mardi 30 juin 2015

Fantasmes, désinformations et lobbying

A peine quelques jours se seront passés depuis la réunion qui a ouvert la voie à la reprise des négociations entre l’Union européenne et la Mauritanie en vue d’un nouvel accord de pêche, et voilà que les rumeurs les plus folles et les informations les plus improbables sont savamment distillées par les lobbies intéressés par la conclusion de cet accord. Lancées à partir de Vigo et de Las Palmas, les rumeurs prennent l’ampleur d’informations avérées et sont facilement reprises par les médias.
La semaine dernière, une réunion technique a regroupé négociateurs mauritaniens et européens à Bruxelles. La réunion qui a pris juste une journée a permis de fixer la reprise des négociations début juillet (vers le 7) à Nouakchott. L’évaluation technique de l’état d’avancement des dossiers litigieux a permis de mieux appréhender l’avenir de ces négociations.
Comme nous vous le disions (posting de mardi dernier), la question de l’apurement de l’enveloppe «Appui sectoriel» a été réglée. Ce contentieux qui date de janvier-février 2008, devait nécessairement trouver solution. Selon une source du ministère des pêches, le contentieux sur l’appui sectoriel ne portait plus que sur 6,5 millions euros. Il a été convenu d’utiliser cette somme dans la construction du port de Tanit qui est un projet structurant dans le secteur des pêches
Quant aux discussions, rien, absolument rien n’a concerné une quelconque «concession» de la Mauritanie, selon les négociateurs qui affirment qu’il n’a surtout pas été question ni de la pêche céphalopodière, ni de la remise en cause des fondamentaux de l’accord précédent (2012-2014).
La partie mauritanienne considère que les céphalopodes et la sardinelle sont les seuls produits qui peuvent être pêchés par les artisanaux mauritaniens. Le souci est bien de les réserver aux opérateurs nationaux. D’ailleurs, la décision prise il y a environ trois ans a été comparée à la nationalisation des mises de fer en 1974, tellement sa portée économique et sociale était grande. Jamais les Mauritaniens n’accepteront de discuter ce choix patriotique historique. Quid des dérogations au profit d’opérateurs espagnols ?
Les armateurs espagnols sont habitués à lancer des informations aussi farfelues que celle annonçant l’autorisation de pêcher pour des céphalopodiers espagnols dans les eaux mauritaniennes, ou encore la suspension de l’obligation de débarquement dans les ports mauritaniens en contrepartie de la construction d’un port spécial et l’autorisation pour eux de débarquer le pélagique à Las Palmas en attendant.
Une manière de faire pression pour influer sur les négociations et d’empêcher la conclusion d’un accord équitable. Une fois encore, les armateurs espagnols mêlent fantasmes, rumeurs et désinformations pour influer sur le processus de négociation. Tout indique cependant qu’ils échoueront comme par le passé, chacune des parties, Union européenne et Mauritanie, sachant ce qu’elle tire comme profits de cette coopération qui doit nécessairement instituer un commerce équitable et respectueux des impératifs du renouvellement de la ressource.
Jusque-là, la Mauritanie et l’Union Européenne ont travaillé ensemble. Ce qui a permis la conclusion du dernier accord de partenariat dont les résultats sont évidents pour les deux parties. Et ce sont les Espagnols qui y gagnent le plus, eux qui profitent de l’accord au titre de quatre autres pêcheries qui ne sont pas les céphalopodes. On peut même aller jusqu’à rappeler ici que si Tenerife n’est pas Lampedusa aujourd’hui, c’est bien parce que quelque part la Mauritanie a efficacement combattu la migration clandestine. Cela a son prix aussi.

lundi 29 juin 2015

Renforcer le front intérieur

Ce qui s’est passé cette semaine en France, en Tunisie, au Koweït et plus proche de nous au Mali, doit nous rappeler la fragilité des équilibres et de la stabilisation à laquelle des efforts énormes nous ont permis de parvenir. Aucun pays de la planète ne semble à l’abri d’une explosion, d’une cavale meurtrière menée par un loup solitaire ou par des bandes organisées. Vigilance, vigilance !
C’est d’abord à l’Appareil sécuritaire de renforcer sa puissance de veille. Pour cela il faut lui donner les moyens de protéger notre espace, nos corps et nos biens.
La police mauritanienne a acquis une très grande expérience dans la lutte contre les extrémismes. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir besoin de grands moyens pour accompagner la fulgurante ascension de nouveaux groupes terroristes. En matière de formation, de moyens techniques de pointe, de développement du renseignement humain, d’infiltration des réseaux…
En même temps, une réflexion politique est à mener par tous les acteurs. C’est le lieu ici d’appeler au renforcement du front intérieur. Le processus de dialogue lancé il y a peu doit nécessairement reprendre son cours pour permettre aux protagonistes de renflouer encore le creuset qui les sépare. Il est inutile de rappeler le peu qui les dresse les uns contre les autres.
Quelqu’un comparait la gauche et la droite à un corps hémiplégique en disant que le danger arrive quand la partie saine n’arrive plus à jouer son rôle moteur à force de contorsions et de faux mouvements. Remplaçons par Pouvoir et Opposition.
La peur de la contamination doit pourtant nous amener à plus de prédispositions à nous entendre, à nous accepter. Il faut craindre le moment où un fou, un illuminé accepte de jouer les kamikazes et fasse sauter n’importe quel édifice de Nouakchott. La fragilité de notre pays est si réelle qu’il lui sera difficile de s’en relever.
La plus grande richesse que nous avons actuellement est cette stabilité qui nous offre une tranquillité certaine. Apprécions la situation tout en pensant qu’il s’agit d’un trésor à protéger, à préserver.

dimanche 28 juin 2015

La politique pourquoi faire?

C’est au cours d’un débat entre journalistes sur Al Mourabitoune que la question a été soulevée. A quoi sert la politique ? à prendre le pouvoir ? à participer aux affaires de la cité ? à concevoir les meilleures conditions pour la réalisation du bien commun ? à établir un contrat ou des règles reconnues par tous en vue de parvenir à des équilibres dans la conduite des affaires publiques ?
Au tout début était la question de savoir qu’est-ce qui a manqué à notre élite politique pour imposer un processus démocratique plus ou moins acceptable et consensuel. Pour répondre à cette question, on peut axer sur le seul aspect exercice du pouvoir et donc sur ses modalités (élections). Pour expliquer que notre élite n’a jamais eu les éléments du jeu entre les mains, qu’elle a dû subir la brutalité du pouvoir militaire chaque fois qu’elle a cru être au bout du processus. C’est faire preuve d’indulgence vis-à-vis de cette élite qui n’a jamais rien essayé depuis la première décennie de l’indépendance.
A l’époque, contre vents et marées, l’élite a bien eu pour ambition d’asseoir les fondements d’un Etat égalitaire, citoyen, moderne, pacifique et ouvert. Elle a réussit plus ou moins.
Plus quand il s’est agi d’imposer un Etat dans un environnement hostile où les ennemis de l’intérieur étaient plus actifs et plus dangereux que ceux de l’extérieur. Plus aussi quand le jeune Etat a pu imposer des règles générales à tous et à se faire accepter par les élites traditionnelles (féodales). Plus enfin quand le jeune Etat est devenu un acteur de la scène internationale.
Moins sans doute pour ses incapacités à éradiquer les tares d’une société profondément inégalitaire et donc injuste. Moins aussi quand le pays a été incapable d’instituer le pluralisme et d’incarner la pluralité. Moins enfin quand le jeune Etat s’est laissé enivré par ses succès relatifs et a cru qu’il était assez fort pour mener une guerre qui ne se justifiait pas.
Mais depuis la première décennie, qu’a fait l’élite politique mauritanienne ? Un constat nous permettra peut-être d’en savoir plus.
En mars 2007, le pays connait sa première élection présidentielle consensuelle, plus ou moins régulière. Sur les 19 candidats, deux sortent du lot et doivent se faire face pour un second tour : Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah. Deux hommes qui ont tous deux appartenu au dernier gouvernement de Mokhtar Ould Daddah, celui qui a été renversé le 10 juillet 1978. Deux hommes connus pour être des technocrates et non des politiques. Même si pour Ould Daddah, l’entrée en politique date de 1991 (décembre), on peut estimer que les deux hommes sont entrés dans le champ politique par accident (si ce n’est par effraction).
On peut en tirer deux conclusions : soit que la nostalgie était si forte que le peuple a voulu restaurer ce qui restait du pouvoir de Mokhtar Ould Daddah ; soit que toute l’action politique des mouvements et groupuscules qui ont animé la scène trois décennies durant, n’a pas permis de faire sortir du lot un homme capable de provoquer l’adhésion du plus grand nombre. Dans l’une comme dans l’autre des conclusions, c’est bien un échec avéré du personnel politique.
Si l’on suit l’actualité, rien que depuis 1992 (la première élection présidentielle pluraliste), on se rend compte que le personnel politique a toujours couru derrière les événements. Que la capacité d’initiative a été nulle. Une excuse et une explication.
L’excuse, c’est que les formations sont profondément infiltrées par les services de renseignements et que les acteurs subissent des pressions sociales et politiques énormes. L’explication, c’est que les acteurs sont pour leur écrasante majorité obnubilé par l’exercice du pouvoir et le profit qui peut en être tiré. Une conséquence aussi : les acteurs politiques ne voient pas venir les événements, ils sont alors obligés de se contenter de réagir. D’où cette propension à toujours reconnaitre les putschs qui surviennent et qui arrivent à un moment où les forces politiques sont lessivées par des querelles de positionnements qui les empêchent de voir clair.
Mais plus grave encore : notre démocratie a besoin de démocrates. Sommes-nous prêts à concéder une once d’attention, un sacrifice minime pour nous permettre de nous écouter les uns les autres, de trouver entre nous un terrain de convergence ? Avons-nous justement une idée claire de ce terrain de convergence vers lequel nous devons nécessairement évoluer ? Quelle conception avons-nous de la démocratie en général et de notre devenir commun ? Laissons-nous une place pour l’autre et quelle perception justement avons-nous de l’autre ?
Il faut rappeler que l’élite politique actuelle a été formée à l’école du monolithisme (Parti unique, mouvements identitaires, totalitaristes…). Que ce que nous voulons exiger en termes d’alternance pacifique au pouvoir est une notion étrangère à la culture qui est la nôtre. Qu’il s’agit donc d’un apprentissage, long et ardu, qui demande patience et sacrifice.
Chaque fois que vous demandez à notre intelligentsia de réfléchir à l’avenir, de chercher à le concevoir et à le réaliser dès à présent, vous êtes l’objet d’un lynchage public. Une façon de cacher le désarroi face à l’avenir devant lequel on se sent incapable. Quand on refuse de se projeter pour anticiper sur les événements à venir, on annihile toute capacité de progrès. On se condamne à l’inertie. Et c’est ce qui nous arrive.


samedi 27 juin 2015

Une Armée républicaine est une armée forte

La sortie ces derniers jours d’une nouvelle promotion d’élèves officiers de l’Ecole militaire Interarmes d’Atar (EMIA) – la 31ème depuis la création de l’école en 1976 – est une occasion de revenir un peu sur la nécessité pour nous – journalistes, politiques… - de revoir notre relation à l’Armée.
Sortie exsangue de la guerre du Sahara, l’Armée nationale ne s’est pas relevée avant ces dernières années. C’est que les gouvernants l’ont surtout perçue comme une source de menace pour leur pouvoir. Ils ont alors orchestré une opération de sape qui a abouti au résultat que nous avons connu en 2005.
Le 4 juin 2005, un commando du Groupe salafiste de combat et de prédication (GSPC qui deviendra Al Qaeda au Maghreb Islamique, AQMI) attaque la garnison de Lemghayti, quelque part dans le désert mauritanien. C’est un trafiquant de la zone qui donne l’alerte bien après le déroulement des événements. C’est dire que l’unité cantonnée à Lemghayti n’avait même pas la possibilité d’entrer en contact avec son Etat Major. Le pouvoir d’alors réagit très mal.
Aucun éclaircissement ne sera donné sur les conditions de l’attaque. Si bien que l’héroïsme des éléments de l’unité de l’Armée nationale sera passé sous silence. On laissera croire que les soldats mauritaniens avaient été surpris parce qu’ils avaient établi des relations de copinage avec les trafiquants de la région dont les terroristes. En fait, ces soldats avaient peu de moyens et étaient laissés à la merci de ces trafiquants qui avaient de fortes relations à Nouakchott.
La colère du Président de l’époque est si forte qu’il décide d’envoyer une expédition punitive poursuivre les assaillants jusqu’aux confins de la frontière entre le Mali et le Niger. Pour équiper les troupes, il fait appel aux groupes d’affaires : un groupe finance la motorisation, un autre l’armement, un autre la logistique… ce sont donc les privés – les commerçants, les hommes d’affaires… appelez-les comme vous voulez – qui financent l’expédition punitive.
Le millier d’hommes envoyés au désastre reviendra à la faveur du coup d’Etat du 3 août 2005, sans avoir pu accrocher l’ennemi. C’est certainement la goutte qui a fait déborder le vase et qui a finalement amené les plus jeunes des officiers supérieurs à renverser le Président Ould Taya.
Mais la transition qui s’ouvre avec le coup d’Etat est 100% politicienne. Les vrais enjeux pour le pays – apurement des passifs humanitaires, refondation des institutions étatiques, réinvention des vocations premières de l’Etat mauritanien…-, ces enjeux sont occultés par la course au pouvoir et la perspective des élections. La passion fait le reste.
L’Armée est donc oubliée dans les débats restés plus ou moins superficiels. Personne ne pense à lui donner les moyens de sa profonde réforme. Sans doute, le mépris affiché par l’élite traditionnelle qui a toujours vu en l’institution militaire un outil à utiliser dans la conquête et donc dans le maintien du pouvoir. L’équiper, la réorganiser, la restructurer, la moderniser… tout ça n’est pas dans le registre des urgences.
L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement civil n’a pas changé les choses. Surtout qu’elle s’est accompagnée d’un déni du danger. L’autorité politique, par la voix du Président et du Premier ministre, a immédiatement nié l’existence d’une menace terroriste. Première conséquence : rien n’est fait pour améliorer l’exercice des forces armées et de sécurité. Au contraire, on revient rapidement à la charge pour essayer de les mettre au pas. Alors qu’elles avaient besoin d’être renforcées.
Les événements se précipitent avec les attaques terroristes de 2007 et 2008. Puis la crise politique ouverte qui mène droit au coup d’Etat du 6 août 2008. En plus des incertitudes sur le plan intérieur, le pays fait face à une guerre larvée menée à partir du Mali voisin par des bandes armées combinant trafics (drogue, cigarettes, armes) et lutte idéologique. Tourine, rapts successifs d’étrangers, attentats, assassinats d’étrangers… C’est la menace pesante qui dicte l’ordre de priorité.
L’Armée connait alors une remise à niveau qui lui permet rapidement de porter le théâtre des opérations sur le territoire ennemi (les caches des groupes armées dans le Sahara malien). L’offensive que mène la Mauritanie pour assurer la sécurité de ses frontières apporte ses fruits. En quelques mois, plusieurs opérations sont menées contre les terroristes dans leurs bases. Toutes leurs tentatives de faire des actions d’éclat en Mauritanie s’écrasent contre le cordon de sécurité mis en place par l’Armée nationale. La stratégie mise en œuvre par la Mauritanie n’a pas le soutien de ses voisins et amis. Ils paieront plus tard cette désinvolture, notamment quand tout le Nord malien sera sous contrôle jihadiste. Ils payent encore aujourd’hui le prix fort de ne pas avoir réagi à temps.
C’est sans doute cette guerre préventive qui a permis au pays de ne pas se laisser entraîner dans le tourbillon qui a suivi et qui a mis à genoux bien des Etats. Il y a lieu pour nous de célébrer notre Armée à toute occasion. Il y a lieu surtout de se dire qu’une Armée qui n’a pas les moyens de remplir ses missions de défense et de préservation de l’unité du pays, ne peut aspirer à être républicaine.
Jusqu’à présent, notre Armée a lorgné du côté du pouvoir seulement quand elle a été abandonnée par les décideurs ou quand elle a été l’objet de leur vindicte : 1978 avec la guerre du Sahara dans les conditions qu’on sait, 1984 avec sa marginalisation au profit de forces extérieures (Polisario notamment), 2005 avec son démantèlement progressif durant les deux décennies qui ont précédé, en 2008 avec la remontée en surface des démons des pouvoirs précédents.
Le pari est heureusement engagé sur la ressource humaine. En plus du lycée militaire, il y a désormais une Ecole supérieure polytechnique, une Ecole de l’aéronautique, une Ecole d’Etat Major, une Académie militaire bientôt. Tout un dispositif qui permet de former une élite capable de comprendre et de faire face aux multiples défis du monde d’aujourd’hui.  
«L’Institution militaire est devenue incontestablement un acteur de développement à travers sa participation distinguée au renforcement des capacités des autres départements, notamment la santé, l’éducation, la construction des routes, la réalisation de réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement en plus de son intervention dans les domaines humanitaires». Quand un responsable militaire nous dit cela, c’est en pensant au Génie militaire, à l’hôpital militaire, aux écoles… là où effectivement le savoir-faire militaire est mis à contribution pour servir le pays.

mardi 23 juin 2015

UE-Mauritanie, la reprise ?

Les négociations semblent reprendre entre l’Union Européenne et la Mauritanie en vue d’un nouvel accord de pêche. Suspendues en octobre dernier, elles vont formellement reprendre la première semaine de juillet prochain. On se souvient que les négociateurs des deux parties avaient buté sur deux points : la compensation financière et l’apurement de l’appui sectoriel pour l’accord 2008-2012.
Les négociateurs de l’UE avaient proposé de faire baisser la compensation à 47 millions euros pour combler le manque à gagner en appui sectoriel. Pour les Mauritaniens, il était difficile d’accepter un niveau en-deçà des 67 millions obtenus au terme du précédent accord qui a été salué comme une victoire politique. Surtout que les enveloppes prévues sous la rubrique «appui sectoriel» n’ont jamais servi à grand-chose. Les difficultés à faire accepter des projets, puis de mobiliser les financements auprès de la partie européenne, ont toujours empêché la Mauritanie d’en profiter. C’est pourquoi la question de l’apurement de la rubrique appui sectoriel était au centre des préoccupations mauritaniennes. Il semble que sur l’accord 2008-2012, l’UE pourrait reverser une enveloppe de 6,5 millions euros qui serviront certainement à développer les infrastructures de pêche en Mauritanie.
Reste à savoir si les négociations qui vont s’ouvrir début juillet vont permettre aux flottes européennes d’opérer rapidement dans les eaux mauritaniennes. En effet, on se rappelle que l’un des conflits ouverts entre les deux parties, c’était de savoir quand prend effet l’accord. Pour la partie mauritanienne, c’était toujours au lendemain du paraphe de l’accord (31 juillet 2012 pour le dernier accord). Pour les Européens, l’accord prenait effet seulement après approbation par le Parlement, ce qui demande une procédure longue et lourde. Les négociateurs avaient alors opté pour laisser les opérateurs pêcher 24 mois, quitte à savoir quand est-ce que chacun a commencé.
Qu’en sera-t-il aujourd’hui ? Est-ce que les Européens vont demander l’accès des flottes dès la signature de l’accord ou vont-ils attendre que le processus de ratification suive son cours normal ?
Dans le premier cas, la flotte européenne pourra alors revenir dans les eaux mauritaniennes dès juillet. Alors que s’il faut attendre la ratification par le Parlement, il faudra attendre octobre prochain, au moins. Sauf si les Européens donnent un coup d’accélérateur au processus, auquel cas, l’accord sera effectif dès la fin juillet. Rien n’empêche cela en tout cas. 

lundi 22 juin 2015

Bac, la prolongation

Pour la première fois de l’histoire du pays, une épreuve d’un examen est reprise pour cause de fuite. Jamais Autorité n’a reconnu une telle défaillance. Même pas en 2000 quand toutes les épreuves ont été fuitées par un groupe de professeurs dont certains étaient impliqués dans la préparation des examens et d’autres dans leur déroulement. Encore moins en juin 2008, quand les malversations ont atteint un seuil avéré de pratiques frauduleuses. Chaque fois, on a consommé la chose avant de la caser dans la rubrique pertes et profits. Cette fois au moins, la décision a été prise et rapidement.
Mais il faut aller plus loin pour poser les vrais problématiques du baccalauréat et de l’enseignement en général. La question demande une profonde réflexion en vue d’une réforme totale du baccalauréat. Cette réforme ne peut pas attendre la mise en œuvre de la grande transformation du système éducatif promise et attendue. Elle doit servir à brusquer les choses, à créer un électrochoc pour que le corps bouge au plus vite…
L’opinion publique est quelque peu désemparée par ce qui s’est passé. D’une part, une grosse fuite comme celle-là et autour de laquelle mille constructions ont été faites. D’une part, tous ceux qui voulaient en faire un scandale pour lequel l’appareil politique et administratif devait payer, devenant un argument de plus au sein des détracteurs du régime pour prouver la pourriture ambiante.
D’autre part, ceux qui ont voulu y voir une tentative de déstabilisation bien orchestrée par des milieux de l’opposition. On a beaucoup péroré sur le gosse qui a refusé de faire l’examen sous prétexte de dénoncer la fuite et qui a été célébré par certains médias bien marqués. Les mauvaises langues sont vite allées en besogne pour dire qu’il s’agissait là d’un coup monté.
Maintenant qu’il ne s’agit ni de l’une ni de l’autre des éventualités, ceux qui ont l’habitude de se scandaliser (ou de le feindre) pour un rien, crient encore plus fort. La banalité de l’affaire – un enfant qui dérobe à son père un flash et qui en fait profiter ses copains – désarme l’ensemble des p(é)cheurs en eau trouble.
Les histoires les plus banales sont celles qui causent en général le plus de désarroi. Surtout pour une opinion publique qui se nourrit de rumeurs.

dimanche 21 juin 2015

La fête sans la musique

Il n’y aura pas de célébration de la fête internationale de la musique. Motif officiel : le Ramadan. En réalité nous sommes dans un pays qui a cessé depuis longtemps de guetter toute occasion de faire la fête. Après avoir été une société passionnément festive, la chape s’est peu à peu installée pour imposer une grave tristesse. Le recul de la joie dans notre société est certainement le facteur principal de sa décadence. L’ennui étant l’une des grandes manifestations de cette décadence.
Le Nouakchott des années 70 et 80 est une ville bienveillante et bien vivante. Les nuits étaient animées par des concerts de musique organisés par de grandes familles de griots qui créent ainsi un espace de créativité, de poésie et donc de rencontres. A se rappeler la géographie de ces concerts, on croirait que c’était bien voulu : Ehl Abba, Ehl Amar Tichit, Ehl Hommod Val, Ehl Amar Iguiw, Ehl Nana, Ehl Meydah… chaque famille était à elle seule un centre culturel bien installé dans l’un des quartiers de la ville. On savait qu’à telle heure de la nuit, on trouvait tel poète ou tel autre chez l’une ou l’autre des familles.
En plus de ces lieux institutionnels, il y avait aussi de nombreux espaces d’amateurs qui animaient les concerts dans des lieux privés ou même dans les maisons de jeunes de la capitale. Il y avait une ambiance qui permettait à la ville de souffler, de respirer et de résister à la pollution déjà pesante.
La journée de la fête de la musique de cette année arrive à un moment où le monde des professionnels de la musique est en crise ouverte. Les divisions qui l’ont toujours miné refont surface, avec notamment les sempiternelles querelles de leadership entre les familles qui jugent, chacune, être plus à même de diriger que les autres.
Les professionnels les plus connus ne sont pas contents de l’attitude du ministère de la culture qu’ils accusent d’interférences dans des querelles qui ne devaient pas le concerner. Mais il semble que c’est surtout l’existence d’un Institut de musique aussi coûteux qu’inutile qui pose problème. Voilà une institution qui aurait dû servir à révolutionner les organisations professionnelles, l’art lui-même et qui, en définitive, freine toute évolution.
L’institut de musique n’a finalement servi à rien, sinon à amplifier les divergences entre les professionnels, à rendre toute activité et donc toute évolution impossible.
Rendez nous la joie de vivre d’antan, nous vous donnerons assez d’espoir pour croire aux lendemains qui chantent.

samedi 20 juin 2015

Immigrés, contre les remparts de l’Europe

La journée internationale du réfugié est l’occasion de revenir sur la situation de millions de personnes, près de 60 millions entre déplacés et réfugiés en 2014 selon les données du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). Les guerres, les crises climatiques, le marasme de l’économie mondialisée avec la destruction des circuits et modes de production traditionnels… sont autant de facteurs déstabilisateurs de communautés humaines entières et qui mettent sur les routes des millions de personnes qui devront alors être pris en charge par la communauté internationale.
Aujourd’hui, le drame des migrants échouant aux portes de l’Europe cache toute la misère que vivent les réfugiés dans des camps de fortune aux frontières de nulle part. Des femmes, des enfants, des hommes fuyant les théâtres de guerre en Syrie, en Palestine, en Afghanistan, en Irak et récemment au Yémen, pour ne parler que de cette maudite région du Moyen-Orient.
Des milliers de morts dans les eaux de la Méditerranée. On ne compte pas ceux disparus dans les déserts, en cours de route, alors qu’ils tentaient d’atteindre la rive Sud pour traverser cette Mer.
Ce n’est pas la peine de revenir sur les raisons de ces départs massifs. On parle de réfugiés économiques quand les migrants fuient la pauvreté, l’absence de nourriture et de travail ; de réfugiés politiques quand ils fuient des régimes répressifs ou des situations politiques instables ou encore des guerres ; de réfugiés climatiques quand c’est la sécheresse qui les fait fuir… Toutes ces catégories se retrouvent parmi ceux qui meurent en se heurtant aux remparts dressés par l’Europe. Mais pourquoi cette recrudescence subite du phénomène ?
La politique européenne – occidentale en général – dans les pays du Sud est l’une des causes principales de ce dérèglement du Monde. Les déferlements à partir des côtes libyennes est l’une des conséquences malheureuses de l’interventionnisme occidental. Quand Nicolas Sarkozy a mené sa guerre entrainant avec lui ses alliés de l’OTAN, le résultat ne pouvait être que celui-là : à la place d’un pseudo-Etat, le chaos a régné. La Libye est alors devenu le pays par lequel arrivent toutes les hordes de désespérés fuyant leurs terroirs pour des eldorados fictifs. Conséquences : - pour l’Europe, la remise en cause de tous les accords qui fondaient son Union (Schengen, libre-circulation…) ; - pour les fuyards, le risque de mourir en masse ; -pour les populations des côtes méditerranéennes européennes, l’invasion et le spectacle quotidien de la misère et de la désolation… 
Deux rappels. Le premier concerne les côtes atlantiques qui ne sont plus le théâtre de départs de masse grâce justement à des politiques sérieuses menées par des gouvernements qui ont pu – et su – stabiliser leurs Etats. Il y a lieu ici de mettre en exergue l’expérience de notre pays dont les côtes n’ont pas été le point de départ de migrants en masse depuis quelques années. Cette tranquillité, l’Europe doit l’apprécier à sa juste valeur. Les Etats européens savent que la déstabilisation du Sénégal, de la Mauritanie et des autres pays côtiers aura de lourdes conséquences pour eux en matière de flux migratoires incontrôlables.
Le deuxième rappel est celui des boat-peoples du milieu des années soixante-dix. Quand l’Asie, en période d’instabilité cyclique, avait lâché des hordes de réfugiés à bord d’embarcations de fortune et qu’en Occident, cela avait ému. Si bien que les intellectuels, les artistes, les militants politiques ont lancé des initiatives de solidarité avec ces migrants contraignant leurs gouvernements à ouvrir leurs frontières à ces milliers de désespérés. Le même élan de solidarité, la même morale de partage ne sont plus de mise ou faut-il croire que parce qu’il s’agit d’Africains (pour l’essentiel) cela ne mérite pas tant ? 

vendredi 19 juin 2015

Zayed, l’inspiration continue

Le passage du pal-talk virtuel à l’émission de radio lui a très ben réussi, lui qui avait créé un espace libre de discussions sur internet alors qu’il était policier aux Emirats Arabes Unis et qui a lancé son émission «Sahara talk» (saharatuk) sur les ondes de Saharamedias. Il vient d’apparaitre sur le petit écran avec une émission toute neuve, «yawmiyayat Zayed».
Il s’agit d’une chronique quotidienne qui entend mettre en valeur une personne, un métier, une classe, une catégorie… Aujourd’hui, c’est le mendiant Abdallahi qui va permettre à notre Zayed national de faire la lumière sur la mendicité et sur les mendiants.
Vous passez à côté d’eux et si un pincement de cœur vous rappelle le devoir de solidarité, ils vous restent étrangers, comme s’il ne s’agissait pas de personnes dignes de respect. Les voilà au centre de la préoccupation d’un journaliste qui s’est fait un grand nom.
L’émission ouvre sur Zayed et son équipe entrant dans un bidonville de Nouakchott. Il faut chercher et trouver l’invité du jour, le mendiant Abdallahi, un malvoyant qui tourne autour de la Télévision de Mauritanie. Il explique qu’il y a plus à trouver dans ce coin qu’ailleurs. Mais il nie les idées reçues sur les mendiants qui se délimiteraient des domaines et travailleraient de concert. En général, chacun va là où il croit pouvoir recevoir le plus de dons. Ceux qui donnent et qui ont quelque chose à donner sont plutôt à Tevraq Zeina.
Zayed nous fait découvrir les aspects cachés de la vie de Abdallahi qui a grandi dans le Gorgol. Là-bas, il avait eu son handicap à l’âge de 3 ans. Ce qui ne l’a pas empêché d’aller à l’école en même temps que ses copains. Jusqu’à la quatrième année, il avait bénéficié de la complicité d’un enseignant qui l’entourait d’une grande attention. Abdallahi dictait énoncés de problèmes et solutions qu’il trouvait à l’enseignant qui recopiait et corrigeait ensuite. Il l’accompagnait dans son effort lui qui réussissait à passer de classe en classe, se donnant l’impression d’être un élève normal. C’est en cinquième que le nouvel enseignant l’interpelle avec violence : «es-tu aveugle ?». Avant de le renvoyer de la classe.
C’est à Nouakchott, bien plus tard, qu’il apprend qu’il existe un langage pour les malvoyants comme lui. Il apprend alors à l’utiliser. Ce qui lui permet de profiter de multiples formations dont la confection de grillages, de formateur dans certains petits métiers. «Je peux travailler et je ne demande que ça. Mais sans travail, je suis alors obligé de me résoudre à faire appel à la pitié des autres, à la solidarité que nous impose notre religion…»
Mais Abdallahi avoue être polygame. «J’en ai deux, la première est celle qui est prépare présentement le thé, la seconde est chez elle…» Le débat est lancé pour deux minutes entre le journaliste et son invité qui le reçoit dans une baraque prêtée par un bienfaisant quelque part dans le quartier appelé Baçra de Sebakha.
On apprend alors que Abdallahi est aussi un artiste, qu’il fait partie d’un groupe qui dédie son art aux louanges du Prophète (PSL). Le soir venu, le groupe se retrouve chez Abdallahi, au moins deux fois par semaine. Ils jouent de la guitare et du tamtam et chantent les belles poésies à la gloire du Prophète.
A la fin de l’émission, on en sort avec ce sentiment d’être passé plusieurs à côté du plus important que les acteurs qui s’imposent à nous au quotidien. L’idée de l’émission est d’ailleurs celle-là : proposer au public des gens normaux comme invités, comme vedettes… Cela procède de la recherche du vrai, de l’authentique… Dans son quotidien, Abdallahi est plus proche de la réalité des gens que le plus imposant des leaders (politiques, intellectuels…). Il est plus humain. Il est donc plus utile à découvrir.
Le naturel de Zayed aidant, on est facilement interpellé par cette émission qui ne dure pas le temps de vous ennuyer, une émission qui met en scène l’humilité et une certaine image de la dignité

jeudi 18 juin 2015

Que s’est-il passé à Charleston ?

Quand il entre dans cette église de Charleston (Caroline du Sud), Dylann Roof, blanc de 21 ans, savait exactement ce qu’il avait à faire pour assouvir une haine enfouie, endormie quelque part dans le subconscient du jeune homme. Elle est une résurgence de l’histoire tragique de la guerre qui a opposé le Nord et le Sud. La guerre de Sécession (1861-1865) avait opposé l’Union dirigée par Abraham Lincoln et les Confédérés dirigés par Jefferson Davis. Abolitionnistes, les Etats du Nord de l’Union entendaient imposer leur autorité à ceux du Sud profondément ruraux et esclavagistes.
La Caroline du Sud fait partie de ces Etats esclavagistes et arbore fièrement encore le drapeau des Confédérés devant les bâtiments publics. Quant à l’Eglise visée, elle est tout un symbole.
L’Eglise méthodiste Emanuel de Charleston a été fondée au 19ème siècle pour servir aux Noirs discriminés et interdits dans les églises des Blancs. C’est ici que le premier projet de rébellion des esclaves a été fomenté en juin 1822. Ecrasée dans le sang, cette révolte occasionne la première destruction de l’église qui sera reconstruite avant d’être victime d’un tremblement de terre en 1886.
Reconstruite dans son style actuel, elle restera le symbole de la lutte contre l’esclavage puis contre la discrimination. De grands noms de la lutte pour les droits des Noirs viendront s’exprimer et prendre leur envol à partir de «Mother Emanuel» (c’est comme ça que les croyants ont fini par appeler affectueusement l’église). De Booker T. Washington à coretta Scott King, en passant par Roy Wilkins et l’illustre Martin Luther King, tous viendront prêcher la lutte pacifique pour les droits civiques ici.
L’agresseur savait-il tout ça ? Peut-être. En tout cas il avait bien préparé son coup et l’a bien exécuté. Il entre dans l’église où il se fait accepté par les croyants pour une lecture et une méditation de quelques passages de la Bible. Une heure environ pour prendre le maximum de plaisir macabre.
Quand il finit sa sale besogne, Dylann Roof laisse vivante une personne à laquelle il demande de témoigner. Il ne nie rien quand il est arrêté. Il déclare que son objectif était de «déclarer une guerre raciale». Avec une facilité déconcertante, ce jeune homme est entré dans une église et a tiré sur des citoyens américains pour une raison : la couleur de leur peau. Aux Etats-Unis, cela suscite quelques débats passionnés.
D’abord sur le racisme toujours très vif. Ces derniers mois, plusieurs affaires ont mis en cause des policiers blancs ayant tiré sur des jeunes noirs sans raison apparente. Le comportement de l’autorité dans la rue est celui qui accuse les peuples de couleur de tous les maux. Comme si, au fond, la haine et les suspicions d’origine raciale sont restées tapies dans le subconscient du citoyen lambda.
Ensuite sur cette liberté de port d’armes. Sur 100.000 habitants, 30.000 meurent chaque année aux Etats-Unis du fait des armes. Le pays bat tous les records en la matière. C’est ici le lieu de signaler que le Pasteur de l’église de Charleston, Clementa Pinckney était un fervent militant de la lutte contre le port d’armes. D’ailleurs il a été mise en cause par le puissant lobby agissant pour la promotion du port d’armes (NRA).
Aujourd’hui, Dylann Roof fait face à la Justice américaine qui considère qu’il s’agit là d’«un acte de terrorisme intérieur». Pour les porte-paroles de cette Justice, «cet épisode bouleversant était sans aucun doute destiné à semer la peur et la terreur dans cette communauté et le ministère considère ce crime avec toutes les perspectives possibles, y compris comme un acte motivé par la haine».

Est-ce suffisant pour exorciser les démons de l’Amérique des années sombres (esclavage, discrimination…) ? pour soulager les bonnes consciences du Monde, celles qui regardent vers ce pays comme un lieu de convergence, d’égalité, d’équité ? pour crédibiliser le discours de l’Administration américaine qui dicte – ou essaye de dicter – les beaux principes aux plus faibles ?

mercredi 17 juin 2015

Le baccalauréat, quelles solutions ?

Ce nouveau scandale du baccalauréat doit servir d’électrochoc aux structures du ministère pour apporter des correctifs à même de garantir l’équité, la transparence et la régularité de l’examen. Reprendre l’épreuve de physique-chimie est certes une bonne décision, mais il faut plus.
D’abord l’enquête. Une enquête doit être immédiatement lancée pour savoir d’où vient la fuite. Ne pas hésiter à remonter les filières jusqu’à aboutir à la source de cette fuite grave et dangereuse. Assurer ensuite le maximum de publicité aux résultats de l’enquête et frapper fort les coupables s’il en existe.
Dans l’immédiat, proposer des solutions pour éviter l’intrusion des moyens modernes dans le trichage. On parle beaucoup de l’utilisation excessive des réseaux sociaux et des applications permettant de diffuser informations et solutions concernant les épreuves. Si le gouvernement peut assurer l’installation de brouilleurs de réseaux dans tous les centres de l’examen, ce serait une solution à tester. Sinon, renforcer et systématiser le contrôle au téléphone.
Dans le long terme, envisager une profonde réforme de l’examen lui-même. Si dans beaucoup de pays, il n’existe pas de baccalauréat, dans d’autres, cette épreuve est étalée sur deux ans : les anticipés permettent aux candidats de l’année suivante de passer les épreuves des matières secondaires pour ne laisser que les matières principales. Ce qui facilite quelque peu la tâche. Mais le mieux, serait de faire du baccalauréat une composition de passage et rien de plus. Comment ? C’est aux spécialistes de l’éducation de faire des propositions.
On ne peut pas continuer à lier l’avenir d’un enfant à un examen qui se déroule en trois jours et qui est destiné, dans sa forme et dans son fond, à sanctionner un cursus qui aura duré treize ans (six pour le fondamental, quatre pour le collège et trois pour le lycée). D’autant plus que l’examen a perdu, depuis le scandale de 2000, toutes ses lettres de noblesses.
Il permet encore de distinguer qui des étudiants a droit à une bourse, à l’étranger ou à l’intérieur, de freiner quelque peu le gonflement de la masse des demandeurs d’emplois. Pas plus.
C’est bien cette hantise de réguler la masse des chômeurs qui a dicté aux pouvoirs publics (sous pression de la Banque Mondiale) de rallonger le cursus pour retarder le plus l’arrivée de dizaines de milliers de jeunes Mauritaniens sur le marché de l’emploi. Aujourd’hui que la formation technique est remise sur la sellette, deux mesures s’imposent.
La première est de faire de l’école mauritanienne un outil de formation et de perfectionnement professionnels. Multiplier pour cela les établissements techniques secondaires, diriger les élèves de plus de quinze ans vers ces établissements au lieu de ceux de l’enseignement général, imposer dès le concours d’entrée en sixième des moyennes d’orientation vers l’un ou l’autre des enseignements (professionnel ou général)…
La deuxième mesure est d’instituer un service national qui, dans sa philosophie, doit être perçu comme un palliatif à l’absence des internats qui étaient un lieu de convergence pour les Mauritaniens de toutes origines. Un service national permettra aux jeunes Mauritaniens de servir leurs compatriotes dans leurs terroirs, de connaitre ces terroirs et leurs habitants, de les préparer à la vie active et aussi …retarder leur arrivée sur le marché du travail (si cela importe tant).
Les sous doués passent le bac, c’est le titre d’un film qui a eu un succès énorme à Nouakchott au début des années 80. C’est un peu une parodie de ce qui se passe aujourd’hui : parents et élèves multipliant les procédés et méthodes pour trouver le moyen de faire parvenir à leurs enfants les solutions des épreuves. Y compris les messages par tamtam utilisé par le fils d’un ambassadeur africain qui disait à ses copains : «bac ou pas bac, je serai ministre»…

mardi 16 juin 2015

Pour répondre au ministre

Quand le ministre des relations avec le Parlement et la société civile a reçu quelques représentants des organisations de la presse, la discussion est fatalement arrivée aux appréciations personnelles de son Excellence sur les prestations de Ahmed Ould Cheikh du Calame et sur la mienne lors d’un débat sur la situation de la presse animé par Ahmed Ould Elbou d’Al Wataniya. Forcément, il en retenait seulement ce qui a été dit sur l’aide à la presse.
Je n’évoquerai pas «la manière trarzézienne» qui aurait été utilisée par Ahmed selon le ministre qui avoue avoir très mal pris les termes du directeur du Calame qui, après avoir critiqué les critères de définition des quotas, a rappelé que son journal, parmi les plus anciens et les plus ancrés, s’est retrouvé dans la sélection derrière des titres qui n’ont aucune existence réelle. Et, sarcastique, il a ajouté : «ekheyr minhum, je n’ai pas refusé le peu qu’ils nous ont octroyé». C’est ce «ekheyr minhum» qui aurait amené le ministre à parler d’une façon typiquement du Trarza (de dire les choses ?)…
Le ministre aurait dit ensuite : «Quant à Ould Oumeir, il a dit qu’il a dédaigné l’aide, pourtant, il a fait des pressions énormes pour que son dossier soit traité après la fin des travaux de la commission. Mon conseiller Ahmed Ould Moustapha m’a relancé plusieurs fois pour m’amener à accepter de laisser passer son dossier et j’ai finalement accepté. Maintenant je crois que Ould Oumeir veut raviver une vieille guerre entre lui et moi…»
Quelques précisions. Je n’ai jamais dit et surtout pas au cours du débat en question que je dédaignais le dépôt du dossier de La Tribune. Parce que tout simplement, à la manière des gens du Trarza, j’ai évacué rapidement la question en disant expressément que «La Tribune n’a pas profité de l’aide mais c’était ma faute». Et comme l’animateur connait les bonnes manières et comme il sait qu’il n’y avait rien à ajouter, il n’a pas insisté pour savoir en quoi «c’était ma faute».
Donc le ministre n’a jamais entendu les propos qu’il me prête parce qu’ils n’ont jamais été dits. Quand j’ai appelé mon frère et ami, le journaliste Ahmed Ould Moustapha, c’était pour lui expliquer la raison objective de notre exclusion.
Il y a quelques mois, on nous avait demandé de déposer un dossier pour l’aide à la presse. C’est une formalité que nous remplissons depuis l’année dernière sans attention particulière. En général, tout ce qui s’y rapporte de papiers sont confectionnés rapidement et en dehors de toute légalité. C’est justement ce qui permet à des journaux peu connus, parfois sans existence réelle (siège, employés, lecteurs…) de profiter plus que d’autres qui sont connus du large public. Personnellement, ma culture m’interdit de trop insister sur les aspects monnaie et reste. Personne ne peut dire qu’il m’a entendu protester ou dénoncer ce que certains considèrent comme injustice dans la distribution de l’aide à la presse. Je crois qu’il est suffisant de dire que «La Tribune n’en bénéficie pas» pour que lecteurs, auditeurs et téléspectateurs s’en rendent compte, la liste des bénéficiaires étant publique.
L’absence de La Tribune est simplement due à une erreur de casting : on avait déposé un dossier en mai 2014 que nous croyions être celui de l’aide. Personne parmi nos amis et confrères qui nous avaient pourtant embarqués dans une bataille autour de la confection de la commission, personne n’a attiré notre attention là-dessus et tous savaient pourtant.
Au moment de la publication de la décision, un membre de la Commission m’a contacté pour me dire que «les membres de la commission ont très mal pris votre refus de déposer un dossier. Ils y perçoivent une sorte de mépris…» Il se trouve que la commission est présidée par un ancien ministre de la communication qui avait, malgré sa jeunesse, marqué positivement de son passage ceux qui travaillaient dans le champ, moi particulièrement. Elle comprenait aussi, des gens comme Ahmed Ould Moustapha et Imam Cheikh, pour lesquels j’avais – j’ai toujours – un grand respect. Et c’est bien pour cela que j’ai appelé Ahmed et c’est bien lui qui a trouvé qu’il serait «injuste de ne pas faire profiter La Tribune au moins de la subvention de l’impression». Fidèle à son sens de la mesure et de l’équité, le président de la commission m’a appelé ensuite pour me dire qu’il a fait le nécessaire pour que La Tribune profite au moins de la réduction de l’impression. Je suis sûr que les conseils pressants d’Ahmed Ould Moustapha ont joué, mais auprès de la seule autorité à même d’en décider : la commission chargée de l’aide publique à la presse, pas le ministère des relations avec le Parlement qui n’a aucune compétence en la matière.
Quant à un probable contentieux qui m’a opposé dans le passé au sieur Izidbih Ould Mohamed Mahmoud, je n’ai jamais été au courant de cela. Aucun échange épistolaire entre nous, aucune polémique verbale, aucun affrontement ni public ni privé. J’appartiens effectivement à une culture qui m’apprend à laisser passer le flot de paroles sans essayer de leur accorder plus d’importance qu’il ne sied, à ne jamais traiter ni discuter avec passion… j’ai appris dans ma vie à discuter les idées, pour échanger, pour savoir de l’autre, pour essayer de lui donner, de lui prendre et d’arriver finalement à une convergence sinon à un compromis où chacun a défini son rapport à l’autre, avec respect, sans prétention. Je ne vois pas donc à quel niveau peut se situer le point de discorde avec le frère Izidbih Ould Mohamed Mahmoud. S’il n’avait pas été ministre de la République aujourd’hui, ses propos n’auraient en aucun cas retenu mon attention pour susciter chez moi un quelconque émoi.

Seulement, l’homme est aux affaires publiques et il s’adressait à un parterre de journalistes. Il y a un aspect de ses propos qui méritait les précisions apportées. C’est fait.

mercredi 10 juin 2015

La Tricité, mégalopolis

Je me réveille le matin, très tôt. Après avoir fini tout ce que j’ai à faire, y compris le petit-déjeuner, je descends attendre dans le hall de l’hôtel. Dans un moment de pleine oisiveté, je saisis une revue tout en Polonais en me disant que je regarderai les photos en essayant d’imaginer de quoi l’on parle. Surprise : à la troisième page, une belle photo d’une tente de chez moi, sous la tente un homme, une femme et leur enfant… tout sourire… le bonheur des bédouins du Sahara…
Sous la photo un texte d’une trentaine de ligne. J’ai tout de suite repéré le mot «Mauretanii»… trois fois… puis le nom de Abderrahmane Sissako mais pas son film Timbuktu. Mais de quoi devait parler le papier si ce n’est de cinéma ? Quand mon guide-interprète arrive, il m’explique qu’il s’agit d’un papier annonçant le festival «Printemps de cinéma» de Gdansk auquel notre compatriote et notre héros national est invité. L’auteur explique que le réalisateur est mal connu en Pologne mais qu’il a un grand succès en Europe et ailleurs… ma journée commence bien.
Direction : le Centre européen de solidarité. Quelque chose de tout nouveau. Une sorte de musée dédié au mouvement Solidarnosc et à la lutte qui a commencé par être le fait de la classe des travailleurs pour finir en une révolution populaire impliquant toutes les forces vives de la Nation. Tout a commencé ici dans les chantiers navals Lénine de Gdansk. C’est ici que les prolétaires de toute la Pologne se sont unis pour contester l’hégémonie du Parti communiste et au-delà le joug de l’Union soviétique. A l’intérieur du musée, c’est le cheminement de cette révolution qui est repris et commémoré.
Devant le centre se dressent trois grandes croix qui ont été dressées ici par les ouvriers de Gdansk en mémoire de ceux des leurs qui sont tombés dans les événements de 1970. La croix ici, c’est quelque chose qu’on respire. Où vous vous tournez, il y a un symbole religieux vous rappelant que vous êtes en terre de chrétienne (catholicisme principalement). Et comme dit le philosophe français Michel Onfray : «Toute civilisation épouse le mouvement de spiritualité qui la porte et la rend possible», ici c’est le catholicisme qui a porté la révolution. Sans le Pape Jean-Paul II, on peut se demander de ce qu’il serait advenu du mouvement ouvrier de Gdansk. Ici, la ferveur religieuse a été le moteur de la résistance au communisme. Elle a donc soutenu la révolution.
Le 13 décembre 1981, le général Wojciech Jaruzelski déclare l’état d’urgence. Ce jour-là, un photographe heureux prend un cliché montrant le cinéma Moscou de Varsovie affichant le célèbre film Apocalypse Now et dans les rues les chars de l’Armée qui écrasaient déjà l’insurrection. Un résumé du chaos qui allait survenir. Il faudra attendre le désengagement russe et la Perestroïka pour voir le régime militaire lâcher du lest. La voie est ouverte pour la démocratisation seulement en 1989. Le 4 juin de cette année, les Polonais votent pour Solidarnosc et son leader devient le premier Président élu de Pologne.
L’histoire ne se termine pas là. Gdansk qui a vu le déclenchement de la première guerre mondiale, qui a été détruite par cette guerre, cette ville qui a été le berceau de l’insurrection qui a finalement libéré le pays, cette ville est aujourd’hui en pleine mutation. Avec son stade gigantesque construit à l’occasion de l’Euro 2012, avec ses zones spéciales de développement, ses centres technologiques, son ouverture sur la Mer baltique, le dynamisme de son économie et surtout l’afflux de touristes venus contempler «l’or du Nord» (Ambre). Tout ici reflète les couleurs de cette pierre précieuse, résidu d’un autre âge.

En grandissant la ville a formé une sorte de mégalopolis avec deux autres centres urbains : Gdynia et Sopot. Si Gdynia est un prolongement de l’activité du port de Gdansk, elle est aussi une sorte de Silicon Valley. Alors que Sopot est une magnifique station balnéaire qui se trouve sur la Baltique. L’ensemble de ces cités est appelé ici la Tricité.

mardi 9 juin 2015

Gdansk, la ville de Lech Walesa

«Quand j’étais petit garçon, je m’imaginais Gdansk comme une grande ville, avec un port et des chantiers navals. Je savais que la seconde guerre mondiale y avait commencé. J’avais aussi entendu dire qu’il y avait de nombreux sites historiques à Gdansk. C’est tout ce que je savais alors.
A la fin du printemps 1967, j’ai pris le train et je suis allé au bord de la mer. Je suis descendu du train à la gare de Gdansk Glowny. Une minute plus tard, je suis tombé sur un ami de mon ancien voisinage qui m’a convaincu d’aller travailler aux chantiers navals. A Gdansk, j’ai rencontré mon épouse Danuta et c’est là que nos enfants sont nés… C’est donc comme ça , à mon insu, que je suis devenu citoyen de Gdansk.
Aujourd’hui, bien des années plus tard, après avoir visité tant de villes en Europe et dans le monde, je peux dire que je ne voudrais jamais échangé Gdansk contre New York, Paris, Bruxelles, Tokyo ou Moscou…
A la fin du 20ème siècle, la Pologne a donné à l’Europe et au monde le Pape Jean-Paul II. Quant à Gdansk, il a donné le mouvement Solidarnosc à sa nation, à l’Europe et au monde entier (…)»  Tiré de Gdansk selon Lech Walesa.
Gdansk, c’est d’abord Lech Walesa et son mouvement Solidarnosc (Solidarité) qui a fait bouger les chantiers navals de la ville avant de faire soulever toute la Pologne pour la libérer ensuite du joug du régime soviétique et en être le premier Président élu au suffrage universel. Une épopée qui allait sonner le glas de l’Empire soviétique et du bloc communiste en général.
Mais Gdansk est ce qu’elle a été : un centre commercial et culturel de l’Europe du 15ème au début du 20ème siècle. Avant d’être détruite elle aussi en 1945. C’est autour de son passé glorieux que la ville s’est reconstruite. Deux symboles de cette reconstruction : le Théâtre Shakespeare qui est l’un des centres culturels européens et la vieille ville restaurée tel qu’elle était avant les bombardements de la seconde guerre.
Le Théâtre Shakespeare est une reconstruction d’un bâtiment qui avait d’abord servi de scènes de jeux avant de recevoir des troupes venus de partout et notamment du Royaume Uni. La bourgeoisie née de l’activité commerciale sur la Baltique a encouragé le développement des arts et des lettres. Très tôt l’auteur anglais fut joué ici. C’est cette tradition qu’on fait revivre dans un centre ultramoderne. Sa vocation est de devenir un lieu d’expression pour les troupes européennes. Mais déjà il reçoit chaque année une saison entièrement dédié à Shakespeare.
La grande porte de la vieille ville comporte trois entrées. Sur chaque d’elles une inscription en latin. Sur celle de gauche, il est écrit que «la sagesse se trouve dans les actes de la République». Sur celle du centre, on nous dit que «la Justice, la Liberté et la Tolérance sont des valeurs immuables de la République». Sur celle de droite enfin, on nous apprend que «la Liberté, la Concorde permettent à tous Prospérité et Notoriété».
Ces inscriptions datent de la fin du 18ème siècle et fondent visiblement les grandes valeurs du libéralisme naissant. Elles sont en cas la première étape de la révolution bourgeoise qui a permis de se libérer des carcans de la société féodale. Car la démocratie, les démocraties sont le fruit d’une lutte longue et acharnée pour plus de liberté, plus de possibilités d’influer la gestion publique des affaires par le citoyen, plus de participation, plus d’expression de la pluralité…
La démocratie, comme tout ce qui est bon et beau, se mérite. Parce qu’elle se mérite, elle est à conquérir.

lundi 8 juin 2015

Négociateur malgré moi

La première rencontre officielle est celle qui se déroule dans les locaux du ministère des affaires étrangères polonais. Elle me met en face de représentants du département chargé des relations avec l’Afrique, le Maghreb et le Moyen-Orient.
Mes interlocuteurs me font la somme des relations entre les deux pays qui ont connu selon eux une nette amélioration ces dernières années avec notamment des échanges de visites entre responsables importants des deux pays. D’abord la visite de la délégation mauritanienne dirigée par Ahmed Ould Teguedi, l’ancien ministre des affaires étrangères qui semble avoir fait impression ici (son nom est prononcé automatiquement sans besoin de revenir à un papier). Ensuite la délégation polonaise dirigée par le Président du Sénat et comprenant de nombreux hommes d’affaires et de hauts responsables. Le Président du Sénat est la deuxième personnalité de l’Etat. C’est lui qui dirige le pays en cas d’empêchement ou d’absence du Président de la République.
La partie polonaise s’apprête à commémorer le cinquantième anniversaire de l’établissement des relations entre les deux pays. Cela se traduira par l’organisation de manifestations culturelles et de voyages occasion d’échanges entre la Mauritanie et la Pologne. Pour ce pays une ouverture vers l’Afrique est nécessaire et si cela peut se faire à travers la Mauritanie, ce serait mieux.
«Nous sommes conscients de la place stratégique qu’occupe la Mauritanie comme pays charnière entre l’Afrique subsaharienne et le Maghreb. Nous percevons le développement de toute relation avec le pays dans une vision d’ensemble nous permettant de nous ouvrir les espaces prometteurs d’une Afrique en marche».
La visite de la délégation polonaise a permis d’identifier quelques domaines de coopération qui pourraient être lancés dans l’immédiat. Tout ce qui concerne l’exploitation des minerais, notamment le fer. Mais aussi la pêche, l’agriculture, l’industrie…
Ma deuxième rencontre justement a lieu dans les locaux de l’Agence de presse polonaise (PAP) et me permet d’échanger avec des représentants de la Chambre de commerce de Silésie. Ils m’expliquent qu’il s’agit d’une institution indépendante qui ne fait pas partie des structures étatiques. Ce qui ne les empêchent pas d’être l’un des pivots de la coopération extérieure de la Pologne moderne.
En plus de la promotion des investissements polonais et des échanges avec les autres pays, ils sont intéressés, dans le cas de la Mauritanie, par l’établissement d’une coopération scientifique et technique. Ils sont aussi intéressés par les secteurs de production de lait et de viande, par la pêche (industrie), par le développement des services…
N’étant pas moi-même concerné par ces propositions, je leur suggère d’entrer en contact avec notre ambassade à Berlin, avec la Chambre de Commerce de Nouakchott, le Patronat et surtout la Zone franche de Nouadhibou. Toutes ces structures seront prêtes à leur donner les informations nécessaires pour mieux encadrer cette entrée des opérateurs polonais dans l’espace mauritanien. Ils décident alors d’organiser un voyage en février prochain pour «voir ce qui peut être fait». Ils insistent encore sur l’aspect développement des relations universitaires. Ce sera possible surtout que le pays a mis en place des établissements d’excellence et s’oriente vers la formation professionnelle. Peut-être qu’un contact avec l’Université de Nouakchott et les différentes écoles spécialisées dans la formation (Polytechnique, ingénieurs, travaux publics…), serait édifiant.
Je finis cette première journée par une visite guidée dans le Palais royal et dans ses merveilleux jardins. Un moment de détente mais aussi d’exploration d’un passé toujours présent.
La Pologne est un pays qui a existé malgré les velléités de ses voisins, malgré les guerres qui l’ont dévasté plus d’une fois. Tout est reconstruit, tout est restaurer pour reconstituer le passé prestigieux d’une Pologne indépendante. Mais partout, on rappelle les destructions et les limites des reconstructions.

dimanche 7 juin 2015

Varsovie, le passé présent

La route de Varsovie passe par Paris et les pickpockets de CDG quand on ne fait pas attention aux mises en garde pourtant répétées des autorités qui entendent ainsi dégager toute responsabilité dans des pertes éventuelles de biens. Tant pis pour ceux qui, comme moi, n’auront pas pris en compte ces avertissements…
Après quelques trois heures de vol, nous atterrissons sur le tarmac de l’aéroport Frédéric Chopin de Varsovie. D’habitude un aéroport porte le nom d’un homme politique ou d’un chef de guerre. Je comprendrai plus tard pourquoi ce génie de la musique tient une place dans le cœur des Polonais et dans leurs espaces publics. L’homme qui est né et qui s’est révélé ici, a quitté son pays d’adoption pour la France où il est mort. Dans sa vie il avait refusé un passeport russe, condition que l’occupant lui avait posée pour le laisser revenir pour un concert de commémoration. Il avait demandé à sa famille de l’enterrer seulement à Varsovie et si cela ne pouvait se faire, d’enterrer son cœur ici.
A sa mort sa sœur a fait le voyage transportant, sur des milliers kilomètres, le cœur du virtuose aimé. On peut imaginer d’ici la peur qui étreignait cette courageuse dame à chaque contrôle de police, à chaque frontière de province, à chaque entrée ou sortie de ville. Ce cœur est aujourd’hui contenu dans le pilier central de la plus grande cathédrale de Varsovie. C’est un peu si ce cœur bat encore, tellement Frédéric Chopin est présent dans cette ville détruite à 90% pendant la deuxième guerre mondiale.
Varsovie est le lieu où le Pacte qui porte son nom a été signé le 14 mai 1954. Ce fut la réplique du Bloc Est dirigé par l’Union Soviétique de Nikita Khrouchtchev à l’adhésion de la République fédérale d’Allemagne à l’OTAN (organisation du Traité de l’Atlantique qui rassemble les pays de l’Europe de l’Ouest aux Etats Unis d’Amérique).
Varsovie a toujours été le symbole des résistances de l’Etat et du peuple polonais. L’Histoire retient les insurrections de Varsovie dont la dernière est celle qui va du 1er août au 2 octobre 1944 et qui a été une tentative du peuple polonais et de son gouvernement de libérer par eux-mêmes leur pays et d’éviter ainsi que ce soit l’Armée rouge qui le fasse. En fait la Pologne est le seul pays sous occupation nazie qui a conservé un gouvernement dans la clandestinité, gouvernement qui a géré effectivement la vie des citoyens malgré la violente répression du système nazi.
Le symbole de résistance reste le slogan «Pologne combattante» (Polska Walczaca) symbolisé par un W surmonté d’un P. Récemment, un conférencier appelait nos compatriotes à trouver un identifiant par lequel les Mauritaniens s’imposeront un vivre ensemble en le reconnaissant comme symbole de la Nation. Lui prenait comme exemple le IKI japonais, je trouve que PW des Polonais est plus significatif. D’ailleurs, nous partageons avec eux cette sempiternelle conscience de la menace extérieure, de la possibilité pour nous d’être engloutis par un voisin glouton ou de disparaitre dans une guerre qui opposerait des voisins plus puissants que soit. Cette hantise qui oblige à plus de vigilance et d’engagement pour préserver son indépendance, son existence.
Visite au musée. Toute une partie réservée à Faras, l’ancienne capitale de la Nobatie, région autonome de la Nubie ancienne. Des vestiges qui se trouvent actuellement au Soudan et qui ont été entièrement submergés par le lac Nasser, conséquence malheureuse de la construction du barrage d’Assouan.
Ici on a reconstruit une réplique des façades de la cathédrale de Faras. Une manière de rappeler que c’est une mission d’archéologues polonais dirigée par Kazimierz Michalowski qui a permis la découverte de ce joyau de l’archéologie antique. Les fouilles ont eu lieu entre 1961 et 1964.

Toutes nos pensées aux fouilles jamais terminées de Tegdaoust, Koumbi Saleh et d’Azougui.

samedi 6 juin 2015

D’El Melzem à Paris

Ce matin, à Tiguint. La foule est immense pour accueillir le Président Mohamed Ould Abdel Aziz en tournée dans le Trarza. Les opérateurs politiques, tous pourtant appartenant au même parti (UPR) et soutenant le même dirigeant, ces opérateurs n’arrivent pas à manifester ensemble. Trois sites distincts qui expriment la division. Quelques instants avant l’arrivée du Président, le secrétaire général et le fédéral régional de l’Union pour la République avaient fait le tour des sites sans, visiblement, être dérangés par ces divisions. Signe de l’incapacité de l’appareil politique qui ne peut même pas imposer une unité de façade. De là à croire qu’il y a là quelque volonté de voir ces divisions s’intensifier, il n’y a qu’un pas.
Viennent ensuite toutes agglomérations qui tiennent elles aussi à marquer leur existence au passage du Président de la République. Chaque agglomération correspond à un espace tribal, donc chaque manifestation est celle d’une tribu donnée. Cette atomisation dans l’accueil devient alors le premier facteur de «la sédentarisation abusive» (teqarry al ‘ashwa’i) souvent dénoncée par les Autorités notamment le Président lui-même. Sur la route menant de Tiguint à Mederdra – 50 kilomètres -, plus d’une vingtaine d’arrêts imposés au Président. Comme si chaque ensemble voulait exprimer individuellement son soutien. Derrière ces accueils se profilent souvent des doléances liées pour certains aux nominations de «cadres de la tribu». Dès Rosso, ces doléances se sont exprimées à travers les interventions lors de la réunion des cadres qui a vu certains remarquer le manque de représentativité de la région dans les hauts cercles de l’administration. Ce à quoi le Président avait répondu à peu près en ces termes : «C’est une revendication qui revient partout. Mais vous n’avez pas vous, du Trarza, car vous êtes bien représentés. Vous avez le Président de l’Assemblée nationale Mohamed Ould Boilil, vous avez des ministres…» Deux oublis majeurs : si le premier gouvernement d’après 2009 comptait sept ministres originaires du Trarza, l’actuel n’en compte qu’un seul ; le deuxième oubli, c’est celui du Président du Sénat qui est lui aussi du Trarza, pourtant une grande partie des intervenants n’ont pas manqué de louer ses actions dans la région notamment à Rosso…
Je quittais la région de Mederdra alors que les populations s’activaient partout et essayaient de remporter la palme de la meilleure réception. Ce qui supposait de grands moyens financiers déployés, une mobilisation humaine inhabituelle et un déploiement extraordinaire. Cette ferveur, on l’a vue ailleurs, dans les Hodhs, en Assaba, au Gorgol, au Guidimakha, au Tiris Zemmour, au Brakna et maintenant au Trarza. Elle sera la même au Tagant, en Adrar, en Inchiri… Reste la question de savoir ce qui se cache derrière ces bains de foule de plus en plus sécurisés et surtout : quoi après ?

Sur la route pour Varsovie, Paris est la première étape. Contact avec un autre monde.