mercredi 9 novembre 2011

D’accord avec Taya


Je me souviens que dans une interview accordé à son ami François Soudan de Jeune Afrique – du temps où les poissons parlaient encore -, le Président Ould Taya avait dit que ce qui l’énervait le plus chez ses compatriotes, c’était leur refus d’accorder la priorité à ceux qui y ont droit dans la circulation et de vouloir toujours doubler même en commettant pour cela des infractions.
A l’époque, nous nous gaussions de ces considérations qui ne concernaient que les quelques prédateurs et/ou privilégiés d’un régime. Au milieu des années 80, les problèmes du pays n’étaient pas ceux-là. Avec le temps…
En l’absence de statistiques officielles, nous allons dire qu’il circule en Mauritanie plus de véhicules que de personnes. Surtout à Nouakchott. Que la circulation routière cause plus de dégâts – humains et matériels – que les inondations saisonnières, que les épidémies (connues jusque-là), que toutes les catastrophes que le pays a subies. Une hécatombe pour les hommes et pour les biens.
Depuis un peu plus d’un an, les autorités ont lancé une campagne. Elles ont même créé un corps dédié à la circulation routière et à sa sécurisation (au sens large). Ce corps est en train de prendre la relève de la police, au moins à Nouakchott. «Kelle jdiid lu benna», à chaque nouvelle chose, on accorde une période de grâce. Mais il est incontestable cependant que les jeunes, qui sont dans une phase d’acclimatation sur le terrain, ont réussi à réguler la circulation. Mais quoi qu’ils fassent, il leur restera quelque chose qui demande d’autres actions : la mentalité des usagers chaque jour plus nombreux, chaque jour moins respectueux des règlements. Et c’est là – là seulement – où je trouve que Taya avait raison d’insister là-dessus.
Que signifie s’arrêter à un feu rouge ? C’est accorder un temps (25-30 secondes) à l’autre usager pour qu’il passe. C’est attendre votre tour parce qu’il n’y a pas que vous sur les routes et dans la vie en général. C’est introduire un ordre impersonnel qui vaut pour tous.
Tout commence par là : accepter de partager cet espace avec d’autres que vous suivant des règles préétablies et acceptées par tous. La Modernité, la démocratie, la liberté, le développement, l’accomplissement de soi, le projet de société, l’Etat de droit… tout, absolument tout, commence par ce comportement qui semble anodin.
Comment construire un édifice ensemble, comment vivre ensemble, comment prétendre à une quelconque ambition si vous n’êtes pas capables d’attendre 30 secondes, le temps de laisser un autre usager passer sa route ?
Je propose que TVM plante une caméra à l’un des feux – choisir chaque jour l’un des feux – et qu’elle «flashe» toute infraction. Les Mauritaniens ont horreur de laisser transparaître cette malhonnêteté qui est devenue, depuis quelques décennies, une seconde nature chez eux. Rien de plus dissuasif.