mercredi 7 mars 2012

Le dernier dédain du Maure


J’ai mis du temps à me résoudre que l’ancien président Maawiya Ould Taya a écrit un livre. Au début, j’ai cru à une affabulation de plus de certains de nos médias qui auraient été piégés par je ne sais quelle «intelligence». Pour plusieurs raisons, je n’ai pas cru au livre de Ould Taya.
Un livre de Ould Taya, à ce moment précis de l’Histoire du pays, signifierait une volonté de retour sur la scène. A son âge et vue son expérience malheureuse du pouvoir, mais aussi ses conditions actuelles, je le vois mal croire à une chance qu’il peut saisir. Sauf si l’on en vient à penser que les tentatives de «blanchir» son régime, que ces tentatives entreprises par les plus symboliques de ses proches préparaient en fait ce retour.
De Doha, la Mauritanie peut paraître un pays au bord de l’éclatement. La lecture des sites d’information laisse fatalement l’impression que le pouvoir est dans la rue, que la révolte est en marche, que le pays est bloqué. Rappelons-nous qu’au lendemain de son renversement, des proches avaient convaincu Ould Taya qu’il suffisait pour lui de s’adresser directement aux populations et à l’Armée pour qu’il y ait un soulèvement demandant son retour au pouvoir. Il avait alors fait sa fameuse sortie sur la chaîne saoudienne Al Arabiya où il avait effectivement appelé à la désobéissance et promis de faire de profondes réformes dont la première sera celle qui se rapportera au système d’assurance maladie avec l’accélération de la mise en place de la CNAM (sic). Provoquant la risée de ses protagonistes et le désarroi de ses soutiens.
Qui peut l’avoir convaincu d’écrire sur la situation du monde arabe au lendemain de ce qu’on appelle pompeusement «les printemps arabes» ? Qui ? Quoi qu’il en soit le livre a pour titre «le salut des Arabes» (Nejaat el ‘Arab). Il a été conçu sous forme de débats entre cinq jeunes arabes de conditions et d’origines différentes et un leader ayant une expérience politique.
J’avoue n’avoir lu que quelques paragraphes de l’introduction avant de le parcourir au hasard. Très mal écrit, il reste difficile à lire. Difficile à comprendre aussi. Le concept est en lui-même désuet. Aucune problématique. Aucun questionnement et donc aucune réponse aux crises de l’heure. Une voix off qui parle du mode de vie des esquimaux et des réflexes grégaires des pingouins vivant dans le pôle nord, alors que les images qui défilent sont celles de la sécheresse au Sahel.
Encore la question de savoir pourquoi un homme qui a régné sans partage 21 ans durant et qui a quitté le pouvoir contraint, laissant un pays dont toutes les chances de s’en sortir étaient compromises, une société émiettée, une médiocrité dominante, un Etat en décomposition, un système de valeurs en faillite, un système éducatif en métastase avancé, pourquoi cet homme ne tourne pas la page ? Pourquoi se met-il encore aux devants ? Et pourquoi surtout, en décidant de se remettre sur scène, ne commence-t-il pas par expliquer à ses concitoyens, victimes ou non de sa gestion, tous ses actes, tous ses choix ? Est-ce là la dernière expression du dédain qu’il a toujours affiché pour le peuple mauritanien ? Peut-être… Il a toujours eu sa façon particulière de communiquer.