lundi 30 septembre 2013

Ouverture du dialogue au rabais



Le même cadre que celui choisi pour la première version du dialogue, celle que la COD avait rejetée sous prétexte de «préalables nécessaires». C’est cette même COD qui, deux ans après, vient ici chercher quelques «ouvertures» à même de justifier aux yeux de ses militants le revirement ainsi opéré : de l’exigence du départ du régime et de sa démission à sa reconnaissance et à sa sollicitation. Oubliés les préalables qui avaient pourtant bloqué lors de la première version du dialogue.
Pour la COD, le même homme pour diriger les pourparlers, Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des forces du progrès (UFP) et qui avait, nous l’avons rappelé dans un précédent posting, dirigé l’équipe du FNDD à Dakar. La base du dialogue est visiblement le document publié au lendemain de l’annonce de la date des élections par la CENI. Document par lequel la COD demandait que l’organisation des élections soit confiée à un gouvernement autre que celui dirigé par Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf et sous une présidence autre que celle de Mohamed Ould Abdel Aziz. Elle exigeait aussi une CENI refondée sur une base partisane où elle aura sa part de représentants. Mais aussi une «neutralisation» des commandements militaires et sécuritaires.
Côté Majorité, on note aussi la présence de deux des acteurs de l’Accord de Dakar : Mohamed Yahya Ould Horma qui a dirigé Dakar II et Me Sidi Mohamed Ould Maham qui a participé aux deux phases de discussions. Le défi pour la délégation est de pouvoir tenir sans fléchir sur l’essentiel. Ne pas accepter de faire de la CENI une institution partisane pour les risques que cela comporte pour la démocratie dans un pays comme le nôtre. Ne pas accepter de reporter les élections parce que cela donnera un air de «pas sérieux» à tout ce qui est fait. Mais accepter tout ce qui peut parfaire les conditions permettant au scrutin de se dérouler avec l’assentiment de la majorité des acteurs.
Le processus électoral a été l’objet de plusieurs interruptions à cause des reports successifs. Les différents protagonistes l’ont finalement pris en otage, jouant faux tantôt, agissant mal tantôt. La mauvaise foi et l’incompétence. Conjugaison de facteurs hostiles à tout progrès. Cela n’a que trop duré. La question aujourd’hui n’est pas de savoir qui va user l’autre à force de trainer, mais pour combien de temps allons-nous encore supporter la perte de temps qu’on nous impose. Jusqu’à quand ces hommes politiques vont-ils se gausser de nous et de notre avenir ? Jusqu’à quand allons-nous accepter ?
Quant au dialogue, il s’agit bien d’un dialogue au rabais dont les résultats doivent être un reflet. Rien que cela.

dimanche 29 septembre 2013

Un dialogue «minoré»



Depuis quelques jours, «on» tente de relancer le dialogue entre la Majorité et l’Opposition radicale. Celle qui demandait jusqu’à récemment la démission du Président Ould Abdel Aziz et son départ pur et simple du pouvoir.
Chaque camp a désigné ses représentants et les pourparlers doivent commencer incessamment. Mais que peut-on attendre de ce face-à-face ?
Rien. C’est la première réponse qui vient à l’esprit quand on se remémore tout le temps perdu pour le pays et la démocratie.
En juillet 2010, le chef de file de l’opposition démocratique avait (enfin !) accepté de rencontrer le Président Ould Abdel Aziz dont il ne reconnaissait pas la légitimité. Les partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) avaient alors amorcé un mouvement de rapprochement avec le pouvoir, suivi de peu par les Islamistes de Tawaçoul qui allaient finalement rejoindre la Coordination. Seul le Président Messaoud Ould Boulkheir semblait hésitant, posant une condition : que le Président Ould Abdel Aziz exprime publiquement la demande de dialogue. Ce qui fut fait le 28 novembre 2010, à l’occasion du message à la Nation.
La COD engagea une réflexion interne sur une plate-forme commune qu’elle devait présenter lors de ce qui allait être les conciliabules pour un vrai dialogue. Survinrent les évènements de Tunisie et d’Egypte. La COD exigea alors le départ de Ould Abdel Aziz. Seuls les partis APP de Ould Boulkheir et El Wiam de Boydiel Ould Hoummoid (rejoint par Sawab de Abdessalam Ould Horma) continuèrent dans la logique du dialogue. La cérémonie d’ouverture de ce dialogue fut solennelle. Le Président de la République ouvrant lui-même le processus. Quelques semaines suffiront à faire le tour des questions, celles initialement fixées par le document de la COD que les «dialoguistes» se sont approprié. Une commission chargée du suivi des résultats de ce dialogue fut mise sur pieds. Elle réussit à faire passer toutes les réformes, y compris les plus complexes (réforme constitutionnelle, esclavage, augmentation de la représentation populaire…). Deux ans (ou presque) pour mettre sur pieds une CENI chargée de mener le processus électoral de bout en bout. C’est elle qui annonce la date des élections, qui reporte cette date après accord politique, qui engage le recensement à vocation électorale et qui doit superviser le scrutin.
Alors qu’elle voyait les portes se refermer devant elle, la COD a finalement accepté de renoncer à son exigence de départ pour accepter enfin de discuter avec la Majorité des conditions qui lui permettront de participer. De quoi pourrait-il s’agir ?
L’avance faite par le Président de la République à Néma comportait trois axes principaux : report de la date, ouverture de la CENI et création d’un Observatoire des élections. En plus, s’il y a lieu, d’un audit du fichier électoral.
Le report a été fait : du 12 octobre au 23 novembre. L’ouverture de la CENI aux représentants de la COD serait dangereuse dans la mesure où, dans sa composition actuelle, elle est – heureusement – apolitique. Une CENI partisane comporte de grands risques pour le déroulement des élections et pour leurs conclusions. D’autant plus que si la COD a la possibilité de nommer des partisans parmi les Sages, il faut donner la même chance à la Majorité et à la Coalition pour une Alternance Pacifique (les partis du dialogue). En effet aucun des membres actuels de l’organe dirigeant de la CENI, et surtout pas son président, ne peut être accusé d’appartenir à tel ou tel parti. Comment accepter alors une recomposition de la CENI ?
Reste l’Observatoire. L’idée peut être très bonne, mais quelles peuvent être les prérogatives d’une telle institution ? Comment faire pour ne pas être en face d’un doublon par rapport à la CENI ? Comment empêcher les redondances ?
Alors ? La composition de la délégation de la COD renseigne amplement sur ses intentions. On perdra du temps à expliquer à certains des membres de la délégation de quoi il s’agit, alors que d’autres se moqueront bien du temps que cela prendra et de la tournure que cela prendra.
Le président Mohamed Ould Maouloud est certes bien outillé pour diriger des négociations du genre – c’est lui qui a dirigé, pour le compte du Front national de défense de la démocratie (FNDD), les négociations de Dakar -, mais il a en face de lui l’homme qui lui a arraché cette signature sans qu’il puisse compter sur des compagnons de même niveau que lui. Ne lui reste que l’art «d’allonger le processus». Peut-être que ses vis-à-vis se lasseront. Peut-être seulement, parce que ce qui est sûr, c’est que la date fatidique du 23 novembre se rapprochera inexorablement. La pression du «temps qui file» se fera sentir par tous. Avec une différence de taille : la Majorité connait déjà ses candidats et est presque prête, tout comme d’ailleurs l’Opposition de la CAP, alors que la COD attendra de prendre la décision de participer ou non. Quand ? tout dépend…

samedi 28 septembre 2013

Les créateurs persécutés



Il s’appelle «Hamzo» et il fait du rap. De temps en temps, il sort apparemment un clip. Plus ou moins réussi. Mais quelque soit le jugement qu’on peut porter ici ou là sur la qualité du clip – souvent bonne -, sur la voix, sur les mots, sur les thèmes…, une chose est sûre : il s’agit là d’une première manifestation de l’absence d’un cadre «officiel» à même de promouvoir les activités de la jeunesse mauritanienne. Rien n’est fait pour laisser éclore le génie de cette jeunesse qui se cherche dans un monde chancelant et indécis. Peu de place pour cette jeunesse assoiffée de modernité, assoiffée d’ailleurs, aspirant à autre chose qui libère de cette pesanteur qui nous pétrifie depuis tout ce temps…
Chaque fois que je vois des scènes du film Tergit, ces jeunes mauresques chantant et dansant, ce groupe de Kaédi présentant la chanson qui a remporté le prix du festival de la jeunesse de 1974, et cet orchestre national avec tous ses éléments : de Hadrami Ould Meydah, un véritable monument de l’art moderne mauritanien s’il en est, à «Petit Sall», le guitariste, à Ould Sa’oud, à Mohamed Neyfara…, chaque fois que je les vois, je me dis : «que de temps perdu, que de talents perdus, que de joies à jamais réprimées…» je me dis que le malheur du pays, c’est d’abord le recul de la joie, l’absence de la joie, la répression de la joie qu’on nous impose. Depuis des décennies, nous avons perdu le réflexe de nous amuser, de laisser parler notre émotion… alors que c’est l’émotion qui suscite la création. Qui provoque les évolutions qui annoncent les révolutions.
La mentalité qu’on nous impose, et qui n’a pas toujours été la nôtre, est celle qui fait régner une tristesse générale sur les esprits. Ce qui cause «la constipation» de la société. Au propre et au figuré.
Notre société a été incapable de digérer son devenir, comme elle n’a pas pu «avaler» son passé, elle s’est perdu entre deux états : celui d’une société en rupture avec ce qu’elle fut et sans vision pour ce qu’elle veut être.
Des jeunes tentent parfois d’innover, de bousculer les habitudes et de rompre le carcan qui les empêche de se mouvoir. Ils sont immédiatement la cible de quelques censeurs aigris et constipés. Et qui ne veulent pas du changement.
Seuls les rétrogrades savent que «chaque fois que les rythmes de la musique changent, les murs de la ville tremblent». Et quand les murs tremblent, ce sont tous les ordres qui s’effondrent.
Novateurs, créateurs libérez-vous et unissez vos efforts. Ne vous en faites surtout pas : il se trouvera toujours quelqu’un pour apprécier ce que vous faites et qui vous donnera raison de le faire. Continuez. Rien que pour ça.