jeudi 5 avril 2012

Touche pas à Israël


En Occident – du moins l’Occident officiel – la mort des enfants palestiniens n’émeut point. La punition collective de toute une population est passée sous silence. Les exactions et les viols que commet l’armée israélienne en Palestine passent inaperçus. Les assassinats ciblés n‘inquiètent pas et sont considérés comme des «frappes préventives salutaires contre les menées des terroristes».
Quand, au lendemain de la folie meurtrière de Mohamed Merrah, la responsable des affaires étrangères de l’Union Européenne, ose faire allusion à un parallèle qui pourrait être fait entre la mort d’enfants palestiniens sous les bombes israéliennes, et celle d’enfants juifs sous les balles d’un forcené musulman, elle est la cible de toutes les critiques.
Aujourd’hui c’est un poème du prix Nobel de Littérature allemand Günter Grass de subir l’ire du lobby sioniste international. L’écrivain de 84 ans, véritable icône de l’Allemagne moderne, autorité incontestée de la littérature universelle, a écrit un poème en prose intitulé «Ce qui doit être dit» dans un quotidien de Munich. Il y dénonce un «prétendu droit à attaquer le premier», faisant allusion à l'éventualité de frappes préventives israéliennes contre Téhéran, soupçonné de développer du nucléaire militaire malgré ses dénégations. Le Nobel de littérature 1999 affirme que ce projet pourrait mener à «l'éradication du peuple iranien».
Günter Grass évoque «cet autre pays, qui dispose depuis des années d'un arsenal nucléaire croissant - même s'il est maintenu secret», qui bénéficie de livraisons de sous-marins nucléaires qui pourraient rendre les Allemands, «déjà suffisamment accablés», complices d'un «crime prévisible». Allusion à la livraison par l’Allemagne à Israël de sous-marins conventionnels de type Dolphin, dont un sixième exemplaire doit être livré prochainement. Ces sous-marins peuvent être équipés d'armes nucléaires, selon les dépêches d’agences de presse.
L’écrivain dénonce un «silence généralisé» sur cette question, qu'il qualifie de «mensonge pesant» parce que «le verdict d'antisémitisme tombera automatiquement» sur qui le rompra.
«Pourquoi ne dis-je que maintenant (...) que la puissance atomique d'Israël menace la paix mondiale déjà fragile ?», s'interroge Grass. «Parce qu'il faut dire ce qui pourrait être trop tard demain.»
Ce sont là des vérités à ne pas dire.  «Ce qui doit être dit, c'est qu'il est de tradition européenne de blâmer les Juifs avant la Pâques juive», a objecté un diplomate israélien de l'ambassade d'Israël à Berlin, Emmanuel Nahshon, dans un communiqué, reprenant le titre du texte de Grass.
Le représentant israélien a regretté que l'Etat hébreu soit «le seul pays au monde remis en cause publiquement dans son droit d'exister», et a assuré que les Israéliens «voulaient vivre en paix avec leurs voisins de la région». D’autres intervenants ont qualifié le prix Nobel d’être «l'archétype de l'érudit antisémite», de l'Allemand qui, est «poursuivi par la honte et le remords». Même le ministère allemand a dû intervenir indiquant que «minorer les dangers du programme nucléaire iranien reviendrait à nier la gravité de la situation».
Israël est encore dans le registre des «Intouchables», ceux qui ne souffrent pas la critique et qui peuvent violer toutes les lois, tuer sans discernement, occuper les terres et y installer des colonies de peuplement étrangers, posséder et développer un programme nucléaire militaire dangereux, susciter l’instabilité dans toute une région… personne ne doit le dire. Même pas y faire allusion.