lundi 2 janvier 2012

La tribu dans tous ses états


Ce que vous allez lire ici n’a été révélé nulle part ailleurs. Comme si la complicité entre «bienpensants», entre «bien-nés» était plus forte que jamais. Quoi que ça coûte, je vais vous raconter l’histoire de ce show de la ville-mère Shinguiti…
Au début était le lancement du festival des villes anciennes, en février 2011 à Shinguiti, la ville qui a fini par donner son nom à l’espace mauritanien. La commission préparatoire du festival, composée en tenant compte des clivages tribaux (deux Idawali, deux Laghlal, un Awlad Ghaylane), et dirigée par un érudit de renommée internationale, Mohamd El Mokhtar Ould Bah, celui dont l’aura a dépassé les frontières de l’espace Bidhâne, cette commission avait décidé d’inscrire son action dans la durée en mettant en place une structure permanente pour le développement de la ville et la préservation de son patrimoine. On a opté pour une fondation.
Il y a quelques semaines – moins de trois mois – le député de la ville, El Arby Ould Jedeine, ancien militaire, chef d’Etat Major au moment du coup d’Etat contre Ould Taya, et actuel premier vice-président de l’Assemblée nationale, cet homme convoquait une réunion chez lui. Des cadres de la ville, disons des dignitaires de la ville. Il leur apprenait qu’il avait fait les démarches nécessaires pour avoir un récépissé d’association pour la fondation et qu’il avait décidé d’organiser un lancement officiel les 30 et 31 décembre 2011. Il était naturellement le mandataire, donc le responsable de la fondation, et parmi les membres déclarés de l’association la majorité appartenait à son ensemble tribal, Idawali. Poussant quand même l’exclusion jusqu’à n’intégrer que ceux de son camp politique (et clanique).
La contestation fut immédiate. Les Laghlal et la partie Idawali exclue reprochèrent à l’homme sa démarche. A un moment pourtant, on crut qu’on pouvait aboutir à un accord suite au choix qui s’est porté sur Mohamd El Mokhtar Ould Bah qui est resté quand même un homme de consensus, étant lui-même étranger aux déchirements de la ville et n’ayant jamais été versé dans les querelles de ce monde. Sa stature scientifique lui permettait de faire quelque rapprochement entre les protagonistes. Mais Ould Jideine refusa de reculer les dates de la manifestation ou d’ouvrir le bureau pour tenir compte des clivages et dosages tribaux et claniques. Dernier argument développé par les tenants du report : ce serait dommage que la manifestation de la ville sainte coïncide avec des fêtes éminemment chrétiennes (allusion à la Saint-Sylvestre du 31), d’où la nécessité de changer les dates. Rien n’y fait : El Arby Ould Jideine fera sa fête qui servira comme assemblée générale de la fondation, en même temps comme point de lancement de ses activités. D’où le boycott de la manifestation par la tribu Laghlal, en grande partie et le clan Idawali non affilié à Ould Jideine. La sagesse de Ould Bah lui imposera quand même de reculer l’assemblée générale en attendant de trouver un terrain d’entente. Et c’est ainsi que la fête ne fut pas totale pour les Shiguittiens (ou shenaaqita).
On en est là en Mauritanie. Après 51 ans d’indépendance et de construction d’un Etat moderne… à qui la faute ?