jeudi 29 mars 2012

L’anonymat, ennemi des libertés


Quand un pouvoir persécute pour faire taire les voix discordantes, on peut comprendre que des groupes – politiques ou non -, que des individus – indépendants ou non – trouvent la parade dans la production de tracts, de graffitis et d’articles anonymes.
Quand un responsable ne pouvant assumer ses positions de peur de perdre son poste et/ou ses avantages autres, signe avec un pseudonyme, on peut accepter et même comprendre.
Dans notre pays, le délit de presse ne mène plus à la prison. La liberté d’expression est presque totale, si l’on met de côté les pressions tribales, régionalistes, ethniques et tout ce terrorisme intellectuel développé pour imposer un «politiquement correct» qui n’est pas forcément… correct. Alors pourquoi le développement de l’anonymat ?
Quand un ancien ministre du HCE, donc du Général Ould Abdel Aziz, démis par celui-ci en cours de route, un fils d’un ancien prédateur de la République, un dignitaire dont les trafics avaient mis à terre tout le système bancaire mauritanien, d’anciens hauts dignitaires de pouvoirs déchus ayant participé au sac systématique du pays, sac moral et matériel, d’anciens indics qui ont perdu leurs boulots après avoir mené de nombreux innocents dans les geôles de pouvoirs tortionnaires…  quand tous ceux-là écrivent sous des pseudos, je les comprends. La nature humaine finissant toujours par l’emporter, ils sont restés les lâches qu’ils étaient.
Au début de la multiplication de l’anonymat dans la presse – surtout électronique – était la recherche de la culture de la haine et l’excitation du sentiment antidémocratique.
Les insultes vulgaires, souvent gratuites, dont sont victimes des Mauritaniens sont destinées à entretenir chez ceux-ci un sentiment de frustration et à faire vivre en eux des relents violents. Quand on insulte votre mère, votre père, qu’on souille gratuitement votre honneur, qu’on fasse lire les propos à vos enfants qui viennent à vous éplorés, quand on étale vos insuffisances sexuelles, vos faiblesses matrimoniales, quand on dit de vous que vous êtes alcoolique insatiable, voleur sans vergogne, corrompu sans scrupule… et que celui qui dit ça de vous a préféré signer par un pseudonyme, quels ressentiments vont-ils vous animer, quelles inspirations vont-elles vous «travailler», et quels comportements auriez-vous envie d’avoir ? L’objectif ici est de développer cet état d’esprit. Et comme chaque Mauritanien a eu sa part, ce sont tous les citoyens de ce pays qui se retrouvent ainsi conditionnés. Pour haïr, sans savoir qui haïr exactement on en vient à haïr tout le monde. Les tensions sociales sont ici cultivées.
Le plus démocrate d’entre nous viendra certainement à ce moment où il se demandera à quoi sert la démocratie et la liberté d’expression si elle permet à n’importe qui de dire n’importe quoi de n’importe qui. Et à ce niveau, ils sont nombreux aujourd’hui ceux qui développent devant vous l’inutilité et même la dangerosité de l’exercice de la liberté d’expression.
Voilà à quoi sert l’anonymat. Voilà pourquoi il reste un ennemi de la démocratie.