mercredi 19 décembre 2012

Portons le deuil


Moustapha Ould Mohamed Salek n’est plus. Le premier président de l’ère militaire a été emporté par une longue maladie qui a finalement été plus forte que la volonté d’un homme qui a marqué son époque. L’un des premiers officiers de la Mauritanie indépendante, après avoir été enseignant comme la plupart, sera aussi l’un des premiers chefs d’Etat Major de l’Armée. Il reviendra à ce poste la veille du coup d’Etat de juillet 1978. Ce qui lui permettra d’être le chef des putschistes du 10 juillet.
Homme de consensus, ayant une expérience du pays, un sens de la mesure, Ould Mohamed Salek était le seul parmi les officiers supérieurs à pouvoir faire l’unité de toute la classe des officiers de l’Armée, les conspirationistes et ceux qui devront prendre le train en marche. A ce titre il fut le président du premier Comité militaire de redressement national (CMRN) qui prit le pouvoir le 10 juillet 1978. Trahi par certains de ses compagnons qui avaient cru pouvoir l’utiliser comme ils voulaient, il résista aux pressions énormes en créant un Conseil consultatif national qui devait être l’embryon de la démocratisation du pays.
Manigances, tergiversations, manque de solidarité… Le colonel Ould Mohamed Salek se retrouve seul devant ses compagnons dont la plupart sont ses cadets. Il se résout à accepter leur diktat. Le CMRN devient CMSN, S pour «salut» et la présidence perd son autorité, le Premier ministre devenant tout puissant. Une situation qui ne peut durer. La disparition tragique du colonel Ahmed Ould Bousseif en mai au large de Dakar, ouvrira la porte de sortie devant le père du 10 juillet qui s’en alla tranquillement.
Plusieurs fois victime de l’arbitraire, notamment sous Haidalla qui l’avait accusé de vouloir revenir au pouvoir, Ould Mohamed Salek acceptera de vivre humblement comme un citoyen mauritanien qui a certes ce qui le distingue mais qui est profondément marqué par son ancrage social et culturel. Des mouvements politiques pourront le remettre sur scène en le présentant en 1992 à la présidentielle, mais il revient vite à son exil intérieur. Il tire la leçon avec humilité, sans extravagance et se retire de la vie politique. Ce qui explique en partie le respect dont il jouit dans les milieux politiques et sociaux mauritaniens.
Le fait d’avoir donné au pays, sans demander de retour, sans fracas, le fait d’avoir dirigé sans dommage pour la société et pour les acteurs, de s’être retiré sans prétendre à être le sauveur… tout cela, en plus des caractères qui l’ont fait (humilité, candeur, attention…), explique largement que nous acceptons tous aujourd’hui de porter son deuil.
Qu’Allah le Tout-Puissant l’accueille en Son Saint Paradis, qu’Il allège les souffrances des siens.