jeudi 28 juin 2018

Elections 2018 : Le (nouveau) pari perdu du FNDU ?


Le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) vient d’annoncer qu’il ira aux élections en ordre rangé. Soit avec des listes communes, soit des alliances locales. A quelques semaines des scrutins prévus le 1er septembre prochain, le FNDU semble être arrivé à un accord.
"Nous avons décidé de présenter des listes communes pour faire barrage au régime et imposer son départ par les urnes", a déclaré Mohamed Ould Maouloud lors d’une conférence de presse qui actait cet accord.
"L'accord signé restera souple, pour tenir compte des réalités locales et des conditions qui imposeraient à chaque parti des choix autres", a-t-il ajouté, précisant que la coalition "reste ouverte à tout autre parti politique désirant l'intégrer".
Il a accusé le pouvoir de "chercher par tous les moyens, y compris par l'annonce subite du calendrier électoral très serré, de pousser l’Opposition au boycott". "Nous sommes déterminés à occuper le terrain et à imposer l'alternance démocratique", a-t-il prévenu. Comme s’il ne s’agissait pas du même Ould Maouloud qui avait, en 2013, opposé son veto à la participation de son parti, l’Union des forces du progrès (UFP) et au FNDU.
Dans le préambule de l’accord, on apprend que «les partis du FNDU signataires de cet accord, de concert avec les autres forces de l’opposition, s’engagent à poursuivre leur combat politique pour assurer des prérequis de transparence et d’apaisement du climat politique pour ces élections».
En fait de «prérequis» sont énumérés les fameux «préalables» que le même FNDU a toujours avancés pour conditionner ses participations aux dialogues passés (2012, 2013, 2014 et 2016). A savoir : «la mise en place d’une administration électorale fiable, consensuelle et réellement neutre», «la création d’un observatoire dont le seul rôle est de contrôler le bon respect par l’administration électorale des règles de neutralité et de transparence», «la mise sur pied d’un train de mesures susceptibles de garantir l’impartialité de l’Etat à tous les niveaux (administration territoriale, fonctionnaires, armée, etc.)», «la mise en place d’une observation internationale des élections pour en attester la transparence»…
Avant de menacer : «Dans le cas où les autorités continuent de refuser la mise en place d’un dispositif garantissant la transparence des élections, le FNDU, en rapport avec les autres forces de l’opposition, mettra tout en œuvre pour empêcher toute fraude par tous les moyens pacifiques ce qui conduira sans doute à une confrontation dont la responsabilité entière incombe au pouvoir».
L’accord a pour objectif de garantir à l’opposition d’avoir le plus grand nombre de députés et d’élus locaux et régionaux et d’assurer l’alternance en 2019. Il s’agit en fait d’une «Alliance pour une alternance démocratique» désignée sous l’appellation «Alliance FNDU» qui a pour missions de «faire aboutir la demande de changement démocratique», «d’assurer la plus forte présence de l’opposition» sur l’échiquier, «d’œuvrer pour la construction d’une société juste, égalitaire et pluraliste»…
L’Alliance nationale doit promouvoir la constitution de listes communes tout en prenant en compte «les spécificités des bases locales de chacun des partis de l’alliance». En d’autre termes, «chaque parti peut faire valoir sa volonté d’avoir sa propre liste seule, avec une partie de l’alliance ou avec d’autres forces locales  au niveau de certaines circonscriptions dans lesquelles il n’a pas été possible de partir tous ensemble».
Ce qui ouvre la porte à l’expression de toutes «les nuances». Pour un regroupement dont les constituants ne sont liés que par la volonté d’en découdre avec le pouvoir en place, le pari d’aller en rangs serrés dans des élections aux multiples enjeux, est un pari perdu d’avance. Ou presque.

Elections 2018 : On sait quand mais pas comment


Le gouvernement a décidé de convoquer le collège électoral pour les élections législatives, municipales et régionales 2018 pour le 1er septembre prochain, et en cas de deuxième tour le 15 de ce mois. Suivant la proposition faite par la Commission chargée du suivi de l’application des résultats du dernier dialogue.
Les candidatures pour les députés à l’Assemblée nationale devront être déposées auprès du représentant local de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) pendant la période allant de 18 juillet à minuit jusqu’au jeudi 02 août 2018 à minuit, alors que le dépôt de candidatures pour les conseillers régionaux et municipaux aura lieu à partir de mardi 03 juillet 2018 à minuit jusqu’au vendredi 13 juillet 2018 à minuit. La campagne électorale pour les 3 scrutins sera ouverte le vendredi 17 août 2018 à minuit pour être clôturée le jeudi 30 août à minuit, alors que la CENI se prononcera sur la validité des candidatures de députés au plus tard le mardi 07 août 2018 à minuit, et pour les listes de conseillers régionaux et municipaux au plus tard lundi 23 juillet 2018.
La Commission électorale indépendante (CENI) a lancé un recensement général qui pose de sérieuses difficultés. Il s’agit d’un Recensement à vocation électorale (RAVEL) qui doit lancer un fichier électoral nouveau. Ce n’est donc pas un renouvellement ni un complément, c’est une reprise de l’ensemble du fichier. Il ne suffit pas d’avoir été inscrit une fois sur la liste électorale pour voir son nom y apparaitre. Mais il faut s’inscrire comme si cela n’a jamais été fait.
Il faut aussi se déplacer vers le centre où l’on voudrait voter au cours des futures élections. D’habitude, ce sont les acteurs politiques qui prennent en charge le déplacement des populations sur le terrain. Ceux-ci sont encore «exténués», «vidés» par la campagne d’implantation du parti. Alors comment faire ? Faut-il compter sur l’engouement du public comme ce fut le cas pour la campagne d’implantation, ou trouver le moyen de passer outre la règle de la présence ? Un casse-tête que les politiques de la Majorité doivent résoudre au plus vite.
Il faut dire que plus les inscriptions sont faibles, plus cela profite aux oppositions qui se nourrissent du terreau des villes où il ne sera pas difficile de se déplacer. C’est en général l’intérieur qui profite au pouvoir et à ses satellites.
Rappeler ensuite que le RAVEL est prévu sur deux mois (juin-juillet). Le premier mois est presque passé sans que les opérations ne démarrent. Un mois sera-t-il suffisant ? Surtout que la CENI n’a pas encore recruté tout son personnel.
Comme si ces questions ne se posaient pas, l’Union pour la République a délégué des commissions chargées d’identifier les propositions de candidatures. Dans chaque Wilaya, trois cadres ont été choisis pour faire le tri. Ils ont ordre de rendre leurs rapports au plus tard le 30 juin.
Ces commissions sont en fait des démembrements de la Commission nationale créée il y a peu pour tamiser dans les propositions et éviter les guerres de factions qui s’annonçaient déjà au cours de l’implantation.
Parallèlement, l’UPR continue la mise en place de ses structures de base, l’occasion pour les clivages de s’exprimer ouvertement et partout. Nombre d’observateurs s’obstinent à répéter que le Congrès ordinaire attendu à la fin du processus ne pourra pas se tenir. Alors que les responsables du parti avancent déjà la date du 6 août 2018 pour la tenue du Congrès. Nous serons déjà à quelques jours seulement de la campagne électorale si la date de la première semaine de septembre est retenue.
Par ailleurs, seul le Rassemblement des forces démocratiques de Ahmed Ould Daddah, ne s’est pas encore prononcé sur sa participation aux élections. Même si Mohamed Ould Maouloud, président en exercice du FNDU, avait déclaré que l’ensemble du regroupement dit G8, «y compris le RFD» a décidé de participer. Le parti de Ould Daddah a rectifié le tir en rappelant que rien en fait n’a été décidé. Le Bureau politique, instance dirigeante, continuant ses discussions internes.
Ceci dit, le choix du boycott serait suicidaire pour un parti qui risque la dissolution en cas d’absence. Alors que tout le donne comme grand gagnant de la course prochaine. En effet, il est presque certain que la liste nationale du RFD sera dirigée par son Président Ahmed Ould Daddah. Ce qui déclenchera une dynamique qui peut en faire le premier parti de Mauritanie sur le plan du score national. Cette dynamique peut irradier sur l’ensemble des résultats et profiter aux candidats du parti partout dans le pays.
Sur les 155 députés de l’Assemblée, 88 seront élus à la proportionnelle. Ce qui profitera aussi aux partis d’opposition, y compris les plus petits. La présence des chefs de partis actuels donnera du crédit et une certaine légitimité à la future configuration, faisant oublier l’absence de certains au dialogue.
Jeudi prochain, le conseil des ministres lancera probablement la convocation du collège électoral. Ce sera le point de départ d’une course qui ne doit se terminer que l’année prochaine. Avec l’élection présidentielle.

UFP : La fin d’une époque ?


La rupture est-elle consommée entre le président de l’Union des forces de progrès (UFP) Mohamed Ould Maouloud et certains de ses compagnons et camarades de lutte dont l’emblématique Moustapha Ould Bedredine, jusque-là Secrétaire général du parti.
Surnommé «le Timonier» par ses pairs de la lutte au sein du Mouvement national démocratique (MND), Ould Bedredine est vraiment l’icône de ce pan de l’histoire politique mauritanienne. Son passage dans la législature de 2006 à 2013, l’a confirmé dans le rôle de l’opposant institutionnel, du porte-parole de cette gauche qui a fini par prendre la forme d’une secte. Tellement la formation qui l’incarne était élitiste.
Il n’est pas le seul à se retirer, parce que Kadiata Malick Diallo s’en est elle aussi allée au cours de cette fameuse réunion du Bureau exécutif de l’UFP qui a vu éclater au grand jour un différent qui couve en fait depuis 2013. Avec eux, Ahmed Ould Houbab et bien d’autres «camarades» qui n’ont jamais manqué à l’appel de la direction historique du mouvement d’inspiration gauchiste…

Une cause directe…

En 2013, contrairement à la volonté exprimée par une bonne partie de l’équipe, Mohamed Ould Maouloud avait choisi l’option du boycott des élections en préparation. On avait alors parlé de la trop grande influence de son cousin Mohamed Ould Khlil, nationaliste arabe à l’origine qui avait fait sa conversion seulement depuis quelques mois.
Le boycott n’est pas un choix «naturel» dans le mental ou comme dirait quelqu’un «il n’est pas inscrit dans l’ADN du MND». Au contraire, toute ouverture est pour ce groupe une opportunité qu’il ne faut pas rater pour peser sur le cours des événements. Mais cette considération n’est pas la seule à prendre en compte. Il y a aussi le fait qu’avec le boycott, on privait certains caciques du parti à continuer à occuper la scène publique et à l’utiliser comme terrain de faire-valoir.
L’attitude du président Ould Maouloud a tout de suite été sentie comme une trahison de sa part. Trahison au profit de Mohamed Ould Khlil qui défendait avec acharnement cette option. Et de rappeler à l’occasion, que quand le président Ould Maouloud a eu à proposer un ministre au gouvernement d’union nationale en 2009, il n’a pas hésité à donner le nom de Ould Khlil, fraichement rallié au parti et symbole d’un militantisme chauvin tant décrié par le MND. Ould Khlil n’avait d’autre mérite aux yeux de beaucoup, que d’être le cousin du président de l’UFP et sa nomination n’avait d’autre justificatif que répondre à l’exigence d’équilibres entre factions politiques tribales et familiales au Tagant, la région d’origine des deux hommes.
La crise actuelle a pour cause directe, la «rébellion» publique de quelques jeunes contre les propos tenus par le président Mohamed Ould Maouloud dans un forum sur les réseaux sociaux, propos remettant en cause le caractère laïc des fondamentaux du parti. Un groupe de jeunes avait alors publié une déclaration dans laquelle ils essayaient de remettre l’horloge à l’heure. Mohamed Ould Maouloud a mal pris cette sortie qu’il a jugée comme une rébellion. Il a alors entrepris de faire prendre au parti des sanctions contre le groupe. Ce auquel, les «vieux camarades» se sont opposés.
Mais en réalité, cette crise ne serait que le résultat d’un vieux contentieux jamais réglé. S’agit-il d’une rupture définitive ? Peut-être surtout qu’on parle de la possibilité pour Bedredine et ses compagnons de créer un parti pour se lancer dans la course électorale.

…et des causes profondes à la rupture

En attendant, cette rupture impose de revenir à trois moments de l’histoire récente du parti pour comprendre l’enracinement de la mésentente entre les deux factions du parti.
En mars 2007, arrivent en tête des candidats à la présidentielle, deux hommes qui se trouvent être les deux plus jeunes ministres du gouvernement civil renversé le 10 juillet 1978 : Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah. Tous les deux vont à un second tour où tout peut arriver. C’est l’occasion pour les candidats malheureux au premier tour mais aussi pour les formations politiques de prendre position. Légitimant ici une candidature, comme ce fut le cas quand Messaoud Ould Boulkheir a rallié Ould Cheikh Abdallahi, apportant là un réel plus comme ce fut le cas de Zeine Ould Zeidane quand il a soutenu le même Ould Cheikh Abdallahi.
A l’Union des forces du progrès (UFP), un drame cornélien prenait forme. D’une part, ceux qui estimaient qu’il fallait discuter avec les deux candidats «pour avoir les garanties nécessaires autour d’un accord électoral possible». Pour les tenants de cette thèse, «les deux hommes se valent en tous points : tous les deux sont une survivance du Parti du peuple mauritanien (PPM de feu Moktar Ould Daddah), tous les deux sont issus de l’aristocratie maraboutique conservatrice, tous les deux n’ont aucun passé militant précédant l’ouverture démocratique…»
Ils vont même jusqu’à avancer que s’il y a lieu d’évaluer les deux hommes, il fallait rappeler que «l’expérience de lutte avec Ahmed Ould Daddah n’avait pas été concluante parce qu’elle a finalement obligé le mouvement à s’en aller pour créer l’UFP» après l’interdiction de l’UFD, parti faisant l’objet d’une guerre d’appropriation entre le MND et les partisans de Ould Daddah. Toujours selon eux, «cette expérience doit exclure le soutien du candidat Ahmed Ould Daddah».
Ce n’est pas ce que pensait le président Mohamed Ould Maouloud, candidat ayant obtenu 4,08% des suffrages. Pour lui, le changement ne peut être envisagé qu’avec la victoire de Ould Daddah. Parce qu’il est celui qui incarne l’opposition démocratique au système de Ould Taya, le président renversé le 3 août 2005 après 21 ans d’exercice malheureux.
Ce à quoi ont rétorqué les autres : «Ould Taya est parti et aujourd’hui, c’est une autre configuration qui nait et nous devons y trouver une place en nous alliant le candidat qui nous offre le plus de garanties pour un accord».
Discuter avec le candidat Ould Cheikh Abdallahi, c’était d’abord le faire avec les militaires qui le soutenaient et qui ont fini par en faire leur candidat. Mohamed Ould Maouloud n’en voulait pas. Malgré sa mise en minorité, il menaça de démissionner si les instances du parti votaient contre son choix. Le cœur devait l’emporter mais en laissant une première friction.
Le parti réussit à dépasser la secousse. Surtout que très tôt, Mohamed Ould Maouloud reprend le «droit chemin». Il réussit à réaménager la loi sur le Statut de l’Opposition démocratique pour arracher à Ahmed Ould Daddah ce titre de Chef de file de l’Opposition, ensuite en réalisant un accord avec le gouvernement de Ould Cheikh Abdallahi dirigé par Yahya Ould Ahmed Waqf. L’UFP obtient deux postes ministériels. Une trêve qui ne dure pas, les hostilités des clans du pouvoir aboutissant à la crise de 2008 et au coup d’Etat du 6 août.
Au retour du dialogue de Dakar pendant lequel il a dirigé la délégation du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), Mohamed Ould Maouloud est sommé par les caciques de son parti de faire un choix autre que celui d’un candidat unique de l’Opposition. Arguant l’impossibilité de ranger Ould Daddah derrière Messaoud Ould Boulkheir (ou l’inverse) et/ou de trouver une personnalité consensuelle digne d’incarner le programme et la littérature du parti.
Pour les caciques, il fallait discuter avec tous les candidats en sachant que Mohamed Ould Abdel Aziz a pris une longueur d’avance considérable et qu’il s’est approprié le discours de l’opposition en stigmatisant les «gabégistes d’hier» et en prenant en charge certaines préoccupations des pauvres. C’est vers lui qu’on doit pousser une éventuelle alliance.
Veto de Mohamed Ould Maouloud pour lequel il faut tout simplement soutenir Ould Boulkheir candidat du FNDD. En tout cas pas question pour lui de discuter avec Ould Abdel Aziz. Deuxième moment de déchirure.

Le ras-le-bol

En 2013, alors que la majorité de son bureau exécutif, instance dirigeante, votait pour une participation aux élections législatives et municipales de novembre, Mohamed Ould Maouloud annonce le boycott. Il menace encore une fois de démissionner si on essaye de lui forcer la main. Là encore, les sentiments l’emportent. Le cœur a ses raisons que la Raison ignore… Mais tout cela laisse des traces.
Dans l’immédiat, c’est le départ d’un bon nombre de militants, cadres et dirigeants soit pour regagner directement le parti au pouvoir comme ce fut le cas de Ba Adama (maire de Boghé), de Cheykhata plus tard…, soit pour se mettre en marge de l’action politique comme pour Sy Asmiou, Aïnina…
Aujourd’hui la fronde est dirigée par Moustapha Ould Bedredine, Kadiata Malick Diallo, Ahmed Ould Houbab… les figures de l’UFP qui ont occupé la scène publique et politique ces dernières années. Mais aussi, les figures emblématiques du MND… un mouvement qui n’a jamais connu de déchirures aussi fortes. On peut envisager qu’il s’agit là de la fin d’une époque dans l’histoire politique récente du pays. A un moment crucial pour le pays.