lundi 11 février 2013

Un gouvernement d’union, pourquoi ?


L’initiative du Président de l’Assemblée nationale, président de l’Alliance populaire progressiste (APP), a été rendue publique en grande pompe cette après-midi. Il a choisi pour ce faire le Palais des Congrès où se tenaient, il y a quelques heures encore, les assises des journées de réflexion de l’Union pour la République (UPR), le parti dit au pouvoir. Aucun lien entre les deux évènements.
La cérémonie de lancement arrive des mois après le lancement réel de l’initiative. Et chacune des parties a déjà dit ce qu’elle en pensait. On peut dire donc que «le repas a été entamé alors même qu’il était en cuisson» pour reprendre les termes célèbres d’un historien dont le travail a été pillé avant sa publication. Plusieurs avis qui ont été confirmés à l’occasion du lancement solennel de cette initiative.
Le premier est celui qu’exprime une partie de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) pour laquelle il s’agit là d’une reconnaissance de l’échec du dialogue dans lequel Messaoud Ould Boulkheir a été le facilitateur central. Opinion logiquement exprimée par Jemil Ould Mansour, le leader de Tawaçoul qui trouve que Ould Boulkheir, à travers son initiative reconnait l’existence d’une crise que le dialogue réalisé entre la Majorité et une partie de l’Opposition n’a pas pu résoudre.
Pour Mohamed Ould Maouloud de l’UFP et Saleh Ould Hanenna de Hatem, l’idée de mettre en place un gouvernement d’union nationale dont l’action sera indépendante vis-à-vis du Président de la République est bonne. Surtout qu’elle doit ouvrir à leurs yeux sur le départ de celui-ci. C’est l’opinion la plus partagée – l’espoir déclaré – au sein de la COD.
Pour certains pans de ce qu’il est convenu d’appeler la Majorité, c’est l’occasion de relancer le débat autour de l’ouverture du gouvernement sur d’autres composantes et d’entrevoir quelques rôles pour eux. Mais la Mauritanie dans tout ça ? la démocratie dans tout ça ? la logique ? le rapport de force ? l’équité ? l’opportunité ?
En décembre 2010, alors qu’on était en plein processus d’ouverture des acteurs politiques – les symboles acceptant de se rencontrer, de s’afficher ensemble -, on va assister à une radicalisation des positions qui atteint rapidement l’extrême : l’Opposition démocratique demande le départ du Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui adopte à son tour une attitude de rejet vis-à-vis de cette Opposition qui a mis la barre très haut.
«Inspirée» par ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte, cette opposition mobilise, depuis, tous ses moyens. Quand le Président de la République est victime d’un accident de tir, elle est déjà à bout de souffle. Sans avoir pu imposer le départ du régime, elle a été incapable d’imaginer une porte de sortie en usant de «l’art du possible». Au lieu de profiter de ce moment de «faiblesse» du régime pour donner ses preuves dans l’attachement à la stabilité du pays et à sa cohésion, certains acteurs y ont vu au contraire l’opportunité de faire trembler les fondements du régime par rumeurs interposées. Cela, comme les manifestations demandant le départ, a fini par profiter plutôt au régime qui a fait la démonstration de sa cohésion et de la vanité de ses détracteurs.
A tous, la proposition de Messaoud Ould Boulkheir est une aubaine qui peut sortir de ce «trou noir» où ils se sont retrouvés. Mais pour le pouvoir ?
A quoi peut servir un gouvernement d’union nationale et sur quelle base peut-il être formé ? Qu’est-ce qui peut pousser aujourd’hui Ould Abdel Aziz à accepter l’idée de formation d’un tel gouvernement ? Est-ce qu’il est aux abois ? Est-ce qu’il a besoin des propositions de gouvernance élaborées de l’autre côté et lesquelles ? A-t-il besoin de remettre en scelle une élite formée dans les classes qu’il dit combattre ?
Nous avons l’impression aujourd’hui que seule la participation à la gestion des affaires publiques importe aux acteurs qui se démènent, y compris ceux qui s’en défendent le plus. C’est très grave quand on comprend que les malheurs du Mali viennent de la démarche qui consiste à mettre en place un gouvernement d’union nationale. Ce qui a tué l’opposition donc le contrepouvoir.
Evitons le syndrome malien et comprenons que le front intérieur, pour se refaire et se consolider, a juste besoin d’acceptation des uns par les autres. Cette acceptation suppose l’application stricte du droit, la réalisation de la justice, la réhabilitation du mérite, la promotion de l’équité et le refus de l’exclusion. Si l’on fait cela, que ceux qui ont été élus pour un mandat respectent leurs engagements, que les autres les obligent à cela dans l’intérêt de la démocratie et du pays.
Il faut certes un peu de sérénité pour normaliser les rapports faits d’antagonismes de plus en plus aigus dans notre société : trop de violence couve à présent. Parce que seule la sérénité dans les rapports peut nous faire éviter les dérives qui menacent. Mais qui veut de cette sérénité ?