jeudi 9 juin 2011

Emotion tardive

Je suis surpris cette semaine de voir tant de salive, tant d’encre couler pour l’affaire de la convention avec les Chinois. Une convention dont la presse avait parlé au moment où elle a été signée. C’est d’ailleurs pourquoi l’on a été obligé – côté gouvernemental – de la passer devant le Parlement. Une preuve de plus que nos acteurs sont toujours en train de courir après les événements. Surtout que les habitants de Nouadhibou ont déjà vu la partie chinoise à l’œuvre. A toutes fins utiles, voilà, en relecture, les conclusions de l’enquête parue dans notre N°530 du 25 décembre 2010 :

«Brader, encore brader

Connaissez-vous la société «Poly-Hondone Pelagic fishery C°» ? Certainement non. Faites comme nous, allez sur un moteur de recherches. Vous aurez 87 réponses qui se rapportent toutes à son implantation en Mauritanie. Rien avant. Comme s’il s’agissait d’une génération spontanée. Cela rappelle les cas nombreux dont le plus connu est celui de Sterling – petite société basée à Londres avec moins d’un million dollars de chiffre d’affaires et qui a eu le marché de la commercialisation du pétrole mauritanien en 2004 moyennant le versement de 130 millions dollars (alors qu’elle engrangeait pour 1 milliard).
La Poly-Holondone est cette société dont les activités ont été officiellement lancées à l’occasion des festivités commémorant le cinquantenaire de l’indépendance à Nouadhibou. La convention qui la lie à la Mauritanie a été signée le 7 juin 2010. Par cette convention d’une durée exceptionnelle de 25 ans, la société s’engage à financer à hauteur de 100 millions dollars (toujours) à : aménager le terrain attribué pour la construction d’un ponton d’accostage et d’un quai de débarquement des bateaux qui vont approvisionner l’usine de transformation des produits de mer ; construire cette usine qui sera composée de deux unités de traitement des produits, d’une fabrique de glace (100t/jour), d’un entrepôt frigorifique (6000 t), d’une unité de fabrication de farine et d’un laboratoire de contrôle ; construire un chantier de construction d’embarcations de pêche artisanale et d’un centre de formation et de recyclage.
En contrepartie, la Mauritanie s’engage à n’appliquer que la législation en vigueur au moment de la signature de la Convention. Si demain, notre Parlement changeait une loi dans le domaine d’activité, cela ne s’appliquerait pas à la société chinoise.
«Il ne sera appliqué à l’investisseur pendant la durée de la présente Convention, aucune mesure restrictive limitant, de quelque manière que ce soit, les conditions que lui accorde la législation en vigueur lors de la signature de la présente Convention qui l’autorise ce qui suit : - Liberté de choix des fournisseurs ; - la liberté d’importer des matériels, équipements de production, matière d’emballage, assaisonnement, pièces de rechange et autres produits, voitures, pièces détachées, et matières consommables quelle qu’en soit la nature et la provenance ; - la liberté d’exporter toute sa production suivant les circuits dont il a le choix ; - la liberté de fixer ses prix et de conduire sa politique commerciale». Article 8 de la Convention.
Oubliées les politiques visant à redynamiser la Société de commercialisation du poisson (SMCP). Défiées les lois et règlements applicables en matière d’exportation des produits de mer, en matière d’importation de produits, en matière d’environnement, en matière des relations commerciales et politiques de la Mauritanie. L’investisseur peut importer un produit dangereux («quelle qu’en soit la nature…») venant d’Israël («…et la provenance»). Bonjour les dégâts ! Mais ce n’est pas fini.
Article 9 : «L’Etat autorise l’investisseur à ouvrir un compte en devises convertibles auprès d’une banque de premier ordre de son choix et d’y loger 70% des recettes d’exportations qu’il pourra réaliser, les disponibilités de ce compte sont librement transférables». Qui dit mieux ? Mais où est la Banque Centrale de Mauritanie dans tout ça et que dit-elle dans ce cas ?
2463 emplois permanents créés, on ne peut être plus précis. Dont 35% d’expatriés. Que dit la législation ? Qu’en pensent les syndicats nationaux ?
60.000 m2 «sur le bord de la mer dans la zone située entre la COMACOP et TOURS BLEUES» pour construire l’usine qui bénéficiera d’un régime de franchise et de quelques avantages supplémentaires : «a. pour les moyens de production : L’importation des matériaux de construction, de machines, outils et équipements et pièces de rechange ainsi que les engins et véhicules utilitaires en franchise de tous droits et taxes fiscaux ; Les extensions, modernisations et renouvellement bénéficient des mêmes exonérations. Les matériels ré-exportables introduits par des sociétés sous-traitantes, pour l’exécution de marchés de travaux réalisés pour le compte de l’investisseur, seront admis au régime de l’admission temporaire spéciale.
b. Pour l’exploitation : les matières premières, le diesel, les lubrifiants, les nourritures pour les employés expatriés et produits semi-finis nécessaires à la production ne donnent lieu à la perception d’aucun droit ou taxe à l’importation. (…)» Les avantages n’en finissent pas.
Exonération de l’IMF, 50% de la TPS, exemption TOTALE de patente ou tout autre impôt pouvant s’y substituer, des droits d’enregistrements, de timbre, de l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers…
Cela arrive au moment où la Mauritanie est en phase de préparation d’un nouveau Code d’investissement qui doit définir de nouvelles donnes pour tout investisseur. A un moment aussi où la Mauritanie souffle un peu après l’annulation d’une partie de sa dette extérieure très difficile à supporter ces dernières décennies. Les Conventions signées depuis 2008 avec les Chinois devraient avoir dépassé le milliard de dollars pour des réalisations qui ne coûteraient, en réalité, que dans l’ordre des 350 millions. A qui profite le crime ? That is the question. Comment dire ça en chinois ?»