mardi 31 mars 2015

Les atouts du Maire de Zouérate

La lettre remise par les délégués des travailleurs grévistes au Maire de Zouérate, Cheikh Ould Baya peut bien constituer la base d’un règlement de la crise qui secoue la région depuis plus de deux mois. En effet, ce qui a été publié aujourd’hui, est une proposition faite par les travailleurs et qui doit être transmise à la direction de la SNIM en vue d’aboutir à un accord permettant le retour de tous les travailleurs à leurs postes. Il s’agit d’une sollicitation de la part des délégués qui vise à impliquer le Maire de la ville dans la recherche d’une solution.
Cheikh Ould Baya s’est tenu à l’écart de la crise face à laquelle pourtant il ne pouvait rester indifférent. Rien que parce que la ville vit de la SNIM et des entrées des travailleurs. Toute perturbation est préjudiciable au circuit économique du microcosme de Zouérate. D’autant plus que les travailleurs et leurs familles sont pour la plupart des soutiens du Maire. Il ne peut donc les laisser vivre une telle crise sans tenter quelque chose.
Il y eut une première tentative quand les délégués avaient demandé à rencontrer le Maire pour lui demander d’intercéder et pour lui faire entendre leurs doléances. L’interférence d’une délégation prétendument envoyé par la Présidence allait détourner l’attention pour une bonne semaine. Il fallut attendre la déclaration officielle du Président de la République indiquant qu’il n’avait jamais délégué personne pour reprendre le chemin normal de la solution de crise. Celui qui passe par le Maire de la ville.
Fin négociateur, Cheikh Ould Baya saura trouver les arguments auprès des uns et des autres pour rapprocher les points de vue. En gros, dans leur lettre, les délégués demandent un accord autour du retour sans condition au travail de tous les grévistes et donc l’abandon de toutes les mesures prises à leur encontre ; le paiement des deux mois passés et celui d’avril si la production dépasse le million de tonnes ; et enfin l’ouverture d’un dialogue entre l’entreprise et les travailleurs dans les quarante-heures qui suivent  la reprise de travail. C’est l’essentiel des termes d’accord proposés par les délégués. Ce ne sera pas facile de convaincre la direction de l’entreprise d’absoudre tous les auteurs d’agitation, mais Cheikh Ould Baya a la ressource pour ramener tout le monde vers un consensus. Seulement il doit faire face à l’éventualité d’interférences externes et de pressions médiatiques qui seront exercées sur les délégués pour les pousser à la rupture. Il s’agira pour lui d’éviter que le rôle de tels déterminants extérieurs ne soit décisif.
En attendant, le Maire de Zouérate a associé dans sa démarche l’ensemble de ce qu’il considère être «des partenaires» : tous les délégués régionaux des syndicats, mais aussi les représentants des partis politiques au niveau de Zouérate (APP, Tawassoul, AJD/MR, Wiam…). Ce qui lui donne une chance de plus d’être au moins dans la position du facilitateur intéressé seulement par la cohésion, l’harmonie et la normalisation de la vie dans sa commune. Il lui sera facile demain, si les délégués se radicalisent, de rendre compte du déroulement des négociations avec témoins à l’appui. Le hic étant les fuites organisées par voie de presse à partir de certaine pôles impliqués dans la négociation. Nous n’avons peut-être pas idée de ce que les fuites et les mauvaises (ou fausses) interprétations peuvent compromettre un processus de dialogue.
Prenons comme exemple le processus de dialogue qui s’ouvre formellement jeudi prochain (02/04), la feuille de route qui doit être remise par le FNDU à la Majorité, a déjà été publiée par la presse depuis des semaines. La primeur a été donnée au grand public avant même que le document ne soit remis à qui de droit. Les médias sont effectivement un outil, un élément et une arme qui peuvent être utilisés pour torpiller un processus donné. En déballant sur la place publique ce qui devait rester au niveau des négociateurs… responsables. A qui la faute ?

lundi 30 mars 2015

La quatrième guerre du Golfe

Si l’on compte la guerre Iran-Irak (1980-88) qui a fait entre 500.000 et 1.200.000 victimes, la guerre du Koweït (1990-91) qui a vu une coalition de 34 pays se liguer pour bouter les forces irakiennes hors du Koweït et la guerre contre l’Irak menée par les Etats-Unis et le Royaume Uni en avril 2003 et qui n’en finit pas de ne pas finir, on peut considérer que la guerre menée au Yémen par une coalition de pays arabes est la quatrième guerre du Golfe. Elle n’est en fait que le prolongement des guerres américaines, par pays arabes interposés.
Mais cette guerre risque de radicaliser les positionnements et les clivages dans la région. Elle sonne le glas des systèmes dirigeants jusqu’à présent les monarchies de cette région riche en ressources naturelles. Elle est déjà une matérialisation des clivages confessionnelles entre Sunnites et Chiites dans la région. Un affrontement voulu depuis longtemps par Israël et ses alliés américains. Mais au-delà des raisons invoquées ici et là, au-delà des analyses, il y a une situation contradictoire à relever immédiatement.
En Irak, les Américains apportent leur soutien militaire et politique aux forces régulières appuyées par les milices chiites contre l’Etat Islamique qui a fait main basse sur une grande partie du territoire irakien. Au Yémen, la coalition et ses alliés américains, combattent des milices, chiites pour l’essentiel, qui se battent contre les groupes sunnites jihadistes comme Al Qaeda et Da’esh. Comment expliquer cette contradiction ?
En fait dans le jeu des puissances régionales, chaque cas est considéré à part, quitte à l’intégrer plus tard dans une stratégie globale visant à affaiblir tel ou tel camp. Dans le cas du Yémen, l’Iran est le premier visé. Il s’agit d’affaiblir ce pays au moment où il entame le dernier round des négociations avec l’Occident à propos de ses projets nucléaires. Lui créer un foyer de tension au Yémen, c’est le divertir un peu afin de le déséquilibrer.
Si le dessein américain est réalisé, on peut entrevoir une nouvelle Fitna qui opposerait Chiites et Sunnites cette fois-ci dans une guerre qui sera longue et destructrice pour tous. Autour de l’Arabie Saoudite, se constitue déjà une coalition de pays sunnites et en face, il faut s’attendre à un front chiite dirigé nécessairement par l’Iran. Pour aboutir à une situation où le bourreau et la victime font la profession de foi qui fait de nous des Musulmans : laa ilaaha illa Allah, Muhammad rassoul Allah (il n’y a de Dieu qu’Allah, Mohammad est l’Envoyé d’Allah). Qui doit en supporter les conséquences ? qui en portera la responsabilité ?
Quelques jours de bombardements contre le Yémen, des dizaines de victimes civils, des destructions, des avions abattus… qui y gagne ? Pas les peuples dont les forces sont engagées en tout cas. Pas les Arabes, pas les Musulmans.
J’ai demandé à un faqih de chez nous, quelle position prendre face à cette guerre ? Il m’a dit que du temps des premières conquêtes musulmanes, un naçrani, voyant que l’un des compagnons avait déjà son épée dirigée vers sa tête, prononça la profession de foi des Musulmans : «laa ilaaha illa Allah, Muhammad rassoul Allah». Et le Prophète d’intimer l’ordre à son disciple de s’abstenir de faire du mal à cet homme qui vient de faire cette profession de foi. Le compagnon de protester : «Il le dit pour être épargné, ce n’est vrai en lui…» Le Prophète (PSL) de répliquer : «as-tu cherché dans son âme pour savoir s’il s’agit d’un acte sincère ?», d’expliquer ensuite combien la profession de foi protégeait son auteur, combien il était grave pour un Musulman de s’en prendre à un autre Musulman, combien il était dangereux pour le croyant de décider de tuer…
Le Faqih devait conclure, sans doute en interpellant le journaliste : «il faut s’abstenir de participer à l’assassinat d’un Musulman, même par un mot justificatif ou provocateur, sinon c’est le châtiment divin éternel qui vous poursuivra…»

Il est clair que le contrôle de Bab-al-Mandab est l’élément moteur de cette guerre, que le leadership dans la région en est l’enjeu principal, que le monde arabe en est la victime, qu’Israël en est le bénéficiaire… Alors ? 

dimanche 29 mars 2015

Où est passé le GGSR ?

Quand il a été créé, le Groupement général de sécurité routière (GGSR) a été dédié à la circulation routière, à sa sécurisation, empiétant ainsi sur le champ de la police nationale. La présence de ses agents a été, ces dernières années plutôt bien perçue par les usagers de la vois publique. Surtout que ces agents appliquaient plus ou moins rigoureusement la loi, tout le monde leur reconnaissant l’absence de corruption notamment. Même si on va noter quelques dérives chez les agents dont certains seront mêlés à des actes criminels. N’empêche, l’appréciation générale était plutôt bonne.
Depuis un certain temps, les agents du GGSR se contentent de rester aux abords des carrefours, intervenant rarement pour jouer aux doublons avec les feux : quand le feu est au rouge, ils font signe aux usagers de s’arrêter, quand il est au vert, ils leur disent de passer. Alors que le travail aurait été plus judicieux et plus porteur, s’ils s’étaient limités à dresser des procès-verbaux contre les contrevenants en matière de circulation routière.
Cette attitude les a amenés à se retrouver dans des situations d’accointance avec les usagers, surtout les plus jeunes et donc les moins conscients. C’est ce qui fait que des scènes comme celle qui fait le buzz actuellement sur les réseaux sociaux. On y voit un jeune agent du GGSR bousculé par un jeune conducteur qui le prend sur le capot de la voiture et qui le traine quelques mètres avant l’intervention d’un autre GGSR.
La scène filmée et diffusée sur le net, a été largement commentée par les internautes mauritaniens. Certains y ont vu la déchéance de l’Autorité publique, d’autres l’expression de l’arrogance de ces jeunes immatures qui circulent dans des cylindrés dernier cri.
Mais l’essentiel ici est de savoir si oui ou non, une suite a été donnée à cet incident, du reste très grave, et laquelle ? Est-ce que le jeune qui commet ainsi une tentative d’homicide volontaire a été poursuivi ou s’il a dû son salut aux interventions qui ne manqueront pas d’avoir lieu ?
En attendant, il faut signaler que le GGSR est actuellement dans une phase de délitement. Sa présence sur les routes est de moins en moins significative. Ses relations avec sa tutelle – Ministère de l’intérieur – est exécrable parce que son nouveau commandant croit qu’il s’agit d’un corps relevant des forces armées. Alors que ses partenaires du département des transports se plaignent des excès du commandement du GGSR avec lequel tout lien est presque coupé. Le retour sur les routes de la police dans certains quartiers de Nouakchott sonne comme un échec pour ce corps pourtant destiné à être un corps d’élite.   

samedi 28 mars 2015

Postes de contrôle

Entre Nouakchott et Boutilimitt, on dénombre ces jours-ci onze postes de contrôle – douze si l’on compte les services Eaux-et-Forêts. A chaque quinzaine de kilomètres un arrêt en moyenne. Pourquoi tout ce zèle ?
En général, quand vous vous arrêtez, on vous fait signe de continuer votre route sans même daigner regarder dans votre direction parfois. Au pire des cas, le gendarme (ou le policier, ou l’agent du GGSR) vous demande qui êtes-vous en cherchant dans les formules subtiles du Hassaniya : «’arrvouna brouçkum, emn m’aana, meyn ‘aaguiblkum…» Avec toujours la même désinvolture qui vous dit que votre réponse importe peu, qu’en conséquence vous pouvez lui donner le nom que vous voulez, la destination qui vous vient à l’esprit, il finira toujours par vous dire de passer. Comme pour vous donner l’impression que l’essentiel est de vous faire perdre le rythme du voyage et du coup du temps.
Les postes de contrôle sont devenus des foyers de corruption pour ce qu’ils engendrent de contacts malsains entre agents des forces publiques et usagers des routes. Il faut demander aux chauffeurs étrangers et nationaux empruntant ces routes pour découvrir le calvaire qu’ils subissent durant leurs traversées. C’est l’image du pays qui est sérieusement entachée et avec elle la notoriété publique.
Pourquoi des postes des douanes à l’intérieur du pays ? pourquoi des postes de gendarmerie à quelques kilomètres les uns des autres ? pourquoi des postes de police aux entrées et sorties de chaque ville ?   

mercredi 18 mars 2015

Et maintenant donc ?

Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz s’en est allé à Néma, capitale du Hodh oriental, dans une longue visite qui va le mener dans tous les chefs-lieux d’arrondissements et de départements de la Wilaya, avant d’aller faire de même au Hodh occidental.
«On» a beaucoup péroré sur cette visite. Il y a ceux qui ont voulu y voir une opportunité pour le Président de faire campagne pour une réforme de la Constitution en vue de fausser les règles du jeu. Il y a ceux qui ont cherché quelques calculs politiciens derrière la visite. Tous ont essayé toutes les rumeurs, toutes les raisons, même les plus saugrenues comme ce projet de renforcer le pouvoir parlementaire pour permettre au Président de devenir un Premier ministre avec de larges pouvoirs. Ridicule tentatives de cacher le motif réel qui est celui du profond désarroi de la classe politique incapable de penser l’avenir, de formuler des propositions alternatives, d’y faire adhérer le maximum de gens et de peser ainsi sur le cours des événements. Une attitude qui n’est pas nouvelle et qui n’est pas près de disparaitre.
Le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) a finalement élaboré un document qu’il entend remettre au ministre secrétaire général de la présidence dès son retour de voyage. Le document qui a été l’objet de plusieurs séances de discussions, s’articule autour de trois moments.
Un moment où le Pouvoir est invité à donner des gages de bonne volonté en adoptant une dizaine de points dont le statut du Bataillon de la sécurité présidentielle, la déclaration de patrimoine du Président, la neutralité de l’administration, la baisse des prix… tous les préalables connus et plusieurs fois soulevés par l’Opposition.
Si le pouvoir accepte, on passera à la deuxième étape qui comporte l’application d’un autre lot de préalables. Parce qu’il s’agit ici pour l’Opposition d’amener le Pouvoir à se plier à sa volonté comme si le rapport de force dictait cela. En faisant plier le Pouvoir, l’Opposition l’aura affaibli et contribué ainsi à le déstabiliser. On veut avoir par la ruse – ou la manœuvre – ce qu’on n’a pas eu par l’action. On croit tromper et c’est une tactique suivie par les acteurs politiques dont la première tendance est toujours de dénier au vis-à-vis toute intelligence, toute capacité de discernement.
Jusqu’à la fin de son règne qui aura duré quand même 21 ans, Moawiya Ould Taya a été perçu comme un idiot, un diminué, et même un fou. On s’est gaussé de l’homme et on l’a même cru malade, condamné tantôt par une tumeur de la prostate tantôt par une cirrhose. Les rumeurs ont commencé à faire partie des déterminants politiques à partir de 1992. C’est seulement treize ans après que l’homme a quitté le pouvoir.
Ce même penchant à l’instrumentalisation excessive de la rumeur et de l’intoxication finit aujourd’hui par parasiter les positionnements des acteurs. Une auto-intoxication des appareils politiques qui finissent par fonder leurs analyses et leurs positionnements sur des rumeurs qu’ils ont eux-mêmes créées. En pensant tromper le vis-à-vis et l’opinion publique alors qu’on ne trompe que sa petite personne.
Tout le monde veut bien parler du rétablissement de la confiance. Alors que ce dont nous avons besoin, c’est d’abord de la bonne foi des acteurs. Sans bonne foi, on ne peut espérer de nouvelles attitudes, de nouveaux rapports à la politique… sans bonne foi, il n’y a pas de sincérité, et point de confiance.
Tout indique aujourd’hui, que la contreproposition du FNDU s’apparente plus à un défi, une provocation, une sorte de fuite en avant devant les responsabilités.
Encore une fois, on refuse d’envisager l’échéance qui constitue un tournant de la vie politique mauritanienne : 2019. Quoi faire dans la perspective de cette échéance ? comment faire pour intéresser tous les acteurs à l’avenir politique : ceux qui, techniquement, ont leur avenir derrière eux, ceux qui ne voient pas clairement de place pour eux dans le moyen et le long termes ? comment convaincre tous ceux-là de faire fi de leurs ambitions personnelles pour travailler en vue de renforcer la démocratie et l’Etat en Mauritanie ? comment leur expliquer que si l’intérêt général prime, il n’y a pas de divergences possibles ?  

mardi 17 mars 2015

L’extrémisme l’emporte (encore) en Israël

C’est le Likoud qui semble finalement remporter la victoire aux élections législatives anticipées. On avait espérer un moment que la société israélienne s’était libérée de l’emprise guerrière de la bande à Netanyahu. C’est faux.
Ces élections ont révélé une société qui continue de se radicaliser. Entre un chef de parti, ministre du gouvernement, qui appelle au meurtre par décapitation des Arabes, et un autre qui demande l’expulsion des élus arabes et un Benyamin Netanyahu qui nie tout droit à un Etat palestinien, il n’y a aucune différence.
Le résultat des ces élections noud renseigne sur le véritable désir de la société israélienne. Avec la continuité de la politique de colonisation, donc de spoliation des terres. Avec la politique de répression aveugle, d’écrasement de toute velléité d’existence chez les Palestiniens. Avec les assassinats ciblés, les meurtres, les destructions, les enlèvements… tout ce qui caractérise les actes criminels et qui donne l’allure d’un génocide sur la base du racisme… l’idéologie dominante en Israël qui commet quotidiennement les exactions contre le peuple palestinien.
Les radicaux sionistes sont accourus de partout pour voter Netanyahu, parce que l’appartenance à l’Etat d’Israël est définie par la confession : tout Juif a le droit de vote, le droit d’accès à la propriété, le droit au travail en arrivant en Israël. Ces droits qui sont déniés aux populations arabes qu’on continue de spolier, d’exproprier, d’écraser sous le joug de la domination.
Au fond personne ne regrette la défaite du centre-gauche israélien, parce qu’ici, la gauche comme la droite n’est pas prête à reconnaitre le droit à l’existence au peuple palestinien. Même s’il faut relever une nuance : la gauche peut prétendre poursuivre le processus de paix avec l’Autorité palestinienne tout en exerçant les mêmes arbitraires à l’encontre des populations.
Mais une défaite du Likoud et de Benyamin Netanyahu au moment où l’on assiste à une forte remontée des partis arabes, cette défaite aurait fait espérer que quelque chose était en train de changer en Israël. Finalement rien n’a changé, rien n’est près de changer.
Ni la volonté de domination, ni les vocations guerrières, ni le racisme comme approche de gouvernement, ni l’exercice de l’arbitraire comme méthode de gouvernement, ni la volonté d’en découdre avec les voisins, ni la volonté d’en finir avec les populations locales… Rien de cela ne semble changer au sein de la société israélienne qui a ainsi exprimé son refus de changer sa manière d’appréhender le Monde, de traiter avec le peuple palestinien qu’elle continue d’opprimer, avec l’environnement arabe, musulman…
En Israël, le radicalisme vient de l’emporter encore une fois. Comme pour ajouter aux incertitudes d’un Moyen-Orient qui patauge dans un chaos indescriptible. Pourtant les deux mandats de Benyamin Netanyahu auraient dissuadé les Israéliens de lui redonner confiance. Plusieurs guerres contre Gaza sous embargo, plusieurs provocations au Hezbollah libanais, avec toujours les mêmes résultats : échec et mat sur toute la ligne pour la machine de guerre israélienne, renforcement militaire et mental pour la résistance arabe et plus de risques pour l’existence d’Israël.

lundi 16 mars 2015

Images de Zouérate

Deux images sont à retenir de ce qui nous parvient de la scène de Zouérate.
La première image est celle qui porte préjudice au mouvement de grève d’une partie des travailleurs. Elle concerne ce soutien mal-t-à-propos déclaré par le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) au mouvement. Avec les déclarations du FNDU, on a l’impression qu’il y a là tentative de récupération de la grève par des acteurs politiques qui ont jusque-là perdu l’initiative face au Pouvoir en place. On sait déjà que les centrales ayant appelé à ce mouvement de grève sont toutes membres à part entière du FNDU dont l’un des objectifs déclaré est bien la déstabilisation du régime par les moyens légaux… dont la grève.
Tout commence par une décision des six (sur un total de 14) délégués  de la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM) dont les accointances avec l’Union des forces du progrès (UFP) sont de notoriété publique et dont l’appartenance au FNDU relève de la position de principe. Les six délégués seront rejoints plus tard par ceux d’autres syndicats faisant eux aussi partie du pôle syndical du FNDU (la CNTM proche de Tawassoul, la CLTM dont le parti Al Moustaqbla est une émanation…). Mais malgré l’évidence de l’interférence politique, les travailleurs de Zouérate ont pu maintenir le caractère purement revendicatif du mouvement par le truchement d’actions et de déclarations spectaculaires sur les mobiles et sur les prédispositions vis-à-vis du régime en place. C’est justement ce caractère revendicatif que le positionnement du FNDU vient de dynamiter par ses déclarations mal venues. L’interférence politique va certainement changer le cours des choses dans les jours qui viennent. Elle donne déjà un argument de plus à la direction de la société qui a accusé dès le début, le mouvement de relever d’un agenda politique autre que celui qui se limite à la défense des intérêts des travailleurs.
La deuxième image est celle que nous relatent les chaines qui se sont ruées brusquement vers le Nord pour couvrir les évènements. On ne peut que relever le caractère suspect de ce brusque intérêt à une situation qui perdurait depuis quelques temps. Soit.
Mais les images qui nous sont rapportées nous montrent une scène plurielle et libérée des contingences sociales. Les vieux qui sont là accompagnent le mouvement d’ensemble de la jeunesse qui en fait une grande kermesse. Noirs et blancs, jaunes et gris, filles et garçons, hommes et femmes, ouvriers et cadres… tous envahissent l’espace dit «place de l’indépendance» pour faire la fête. Sans violence et avec beaucoup de responsabilité et d’abnégation.
Après les manifestations de Nouakchott qui rassemblent ces jours-ci toujours une tribu, un groupe ethnique, une frange professionnelle de la population… voilà que les travailleurs de Zouérate nous rappellent que l’action des corporations est le cadre idéal pour développer un mouvement revendicatif qui concerne toutes les franges de la population. Une image que certains tenteront d’altérer en faisant appel à l’interférence d’acteurs ethniques, tribaux, régionalistes… une image que nous devrons tous travailler à préserver parce qu’elle sert le pays en revivifiant cette fibre unitaire qui a longtemps servi à consolider les solidarités nationales.

Jusqu’à présent, la SNIM a pu maintenir son activité : les chargements continuent visiblement à se faire et tout ce qu’on lui prédisait de revers n’est heureusement pas encore au rendez-vous. Selon les données fournies par la société plus d’un million de tonnes de fer ont été produites en février alors que le volume réalisé a dépassé les prévisions de 15,7%. Mais au lieu d’être une raison pour l’entêtement, cette performance doit pousser les deux parties à plus d’ouverture pour éviter les risques réels qui peuvent découler du pourrissement de la situation.

dimanche 15 mars 2015

Quatre ans de guerre

Le Monde célèbre les quatre années de guerre en Syrie. Au tout début du mouvement, Al Jazeera et Al Arabiya – des chaines mobilisées pour soutenir la rébellion syrienne – nous ont promis une promenade de santé qui va voir Bachar al Assad quitter le pouvoir pour être remplacé par un gouvernement démocratiquement élu et des institutions républicaines dignes de ce nom.
Très vite, les puissances étrangères sous la houlette des pays du Golf, vont entreprendre l’armement des rebelles poussant vers une militarisation de la confrontation. Nous ne le dirons jamais assez : l’objectif était d’abord la destruction d’un pays qui a donné l’impression de refuser le diktat américain et israélien dans la zone. Cet objectif-là est atteint, et même largement atteint.
La Syrie d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle du 15 mars 2011. Un pays qui assurait son autosuffisance alimentaire, sanitaire, qui avait une industrie très développée, où la pauvreté n’existait presque pas, tout comme l’analphabétisme. Un pays réputé être le moins cher de la région, le plus sûr aussi. Avec ses universités prestigieuses, son Histoire millénaire, ses vestiges, ses musées, ses églises, ses mosquées… Un pays qui préservait la pluralité culturelle et ethnique de ses populations…
Commence la cinquième année de la rébellion. Qu’en est-il de la Syrie ? Un pays exsangue, détruit, pillé, divisé, détruit… Plus d’universités, plus de mosquées historiques, plus de vestiges historiques, plus d’églises, plus de convivialité, plus d’industries, plus d’unité territoriale…
Parce que les monarchies du Golf et leurs alliés occidentaux ont voulu imposer la démocratie. Parce qu’ils ont jugé qu’il n’y avait pas assez de liberté dans ce pays tenu par un dictateur. On n’a jamais sur quel modèle de démocratie les amis de l’Occident voulaient importer en Syrie. Est-ce le modèle saoudien ou le modèle qatari ?
Toujours est-il que les groupes islamistes ont commencé à installer leur pouvoir, à délimiter chacun son Jihadistan. De ces groupes, deux ont particulièrement réussi à s’installer : Jabhat al Nouçra affiliée à Al Qaeda et Da’esh (Etat Islamique du Levant). Tous deux ont bénéficié de la complicité (sinon de la duplicité) des puissances régionales et internationales. Les Américains y voyaient la possibilité d’affaiblir le pouvoir irakien et par ricochet l’Iran. Les Français croyaient que l’existence de tels mouvements pouvait inverser le rapport de force au Liban en faveur des alliés locaux et au détriment du Hezbollah. Les monarchies sunnites du Golf y voyaient une possibilité d’endiguer l’influence iranienne dans l’espace chiite. D’autres pays arabes et européens y trouvaient une opportunité de se débarrasser des radicaux égarés militants du Jihadisme en les laissant aller sur un théâtre dont ils ne reviendront probablement pas… Tout le monde croyait y trouver un compte.
Quatre ans après, Bachar al Assad tient encore une grande partie du pays, son armée semble prendre le dessus. C’est pourquoi l’Amérique se résout à la nécessité pour elle de discuter avec le pouvoir d’Assad. La cinquième année qui débute sera donc un tournant dans l’appréciation que la communauté internationale aura de ce conflit.
En attendant, près de trois cents mille syriens sont morts, dix millions ont été déplacés, on compte près de huit millions de réfugiés dans des camps à l’extérieur. A qui la faute ?

samedi 14 mars 2015

Un livre sur Al Qaeda

«Al Qaeda et ses alliés dans l’Azawad/Naissance et raisons du développement», c’est le titre choisi par notre confrère Mohamed Mahmoud Ould Eboulmaaly pour son livre qu’il consacre à Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et son activité dans le Nord du Mali.
Edité par le centre des études d’Al Jazeera, le livre est une sorte de document qui éclaire sur ce qui s’est passé dans cette partie du Sahel. En moins de 200 pages, ce grand spécialiste de la question des mouvements jihadistes dans le Sahel, nous offre une série de fresques dont chacune nous édifie sur un aspect de la question.
Cela commence par une introduction qui explique la démarche. La première partie est consacrée à une monographie de l’Azawad, cette région malienne berceau de toutes les rébellions, haut-lieu de sédition, devenue pour un moment un sanctuaire jihadiste et une terre de refuge pour les trafiquants de toutes sortes.
Géographie, histoire, sociétés… qu’est-ce qui prédispose cette région à devenir une source d’instabilité ?
La deuxième partie du livre est consacrée à AQMI. Genèse de son installation dans la zone, avec notamment l’arrive du Group salfiste de prédication et de combat (GSPC) après sa fuite de l’Algérie. Premières tentatives d’installation, non sans heurts avec les pays voisins, notamment la Mauritanie, l’Algérie et le Niger. Le gouvernement malien fermait les yeux, s’il ne se rendait pas complice des activités criminelles des bandes installées sur son territoire.
De «la conquête du Sahara»  par le GSPC à sa transformation en AQMI, les combattants auront pu s’installer et se fondre dans le tissu social en apportant ce que l’Etat a été incapable d’assurer : la sécurité, l’assistance et le partage. Comment se faisait l’allégeance et quels sont les mouvements affiliés à celui de Belawar alias Mokhtar Belmokhtar.
Un éclairage spécial sur «Ançar Allah al Mourabitoune vi bilad Chinguitt», la version mauritanienne de AQMI, puis sur la relation avec Boko Haram et enfin sur l’intermède de la destitution de Belmokhtar.
La troisième partie est consacrée aux structures de l’Emirat du Sahara avec ses différents démembrements, ses katiba, ses saraya, ses leaders… Eclairage sur les affrontements avec l’Armée mauritanienne et sur la prise d’otages.
La quatrième partie est consacrée aux alliés de AQMI dans le Nord du Mali. Cela commence évidemment par Ançar Eddine, l’organisation dirigée par le chef Ifoghas Iyad Ag Ghali. Eclairages sur les relations entre ces mouvements et le courant nationaliste de l’Azawad, sur aussi le Mouvement de l’unicité et du Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), sur celui des fils du Sahara pour la justice islamique (présents sur Aïn Amenas en Algérie), sur Ançar Echari’a et sur leurs relations avec Belmokhtar.
La cinquième partie est consacrée aux mouvements nationalistes de l’Azawad : du Mouvement national pour la librétaion de l’Azwad (MNLA) au Gandakoï, en passant par tous les mouvements qui se revendiquent une spécificité ethnique.
Le livre est conclu par deux interviews exclusives accordées à l’auteur par deux figures de AQMI : Mokhtar Belmokhtar alias Berlawar et Yahya  Abul Hammam qui l’a remplacé à la tête de l’Emirat du Sahara et qui a cherché à établir son autorité sur le territoire mauritanien.
Le style journalistique de l’auteur permet au lecteur de prendre plaisir à lire ce document qui n’est pas seulement un livre à parcourir, mais un outil à conserver tout près de soi. Au cas où le besoin d’en savoir plus sur l’une ou l’autre des organisations se fait sentir.   

vendredi 13 mars 2015

Deux situations, deux lectures

Les jeunes français qui décident d’aller en Syrie combattre aux côtés de Da’esh et des groupes armés rebelles, sont considérés comme des criminelles. La législation française a poussé jusqu’à réprimer toute velléité de s’y rendre parce qu’elle est désormais associée à constitution de malfaiteurs en vue d’une action terroriste. C’est normal même si l’on doit rappeler ici qu’au début, la France comme les pays soutenant la rébellion syrienne avaient fermé les yeux s’ils n’ont pas encouragé les départs massifs de combattants.
Les jeunes français qui vont combattre aux côtés des Peshmergas kurdes ou pour soi-disant protéger les minorités chrétiennes, ceux-là sont présentés comme des combattants de la liberté et finalement comme des héros. Ils ont droit à des reportages élogieux sur les chaines françaises.
Pourtant le théâtre de combat est le même, la scène de crime est la même, les mobiles sont les mêmes. Chacun de ces jeunes français croit combattre contre l’arbitraire exercé contre sa communauté d’origine. Chacun d’eux a été incapable d’oublier sa communauté d’origine et ses souffrances. Chacun d’eux est finalement victime d’un rejet qui lui interdit l’intégration dans l’espace républicain français. Chacun d’eux est incapable de devenir un Français à part entière, un Français avant tout.
Si l’on pousse l’observation, on se rend compte que le Moyen-Orient, particulièrement les pays du Levant (Irak, Syrie, Liban et Palestine), est installé dans une logique de guerre qui est appelée à durer des décennies, voire des siècles. Elle épouse désormais les contours d’une guerre confessionnelle, mettant face à face Sunnites et Chiites. Elle est aussi ethnique, mettant face à face Arabes, Kurdes, Perses, Turcs. Elle prend les contours d’une croisade avec l’entrée en scène de milices constituées de ressortissants occidentaux dont le mobile déclaré est de venir en aide pour protéger les minorités chrétiennes d’Orient.

jeudi 12 mars 2015

Les promoteurs du chaos

De l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique installé à Nouakchott aux journalistes en mal de sujets racoleurs, en passant par les hommes politiques les plus assoiffés de pouvoir, tous veulent nous convaincre d’une chose : l’inévitable décomposition de la Mauritanie. Et son imminence.
Un épouvantail qu’on remue parfois pour arracher au Pouvoir quelques concessions qui doivent nécessairement se traduire par une implication personnelle dans l’exercice. Parce que ceux qui émettent de tels jugements alarmistes se présentent souvent comme les sauveurs potentiels. «Il suffit de faire appel à nous et de reconnaitre le rôle que nous pouvons jouer pour éviter au pays de sombrer dans le chaos qui se dessine inévitablement». Il y a mille manières de le dire, mais le sens est le même, tout comme la démarche.
Peu importe si l’analyse d’un diplomate ou celle d’un journaliste sont faussées par la méconnaissance évidente de leur sujet, peu importe s’il y a un jeu qui se défile derrière, ce n’est pas grave parce qu’il faut laisser le cours des événements apporter le démenti qu’il faut.
Par contre, il est difficile d’accepter des acteurs politiques la seule promesse d’un futur synonyme de l’émiettement, de la dislocation, de la guerre civile et donc de l’effondrement. Au lieu d’une proposition alternative qui nous pousse à rêver à un futur possible.
L’une des raisons des tergiversations face à la proposition de dialogue, c’est bien la peur de la perspective de 2019. Pour les uns, elle est dangereuse à envisager parce qu’elle peut signifier la fin de leurs privilèges. Pour les autres, elle oblige à penser l’avenir et à travailler pour sa conquête, un exercice qui n’a jamais été essayé. D’où la peur de tous d’y aller rapidement et sans préjugés.
La classe politique mauritanienne ne peut visiblement pas se résoudre à accepter que le mandat actuel est le dernier pour un Président qui a jusque-là largement profité des incohérences dont elle a été coupable. Quand elle a refusé en 2005 d’influer sur le cours des événements en se contentant de soutenir l’agenda proposé par la junte sans y apporter de touche personnelle. Quand elle a refusé de croire au changement probable en 2007 et qu’elle a voulu par la suite perpétuer des systèmes usés. Quand, en 2008, elle a joué sans tenir compte des rapports de force réels. Quand, en 2009, elle a manœuvré sans intelligence tout en obéissant aux velléités individuelles multiples qui l’ont condamnée à aller en rangs dispersés dans une élection qui constituait un tournant pour la Mauritanie. Quand elle a refusé de reconnaitre des élections qu’elle a co-organisées. Quand elle a provoqué une logique de confrontation sans en avoir les capacités. Quand elle a promu le boycott… quand… tous les rendez-vous ont été ratés. Comme disent certains de nos frères d’Afrique centrale, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on n’a plus de fièvre. Les fuites en avant expriment l’incapacité d’anticiper et d’agir sur l’avenir. Rien de plus.
Deux manifestations de l’échec de cette classe politique à relever. La première est bien sûr cette incapacité à nous proposer un avenir possible, un rêve sous forme de mouvement d’ensemble, à même d’harmoniser nos désirs et nos revendications. Alors la fuite en avant consiste à nous faire peur de notre présent, à le noircir pour ne plus pouvoir envisager autre chose que le chaos.
La deuxième manifestation de l’échec est l’emprise d’un air nostalgique sur les consciences. On pleure le passé, plus qu’on appréhende le présent, quant à l’avenir, il n’est même pas mis en perspective. On arrive même à verser des larmes pour les époques les plus noires de notre histoire récente. C’est que l’action politique a permis de réhabiliter les hommes du régime PRDS et des Structures d’éducation de masses… en attendant de restaurer leurs pouvoirs…
C’est un peu si on nous obligeait à choisir entre ce passé-là et l’explosion du pays. Comme s’il n’y avait pas, s’il ne pouvait y avoir d’autres perspectives possibles, d’autres avenirs probables.

mercredi 11 mars 2015

Le Proconsul US

L’information étant ce qu’elle est chez nous, on peut mettre du temps à croire ce qu’on rapporte des propos que l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique aurait tenus devant quelques chefs de partis venus le rencontrer. Est-ce parce que ces leaders appartenaient à une seule communauté que l’Ambassadeur a longuement parlé des frictions ethniques et des risques de guerre civile en Mauritanie ? est-ce pour sa méconnaissance de ce pays qu’il vient de découvrir avec une mentalité, non pas de diplomate chevronné, mais de Volontaire du Peace Corps ? Probablement, les deux à la fois…
Au moment où dans son pays, le premier Président de couleur Barak H. Obama essaye de ranimer la flamme de la bataille des droits civiques pour faire oublier la résurgence du fait raciste, voilà que l’Ambassadeur US nous sort une comparaison entre la situation actuelle en Mauritanie et celle qui a caractérisé les Etats-Unis des années 70. L’Ambassadeur Larry André se trompe encore une fois et, visiblement, continuera à se tromper. Dans ses appréciations des réalités mauritaniennes, dans ses choix et dans l’expression de ces choix.
En conclusion d’un article qu’il vient de signer et qui porte sur l’esclavage et la lutte engagée par son pays contre le phénomène, l’Ambassadeur Larry André nous dit : «Quant à moi, je me préoccupe moins sur le terme approprié à utiliser pour ces pratiques criminelles que ce que je fais au sujet de mettre fin à ces pratiques... Arrêter cette exploitation humaine aux États-Unis exige que le gouvernement américain, la société civile, les médias, les chefs religieux, les dirigeants politiques et tous les Américains de bonne volonté travaillent ensemble pour identifier et libérer les victimes de la traite des êtres humains, de tenir les trafiquants d'êtres humains et ceux qui profitent de leurs crimes responsables de leurs actes, et de réformer les attitudes, les institutions et les politiques sociétales qui empêchent les victimes de la traite, et de nombreux descendants d'esclaves américains, de jouir pleinement de leurs droits et des chances en tant que membres égaux de notre société. 
Nous exhortons tous les pays à se joindre à nous pour assurer que chaque être humain- homme, femme et enfant dans le monde vive dans la liberté et la dignité
».
Belle profession de foi, juste position que celle-là. Mais qui doit valoir pour tous les pays, toutes les sociétés. Si son Excellence estime qu’il s’agit d’un combat qui reste à mener dans la société américaine, il faut bien qu’il estime à leur juste valeur les efforts fournis par les sociétés africaines. Si au Sénégal voisin, on entend encore des hommes publics comme le Président Abdoulaye Wade évoquer sous forme d’insulte les origines «esclaves» de son successeur, si l’on pardonne une sortie comme celle du Président Alpha Condé de Guinée qui rappelait à Dionkounda Traoré, président de la transition malienne, «l’origine esclave des Traoré dont les maîtres ne sont autres que les Condé», de telles réflexions ne peuvent être publiquement exprimées en Mauritanie. C’est que l’évolution des sociétés n’est pas la même partout dans le Sahel.
Dans un pays comme le nôtre, l’évolution est nette. Même si par ailleurs, un grand chemin reste à faire dans le domaine de l’égalité, de la lutte contre l’esclavage et contre toutes les tares sociales que nous trainons depuis des millénaires et qui sont en contradiction avec les principes d’un Etat moderne.
Que son Excellence pardonne à la Mauritanie les manquements et les insuffisances réelles en matière de cohésion sociale, d’égalité et de répartition juste des richesses. Mais qu’il accepte que les événements de Fergusson ne peuvent se passer ici. Des émeutes du ghetto de Watts (1965) à celles de Fergusson ces jours-ci, l’Amérique impériale ne semble pas avoir fait un grand chemin. Même si l’on peut se féliciter – tous se féliciter – de l’élection d’un Président de couleur par deux fois à la tête de la première puissance mondiale.
On ne peut non plus occulter, quand on veut donner des leçons à une société comme la nôtre, le rôle, ô combien malheureux, dans la destruction de nations et de cultures entières (Irak, Afghanistan, Syrie, Libye… pour ne citer que les pays de notre espace musulman). Le chaos qui règne actuellement dans le Levant est d’abord un fait américain : Da’esh est un produit US, comme Al Qaeda l’a été, comme les assassinats politiques, les coups d’Etat en Amérique Latine, les guerres civiles en Afrique… les Etats-Unis d’Amérique sont le parrain d’Israël… que de crimes commis ouvertement soutenus par l’administration américaine !!!
Pour rappeler enfin que l’Amérique de l’Ambassadeur Larry André nous doit des explications. Il y a peu, notre compatriote Mohamedou Ould Sellahi publiait ses mémoires. Nous y apprenons qu’il a été transféré à bord d’un avion de la CIA le 28 novembre 2001 vers Amman (le jour de l’anniversaire de l’indépendance de son pays) où il devait subir des interrogatoires musclés pendant quelques mois. Puis, en juillet 2002, la CIA l’amènera à Bagram pour continuer sa salle besogne. Avant d’être emprisonné à Guantanamo, une résidence de non-droit où la première puissance maintient encore en détention de pauvres hères qui ne représentent aucune menace pour elle ou pour le Monde.
C’est à Guantanamo que Ould Sellahi subit les pires tortures sur ordre et après autorisation du ministre américain de la défense, le fameux Donald Rumsfeld, incarnation de ce qu’il y a de pire dans la logique impériale des Etats-Unis. On sait de quoi se compose le «plan d’interrogatoire spécial» de traitements inhumains comprenant le viol de l’intimité des prisonniers, l’obligation pour eux de pratiquer le sexe, ce qui est une façon de les amener à transgresser les interdits religieux… humiliations, tortures physiques et morales.
En mars 2005, Ould Sellahi rédige sa demande d’ordonnance d’habeas corpus pour se mettre sous la protection de la justice américaine. En juin 2008, la Cour Suprême des Etats-Unis reconnait ce droit. En mars 2010, le Juge Robertson ordonne la libération de Mohamedou Ould Sellahi. Mais le gouvernement américain trouve judicieux de faire appel avant de laisser trainer le recours… Mohamedou Ould Sellahi est toujours en prison à Guantanamo… L’instrumentalisation de la Justice n’est pas l’apanage des petits pays dirigés par des tyrans. Elle est aussi le fait de puissances démocratiques comme les Etats-Unis d’Amérique, le pays que représente Larry André.

Entre la naïveté d’un Volontaire du Corps de la Paix qui se croit investi d’une mission civilisatrice et celle d’un Ambassadeur d’une grande puissance, il y a toute une mutation à opérer pour donner l’image la meilleure de soi.

mardi 10 mars 2015

Un parcours, un livre

C’est par hasard que mon attention a été captée par un entretien diffusé sur les ondes d’une radio privée locale. La voix de l’interviewé m’était très familière. Il parlait d’un livre-mémoire qu’il venait de publier. J’ai d’abord pensé qu’il pourrait s’agir de Mohamd el Mokhtar Ould Bah, ce destin digne de faire l’objet d’un récit. Au bout de dix minutes d’échanges avec le journaliste qui s’abstenait de relancer son invité, je compris qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre, ne serait-ce que parce qu’il a fini par évoquer Ould Bah.
Son Français était de grande qualité, ses idées clairement exprimées, ses paroles d’une sincérité évidente… De quoi capter vraiment l’attention de l’auditeur que j’étais. Je saurai à la fin de l’émission, au bout d’une quarantaine de minutes d’échanges qu’il s’agissait là de Yahya Ould Menkouss, ancien ministre, ancien administrateur. Mais c’est seulement un mois après que je tombe sur le livre écrit sous forme de mémoires.
«Un parcours mouvementé : Vie et carrière d’un administrateur civil mauritanien» raconte au bout d’environ 110 pages, le parcours de cet homme souvent perçu sous le seul angle de la chefferie Jlalva alors qu’il s’agit bien d’un acteur immédiat et d’un témoin privilégié des premières heures de la construction nationale. Le témoignage de cet homme mérite amplement d’être lu.
Pour sa sincérité. On sent, et c’est rare chez les gens de cette génération-là, qu’il n’y aucune velléité de se donner un rôle qui n’a pas été le sien. Il est évident aussi - et c’est rare pour être souligné – que l’objectif de l’écrit n’est absolument pas de régler un compte avec les contemporains avec lesquels les relations n’ont souvent pas été évidentes.
Pour sa qualité. L’écrit est limpide, sans recherche de style compliqué, sans recours à la rhétorique qui permet de combler les déficits en matière de relation des faits. Ce qui s’énonce bien, s’exprime clairement et les mots pour le dire arrivent aisément, une vieille sentence qui en dit long sur la simplicité des propos.
Ce qui étonne aussi chez ce vieux chef guerrier, c’est sa capacité à l’abnégation. Plusieurs fois victime de mauvaises appréciations de son action, il refuse de mettre cela sur le compte d’une inimité personnelle que lui vouerait le Président Mokhtar Ould Daddah pour lequel il a gardé un respect indélébile malgré toutes les incompréhensions. Quelqu’un d’autre aurait facilement invoqué les appartenances régionales, les conflits d’intérêt pour expliquer l’adversité du décideur. Yahya Ould Menkouss préfère expliquer ses mises à l’écart impromptues et souvent inexplicables, par les combines de l’entourage de la Présidence de l’époque. On en sort avec la certitude que cette valeur traditionnelle qu’est «al inçaav» - mélange d’équité, de tolérance, de justice et d’abnégation – est le fil conducteur de l’action de l’homme.
Nous avons tendance à négliger ces acteurs, à leur dénier le souci de l’intérêt général, de croire qu’ils sont la négation de l’Etat pour ce qu’ils sont socialement… Ceux parmi nous qui ne les connaissent pas – et ils sont malheureusement l’écrasante majorité de l’élite aujourd’hui – ne peuvent les apprécier. Alors que les générations qui les ont suivis ont essayé de leur coller l’image d’une classe rétrograde incarnation de tous les conservatismes.
C’est dommage parce que les gens comme Yahya Ould Menkouss ont beaucoup de choses à nous dire. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux. Surtout quand, comme lui, ils évitent de remanier l’Histoire, de ruminer de vieilles rancœurs, cherchant à assouvir une vengeance qui décrédibilise ce qu’ils ont à dire et embrouille le message par une rhétorique qui ajoute à l’artifice d’une mémoire largement affectée.

Merci à Yahya Ould Menkouss qui m’a permis de lire avec plaisir un parcours mouvementé pour redécouvrir ce qu’il fut réellement et, à travers lui, ce que furent les hommes de son époque.