jeudi 4 avril 2013

Au nom des valeurs partagées

On a beau croire que nous sommes les meilleurs, dédaigner les autres, voire les mépriser pour ce qu’ils sont et nous installer dans un complexe définitif de supériorité. Nous sommes rattrapés par les faits. Par les leçons qu’ils nous donnent quotidiennement, nous apprenons que nous avons encore du chemin à faire sur le plan de l’égalité, de la justice et surtout, surtout du respect des valeurs humaines les plus nobles.
Quand un ministre de la République a menti, c’est bien la déchéance qui l’attend. C’est le sort de Jérôme Cahuzac, ce ministre français qui est passé du statut d’élu de l’Assemblée nationale, de personnalité centrale dans le système Hollande, le nouveau dispositif socialiste, à celui du banni, du honteux qui fait l’unanimité dans la dénonciation de son mensonge.
Quand une citoyenne guinéenne a menti sur sa vie à son entrée aux Etats Unis, tout s’écroule autour d’elle. Et de victime elle se transforme en suspecte.
Quand le Grand Rabbin de France est pris en flagrant délit de mensonge et de plagiat, il est obligé de baisser la tête et de s’excuser piteusement…
Là-bas, le fait de mentir est encore un crime punissable de mise en quarantaine, une trahison impardonnable, la honte absolue… Ici, le mensonge est une industrie qui rapporte «normalement». C’est une valeur que notre monde politique et médiatique cultive et pratique sans vergogne.
Mediapart, ce média indépendant atypique, ne pouvait pas se permettre de publier les révélations sur le compte en banque qu’aurait détenu le ministre Cahuzac s’il n’avait pas les preuves irréfutables, ou comme on dit dans le jargon des enquêteurs s’il n’y avait pas là «des indices graves et concordants». C’est ce qui donne une crédibilité à ce média et à bien d’autres ailleurs. Ils ne font pas la course pour savoir qui le premier va répercuter une rumeur qu’il n’aura pas vérifiée. Ils n’attendent pas tranquillement dans leurs rédactions pour se voir servir un «dossier» par un manipulateur quelconque. Pour ensuite publier ces dossiers sans les avoir disséqués, sans avoir touché tous les protagonistes dans l’affaire… Nous avons, nous autres journalistes, abandonné, et depuis quelque temps, l’exigence d’exactitude, d’équité et de pluralité. On balance tout ce qui nous passe sous la main. Sans gêne. Notre élite nous demande de lui servir la rumeur et le faux comme réalité, nous le faisons. Sans même essayer de donner une crédibilité à ce que nous servons comme informations. D’ailleurs la crédibilité ne fait pas partie des critères de performance pour notre opinion publique. La demande de mensonge, au moins de l’approximation, est plus forte que celle de la vérité et de la précision.
Le monde politique ailleurs est tenu à un minimum de rigueur dans ses faits et actes. Dans sa parole aussi. Chacun est comptable de ce qu’il dit et en répond. Ici, nous pouvons dire n’importe quoi et son contraire : nos paroles ne portent pas à conséquence. C’est ce que nous pensons du moins. Les mots, tant qu’ils ne nous touchent pas directement, importent peu. Tout comme les informations que nous diffusons les uns concernant les autres.
Dans ce jeu quelque peu pervers, se perd la vérité. Une ère d’épanouissement de la contrevérité, du mensonge s’ouvre pour ne plus se refermer. Ne nous étonnons point si tout ce qui est entrepris n’a pas participé à la déstabilisation de Ould Abdel Aziz, mais tirons la conclusion que rien ne peut être vraiment construit autour du mensonge.
Nous avons besoin de réhabiliter la vérité, de redonner au fait sa sacralité, de nous armer de valeurs humaines universellement respectées et qui sont finalement celles de notre sainte religion, l’Islam. Mais qui en respecte les préceptes ?