mercredi 15 janvier 2014

Le degré zéro de la culture

La première soirée du festival de Walata a été un flop. De tous les points de vue. La pauvreté du contenu l’a disputé à la mauvaise organisation des prestations.
«Le seul poème digne de ce nom est celui qui a été déclamé en langue indienne…» : au moins on ne pouvait se prononcer ni sur la portée de son sens, ni sur la régularité de sa métrique. Autant dire que le ministère de la culture ne semble pas avoir fait attention au contenu qui devait être présenté dans une soirée à laquelle assistait le Président de la République et qui devait donner le la d’une rencontre alliant fête et intellect.
Les présentateurs se comportaient comme s’il s’agissait de l’une de ces cérémonies mondaines où l’objectif est d’abord de glorifier quelques individus du Mesrah. Sans respect et sans avoir assimilé la succession des évènements. «On avait l’impression à chaque fois que la troupe qui se produit est en train de finir sa prestation», me confie un officiel.
Pourtant ce n’est pas la matière qui manque. Nous sommes dans une ville qui mérite amplement sa notoriété d’antan. Walata respire l’Histoire.
La vieille cité rouge s’étend au flanc de la montagne et domine une vallée (bat’ha) où les tentes ont été dressées pour accueillir les 220 touristes invités pour faire la promotion d’une région désertée pour des questions de sécurité. Il s’agit pour l’Officie national de tourisme et le ministère de briser le blocus né du classement de toutes ces régions dans la «zone rouge» interdite aux ressortissants occidentaux particulièrement français. La réussite évidente (probablement la seule) des autorités est bien celle-là…
Chaque maison est une histoire à elle-même, chaque espace raconte un passé florissant, chaque nom évoque une grandeur qu’on sent dans les ruelles et à l’intérieur des maisons. Walata est une civilisation à part. Avec une organisation de l’espace qui n’existe nulle part ailleurs en Mauritanie. Ici on a eu la notion «d’espace public»… Rahbit Kdennou est le souvenir vivant d’un âge où la science et le savoir étaient dispensés gratuitement par des maîtres dont le souci est d’abord de laisser une partie de cette richesse derrière eux, après eux. Interpellant un jour un artisan qui s’activait à peindre les façades environnantes, Shaykhna Mohamdi, l’un des illustres érudits qui prenaient complètement en charge ses étudiants venus de tous horizons, a dit : «Sais-tu que ce que tu fais et ce que je fais mènent directement au Paradis. Pour la ferveur qu’on y met, pour l’utilité qu’ils offrent pour les autres et pour le détachement qui nous inspire… ?» La valeur du travail bien accompli.
Walata, c’est aussi une gastronomie bien originale avec ses boissons (deghnou, senguetti…), ses plats (el moune, deydey…). Et c’est enfin une façon de vivre et de s’intégrer.
Le festival aurait pu être le plus grand des rendez-vous des villes anciennes. Il aura été le moins organisé et le moins riche.
Malgré la présence de quelques sociétés de nettoyage, les carcasses d’animaux morts gênaient la circulation dans la vieille ville et autour des mausolées très visités des Chérifs et Erudits des alentours. Aucun déploiement de guides comme ce fut le cas à Wadane il y a deux ans. Aucune mobilisation ou sensibilisation des populations pour les préparer à l’évènement dont ils devaient profiter. Pas d’efforts particuliers pour maitriser le déroulement des évènements culturels qui sont restés pauvres, très pauvres.
Pour le ministère de la culture, on peut parler d’un ratage monumental. Et c’est dommage parce que l’objectif est noble et Walata était prédisposée à être la plus belle des conclusions du cycle de la célébration des villes anciennes. A-t-on constitué une commission pour sélectionner les troupes et définir la programmation et le contenu ? Rien ne le laisse croire.

Le festival aura été une fête mondaine qui ne traduisait même pas la diversité culturelle de la Mauritanie, encore moins la créativité des jeunes auteurs et la profondeur du patrimoine. La fête a été juste un survol qui a permis d’effleurer, sans le dépoussiérer, un passé riche.