dimanche 13 mai 2018

Elections 2018 : Le FNDU s’engage


Une décision attendue… annoncée à l’avance… celle de la participation du Forum national pour la démocratie et l’unité aux élections futures. Il y a quelques semaines effectivement, les grands partis membres de ce regroupement dit de «l’opposition radicale», avaient annoncé leur décision de participer aux échéances prochaines. Ce qu’on ne savait pas au moment de l’annonce, c’est que le Forum était en pleine discussion avec les partis de la Majorité présidentielle. Des négociations qui n’ont pas abouti à la signature de l’accord qui avait pourtant été rédigé.

Le secret éventré

Le premier à donner sa version des faits et à annoncer la fin des négociations fut Me Sidi Mohamed Ould Maham, président de l’Union pour la République (UPR), le parti présidentiel. Lundi dernier (16/4), Me Ould Maham déclarait à l’AFP la fin d’un «accord politique que nous devions signer jeudi dernier (12/4, ndlr), mais entretemps, l’autre partie a fuité une mouture proche de l’accord mais qui en dénature la forme et le fond».
Dans la même dépêche de l’AFP, Mohamed Ould Maouloud, président en exercice du Forum annonçait que l’UPR «nous a officiellement signifié la fin de ce dialogue secret».
S’en suivront quelques joutes, les uns réfutant ce que les autres affirmaient. Chacun tentant de donner une version qui le sert sur le déroulement des négociations et sur leur objet. Si Me Ould Maham a tout de suite occupé la scène médiatique, ses protagonistes ont préféré s’expliquer devant les bloggers et les groupes de l’application WhatsApp, un support informel qui leur portera quelque peu préjudice dans la mesure où cela a été perçu comme un refus de faire face aux questions des journalistes.
L‘un des points de convergence dans l’accord était la nécessité de permettre l’implication du Forum dans la confection de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI). Sitôt la fin des négociations annoncées, celle-ci a été créée. C’est cet élément qui aiguisait la curiosité sur la suite que donnera le Forum aux derniers développements.

Participation quand même

«Nous avons décidé de participer à ces élections (Législatives, municipales et locales de 2018, ndlr) car nous n’acceptons pas de rester en marge du processus devant conduire à une alternance politique dans le pays en dépit de la gestion unilatérale de ce processus par le pouvoir». L’annonce est faite par Mohamed Ould Maouloud lors d’un point de presse tenu ce samedi en présence des autres membres du Forum national pour la démocratie et l’unité.
Tout en accusant le pouvoir actuel de «pousser le pays vers une élection conflictuelle», Ould Maouloud dénonce la désignation de la CENI qualifiée par lui «d’illégale». Et promettant de «faire appel devant la justice contre sa constitution qui exclut un pan important de l’opposition en violation de la loi la créant».
C’est sans grand cérémonial donc que le FNDU accepte de reprendre le chemin des urnes. Non sans s’être tiré plusieurs balles dans les pieds.
Par l’entêtement dans le refus de participer aux dialogues déclarés (2012, 2013, 2014 et 2016), le FNDU donne la preuve de son manque de discernement quand il a été incapable d’anticiper l’échéance fatale qu’il prend aujourd’hui comme prétexte pour accepter tout ce qu’il a refusé : l’alternance de 2019.
Avec ces histoires de dialogues «secrets», le Forum et ses composantes politiques, discréditent leur action et jettent le doute sur leurs objectifs réels.
Engager des négociations secrètes en vue de faire avancer la démocratie, de corriger les erreurs, de rattraper le temps perdu et donc de servir un intérêt général, n’a rien de reprochable. Au contraire, c’est ce qui est attendu d’un acteur politique : le sacrifice de soi, de son amour-propre, pour servir le pays et la démocratie. Ce n’est pas la révélation par la presse du projet d’accord qui le torpille. Ce sont les méthodes et le sentiment d’avoir trahi les siens qui créent ici problème. Le sentiment de culpabilité et «la honte» qui l’a accompagné à la révélation de ces négociations découlent effectivement d’un désarroi.

Après avoir tout refusé

En 2011, les mêmes acteurs étaient regroupés au sein de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) qui avait alors engagé un dialogue ouvert avec le pouvoir. Ce fut le meilleur moment parce que la conjoncture s’y prêtait et que les acteurs étaient disponibles à l’engager eux-mêmes.
La Mauritanie venait d’engager sa bataille pour sécuriser ses frontières et stabiliser la vie quotidienne : les premières frappes contre AQMI se déroulaient au Mali et à la frontière mauritanienne. La nécessité de consolider le front intérieur était évidente et ressentie par tous.
Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz avait fini par rencontrer l’ensemble des acteurs politiques. Il avait même accepté de faire un appel solennel au dialogue comme l’avait exigé une partie de l’opposition (28/11/2010).
Les échanges de notes entre le pouvoir et les envoyés de la COD avaient eu lieu. Cette dernière devait présenter son cahier de doléances pour permettre au pouvoir d’y répondre. Lequel avait dit d’avance que, mis à part l’exigence d’un gouvernement d’union, tout le reste était possible…
Le 17 décembre 2010, un jeune tunisien s’immole pour protester contre les mauvais traitements de la police. C’est le point de départ d’une explosion sociale qui mène à la révolution du Jasmin et au départ forcé du dictateur Zein El Abidine Ben Ali. Dans le monde arabe, c’est l’effervescence qui allume des foyers un peu partout. L’Egypte ne tarde pas à tomber dans l’escarcelle des «révolutionnaires». Puis le Yémen, la Syrie, la Libye s’enflamment…
En Mauritanie, des pans de l’opposition croient que le temps de balayer le pouvoir en place est arrivé. C’est le «dégagisme» qui l’emporte. Fin du processus de dialogue pour bon nombre des formations politiques.
Seules l’Alliance populaire et progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir et le Wiam de Boydiel Ould Hoummoid – pour ne citer que les plus importants -, continuent à discuter. Ils obtiennent des avancées significatives aussi bien sur le plan des outils électoraux que sur le plan de l’implication de l’opposition dans le jeu politique.
Malgré toutes les tentatives et tous les appels au dialogue, rien n’y fait : le FNDU, constitué entretemps sur les cendres de la COD, refuse toute participation aux élections. Si bien qu’en 2013, à la veille des élections municipales et Législatives, il continue de s’obstiner manquant de peu la déchirure.
Les Islamistes de Tawassoul acceptent de participer tandis que l’UFP refuse contre toute attente. Mais le Forum qui regroupe les syndicats et les personnalités indépendantes en plus des partis, traverse la crise. Il s’acclimate avec une situation où il prône le boycott quand il s’agit d’une prise de position générale, et où l’une de ses composantes est présente sur la scène institutionnelle : avec 16 députés à l’Assemblée nationale, Tawassoul dirige le bureau de l’Institution de l’Opposition démocratique.

Mobilisation impossible

En 2016, le FNDU essaye de rassembler autour la question du troisième mandat. Mais la mobilisation est en-deçà des attentes et l’action fait pschitt quand le Président annonce lui-même qu’il n’a jamais eu l’intention de changer la Constitution en vue de se frayer le chemin pour un mandat supplémentaire.
La leçon n’est pas retenue parce que le Forum refuse de participer au dialogue ouvert en septembre de la même année. La logique de l’absence continue de l’emporter jusque cette fameuse interview accordée par le Président Ould Abdel Aziz à Jeune Afrique. Rien de nouveau pourtant dans son annonce qu’il ne briguera pas un troisième mandat.
Mais c’est surtout la volonté d’assainir et de relancer l’Union pour la République qui pèse dans le positionnement du FNDU. Le nouvel engagement du Président crée une énergie nouvelle et l’implantation entamée annonce un renforcement du parti au pouvoir.
Le FNDU accepte enfin de tirer les leçons de ses boycotts successifs. Mais avec maladresses. Si bien que la décision de participer, normale du reste, parait aujourd’hui comme un acte d’abdication qui aura ses conséquences sur la perception publique de l’action politique en général et des positionnements du FNDU en particulier. Ce qui pèsera certainement sur ses résultats lors des élections de septembre-octobre 2018. Si jamais il survit aux secousses qui l’ont affecté.

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