jeudi 13 février 2014

Quelle administration pour quel Etat ? (1)

Pour l’Institut mauritanien des études stratégiques (IMES) il s’agissait d’apporter une contribution à la recherche de solutions aux problèmes posés à l’administration mauritanienne. Le colloque avait donc pour thème : «Administration mauritanienne : Contribution aux solutions des défis majeurs». Deux jours pour faire le tour et «proposer un cadre théorique pour l’avènement d’une administration mauritanienne (1) au service du citoyen, (2) qui protège les droits du fonctionnaire, et (3) qui soit un outil efficient au service du gouvernant pour lui permettre de mener à bien les politiques de développement». Ajouter à cet objectif déclaré, le fait d’en sortir avec un package de propositions à mettre à la disposition de tous les acteurs, y compris les politiques.
Il n’est pas nécessaire ici d’étaler toutes les raisons qui poussent l’IMES qui a vocation d’être un espace de réflexion et de propositions, à consacrer un colloque à l’administration mauritanienne. Nous savons tous l’état de déconfiture et de pourrissement dans lequel patauge notre appareil administratif après plusieurs décennies d’errements destructeurs.
Plusieurs anciens hauts fonctionnaires étaient invités, mais aussi des chercheurs, universitaires, acteurs de la société civile.
Dans son rapport introductif, Madame Turkia Daddah, première directrice de l’Ecole nationale d’administration (ENA), spécialiste de la question, a déclaré : «Le colloque organisé par l’IMES a pour ambition de provoquer les participants à explorer des voies nouvelles et de formuler des propositions concrètes pour l’avènement d’une administration endogène qui n’est plus lointaine et seulement préoccupée de processus et de procédures, mais qui se préoccupe au contraire de résultats et cherche à s’immerger dans la société et à s’identifier à elle, donc une administration au service du citoyen et du développement, colonne vertébrale de la démocratie et de l’Etat de Droit». Avant de rappeler quelques-unes des expériences du passé.
Pendant les premières années de l’indépendance, le souci était de créer une administration capable de prendre la relève de l’appareil colonial tout en imposant son autorité à une population réfractaire à l’autorité centrale d’un gouvernement encore contesté. Ce que Turkia Daddah explique : «Les années 60-70 se caractérisent par une approche essentiellement administrative et technique dans des projets de réformes sectorielles (élaboration ou révision de textes juridiques ou mise en place d’outils de gestion de l’économie)».
Sans situer le point de rupture qui a signifié la décadence de l’administration par son détournement, la conférencière va énumérer une succession de projets, de structures et de programmes qui ont tous eu pour objectif une réforme de l’administration pour la rendre plus efficiente et plus proche du citoyen.
De la création du Bureau Organisation et Méthode (BOM) «attaché au Secrétariat général du gouvernement» et «surtout mise sur pied d’une Commission de Réforme de l’Administration Territoriale en 1983» qui a posé «les premiers jalons de la décentralisation et surtout d’avoir fait comprendre le besoin d’une Réforme globale et intégrée de tout l’appareil administratif», au projet «Projet de Développement Institutionnel Administratif et de la Réforme (PEDIAR)» de 1987, à celui de la «Gestion des Ressources Publiques et de Renforcement des Capacités (PGRPRC)», au «Projet de Rénovation de la Fonction Publique (PRFP)» de 1999, à «la Déclaration sur la Bonne Gouvernance en Mauritanie du 8 décembre 1999», au «Programme d’appui à la mise en œuvre du Programme national de bonne gouvernance 2003-2006», au «Projet de Gestion des Ressources Publiques et des Capacités», au «Projet de Renforcement des Capacités du Secteur Public», pour finir dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté… l’objectif a toujours été de rectifier le tir pour remettre l’administration sur la bonne voie. Rien de tout cela n’a abouti parce que nous en sommes encore à réfléchir sur les solutions à trouver pour redonner à l’administration son rôle de moteur de développement.
«L’ambition du Colloque est, en effet, de réfléchir à partir d’un état des lieux concret, à travers notamment le recensement et la compréhension des échecs afin d’en lire les leçons pour pouvoir proposer, quelques solutions réalistes, et pour dégager quelques composantes d’une Stratégie de Réforme cohérente et intégrée capable de contribuer à la consolidation de la Démocratie et l’Etat de droit et à la garantie un développement inclusif, équitable et durable».
Qu’est-ce qui n’a pas été dit sur cette administration ? qu’est-ce qui n’a pas été proposé ? et que peut-on attendre des fonctionnaires quand ils sont stigmatisés par l’opinion publique, y compris par la dénonciation des Autorités elles-mêmes, ce qui participe à leur dé-légitimation ? quand ces fonctionnaires ne peuvent avoir de plans de carrière ? quand ils se retrouvent sous les ordres de «parachutés»  sans lien avec l’administration et qui sont recrutés dans le cadre du fameux PNP (personnel non permanent) ? quand ils sont mal payés, mal appréciés… ?
Des questions auxquelles devaient répondre les trois ateliers du colloque : 1. Les missions et les structures de l’Etat, 2. La gestion des ressources publiques, 3. Le citoyen