mardi 12 août 2014

Adieu Robin

«Toi, et toi seul, auras les étoiles, personne d’autre. Dans l’une d’elles, je vivrai. Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire»
En citant le Petit Prince de l’ami Antoine Saint-Exupéry, la fille de Robin Williams ne pouvait mieux trouver. Son père, cet acteur aux mille mérites, avait la tête …ailleurs. Le détachement qui lui permettait d’irradier sur les autres, de leur passer ce virus bienfaisant qui, au premier abord, mettait en condition. En même temps, cet air mystérieux qui donnait une profondeur intellectuelle à toute la gestuelle de l’acteur. Entre cette jovialité débordante et cette tristesse sournoise, se consumait le talent extraordinaire de Robin Williams.
Si je le commémore aujourd’hui, c’est qu’il fait partie de ces «bons bougres» qui m’ont rendu heureux, le temps d’une trame, l’espace d’un moment. Heureux de rire de nos malheurs, de nos mésaventures, de nos histoires qui se ressemblent finalement. Heureux de partager avec ceux que j’aime les films de ce «monstre du cinéma».
Le Nouakchott de mon cœur, celui de mes souvenirs les plus forts, est insoupçonnable aujourd’hui. Parce qu’avec le recul de la joie dans ce pays sec et chaud, on a oublié ce que nous fûmes.
Pour être bref, je rappellerai qu’il exista des cinémas à Nouakchott, des booms à Nouakchott, des aires d’émancipation culturelle et physique. C’est ici que je découvris Good Morning Vietnam, ici que je vis en avant-première Le cercle des poètes disparus et toujours sur grand écran Jumanji. Madame Doubtfire et Will Hunting ce sera en vidéo, quand la rigueur spartiate des moines du désert refera surface, quand la mal-gouvernance assèchera les intelligences, quand le réalisme cupide cultivé par les SEM (structures d’éducation de masses) et le PRDS (parti républicain, démocratique et social) tuera les rêves. La constipation des organismes et des esprits est devenue le premier Mal du pays…
Une adaptation d’un roman que je découvrirai plus tard (Quand Papa était femme de ménage de Anne Fine), Madame Doubtfire restera incontestablement le chef d’œuvre le plus marquant de la carrière de Robin Williams. L’histoire est celle d’un banal père de trois enfants qui n’arrive pas à avoir une vie régulière et stable. Alors que son épouse est quelqu’un de très carré et très passionné par son boulot. Légalement séparés, les parents n’arrivent pas à s’entendre sur la garde des enfants. La mère accuse le père de ne pas être à la hauteur et gagne facilement son procès. Incapable de se résoudre à ne voir ses enfants que l’espace d’un weekend, le père entreprend sa transformation. Il trouve un petit boulot de balayeur dans un petit studio, puis se transforme en gouvernante pour pouvoir refaire son entrée dans l’espace de ses enfants. Il répond à une annonce publiée par la mère de ses enfants qui cherchait une gouvernante capable d’encadrer et de tenir la progéniture. Madame Doubtfire fera plus : elle les rendra heureux. Le génie de Robin Williams s’exprime tout au long de la trame qui ne lasse à aucun moment. C’est un film qu’on est toujours prêt à revoir.
Good Morning Vietnam révèle l’éclectisme de Robin Williams, ce reporter qui réussit à enfreindre les lois du silence au sein de l’Armée américaine basée au Vietnam en pleine guerre. En se lâchant, le reporter, parti pour être un banal personnage, se retrouve la star d’un univers où l’odeur de la mort et l’exercice quotidien de la violence et de l’arbitraire ont asséché les sens et interdit tout humanisme.
Tandis que Le cercle des poètes disparus… quel film !... est l’occasion d’aller au plus profond de l’âme humaine pour restaurer les vestiges d’une humanité disparue et redécouvrir ce que nous sommes en vérité. Cette archéologie des sens permet de remettre en surface ce qui est notre essence, ce qui nous différencie des autres êtres vivants, la capacité de dire et de dire chaque fois autrement ce que les autres disent mécaniquement et/ou simplement, sans recherche et sans intelligence.
Robin Williams nous a fait rire. Il a provoqué chez nous le sens de la réflexion. Nous permettant de nous remettre en cause.
Il m’a personnellement permis de passer de bons moments, de les partager avec des êtres chers. Je l’en remercie.