mardi 3 avril 2012

La CEDEAO n’est pas l’OTAN


Les présidents ouest-africains réunis hier à Dakar ont décidé de continuer à exercer des pressions sur la junte de Bamako, envisageant même de passer à l’action militaire. Deux présidents ont défendu l’option dure : Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire qui dirige présente la CEDEAO et Blaise Compaoré du Burkina Faso. Le premier, sans doute, par ignorance, le second par calcul.
Pour Ouattara, l’expérience de son pays, avec notamment l’entêtement de Gbagbo et le recours aux armes qui a fini par mettre fin à la situation de crise, le souvenir de cette expérience est trop proche. Il a estimé à l’époque que la CEDEAO a failli à sa mission en s’abstenant d’intervenir à travers l’envoi d’une force. Il ignore les données entières du problème malien. Notamment les soubassements ethniques, sociologiques de ce qui se passe. Il ne peut se résoudre à penser que le putsch ainsi que la débâcle militaire de l’Armée malienne dans le nord sont la conséquence d’une attitude faite de démissions, d’atermoiements et de complaisances adoptée par son ami Amadou Toumani Touré. Ignorant tout de l’histoire récente et des réalités sociologiques du Mali, Ouattara peut être emporté par un élan guerrier qui sera pourtant catastrophique pour les pays de la sous-région.
Pour Compaoré par contre, c’est le vieux contentieux avec le Mali qu’il va falloir vider ici en envoyant des forces en terre malienne rétablir l’ordre et/ou combattre putschistes et rebelles. L’occasion d’occuper les regards ailleurs, de déconcentrer l’attention de ce qui risque de se passer au Burkina et qui pourrait être le prolongement des soubresauts de l’année passée. Le président qui bat les records de longévité en Afrique de l’Ouest avec ses 25 ans de pouvoir, a certainement d’autres calculs qui ne sont pas perceptibles à l’œil nu, lui qui a toujours manœuvré les scènes politiques de cet espace. Satellisant des pays comme la Côte d’Ivoire où Ouattara et Soro lui doivent tout, la Guinée où il a parrainé Alpha Condé, le Togo, le Bénin…
Dans les jours qui viennent, les chefs d’Etat Major des pays de la CEDEAO devront définir un plan d’intervention qui sera conclu par l’envoi de troupes au Mali. Pour déloger les putschistes et remettre ATT en scelle ? Ou pour repousser les attaques rebelles et combattre finalement les factions armées qui ont fait basse sur le nord du Mali (depuis quelques années en fait) ?
Si c’est pour le premier objectif, personne ne demande le retour d’ATT, pas même le président lui-même qui, dans un ultime moment de refus de faire face, accepte de s’effacer pour permettre au Mali d’évoluer sans lui. La junte déclare revenir à l’ordre constitutionnel dans l’immédiat. Cela pourra prendre la forme de la mise en place d’un gouvernement de large consensus dirigé par le Président de l’Assemblée et ayant pour mission d’organiser les élections au plus vite. Pas besoin d’une force militaire pour lancer ce processus.
Si c’est pour aider l’Armée malienne à repousser l’avancée des rebelles et autres factions armées islamistes, ça c’est une autre histoire. Pour laquelle la CEDEAO n’est pas outillée, ni militairement, ni financièrement encore moins psychologiquement.
Dans les deux cas, les élans guerriers de Ouattara et de Compaoré vont faire du Mali un champ de batailles dont la multiplicité des protagonistes instaurera un chao. Ce sera, au mieux une Libye, au pire une Somalie.
Une Libye dans la mesure où cela favorisera les factions armées qui déclareront leur autonomie chacun de son côté et où le pouvoir central ne pourra exercer aucune autorité. Une Somalie si l’on prend en compte les forces africaines considérées comme forces d’occupation et excitant encore plus les Shebab, redoutables combattants qui sèment chao et désolation.
La solution reste celle du dialogue. Un package qui peut être l’objet d’une conférence internationale, pas seulement de la CEDEAO, et qui aura pour objectifs : le rétablissement de la démocratie et en même temps le règlement des conflits du nord, en préservant l’intégrité du Mali. Aux diplomates de concevoir un processus pouvant mener le Mali sur cette voie. Et pour ce faire écarter immédiatement toutes les options «fortes».