vendredi 1 mars 2013

Peur sur la ville


L’Imam de la mosquée de notre quartier a dédié son prêche aux problèmes de sécurité qui inquiètent les Nouakchottois aujourd’hui. Il a expliqué que tout relève de la responsabilité des parents qui laissent leurs enfants se nourrir d’une culture entretenue «par les feuilletons étrangers». Prétexte de faire un sermon sur la nécessité d’un retour au système «originel» - au sens salafiste – de l’éducation et de l’apprentissage. Comme quoi…
Les évènements des dernières semaines inquiètent effectivement, mais doivent surtout interpeller et pas seulement les forces de l’ordre, mais l’ensemble de la société bien-pensante du pays.
Pour la plupart – au moins trois sur quatre – des crimes commis l’ont été par des jeunes de quartiers sur un cousin ici, un compagnon là. Le bourreau présumé et la victime se connaissaient et évoluaient dans le même cercle. Ce pour lequel ils se battaient est infiniment «petit» par rapport au résultat qui est mort d’homme.
Ce qu’il faut mettre en cause ici, c’est d’abord le «cumul de violence» qui fait que l’un des protagonistes peut perdre la raison et poignarder son proche. De quoi est née cette sourde violence ? Il y a l’environnement immédiat, la famille où tous les rapports sont régis par la violence. Des mots, des gestes souvent. Les couples mauritaniens fondés le plus souvent sur des bases aléatoires – parenté, intérêt, rarement convenance et amour – sont appelés à entretenir une ambiance nocive en leur sein.
Il y a quarante ans, des campagnes de modernisation de la vie des couples – de leur formation à leur pérennisation – faisaient la une des salons des villes et des campagnes. Mouvements politiques, structures étatiques, médias publics, Erudits, écoles, artistes chantaient les amours qui se concluaient par la formation d’un couple heureux, militaient pour l’élaboration d’un code de la famille, une sorte de statut général de la personne garantissant à la femme des droits qu’on croyait définitivement acquis. Parmi ces droits, celui de choisir son mari, de pouvoir le dénoncer s’il viole les préceptes reconnus, le mariage devenant un contrat. Il y a aussi l’âge de mariage, la responsabilité des parents…
Nous avons été rattrapés par la ruralité depuis. Les parents ont recommencé à marier leurs filles à 9 ans souvent par arrangement. Les traumatismes au sein des couples sont de plus en plus intenses et dévastateurs. C’est justement ce que le suicide de cette fille du territoire, quelque part dans la région de R’Kiz, vient nous rappeler. Ce suicide est une interpellation pour les consciences modernistes de ce pays. Ce doit être un électrochoc pour réveiller les consciences et les amener à dépoussiérer le Code de la famille et à le faire revisiter par les autorités et les leaders d’opinion. Dans la foulée, parler des fractures qui sont en chacun de nous et de celles qui nous divisent, en tant que communautés, en tant que familles. Le Mal est là. Pour le traiter c’est ici qu’il faut agir. Pas seulement en contribuant à électrifier une atmosphère déjà (trop) lourde.