dimanche 13 octobre 2013

Il y a un an

Le 13 octobre 2012, un samedi, deuxième jour d’un weekend tranquille. Sur le plan politique, la série de manifestations lancées par la Coordination de l’Opposition démocratique atteint son summum avec la marche d’il y a quelques jours. Toujours le slogan «irhal» (dégage) qui prend un coup dé vieillesse déjà tout en faisant craindre le pire pour le pays.
Sur le plan sécuritaire, la guerre au Mali prend l’allure d’une guérilla que mènent les Jihadistes frappant quand ils veulent et où ils veulent. Cherchant aussi à étendre la guerre ailleurs qu’au Mali.
Malgré ces foisonnements, la situation est calme en Mauritanie et rien n’inquiète vraiment. Un peu après 20 heures, une nouvelle fait le tour de Nouakchott : le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a été victime d’un tir au nord de Nouakchott alors qu’il revenait d’une sortie en plein désert en compagnie d’un proche.
On pense tout de suite à une tentative d’assassinat qui serait menée par des éléments d’AQMI. C’est bien le régime de Ould Abdel Aziz qui a porté les coups les plus durs à cette organisation terroriste, n’hésitant pas à envoyer les troupes mauritaniennes dans le Nord du Mali. Une stratégie payante parce qu’elle a fini par porter la peur dans le camp ennemi et à éloigner celui-ci des frontières mauritaniennes. Elle a aussi été l’occasion d’une remise à niveau de notre Armée nationale qui a désormais les moyens et la volonté de défendre l’intégrité du pays. Pour le symbole, le Président Ould Abdel Aziz, même s’il a refusé de participer à l’opération française Serval, reste la cible idéale des groupes terroristes et des trafiquants de drogue et d’armes dont il a dérangé définitivement les activités dans le grand Sahara.
Mais très vite l’on apprend la réalité de ce qui s’est passé. Un jeune officier dirigeant une formation d’un groupe de sous-officiers de l’Armée de l’Air, a tiré sur une voiture qui essayait de le dépasser à toute vitesse. Un beau 4x4 – V8 – dont le chauffeur avait ignoré les gestes de l’officier intimant l’ordre de s’arrêter.
Dans la voiture en question, le Président et son compagnon ne pouvaient soupçonner qu’il s’agissait de militaires mauritaniens. Les deux hommes qui étaient là étaient en civil, l’un était barbu et portait une djellaba. La voiture qu’ils avaient était de type civil, immatriculée à l’étranger. Tout pour les rendre suspects. Un coup de volant et la voiture fonce pour s’éloigner au plus vite. Suffisant pour exciter le jeune officier qui tire visiblement en visant les pneus. Mais la position à genoux devait le déséquilibrer. Assez pour que la rafale touche la carrosserie de la voiture, au niveau de la portière arrière et celle de devant. Le Président est touché au moins au niveau des reins. Heureusement qu’aucun organe vital n’est touché.
Il a la présence d’esprit de foncer après avoir été rejoint par des éléments de la sécurité qui l’accompagnaient de loin. A sa sécurité il demandera de revenir vers les «agresseurs» pour savoir de qui il s’agit. Conduisant sa voiture, il arrive à l’hôpital militaire où il est immédiatement pris en charge par les meilleurs chirurgiens du pays. Quand il va en France, les médecins attesteront du professionnalisme dont les nôtres ont fait preuve.
Rumeurs folles qui ne se terminent pas avec l’évacuation du Président en France et sa prise de parole avant son départ. Entre les insuffisances de la communication officielle et la campagne mensongère qui occupe la rue, la Mauritanie tangue à certains moments. On croit être au bord d‘une déstabilisation imminente, soit par coup d’Etat, soit par soulèvement.
Pourtant, le cours de la vie est normal. Rien ne semble manquer. Pendant plus d’un mois le Président de la République sera absent, la vie publique continuera à suivre son cours. Aucun projet arrêté, aucun retard dans les salaires, dans les rendez-vous… Et la rumeur qui devient une arme. Jusqu’à son arrivée triomphale le 24 novembre, les rumeurs à son sujet continueront à être entretenues. Puis vint la fameuse interview pendant laquelle il explique son absence, il parle des faits. Pour se remémorer, je vous propose le posting du 20 novembre 2012 :
«La rumeur sur la santé du Président avait repris de plus belle. A la veille de la manifestation organisée par l’a Coordination de l’opposition démocratique (COD) autour de «la vacance du pouvoir» (pas moins !), la question était de savoir quand est-ce que le Président va venir déclarer lui-même son incapacité. C’est ce que les hauts cadres politiques, les intellectuels les plus avertis tenaient à discuter… quand la nouvelle est tombée…
Sur les ondes de RFI, on annonce le rendez-vous entre les deux présidents, le mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et le français François Hollande. Rendez-vous qui a lieu à 11 heures ce matin de mardi. A la sortie de l’audience où il paraissait, certes amaigri, mais en bonne santé quand même, le Président Ould Abdel Aziz déclare qu’il rentre «bientôt» à Nouakchott. Plus tard, c’est la présidence mauritanienne qui annonce la date du 24 novembre comme date du retour du Président. Il sera donc là pour commémorer l’indépendance nationale, quitte à revenir dans les semaines qui viennent à Paris pour un dernier contrôle.
En Mauritanie, c’est le soulagement malgré les dernières tentatives d’intoxication. Il faut attendre la diffusion de l’interview accordée à France 24 par le Président et sa reprise par la télévision nationale pour assister à l’explosion de joie.
L’heure est aux bilans. Au niveau des camps politiques, il y a lieu, comme nous l’avons déjà fait, de souligner la capacité du pouvoir à contenir le choc sans précédent à plusieurs égards. C’est la première fois de l’Histoire du pays que les Mauritaniens vivent une telle situation, nous n’y reviendrons pas. Cette situation a ouvert la voie à toutes les manigances et pour la première fois, nous avons failli assister à un coup d’Etat par la rumeur.
L’épisode du samedi 28 octobre est effectivement une tentative de déstabilisation savamment orchestrée et qui a failli aboutir n’était-ce le sang-froid et la retenue de ceux qui avaient en charge d’assurer l’ordre et la sécurité. Imaginons un moment qu’en un lieu donné de Nouakchott, quelques badauds avaient pris au sérieux les rumeurs de renversement du régime, d’affrontements entre factions du pouvoir, d’absence de direction des opérations, pour piller une boutique, qu’ils aient été dispersés violemment par la police ou la garde, que pour cela on ait utilisé des grenades lacrymogènes, imaginons le bruit que cela ferait, complétant le tableau de désordre qu’on a voulu installer… un chao était espéré ce soir-là… heureusement pour tout le monde finalement que le pire n’est pas arrivé.
Le système aura donc tenu tout ce temps. Ni le chef d’Etat Major national, ni le Premier ministre, ni le Cabinet présidentiel, ni les responsables de la sécurité n’ont cédé à la panique. Il y a, pour Ould Abdel Aziz, quelque chose sur lequel il peut construire un système qu’il a jusqu’à présent éviter d’asseoir.
Entre ceux qui ont juré par Allah que «Ould Abdel Aziz était dans l’incapacité de diriger» et ceux qui ont défendu les pires thèses sur la personne, on retiendra que des hommes politiques, des intellectuels qui se croient de haut niveau, ont fait des viscères d’un homme et du drame d’un pays, un sujet de conversation tout au long de ces longues semaines. Comme s’il n’y avait plus d’humanité en eux…
On retiendra pour nous autres, tous ces développements qui prétendent à la science autour des intestins, du foie, des blessures à l’abdomen, des montages photos, des récits bien cousus… comme si la seule expertise que nous avions à développer est celle de la confection du faux. Rappelez-vous tout ce qui a été «prouvé» grâce à l’éveil technique (et technologique) de nos journalistes, toutes ces photos dont on avait démonté le faux. Rappelez-vous ces récits dont l’objectif était de dénigrer l’institution en travaillant les circonstances de l’accident. Rappelez-vous ces intellectuels, pseudos penseurs, quand ils se lançaient dans des démonstrations à partir de faits virtuels…
Rappelez-vous et dites-vous que notre élite est à un niveau de réflexion, à un niveau de «moralité», à un niveau d’engagement… désespérants.»