vendredi 7 février 2014

Un modèle tunisien ?

«La Tunisie a donné à tous les pays de la région un exemple avant-gardiste en matière de transition démocratique», a déclaré Mustapha Ben Jaâfar, président l'Assemblée nationale constituante tunisienne lors de la cérémonie de signature de la nouvelle Constitution. Il a ajouté : «La rédaction et l’adoption d'une Constitution progressiste, fruit du consensus de toutes les parties nationales.» Une Constitution qui capitalise les avancées progressistes en matière de droits des femmes, d’égalité et d’ouverture.
La Tunisie a été le premier pays arabe à se débarrasser de la dictature qui a sapé les fondements de l’Etat et ébranlé la structure sociale. De l’auto-immolation du jeune vendeur Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, au départ de Zein el Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011, à l’élection de Moncef Marzouki à la présidence le 12 décembre 2011 à la suite d’un compromis politique entre les libéraux et les Islamistes d’Ennahda, il aura fallu vaincre bien des démons.
Défaire les forces centrifuges, dépasser le stade de la simple revanche de la société sur les systèmes politiques, (re)créer une pensée politique à même de nourrir le processus, à même de devenir au mouvement ce que la philosophie des Lumières fut pour 1789, éviter les dérives qui pourraient naitre de la confrontation entre les extrémistes de tous bords, donner espoir aux Tunisiens en rétablissant la confiance…
Le 18 novembre 2011, j’écrivais ici parlant du «printemps arabe» : «Une hirondelle ne fait pas le printemps, dit-on. La Tunisie à elle seule ne peut pas faire le «printemps arabe». Et, malheureusement, il n’y aura que la Tunisie…
Seule la Tunisie semble réussir à pousser le changement au-delà d’un simple lifting du système ayant sévi des décennies durant. Sans doute le niveau d’instruction a-t-il joué dans ce pays qui a, depuis l’indépendance en 1956, joué la carte de la ressource humaine. Il y a certainement aussi la proximité de l’Europe et surtout le bon départ d’une Tunisie libérée des pesanteurs ancestrales par la volonté d’un moderniste visionnaire : Habib Bourguiba.
La place de la femme, le niveau de scolarisation, l’école moderne, la promotion de la culture (arts, écriture, lecture…), le tout a joué maintenant que le pays se trouve à un tournant de son histoire.» Mais il y a aussi «Rachid Ghanouchi, ce leader islamiste qui a fait ses relectures bien avant que la Turquie islamiste ne fasse les siennes. Idéologue du mouvement islamiste tunisien, Ghanouchi a su (et pu) concevoir un mouvement enraciné dans les valeurs traditionnelles et résolument moderniste».
Il faut dire que la Tunisie qui a aboli l’esclavage en 1846 (deux ans avant la France), qui a eu sa première Constitution en 1861, cette Tunisie-là avait pris forcément une longueur d’avance sur le reste du monde arabe. Ajouter à cela tout l’héritage bourguibien (de Habib Bourguiba, le premier président tunisien) : la scolarisation systématique, l’émancipation de la femme, la désacralisation de tous les aspects de la vie… bref tout ce qui fait que la Tunisie est restée la contrée arabe la plus ouverte sur l’Occident en particulier, sur l’Autre en général.

Tout prédisposait la Tunisie à devenir dans un monde arabe qui en manque cruellement… Espérons que ce sera définitif. Sans retour.