Le principe sacro-saint du respect de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation étant le fondement de la Charte de l’Union Africaine. Ceci dit, qu’attend le MNLA de cette déclaration ?
Le mouvement touareg est le premier à savoir qu’il ne contrôle que quelques centres urbains de la taille de Léré, sinon les espaces sahariens. Les grandes villes sont aux mains des factions islamistes. Qu’elles soient dirigées par des Touaregs comme Ançar Eddine, ou par des Arabes maliens comme le mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Publiquement parrainés par AQMI, ces mouvements ne sont que des démembrements de la nébuleuse qui a instauré l’état de non-droit dans le nord malien.
Profitant de la faiblesse du pouvoir central, corrompant son administration et son armée, prenant en otage les populations délaissées à leur sort, AQMI a su développer un discours qui semble «prendre». On est en passe d’assister à la création d’un Emirat islamique où s’appliquerait la Chari’a et qui serait la base de départ du jihad vers les autres pays ouest-africains. Un rêve chez les salafistes jihadistes qui risque de se concrétiser dans les jours qui viennent.
Pour le MNLA, il fallait aller vite pour s’imposer comme interlocuteur incontournable dans l’évolution proche. Il lui reste en effet d’être considéré comme un partenaire dans une éventuelle expédition guerrière contre les organisations terroristes qui ont fait main basse sur le Nord du Mali.
Très attendue, la réunion des pays du champ (Algérie, Niger et Mauritanie) n’a pas eu le courage d’aller au bout de la logique qui la retient. Même si elle appelé au dialogue d’abord, elle a envisagé une action militaire ultérieure. Là où elle a péché, c’est quand elle a jugé l’action des pays du champ complémentaire de celle de la CEDEAO. Celle-ci n’a pas de rôle autre que celui qu’elle a déjà joué et qui a d’ailleurs le rétablissement de la constitutionnalité au Mali. Le reste ne peut être de son ressort.
L’on note d’ailleurs une forte résistance de l’Algérie, du Niger et de la Mauritanie à toute intervention militaire extérieure au Mali. La réunion aurait dû rappeler à la France, aux pays occidentaux en général, que tout ce qui arrive aujourd’hui était prévisible. Notamment avec l’utilisation excessive de la force et l’engagement inconsidéré en Libye.
Bien avant que l’OTAN ne s’emballe, des voix africaines s’étaient élevées pour mettre en garde contre les conséquences sur toute la région de l’aventure guerrière en Libye. On doit rappeler les prises de position de l’UA et de son Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) que la Mauritanie dirigeait à l’époque.
A qui la faute ? A tous ceux qui ont tenu à larguer des bombes sur les forces de Kadhafi pour, soi-disant, protéger le peuple libyen et instaurer la démocratie.
A l’instar des populations du Nord malien, le peuple libyen est aujourd’hui otage de factions armées dont les moins redoutables sont celles qui affichent publiquement leur appartenance à Al Qaeda. Ce dont on a peur aujourd’hui c’est de voir se faire la jonction entre les groupes AQMI basés au nord du Mali, et ceux de leurs frères d’armes (et d’idéologie) qui ont pris possession de régions libyennes entière. Qui faut-il alors sermonner ?  

vendredi 13 avril 2012

Indifférence policière

Ce matin, je suis tranquille chez moi, quand des gardiens voisins sonnent à la porte. Ils m’apprennent que deux jeunes garçons avaient sauté dans la cour de notre maison, avant de repartir sur une charrette qu’ils me montrèrent. On découvrit rapidement, notamment grâce aux cris des voisins, qu’ils étaient entrés dans d’autres maisons d’où ils auraient emporté des «choses». Le temps de sortir la voiture du garage, de prendre avec moi l’un des gardiens et d’aller à la trousse des enfants indélicats.
On les surprend alors qu’ils voulaient se cacher derrière le Palais des Congrès. Ils allaient visiblement à la rencontre de deux adultes auxquels ils devaient probablement remettre leur butin. Après quelques efforts et une forte discussion avec les adultes, on réussit à embarquer deux des gosses. De là le commissariat le plus proche est celui de la police judiciaire. J’y vais.
A l’entrée, je tombe sur policier avec un bâton à la main. Il reconnait les enfants et, s’adressant à l’un d’eux lui dit : «Tu as encore fait du mal !»
Oui, je m’en vais lui raconter qu’ils sautaient de maison en maison, qu’ils avaient pris des choses qu’ils ont remises à deux adultes que nous avons laissés à côté du Palais des Congrès et qu’eux-mêmes connaissaient bien ces adultes… «Est-ce que tu déposes plainte ?»
Pourquoi déposerai-je une plainte contre des enfants chapardeurs ? «Alors il faut les amener au commissariat des mineurs, nous on est pas concerné». C’est par où le commissariat des mineurs ? «Il faut chercher parce que je ne sais pas»…
La scène avait attiré une bande de jeunes – un peu plus âgés que nos deux malfrats. Ils étaient à se payer ma tête et à rigoler tout haut. Vous êtes d’accord sur ce qu’ils font ? «Bien sûr, où est-ce que tu crois que nous étions à cette heure-ci ? Il faut bien vous soutirer quelque chose, vous qui habitez dans les belles villas»…
Le policier fit semblant de ne pas écouter tout en arborant un sourire qui en disait long sur son indifférence…

jeudi 12 avril 2012

Désengorgement du Port de Nouakchott


Au port autonome de Nouakchott, l’arrivée de bateaux de plus en plus nombreux a créé un problème, on va dire «d’embouteillage». Depuis quelques mois les autorités cherchent à trouver une solution pouvant satisfaire toutes les parties (autorités, commerçants-importateurs, transporteurs maritimes…).
Pendant très longtemps c’est la règle du «premier arrivé, premier servi» qui a joué dans l’ordre d’accostage en vue du débarquement des marchandises. Puis on en est venu à favoriser les lignes régulières au détriment de celles qui sont là pour l’occasion d’une livraison. Depuis quatre ou cinq ans, la priorité a été donnée aux bateaux transportant les containers, plus facile à débarquer et donc à vider. Avec cependant un poste réservée à la sacherie. Mais devant la pression des commandes de matières de premières nécessité et sous prétexte de répondre aux besoins du pays, l’on a commencé depuis trois mois à privilégier les bateaux transportant le vrac (blé et autres denrées alimentaires).
Réaction des lignes régulières lors d’une réunion à Vienne : il est décidé de prélever une taxe de 200 dollars par container à destination de Nouakchott du moment qu’on ne sait plus combien de temps va prendre le débarquement. Si l’on sait qu’en 2011, 92000 containers environ ont été débarqués au Port de Nouakchott, on a une idée de ce que cela peut coûter au pays en taxes.
Les autorités sont entrées en pourparlers avec les transporteurs, Maersk, SOGECO et MFC, en vue de trouver une solution. Un montage a été finalement trouvé.
Suivant un «système de fenêtre d’accostage fixe» déterminé, chacune des compagnies ayant une ligne régulière devrait fixer à l’avance le jour et l’heure d’arrivée de ses bateaux. C’est ainsi que la Maersk qui reste la plus active et la plus sérieuse, s’est fixée la journée de mercredi à 14 heures. Les autres seraient prêtes à fixer le jour mais pas l’heure qu’elles fixeraient deux ou trois jours avant.
En plus, les sociétés s’engagent à débarquer 25 boites/heure au lieu de 17 débarqués actuellement, et de travailler quatre heures de plus qui seront payés au BEMOP en plus.
Pour le vrac solide, les autorités ont exigé des sociétés de traiter 3000t/jour par cal au lieu de 2000 traitées jusque-là ; pour le vrac blé, 2000t/jour au lieu de 1500 actuellement ; et pour la sacherie, 1500t/jour au lieu de 360t actuellement.
Si le protocole d’accord est signé – il doit l’être incessamment -, on peut dire que le port autonome a trouvé une solution pour limiter les effets néfastes de son engorgement.

mercredi 11 avril 2012

La presse chez Tawaçoul


C’est un dîner-débat que Tawaçoul a organisé hier soir au profit de la presse mauritanienne indépendante. Après les artistes-griots, les artistes-cinéastes et d’autres pans de la société, le parti islamiste a rassemblé la presse autour de sa direction pour discuter de ses points de vue, de ses positionnements, de ses lectures du futur proche…
C’est naturellement le président de Tawaçoul, Mohamed Jamil Ould Mansour qui ouvert le bal, juste après que le dîner a été servi. Il a expliqué que c’est là l’occasion non seulement de poser des questions, mais aussi d’entendre les critiques, les remarques des journalistes sur son parti. Ce n’est pas une conférence de presse, mais une séance d’échanges qu’il espère fructueux.
Il a rappelé l’ancrage de son parti dans le référentiel islamique, l’option nationale et le choix de la démocratie. Référentiel islamique qui est la source première d’inspiration du programme et du projet social de Tawaçoul ; la recherche de l’unité nationale et pour ce faire, la traduction de la diversité et du pluralisme en Mauritanie dans le discours et dans l’action du parti ; le choix démocratique qui part du principe que la gestion des hommes relève de leur compétence, et qui se base sur le respect de l’autre.
Mohamed Jemil Ould Mansour a répondu à deux salves de questions et de commentaires. Elles tournaient autour du positionnement actuel du parti Tawaçoul, lequel, après avoir été le premier à reconnaitre les résultats de l’élection de 2009, et adopté en conséquence une attitude plutôt conciliante voire «coopérante» vis-à-vis du régime, s’est subitement retrouvé dans l’opposition radicale. Pourquoi ces revirements ? pourquoi ce discours chargé d’excès ? pourquoi l’interférence des Ulémas qui devaient être «le bien» de tous ? est-ce le processus du coup d’Etat qui est envisagé ou la révolution ? dans l’un ou l’autre des cas, quelles sont les chances du parti ? et si le pouvoir actuel «dégageait», qui prendrait sa place ? quelle position vis-à-vis de l’application de la Chari’a ? comment régler le passif humanitaire ? que fait le parti pour la lutte contre l’esclavage ?
L’occasion, dans ses réponses de faire l’historique des positionnements récentes du parti, d’expliquer pourquoi il a présenté son propre candidat au lendemain de l’accord de Dakar, pourquoi il a choisi de reconnaitre immédiatement les résultats qui donnaient Mohamed Ould Abdel Aziz gagnant, avoir adopté pour cela la position de «l’opposant-conseil», pourquoi le revirement pour une position de «l’opposant-frontal»… Les événements de Tunisie y ont joué un grand rôle parce que «le 14 janvier 2011, nous avons appris que quel que soit le degré de ‘gentillesse’ des peuples arabes, ils étaient capables de chasser les dictateurs les mieux installés».
Le coup d’Etat n’est pas la solution même si les conditions le laissent prévoir. «Notre position est claire : nous croyons qu’il faut mettre fin à la présence de l’Armée dans l’exercice du pouvoir politique. Pas besoin d’une transition militaire non plus». Alors ? «Le Président Ould Abdel Aziz doit tirer lui-même les conclusions de ses échecs et l’impossibilité pour lui de continuer à gouverner. Appeler les forces politiques en présence et déterminer avec elles les modalités du passage à une véritable ère démocratique». Aussi simplement !
Bien sûr que les syndicats qui bougent, les étudiants qui entretiennent la tension dans les campus, les organisations de jeunes qui marchent…, tout ce foisonnement politique et social n’est pas du fait des Islamistes ni de leur parti. «C’est le pouvoir qui crée une crise sociale propice à de tels mouvements et qui vient s’ajouter à la crise politique». Et les slogans radicaux ? et la désinformation utilisant des mots excessifs pour désigner une réalité somme toute normale ? et les délais fixés pour le départ ?
«Nous avons choisi d’être une partie prenante de la crise et au lieu de rester dans une position médiane. Cela nécessite un radicalisme que nous adoptons en vue d’instaurer une véritable démocratie. Nous ne sommes pas pressés et nous tenons encore à ce que le changement soit pacifique et démocratique. Nous saurons, au moment opportun, ce qu’il faut faire si ce choix ne suffit pas…»
Et Cheikh Mohamed el Hacen Ould Dedew dans tout ça ? est-il un membre de Tawaçoul ? «Non ! L’Erudit est appelé, de part sa notoriété et la place qu’il occupe, à se prononcer sur la gestion de la chose publique. C’est un devoir moral et un service rendu à la communauté. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la démarche de Cheikh Dedew…»
Et c’est aussi le justificatif de tous les Ulémas qui entrent en scène pour se positionner sur l’arène et adopter des discours partisans. Mais ça c’est une autre histoire…