dimanche 15 juillet 2012

Les accidents encore


Je partage avec vous, lecteurs du blog, l’éditorial de la semaine dernière :
«Un vieux gros camion tombe en panne sur la route Nouakchott-Akjoujt. Au beau milieu de la chaussée. Personne ne pense à signaler sa présence. Pourtant il est à moins de cinq kilomètres d’un poste de gendarmerie. Personne non plus ne pense à le dégager. Trois semaines qu’il est là. Finalement ce qui devait arriver – et qui est déjà arrivé sur toutes les routes de Mauritanie – arriva : une voiture percuta de pleine fouet le monstre qui semblait avoir ouvert sa gueule ici pour avaler des vies.
Cinq jeunes dont le plus âgé avait trente-cinq ans. Ils ne savaient pas que la négligence du propriétaire du camion, de la gendarmerie, des passants… leur avait tendu un piège mortel. Il suffisait de rouler la nuit sans savoir qu’au beau milieu de cette route il y avait là un bloc d’acier. Tous décapités. L’horreur.
Quelques heures avant, moins de 24 heures, c’est une famille qui est victime de la négligence d’un camionneur. Sur la même route. Ce ne sont malheureusement pas les premières victimes du mauvais état des camions, de la mauvaise conduite des camionneurs, de la négligence des autorités qui laissent rouler, s’arrêter où ils peuvent – parfois où ils veulent – les camionneurs… Elles ne seront pas non plus les dernières victimes tant que…
La mafia des camionneurs défie les lois et ne respecte aucune norme. Tant que les postes de police, de gendarmerie, de douanes, des eaux et forêts qui pullulent sur les routes de Mauritanie, tant que ces postes remplissent plus et mieux leur rôle de péages que celui de contrôle. Tant que les fédérations sont plus puissantes que l’autorité. Tant que l’autorité est au service des fédérations de transports… tant que la situation est la même, on ne peut pas espérer moins de morts sur les routes mauritaniennes.
L’année dernière, pratiquement à la même période, tout le monde s’émouvait. Les responsables du ministère des transports, la police, la gendarmerie et même le tout nouveau Groupement routier, tous prenaient la parole à la télévision nationale et promettaient de faire baisser le nombre des morts et des blessés sur les routes. Pour ce faire, tous s’engageaient à «prendre les mesures nécessaires». Des mesures qui commencent par la mise aux normes des usagers de la route. Rien depuis n’a été effectivement fait.
Pas de visite technique, le contrôle est toujours laxiste, aléatoire et sans conséquence autre que celle qui ne va pas dans les caisses de l’Etat, pas de sensibilisation sur les routes… juste des postes de prélèvement de quelques tributs tantôt levés au nom de la nouvelle autorité de régulation des transports, véritables BNT restauré, tantôt au profit des commissariats et des brigades.
Il est vrai que la fois passée, l’émoi «officiel» a été provoqué par une intervention du Président de la République sur le sujet en plein conseil des ministres. Doit-on attendre une nouvelle prise de parole sur le sujet par le Président pour voir à nouveau les autorités concernées bouger ?
Bien sûr. Ici rien n’est fait si le Président lui-même ne le provoque pas. Il est facile, comme font les responsables actuels (ministres et autres), d’invoquer la «centralisation excessive de la décision», parce qu’elle couvre parfois l’incompétence, parfois l’inconscience, souvent l’irresponsabilité.
La mort de ces jeunes, tout comme celle d’autres plus jeunes et moins jeunes, la mort de toute personne sur les routes mauritaniennes est imputable aux autorités concernées par le contrôle routier, l’entretien routier, la sécurité routière… à tous les intervenants dans la gestion du secteur des transports.
Le camionneur ayant laissé son monstre sur la route tout ce temps et sans signalisation doit être poursuivi pour homicide involontaire, le poste de gendarmerie doit poursuivi pour incompétence, la fédération pour complicité de meurtre…
Cela peut paraitre excessif, mais jusqu’à quand allons-nous continuer à subir les effets conjugués de l’incompétence et de l’irresponsabilité ?»