mercredi 29 février 2012

Le verre à moitié plein…


A Nouadhibou, l’activité reprend. C’est une ville qui revit. La circulation de l’information et la multiplicité des débats lui donnent l’image d’un gros village. Dans chaque salon, dans chaque espace dédié à la discussion, on retrouve les mêmes thèmes. Le foisonnement social et politique est à son comble dans la perspective de la visité présidentielle prévue le 13 mars.
Ce matin on a appris que la mission de l’UPR, parti au pouvoir, ne viendra pas jeudi mais qu’elle tiendra une réunion à Nouakchott. On veut bien faire entendre que le parti ne cherche pas à exploiter la visite, qu’il n’a demandé aucune aide financière des hommes d’affaires, qu’il ne mobilise que les militants… Quelqu’un oppose que si les résultats de l’implantation étaient authentiques, et si chacun des 42000 adhérents du parti se mobilisait lui-même, on aurait le plus grand meeting de l’histoire politique du pays.
Mais au-delà des ressentiments, des discussions politiques enflammées, on sent la vie reprendre le dessus. Il y a quelques mois, on disait de Nouadhibou qu’elle s’abandonnait à un sort inéluctable : celui de se retrouver ensevelie sous la poudre dégagée par les usines de farine de poisson chassées d’autres contrées et trouvant la possibilité de s’établir ici. Chômage, rareté de la ressource, basse de l’impact des sociétés minières… Assez pour créer une atmosphère de morosité. Aujourd’hui l’activité reprend.
A l’hôtel Sahel où je suis, la présence massive d’européens est surprenante. On m’explique qu’il s’agit essentiellement d’opérateurs espagnols venus prospecter le marché du poisson et, pour certains, celui des services pour les sociétés minières surtout Tasiast qui commence à avoir une réelle incidence sur la région. On me dit qu’elle a lancé la construction de 3000 logements près de sa base, sur la mer pour héberger ses travailleurs expatriés au lieu de continuer à louer pour eux sur les Iles Canaries.
La SNIM, par l’intermédiaire de sa Fondation, va lancer la construction d’un hôpital moderne. La ville est quadrillée de routes renforcées en attendant d’être goudronnées. Partout des engins et de l’activité. Les bidonvilles ne sont plus visibles, du coup la misère frappe moins le regard.
Les opérateurs du tourisme se plaignent de la concentration des formalités au point d’entrée à la frontière nord. «Les touristes qui ont déjà perdu quatre jours pour avoir les visas à Paris ou à Rabat, sont pressés de quitter la région et ne passent pas par Nouadhibou». Ils souhaitent qu’il y ait une formalité (assurance, visa…) qui les obligerait à passer ici.
Depuis toujours, Nouadhibou est «plus ville» que Nouakchott. Les gens ont une conscience de quartier, le sens de l’anonymat, de l’individualité, en même temps le respect de l’autre… Pourtant cela n’empêche pas ces jours-ci la résurgence des particularismes régionalistes. Les autochtones face aux allochtones. Les gens du Hodh, ceux de l’Assaba, ceux du Trarza, du Brakna, de l’Adrar, du Gorgol, du Guidimakha… chaque groupe se réunit en fonction de l’appartenance régionale. On coordonne en fonction de cela. On fait des collectes…
La ruralité a fini par rattraper la ville qui devait être à l’avant-garde de la Modernité, négation de ces considérations sectaires.

mardi 28 février 2012

Les contrôleurs de pêche


Les vérités des uns… C’est devant la Wilaya de Nouadhibou que je fus interpellé par un groupe de jeunes contrôleurs des pêches. Ils sont là chaque jour pour rappeler leur situation aux autorités. En réalité, tous les foyers de mécontentement se ravivent en ces jours où l’on parle de la visite prochaine du Président de la République. A Nouadhibou, une ville frondeuse de tradition, l’esprit rebelle et contestataire a toujours refait surface.
On parle d’un groupe de jeunes qui vont prendre leur départ le 1er mars pour aller à Nouakchott à pied. Une façon pour eux de protester contre le chômage qui les frappe. On parle d’un précédent avec des jeunes qui ont finalement été rappelés alors qu’ils étaient en route, pour se voir octroyer emplois et émoluments en nature.
Pour revenir à nos contrôleurs, ils m’ont expliqué qu’ils sont au nombre de 74 dont 51 ont été suspendus par la Délégation. 5 d’entre eux viennent d’être affectés à …Foum Legleyta au Gorgol (département de M’Bout). Je ne sais pas ce que fout un contrôleur des pêches dans un coin perdu comme Foum Legleyta… Ces contrôleurs demandent la normalisation de leur situation et l’augmentation de leurs salaires. Comme tous les travailleurs mauritaniens, ils ne demandent jamais que l’amélioration de leurs traitements directs…
Et quand vous demandez à quelqu’un de l’administration, il vous explique qu’il s’agit de dizaines de personnes engagées pour des raisons socio-politiques, juste pour avoir un salaire. Le clientélisme tribal et politique à l’état pur. «La Délégation n’a pas forcément besoin d’eux et refuse donc de satisfaire leurs doléances. Ils s’organisent pour faire pression. Leur administration de tutelle prend des mesures, parfois arbitraires…»
A la porte du Point Central où se concentre l’administration de la SNIM, des hommes de la sécurité parlent d’aller en grève. A Nouadhibou, je vous dis c’est la mode. Ils appartiendraient à cet ensemble qu’on appelle «les journaliers» qui travaillent pour des sociétés ayant des contrats avec la SNIM. Ils ont obtenu l’engagement des plus hautes autorités de l’Etat qu’ils seront recrutés régulièrement. Ils espèrent cela en faisant pression par leurs mouvements ponctuels. La SNIM qui a recruté ces derniers temps près de 700 personnes ne peut cependant prendre qu’en fonction de ses besoins et des profils initialement recherchés. Les sociétés (tâcherons) vivent sur les besoins occasionnels de la SNIM.
Si la société a besoin de changer 100, 200 ou 300 kilomètres de rails sur la voie ferrée, elle aura besoin de plus de bras que s’il s’agit d’une opération d’entretien routinier. Dans le premier cas, le tâcheron aura besoin de plus d’employés.
Il y a deux ans, les autorités avaient engagé les tâcherons à avoir des contrats de travail réguliers avec l’assurance maladie pour chaque employé, des bureaux stables et une visibilité avérée. Rien ne semble avoir été respecté de ces engagements. Dans la phase actuelle, la SNIM pourrait exiger cela et l’inscrire comme conditions à remplir pour soumissionner aux marchés. En tout cas ce n’est pas à la SNIM de recruter des gens dont elle n’a pas besoin.

lundi 27 février 2012

Inquiétant Sénégal

Nos peuples surprennent toujours. Par leur maturité. Alors qu’on jurait sur la faillite de la démocratie sénégalaise, le scrutin présidentiel – sans doute le plus tendu de l’Histoire du pays – s’est déroulé sans encombre. Les quelques 5,5 millions d’électeurs appelés à choisir entre quatorze candidats sont allés aux urnes sans heurts majeurs. L’affluence était celle qui indiquait le niveau de l’enjeu pour la population qui tenait à s’exprimer.
Très vite, on a compris que l’on évoluait vers un second tour. Entre le président sortant Abdoulaye Wade et son ancien Premier ministre Macky Sall. Ils seraient séparés par quelques points.
Première conclusion : le désaveu populaire de Wade qui a payé pour ses deux mandats et pour son entêtement à vouloir rester au pouvoir. Gorgui – comme on l’appelle affectueusement là-bas – paye aussi pour son bilan. C’est effectivement un Sénégal où le népotisme, la mauvaise gestion des ressources, le durcissement du gouvernement… ont occasionné un recul évident de l’image surfaite d’un «Sénégal démocratique accompli». L’exception sénégalaise en a pris un coup. Parce que Wade refuse de jeter l’éponge.
Grand risque : l’émiettement de l’opposition qui pense déjà aux marchandages et aux parts qu’elle peut avoir du gâteau. Alors que l’objectif principal est de réhabiliter l’exception sénégalaise (qui ne l’est plus d’ailleurs avec les évolutions dans la région), les candidats de l’opposition, surtout Niasse et Idrissa Seck, n’ont pas le droit de tergiverser. Ils doivent à leur pays et à la démocratie de déclarer un soutien sans condition à Macky Sall qui est désormais capable de battre le fauteur. De restaurer le régime démocratique.
Quand en 2007, le candidat Messaoud Ould Boulkheir avait apporté son soutien à Sidi Ould Cheikh Abdallahi au deuxième tour qui l’opposait à Ahmed Ould Daddah, il légitimait cette élection opérée aux forceps. Il remettait aussi aux calendes grecques l’éventualité pour l’opposition traditionnelle de prendre le pouvoir. Il y a de très grands risques de voir la même situation se répéter au Sénégal. A voir et à entendre les hésitations des leaders politiques sénégalais, il y a lieu de s’inquiéter.

Inquiétant Sénégal


Nos peuples surprennent toujours. Par leur maturité. Alors qu’on jurait sur la faillite de la démocratie sénégalaise, le scrutin présidentiel – sans doute le plus tendu de l’Histoire du pays – s’est déroulé sans encombre. Les quelques 5,5 millions d’électeurs appelés à choisir entre quatorze candidats sont allés aux urnes sans heurts majeurs. L’affluence était celle qui indiquait le niveau de l’enjeu pour la population qui tenait à s’exprimer.
Très vite, on a compris que l’on évoluait vers un second tour. Entre le président sortant Abdoulaye Wade et son ancien Premier ministre Macky Sall. Ils seraient séparés par quelques points.
Première conclusion : le désaveu populaire de Wade qui a payé pour ses deux mandats et pour son entêtement à vouloir rester au pouvoir. Gorgui – comme on l’appelle affectueusement là-bas – paye aussi pour son bilan. C’est effectivement un Sénégal où le népotisme, la mauvaise gestion des ressources, le durcissement du gouvernement… ont occasionné un recul évident de l’image surfaite d’un «Sénégal démocratique accompli». L’exception sénégalaise en a pris un coup. Parce que Wade refuse de jeter l’éponge.
Grand risque : l’émiettement de l’opposition qui pense déjà aux marchandages et aux parts qu’elle peut avoir du gâteau. Alors que l’objectif principal est de réhabiliter l’exception sénégalaise (qui ne l’est plus d’ailleurs avec les évolutions dans la région), les candidats de l’opposition, surtout Niasse et Idrissa Seck, n’ont pas le droit de tergiverser. Ils doivent à leur pays et à la démocratie de déclarer un soutien sans condition à Macky Sall qui est désormais capable de battre le fauteur. De restaurer le régime démocratique.
Quand en 2007, le candidat Messaoud Ould Boulkheir avait apporté son soutien à Sidi Ould Cheikh Abdallahi au deuxième tour qui l’opposait à Ahmed Ould Daddah, il légitimait cette élection opérée aux forceps. Il remettait aussi aux calendes grecques l’éventualité pour l’opposition traditionnelle de prendre le pouvoir. Il y a de très grands risques de voir la même situation se répéter au Sénégal. A voir et à entendre les hésitations des leaders politiques sénégalais, il y a lieu de s’inquiéter.

dimanche 26 février 2012

Oui, mais…


«Le combat politique, de mon point de vue, ce n'est pas de faire en sorte que Mohamed Ould Abdel Aziz tombe dans le tumulte des révolutions arabes mais de faire en sorte que les prochaines élections, prévues dans deux ans -armons nous de patience- soient organisées dans des conditions [transparentes]… Qu'ils le laissent terminer son mandat et à partir de là ils commencent à s'organiser pour une réelle transition en Mauritanie 
Si ces mots avaient été prononcés par une autre personne que Mohamed El Hacen Ould Lebatt, porte-parole de Conscience & Résistance, mouvement politique non reconnu officiellement, peut-être auraient-ils valu à leur auteur une Fatwa de mise à mort de la part de nos politiques passés maîtres dans la pratique du terrorisme intellectuel.
On ne peut prétendre défendre la démocratie, exiger l’alternance pacifique au pouvoir et revendiquer l’assise populaire, et en même temps souhaiter publiquement le renversement d’un pouvoir régulièrement élu. C’est quand même au terme d’une élection organisée par un gouvernement d’union nationale où l’opposition avait les 50% des portefeuilles dont notamment l’intérieur, l’information, les finances et la défense, en plus de la présidence et des deux tiers de la CENI, c’est au terme de cette élection que Ould Abdel Aziz avait été élu à plus de 52%.
L’opposition politique aurait pu demander sa démission, mais elle n’avait aucunement le droit ni d’appeler à un soulèvement populaire pour le chasser, ni de souhaiter – même intérieurement à plus forte raison publiquement – un coup d’Etat pour le faire partir. Je crois qu’en formulant de telles options politiques, les opérateurs de la classe politique ont fait la démonstration de leurs limites, mais aussi du peu de cohérence dont ils font preuve dans leurs démarches de tous les jours.
«Une démocratie sans démocrates», ce fut le titre d’un ouvrage écrit sur le Maghreb des années 80 ou 90. C’est très vrai pour notre pays.
Autre vérité assénée par Ould Lebatt à l’endroit de la «vieille garde», le compagnonnage de certains leaders à des périodes différentes ou concomitantes avec Ould Abdel Aziz. En réalité, Ould Abdel Aziz – et c’est l’un de ses atouts et l’une de ses caractéristiques – n’a jamais négocié avant le dernier dialogue. Il n’a jamais appelé l’un de ces leaders pour discuter avec lui les termes d’un accord politique au bout duquel il y aura un partage de pouvoir, une implication plus large ou des réformes profondes.
Avec Ahmed Ould Daddah, le rapport a découlé du rejet de Sidi Ould Cheikh Abdallahi (qui le rendait bien à son ami d’autre fois). De ce rejet est née toute la démarche du RFD dont les élus avaient préparé le terrain à ce qu’ils appelleront plus tard «le mouvement rectificatif». Avant de le soutenir. Il suffit de regarder les images de l’époque pour voir qui soutenait le coup d’Etat durant les premiers mois, finalement les plus difficiles pour la junte.
Avec le FNDD (front national pour la défense de la démocratie, constitué de plusieurs partis soutenant Ould Cheikh Abdallahi dont ADIL), c’est bien ce dernier qui a poussé à la signature des accords de Dakar et qui a finalement refusé l’idée d’un candidat unique derrière Ould Daddah (ou un autre). Il faut dire que l’erreur de l’Opposition n’a pas été seulement de signer un accord en faisant d’autres calculs comme quoi l’élection ne pouvait se tenir à cause des délais légaux, mais aussi d’avoir refusé d’unir ses efforts autour d’un seul candidat. Partie perdante, elle a voulu jouer les prolongations en contestant cette élection.
Quand ADIL ou Tawaçoul ont approché le pouvoir, ce sont eux qui en ont pris la décision. Sans discussions préalables. Sans compromis. Ould Ahmed Waghf comme Jemil Ould Mansour étaient demandeurs et non Ould Abdel Aziz.
Il est faux de dire que Ould Abdel Aziz «a roulé dans la farine» ces vieux opposants, parce qu’il n’a jamais promis de traiter avec eux ou de les impliquer. Il a toujours déclaré qu’il n’ya pas lieu de mettre en place un gouvernement d’union ou une quelconque formule du genre, mais que la démocratie a besoin d’une opposition forte qui peut être le contrepoids d’une Majorité qui gouverne en attendant les échéances futures.
Mais il est juste de dire que nos politiques font leurs calculs, leurs raisonnements et entreprennent leurs démarches comme si ce qu’ils voyaient devait être évident pour tous. Comme si aussi, ceux qui sont en face étaient assez bêtes, assez faibles, assez «aux abois», pour leur étaler le tapis rouge. Il est temps pour eux de savoir que tout se mérite. Même le pouvoir.

samedi 25 février 2012

A qui la faute ?


Comment donner l’information quand on ne sait pas ou quand on ne peut pas l’avoir ? Vous êtes, chers lecteurs, très exigeants vis-à-vis de nous. Sans raison particulière. Est-ce que vous vous êtes demandé un seul instant ce que vous avez fait à la presse pour attendre tant d’elle ? est-ce que le société mauritanienne, élites et hommes du commun savent ou essayent de savoir dans quelles conditions nous travaillons ? qu’est-ce qui nous permet de survivre, d’exister malgré toute l’hostilité ambiante ? est-ce que nous sommes outillés, préparés pour satisfaire les multiples attentes ?
Les questions ne manquent pas, ce sont bien les réponses qui font défaut. Qui ont toujours fait défaut… tout comme l’intelligence et l’équité. Au risque de se répéter, on rétorque à ceux qui se plaignent de ne pas avoir «Le Monde, New York times ou Al Pais ici», nous n’avons pas non plus le public qui peut exiger d’avoir des journaux de cette qualité, le public qui attend la qualité à ce niveau (de ce niveau).
Nous avons un public qui attend d’être suivi individuellement. Chaque Mauritanien (qui lit, parce qu’il faut qu’il lise, il faut aussi qu’il se décide à lire un écrit), chacun veut lire exactement sa version des faits, un peu pour justifier ses positionnements. Personne – ou rarement – ne veut entendre la critique. Le 9 janvier 1992, jour du démarrage de la première campagne présidentielle plurielle du pays, le président-candidat de l’époque Ould Taya me disait ces mots : «ehna nekhteyrou e’mara takhbatna biiha ‘an tgulenna etfou» (en substance : nous préférons qu’on nous tire dessus plutôt que de nous dire un mot qui ne sied pas). Il parlait au nom de tous les Mauritaniens, en tout cas de leurs élites.
On nous reproche notre «manque d’indépendance», seulement quand on exprime autre position que celle de l’interlocuteur. De même que le manque d’objectivité. Mais on est «indépendant» et «objectif» quand on défend celui qui parle ou quand on se contente de donner sa version des choses.
L’indépendance pour nous ne peut en aucun signifier autre chose que le fait, pour une rédaction, de choisir sa ligne rédactionnelle en dehors de toute influence extérieure à elle. Indépendance vis-à-vis des institutions étatiques, des partis, des groupes d’affaires, des groupes tribalistes ou régionalistes. Pour avoir un positionnement qui est dicté par les choix de la rédaction. Ceci est exprimé par l’éditorial ou par des billets individuels.
L’objectivité, c’est pour nous de pouvoir présenter les différentes versions des protagonistes d’un fait. Pas nécessairement de servir l’un contre l’autre. Parfois, dans des cas où il existe une victime d’un arbitraire par exemple (esclavage, expropriation, torture, censure…), nous trouvons qu’il est de notre devoir de venir en aide au plus faible, celui qui souffre. C’est notre engagement. Et c’est cet engagement qui fait que nous ne pouvons prétendre à l’objectivité (absolue).
Comprenez que quand nous parlons de personnalités, aujourd’hui essayant de se tenir debout, hier organisateurs de déportations massives de populations dans la Vallée, on ne peut pas le faire froidement. On est là pour rappeler les faits qui ont assombri notre Histoire, pour refuser à leurs auteurs de se fondre dans la foule et de faire comme si de rien n’était. Qu’ils se taisent, personne, peut-être, n’ira les chercher. Mais quand ils fustigent devant les populations qui ont souffert hier leur cupidité et leur méchanceté, les témoins doivent parler. Ceux qui ont dit non quand il le fallait, au moins eux, doivent pouvoir dire non aujourd’hui.
Ce qui donne aux journalistes un rôle d’objecteurs de conscience dans une société qui «oublie» facilement, qui «solde» allégrement le passé. Un rôle de témoins et d’intermédiaires entre hier et aujourd’hui. Quand nous donnons une information de l’immédiat, nous croyons qu’il est de notre devoir d’en rappeler les tenants et aboutissants, de les chercher y compris dans le passé.
On peut nous reprocher : la falsification des faits, le flou dans les choix, la prétention à l’objectivité quand on défend une position donnée, l’alignement sur le bourreau, la couverture du menteur… Heureusement pour nous que ce ne sont que quelques-uns qui pratiquent cela.
Après des décennies de culture du mensonge, de justifications de l’arbitraire et de normalisation de l’inégalité, nous avons hérité d’une mentalité où l’exigence de vérité, de justice, de bonne gestion, d’équité… où cette exigence a disparu. Pour laisser la place aux contre-valeurs qui nous rongent depuis des décennies. 

vendredi 24 février 2012

La cité perdue


Au bout de quelques cinquante kilomètres de piste – renforcée mais difficile à emprunter – de Tiguint, on arrive à Mederdra. L’une des premières cités nées de la colonisation française. Le fort dont il ne reste plus rien depuis que la Mairie a fait construire son «hôtel de ville» sur ses vestiges, ce fort a été construit en 1902. L’école daterait elle de 1908. Elle deviendra plus tard «l’école Folenfant». Des vieilles bâtisses coloniales ne subsistent que cette école justement, appelé un moment «grande école», le château d’eau datant de 1957, les résidences et les bureaux de l’administration, les «maisons blanches» ensevelies par un linceul de sable, cité des gardes et goums supérieurs, le marché réhabilité… Mais des maisons, rien n’a vraiment changé depuis le début des années 60. Même les vieilles portes – déjà vieilles à l’époque – sont restées les mêmes. Il y a un côté «résistance à la mondialisation» et à la «tevraqinisation» (ressembler, par les constructions à Tevrq zeina de Nouakchott), il y a ce côté résistance qui peut plaire. Si l’on oublie le côté délaissement et abandon.
Comme tous les anciens villages, Mederdra a été peu à peu abandonnée par ses habitants. Au début, les uns partaient pour permettre à leurs enfants – particulièrement leurs filles – de continuer le cursus scolaire. Parce qu’il n’y avait ni collège ni lycée jusqu’aux années 90. Un moment, les familles fuyaient la sécheresse par groupes entiers vers des villes plus «accueillantes». Un moment, c’était aussi la «mode» pour les familles aisées de se retrouver à Nouakchott, en train de faire comme les gens des grandes villes.
Dans les années 2000 et grâce à – ou à cause de – la politique PRDS et des concurrences entre membres d’une même famille, d’une même tribu, de différentes tribus…, les «opérateurs politiques» - un terme qui traduit le côté «politique source de revenus» - ont investi la ville. Une grande maison ici, un four ou une boutique là… mais rien qui puisse restaurer le dynamisme d’antan.
C’est triste de voir la maison où habitait feu Hamed Ould Bebbaha – un Erudit inégalable qui faisait office de Cadi et qui incarnait la profondeur du savoir de son milieu, le sens de la mesure Iguidienne, la bonté légendaire des siens… de voir la maison où a longtemps vécu cet homme de Dieu occupée aujourd’hui par «un salon de beauté féminine». Cela en dit long sur l’appréciation que nous avons de nous-mêmes et de notre Histoire. Voir la maison où il entassait ses livres et à l’ombre de laquelle il rendait justice – verdicts irréfutables et n’ayant pas besoin d’être appuyés par la force des gardes, des gendarmes ou des policiers parce que tous se pliaient devant le «crédit moral» du décideur -, voir ce lieu occupé aujourd’hui par une boutique de jouets et un salon de henné, cela fait mal…
Rien en fait de ce qui rappelle le Mederdra d’origine n’est préservé. Au contraire. Vous me direz que c’est le cas partout. Je vous rétorquerai que c’est dommage.

jeudi 23 février 2012

En partie pourquoi ça ne marche pas


Hier soir, TVM recevait le ministre d’Etat à l’éducation national pour deux heures de débats. En plus des traditionnelles questions «rassemblées» par la caméra et celles posées par les quelques «chanceux» du téléphone, le présentateur, Sidi Ould Nemine, avait choisi d’amener sur le plateau les représentants des syndicats d’étudiants et d’enseignants (fondamental, secondaire, supérieur et technique). Un grand monde. Et beaucoup de remarques.
Tous les présents étaient des enseignants dont le métier devait être de communiquer un savoir. Le grand absent d’hier, c’était bien la pédagogie. Si bien que les messages étaient embrouillés, mal exprimés – la langue faisant souvent défaut (que ce soit pour l’Arabe ou le Français) -, mal conçus au départ… L’intelligence des problèmes posés à l’éducation ne paraissait pas. On en restait donc à discuter des problèmes matériels qui devaient être secondaires – au moins arriver en deuxième – par rapport aux problématiques pédagogiques.
On attendra une correspondance électronique arrivée de «la Mauritanie profonde» pour faire entendre une vérité essentielle : l’absence totale de programmes et de manuels scolaires. La réforme mise en œuvre en 1999 n’a pas eu de supports pédagogiques. C’est ainsi que les élèves ayant terminé le cursus par le bac 2011, n’ont jamais eu de manuels à leur disposition. Leurs enseignants n’ont jamais eu d’indication pour savoir ce qu’ils doivent enseigner. Ce qui, pourtant, n’a pas empêché les résultats exceptionnels qu’on a eu (admis en qualité et en quantité). C’est l’argument principal en faveur de la réforme de 1999 : il faut la relancer et lui donner les moyens d’être réellement mise en œuvre.
C’est dans un mauvais Hassaniya, mauvais Arabe quand on a parlé Arabe, mauvais Français quand on a parlé Français, qu’on a entendu, toute l’émission, les passions se déchainer à propos des salaires, du logement, des rapports entre administration et syndicats, sur l’instrumentalisation politique des corps des enseignants… mais rien sur de la rhétorique sur les questions pédagogiques. C’était affligeant !!!
Il y a quelques années, je participais à un séminaire international de l’ONG «Publish What You Pay» (publiez ce que vous payez) auquel participaient différentes nationalités africaines dont des Mauritaniens. C’était pour discuter des nouvelles ressources financières que faisaient miroiter les perspectives pétrolières dans nos pays. Quand les Congolais, les Tchadiens, les Comoriens… prenaient la parole, c’était toujours pour émettre des soucis quant à l’utilisation de ces ressources pour construire des routes, des dispensaires, des écoles, pour aller dans la construction d’un pays. Quand ce sont les Mauritaniens qui prennent la parole, c’est toujours pour se demander comment les ressources peuvent permettre d’augmenter les salaires, jamais pour savoir comment s’assurer qu’elles soient utilisées pour le bien-être commun. A méditer…
Pire, la discipline sur le plateau de la télévision manquait cruellement. Tous s’exprimaient avec passion, chacun essayant de couvrir les voix des autres… J’ai imaginé un moment des élèves regardant leurs éducateurs dans cet état-là… Voir le présentateur obligé de les sommer, de les «surveiller», de les faire taire, leur faire subir exactement ce que les enfants subissent.  …Et ce chef de syndicat qui dit : «Dans le temps, l’enseignant était respecté pour les moyens dont il disposait. En public, il pouvait faire étalage de ces moyens, il pouvait se payer tout, quand il demandait la mais (d’une femme), on se précipitait à la lui donner…» Il n’a rien compris celui-là.
Dans le temps, le respect c’était surtout pour le savoir, pour la noblesse de la mission qui est la leur, pour la dignité que les enseignants incarnaient…
L’émission d’hier aura au moins servi à nous faire comprendre que le grand problème de la réforme future restera celui des hommes. C’est déjà ça de gagné.

mercredi 22 février 2012

De l’eau à Hamod, enfin !


Cela fait des années que la petite localité de Hamod, un arrondissement coincé entre le Guidimakha et l’Assaba, à la frontière avec le Mali, cela fait des années que les populations de ce bled espèrent avoir accès à l’eau potable. 52 ans après les indépendances, certains espaces mauritaniens continuent de souffrir du manque d’alimentation en eau. Soit parce que les autorités publiques n’ont pas fait les efforts nécessaires, soit parce qu’il a été difficile parfois impossible de découvrir des nappes pouvant alimenter les populations.
Pour Hamod, on s’est longtemps caché derrière l’inexistence de nappe. Jusqu’au jour où l’ONG koweitienne «Direct Aid» a requis l’expertise de Mohamed Lemine Ould Yahya, consultant international en matière de forages et de recherche. C’était il y a seulement quelques semaines quand l’expert Ould Yahya a réussi à faire jaillir l’eau des entrailles de cette terre aride. Un forage artésien d’une capacité de 216 m3/h, à eau douce (0,2g/litre). Grâce à ce débit l’ONG pense pouvoir alimenter les villages avoisinants en plus de la localité de Hamod. Cette réalisation a été saluée par les autorités administratives locales qui y ont vu la possibilité d’ouvrir de nouveaux horizons pour les populations.
D'autres découvertes faites par le même expert ont, par le passé, mis en évidence des nappes en milieu discontinu (zone aride) très productives : * Tenguerach (nord Sangrafa) - 100m3/h eau douce (Quarzites), * Tarf Srey (Nord-est Zouerate) - 160m3/h (Pélites), * 4 km au nord-est de EL GHAYRA - 120m3/h (Dolomies), * Aouker - Nord d'Aioun (pastoral) - 43m3/h (Grès).

mardi 21 février 2012

Faire attention à la police

L’autre jour, en sortant d’une cérémonie au Palais des Congrès, j’ai été interpellé par des policiers (un brigadier et deux agents) qui m’ont dit combien ils se sentaient «abandonnés par tous». Par les autorités qui leur ont «tout pris de ce qui faisait la profession : le contrôle routier, le contrôle de l’immigration, les passeports…» Et de conclure : «C’est comme si on ne servait plus à rien».
Dangereux quand les éléments de la police nationale sentent qu’ils ne servent à rien. Dangereux aussi de les mettre progressivement et inéluctablement à la marge. Parce que quoi qu’on dise, la police mauritanienne est un élément essentiel du dispositif sécuritaire du pays. C’est en elle qu’on retrouve les meilleures expertises en matière de suivi des dossiers liés à sa sécurité et/ou à sa stabilité. L’état de corruption qu’on a reproché à un moment au corps relève d’un tout qui, lui, est résultat d’une méthode de gouvernement que l’on espère révolue. La police a aujourd’hui son statut. Les conditions de travail ont été améliorées. Le champ du contrôle routier, source première de la corruption, lui a été pris. Mais la police reste indispensable pour le dispositif.
Quand on parle d’état civil et surtout d’élaboration de cartes d’identité et de passeports, la police est indispensable dans la gestion du fichier de base. C’est seulement elle qui peut et qui doit gérer la base de données. Laissant à l’agence le rôle de la collecte et de la production des documents. Pour satisfaire le souci sécuritaire, il n’y a que la police qui soit habilitée à gérer le back-office de l’Agence pour la sécurisation des documents de l’état civil.
De multiples postes-frontières sont en passe d’être inaugurés sinon en cours de construction. Le plus important de ces ouvrages est celui en construction à Rosso, supervisé par l’OIM (organisation internationale des migrations) sur financement de l’Union Européenne. Tous ces postes seront dotés de moyens modernes de contrôle et d’enregistrement.Tout cela participe à la sécurisation des frontières du pays, à la lutte contre l’immigration et à l’identification des populations vivant sur le territoire mauritanien. Mais, vérité qui doit être répétée, tout cela ne peut se faire sans la forte implication de la police qui doit nécessairement rester le pivot du dispositif sécuritaire du pays.
Le sentiment exprimé par des policiers rencontrés au hasard peut-il être un état d’esprit régnant dans ce corps aujourd’hui ? c’est la question qu’il faut poser et c’est la situation qu’il faut absolument éviter.

lundi 20 février 2012

L’emploi dans tous ses états


On va certainement vous parler – peut-être pendant quelques jours et quelques nuits – de ce forum organisé par l’une des fédérations du patronat. Sur tous les angles, on va vous le présenter. C’est certes un évènement majeur.
Mais pour qu’il ne soit pas un «tapage majeur», il faut bien qu’il ait des suites immédiates. Il faut par exemple nous dire si des recrutements nouveaux vont se faire dans l’immédiat. Je ne parle pas des perspectives d’emplois de Tasiast, MCM ou de la SNIM, perspectives annoncées bien avant et dont l’effectivité est avérée. Je parle de l’emploi au niveau des entreprises privées nationales…
Il est facile de remarquer qu’en visitant un stand de quelques-unes de ces entreprises, on est, quand on connait le pays et ses habitants, frappé par la proximité parentale entre les employés présents et le patron de l’entreprise. Chacun visiblement ne trouvant à recruter que dans son microcosme tribal. De «grands» groupes exposants souffrent de cela. La tribalisation à ce niveau aurait pu être évitée si la politique n’était pas passée par là.
Du temps du PRDS, on demandait aux hommes d’affaires ce qu’on demandait aux promus de l’administration : faire le plein des urnes par tous les moyens et en contrepartie de l’absolution de tous les devoirs (douanes, impôts, comptabilité transparente…). A chaque échéance, nous voyions les patrons dépenser des centaines de millions dans les campagnes. Sommes qui se transformeront en milliards en termes de marchés de gré à gré, de réformes de patrimoine de l’Etat, de cession de biens publics, d’exemptions de toutes sortes… C’est comme ça que la collision entre le monde des affaires et celui du politique a été réalisée. On ne savait plus qui était qui, qui faisait quoi et qui travaillait pour qui.
C’est une époque qui doit être révolue. Nous avions espéré voir cet aspect mis en avant par la promotion de la compétence, de l’expertise. Qu’on nous dise que nos opérateurs économiques s’engagent à promouvoir plutôt la qualité et non la parenté. Et, comme le font les sociétés minières (la SNIM, Tasiast, MCM…), nous dire : «nous engageons dans l’immédiat les profils suivants» et nous les indiquer.
Dans les années 2000, le patronat dirigé alors par Mohamed Ould Bouamatou, avait lancé l’opération «Emploi de 1000 jeunes». Le recrutement avait été précédé par un stage-formation des intéressés (stages rémunérés). Avant d’être casés pour la plupart. Nombre d’entre les diplômés insérés à l’époque ont su se frayer une belle carrière dans les institutions où ils avaient été recrutés. Tout le monde y trouvant son compte : les diplômés pour avoir trouvé un emploi, les entreprises pour avoir trouvé une expertise sans complaisance, la société en résorbant le chômage au niveau des diplômés… C’est d’une initiative pareille que nous avons besoin aujourd’hui que le chômage des jeunes est une vraie problématique du développement et de la stabilité. Nous avons besoin aussi comment nous pouvons (re)former nos diplômés en vue d’une adéquation avec le marché du travail. Comment reconvertir tous ces littéraires, philosophes, économistes (théoriciens)… en techniciens supérieurs, en ingénieurs… pour répondre à la forte demande du marché des miniers ?
C’est pour cela que la manifestation de lundi ne doit pas rester au stade du «m’as-tu-visme».

dimanche 19 février 2012

Wade risque de l’emporter


Quand on suit la campagne électorale de la présidentielle au Sénégal, on ne peut que relever l’attitude équivoque – ce n’est pas fort – de l’opposition démocratique dans ce pays.
D’abord le choix de candidatures multiples qui révèle l’incapacité de cette opposition à venir à bout de ses égoïsmes pour faire face à celui qui est perçu par elle comme «un ennemi principal». On se demande comment se fait-il que cette opposition n’ait pas mis l’intérêt de la démocratie sénégalaise en avant.
La classe politique sénégalaise est sans doute la plus consciente de la sous-région. Sans doute aussi la plus «expérimentée» - en termes de confrontation avec les pouvoirs successifs, de compromission aussi avec ces pouvoirs. Sans doute enfin la classe politique la plus outillée pour juger de la voie à suivre. Là où a échoué cette classe, il n’y a pas d’espoir pour ceux de la région…
Deuxième erreur de l’opposition sénégalaise, c’est certainement le fait de s’attarder encore sur la légalité ou non de la candidature de Abdoulaye Wade. Il est déjà candidat et il faut dépenser toute son énergie pour le battre par les urnes pas en cherchant à interpréter les textes pour récuser un fait consommé. Cela rappelle toute l’anergie dépensée ici avant le 18 juillet 2009 pour savoir si les délais sont légaux, si la communauté internationale peut être convaincue de faire reculer les échéances… Alors que le candidat Ould Abdel Aziz sillonnait le pays et faisait la démonstration de sa toute-puissance, ses protagonistes restaient à Nouakchott à disserter sur la légalité ou non des délais. Cela leur a coûté cher, très cher.
Troisième erreur : le fait de parler français dans les meetings de l’intérieur. Là où le Sénégal rural attend le Wolof, le Pulaar, le Soninké ou le Diola, les candidats n’hésitent pas à discourir dans français très recherché où les mise en apposition et les subjonctifs sont utilisés à profusion.
En suivant chaque nuit une tranche de la campagne, l’impression est celle-là : le risque de voir Wade l’emporter – même dès le premier tour – est trop grand.
C’est ainsi que «l’exception sénégalaise» finit d’elle-même. Parce que la vieille garde politique aura choisi de cultiver ses égoïsmes au détriment de l’intérêt de la démocratie et du raffermissement des acquis en la matière. 

samedi 18 février 2012

Question d’esclavage


La sortie de Boubacar Ould Messaoud, le vieux militant de la cause anti-esclavagiste et président de SOS-Esclaves, a permis de remettre un peu de «mesure» dans les propos sur la question.
Il a dit – et il a raison de le dire – que de nombreux actes ont été faits dont les lois criminalisant la pratique, le procès d’esclavagistes avérés, le débat autour de la question… Il a, bien sûr rappelé que, contrairement à ce qu’avait dit le Président de la République lors de sa sortie d’août dernier, l’esclavage existe bel et bien en Mauritanie. Ajoutant qu’il est cependant combattu.
Ce que j’apprécie dans cette approche, c’est qu’elle prend en compte les progrès accomplis et qui sont aussi des acquis de SOS-Esclaves qui a été la première organisation dédiée à la question à se faire reconnaitre par les autorités. Boubacar Ould Mesaoud dont le nom, soit dit en passant, a été écorché par nombre de nos confrères, est un militant des années 60 (début) qui a persévéré dans son combat lequel a finalement été payant dans la mesure où la cause est aujourd’hui largement partagée par les élites politiques mauritaniennes et où elle devient une question centrale du débat en Mauritanie. Et c’est tant mieux.
Au milieu des années 60, on faisait réciter aux enfants que nous étions un Qasida (poème) dont le premier ver disait : «Elem yaani li Oumelbarka en tahharrara/wa takhla’a ‘anha thawba erriqi ila lwara» (n’est-il pas venu le temps où Oumelbarka se libère et qu’elle balance derrière elle l’habit de l’esclavage). Cette Qasida est toujours d’actualité. Après cinquante-deux ans d’indépendance. Du temps, nous en avons perdu le plus souvent à parler… alors que nous avons besoin d’action. Des actions, il y en a eu ces dernières années. Il est utile de le répéter pour se donner la force de continuer.

vendredi 17 février 2012

Le PRDR s’effrite


Quand El Kory Ould Abdel Mowla, ancien ministre de la communication, ancien ministre conseiller à la Présidence, quand ce journaliste de parcours et homme politique de son état quitte son parti auquel il a tenu tout ce temps, il y a lieu de se poser des questions.
Le Parti républicain pour la démocratie et le renouveau est cette formation née des cendres du PRDS (parti républicain, démocratique et social qui a régné sans partage sur la vie politique de 1991 à 2005). A la chute du régime de 2005, les nouvelles autorités avaient refusé de procéder à la dissolution du Parti-Etat. Ne sachant quoi faire sans l’appui des autorités et dans le souci de récupérer ce qui peut l’être, y compris des nouveaux maîtres, l’intelligentsia PRDS n’a rien trouvé de mieux que de troquer le S pour un R. une alternance consonantique qui en dit long sur l’état d’esprit qui prévalait au sein de la classe politique incapable de réagir ou de dépasser le cap de la surprise au lendemain du coup d’Etat d’août 2005. Tous les partis ont vu dans la déconfiture du PRDS une possibilité de récupérer les transfuges. Ce sera l’opération de blanchiment la plus grande de l’Histoire du pays : ceux qui géraient (et mal) le pays trouvèrent ici l’opportunité de se refaire une notoriété nouvelle. Avec la complicité de tous.
C’est ainsi que le PRDR – né entretemps - dut faire face aux assauts de ses protagonistes. Mais il faut attendre les élections législatives et municipales pour voir le Comité militaire, par la voie de son président, intervenir directement pour encourager les candidatures indépendantes au sein du PRDR. Le parti est saigné à blanc. Il comptait 384 membres dans son conseil national, il n’en restera que quatre. De son bureau politique qui comptait une centaine de personnes, il n’en reste que deux. De ses députés, juste trois.
Nous apprenons aujourd’hui que le PRDR qui recevait 45 millions par an de subventions pour ses résultats aux élections de 2006, n’a jamais tenu une réunion ou un congrès. Le parti qui a participé au dialogue est même incapable de prendre en charge une campagne d’explication comme l’ont fait les autres partis.
Cette situation nous rappelle quand même qu’aucun des partis bénéficiant de subventions ne rend compte. Alors que tous les acteurs politiques, de la Majorité comme de l’Opposition, disent que l’exigence de transparence est une revendication centrale, aucun d’eux n’accepte de balayer devant sa porte. Pourquoi l’Inspection générale ne va pas fouiller dans les comptes de ces partis, tous gérés de façon opaque alors qu’il s’agit de l’argent public ?
Depuis 2006, aucun parti n’a rendu compte. C’est donc normal qu’il y a toujours des raisons pour leurs cadres de les quitter. Le PRDR qui perd avec Ould Abdel Mowla un cadre persévérant et loyal, pourrait connaitre d’autres dissidences dans les semaines qui viennent. Le paysage politique mauritanien ne finit pas de se reconstituer.

jeudi 16 février 2012

La Mauritanie validée


C’est seulement hier que la Mauritanie a été validée comme pays conforme par le Conseil d’Administration de l’Initiative de transparence dans la gestion des industries extractives (ITIE) qui s’est tenu à Londres ces jours-ci. Le président du Comité national de l’ITIE, Sidi Ould Zeine, conseiller par ailleurs du Premier ministre, était présent à cette prise de décision.
C’est ainsi que les efforts du pays en matière de transparence des industries extractives sont couronnées.
Des années se sont passées depuis que le Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar a déclaré l’adhésion du pays à l’initiative. Des batailles où le Comité national, et notamment son président, ont joué un rôle de premier plan.
En février 2009, alors que la Mauritanie était mise à la touche par les partenaires techniques et financiers à la suite du coup d’Etat du 6 août, le pays réussissait à se faire élire membre du Conseil d’administration de l’ITIE. Il fallait ensuite entreprendre le parcours qui consistait à présenter des rapports pour les années 2006, 2007, 2008, 2009… Pour ce faire mobiliser les ressources nécessaires au moment où le partenaires retiraient leurs apports.
En fait l’adhésion à l’ITIE vise à améliorer la gouvernance par le renforcement de la transparence dans la gestion des matières extractives, notamment les mines et le pétrole. C’est par décret N°2009-231/PM que le Comité national ITIE (CNITIE) entre dans une phase nouvelle d’implication de tous les acteurs : les représentants des administrations concernées (finances, mines, pétrole), des sociétés actives dans le domaine et surtout des représentants de la société civile en quantité et en qualité suffisante pour faire le poids (ONG spécialisées dans le domaine, dans celui de l’environnement, de la transparence ou même des droits de l’homme ; Presse ; Avocats…). C’est le CNITIE mis en place en 2009 qui mène la bataille de la validation. Un plan d’action étalé sur trois ans est validé par le Comité qui engage un cabinet indépendant pour collecter les données relatives aux années visées et engager une procédure pour faciliter les audits ultérieurs. Il a nommé en son sein un comité de suivi dont la majorité des membres étaient de la société civile.
En vue de finaliser les rapports, les auditeurs devaient collecter tous les paiements opérés par les entreprises extractives et tous les revenus perçus par l’Etat et ses démembrements (Société des hydrocarbures, trésor public, impôts… Pour faire le parallèle entre les paiements et les revenus et en contrôler la conformité. Par la même occasion établir un bilan physique des productions minières et pétrolières, selon les termes de référence de l’audit. Dernière attente, définir une méthodologie pour avoir une base régulière pour normaliser le procédé d’élaboration des futurs rapports.
La persévérance du Comité et la volonté politique affichée des pouvoirs publics ont fini par payer. La validation de la Mauritanie comme pays conforme est sans doute un heureux évènement et un grand pas sur la voie de la bonne gouvernance.

mercredi 15 février 2012

Quand le marabout démarche le griot

Il y a quelques nuits, une association de la nébuleuse du mouvement islamiste en Mauritanie organisait une rencontre pour le moins surprenante. L’intitulé était «liqaa el Fiqh wa el Fan» (rencontre entre le Fiqh et l’art). L’association Al Mustaqbal dont le président n’est autre que Shaykh Mohamd el Hacen Ould Dedew, tandis que l’exécutif est dirigé par le secrétaire général Mohamed Mahmoud Ould Seyidi (ancien ministre pour Tawaçoul dans le gouvernement de Waghf II), cette association travaille dans des domaines divers et a de nombreuses excroissances dans le domaine culturel et social, mais aussi de la prédication. C’est elle qui parrainait cette manifestation.
Toutes les associations du monde de la musique traditionnelle furent sollicitées – quand on dit musique chez nous, on parle exclusivement des griots. Le débat a été dirigé par Shaykh Mohamed Ould Abouwah, prédicateur et poète émérite de l’espace hassanophone. La plupart des grandes familles de griots étaient présentes à travers les associations.
La soirée a tergiversé entre «porte ouverte» du Fiqh tel que promu par la Jema’a fondamentaliste sur la musique et sa pratique, et «opération de charme» qui découle d’une approche politique consistant en une ouverture sur certains pans de la société.
L’on retiendra que l’appel à la prière du crépuscule (Al maghrib) a été l’œuvre de Bouh Ould Bawbe Jidou, alors que l’entame (liqaama) l’œuvre de Mohamed Ould Hembara, tous deux héritiers de grandes écoles de musique traditionnelle du Hodh. Mais les concessions s’arrêteront là : la prière sera dirigée par l’un des «shuyukhs» de la mouvance.
L’on retiendra aussi que la question posée par une jeune griotte ayant abandonné la pratique de l’art pour raison religieuse, et qui voulait, à l’occasion savoir si son art était illicite ou non, cette question restera sans réponse.
L’on retiendra enfin que la réconciliation entre «Marabouts» - pan sensé promouvoir le savoir religieux – et le griot représentant un pan s’occupant de l’art traditionnel, que cette réconciliation attendra encore. Il existe un proverbe Maure qui dit : «le marabout n’est pas l’ami du griot».
Pour l’anecdote, quelqu’un – un marabout – avait opposé cet aphorisme à Mokhtar Ould Meydah, un griot-faqih-grammairien- poète émérite. Un peu pour éviter de "faire le nécessaire", un peu pour taquiner. Et Mokhtar de répondre : «c’est quand même le marabout refuse»… le refus à double sens…
Espérons en tout cas que la manifestation soit l’expression d’une prise de conscience de l’importance de la frange sociale des griots, comme dépositaires de la légitimité d’un art authentique qui risque de se perdre aujourd’hui, comme propriétaires d’un patrimoine qui doit être restauré. 

mardi 14 février 2012

Les massacres d’Aguelhok


C’est maintenant prouvé et tout le monde en parle : des massacres ont été commis dans cette localité du nord malien. Plus de 80 soldats maliens ont été froidement exécutés par les rebelles qui avaient pris possession de la ville pendant quelques heures ou quelques jours (c’est selon les versions).  Sur le total des exécutés, il n’y avait que trois «teints clairs». Ce sont les «fuites organisées», notamment la diffusion des photos, qui ont provoqué les mouvements de foules visant les populations Touarègues et Maures et dont les commerces mauritaniens ont été victimes en partie.
«Il y a eu effectivement des violences absolument atroces et inadmissibles à Aguelhok, il y a eu effectivement des exécutions sommaires, des soldats, des personnes – on parle d’une centaine – qui ont été capturées et ont été froidement exécutées», a déclaré le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt au lendemain de sa visite à Bamako, Nouakchott et Niamey. Il a précisé que «certains prétendent que la méthode utilisée pour l’exécution s’apparente à celle utilisée par Al-Qaïda». Alors que de son côté, Alain Juppé, ministre français des affaires étrangères, déclarait qu’«on ne sait pas très bien quelle est la part que joue Al-Qaïda ou Aqmi (dans ces attaques), mais il y a eu des massacres tout à fait épouvantables et que nous avons condamnés».
Ce sont les hommes d’Iyad Ag Ghali qui dirige la faction dite «Ansar Al Islâm», qui seraient responsables du massacre. Les méthodes sont bien celles d’Al Qaeda avec lequel l’ancien diplomate malien entretient des relations avérées. Notamment avec la brigade de Targui, l’un des seconds du chef Abu Zeyd. La logique tribale sous-tendrait une telle alliance. Reste à savoir si le massacre avait sciemment opéré le massacre, pour ensuite en faire porter la responsabilité au mouvement de libération de l’Azawad, ou si c’est tout simplement le fruit de la fureur aveugle et meurtrière de son groups fortement inspiré par les méthodes d’Al Qaeda.
Mais au-delà de la question du massacre qui soulève l’indignation de tout le monde, c’est la stabilité du Mali qui est préoccupante. Même si tout le monde – pays voisins, acteurs politiques locaux et régionaux, leaders d’opinion…- s’accorde sur la nécessité de rejeter toute remise en cause des frontières héritées de la colonisation. Cela ouvrirait la voie à tous les réaménagements des frontières en Afrique. Mais comment régler le problème du nord malien ?
Dans la perspective des élections présidentielles, la question de savoir si ces élections peuvent se tenir à la date initialement prévue, cette question est posée. Comment faire élire un président à un moment où le tiers (au moins) du pays est hors contrôle ? va-t-il falloir exclure une partie de la population ?
Ou faut-il penser à la mise en place d’un gouvernement de transition chargé de fixer une nouvelle date pour ces élections et de définir (de mettre en action probablement) un plan de paix qui inclurait toutes les parties ? Quel rôle alors pour l’actuel chef d’Etat Amadou Toumani Touré accusé par beaucoup d’avoir laissé faire ? Avant tout cela, comment éviter que les éléments jihadistes fortement implantés au nord du Mali, ne réussissent à semer le désordre et les germes de la confrontation ethnique ?
C’est tout cela qui doit interpeller les amis du Mali dont tous les habitants de la région ahélo-saharienne. 

lundi 13 février 2012

Héroïque Zambie


On les a vus battre les Lions de la Teranga du Sénégal. On a parlé de leur ambition d’aller au plus loin dans la compétition. On a disserté sur leur motivation qui est celle de commémorer la mémoire de leurs aînés tués dans un crash d’avion au milieu des années 90, en terre gabonaise justement.
Et depuis le début, l’équipe de Zambie a développé un jeu marqué par la créativité, la spontanéité mais aussi l’efficacité. Aucuns des joueurs alignés durant la compétition n’a semblé se retenir, chacun donnant le meilleur de lui-même, laissant exploser son savoir-faire. Le jeu y a gagné en subtilité et en intelligence. Que la Zambie remporte la coupe d’Afrique des Nations est une conclusion logique de la prestation de cette équipe. Qu’elle en soit félicitée et avec elle toute la Zambie…
Je retiendrai quand même ces qualités qui ont permis à la Zambie d’être la première équipe africaine.
La première de ces qualités est la spontanéité de l’engagement. Sa sincérité aussi. Pas de calcul, donc pas de peur d’affronter le protagoniste. Pas de ménagement de soi, autre qualité fondamentale. Savoir ce qu’on veut et travailler à fond pour l’avoir…
Récapitulons : spontanéité, engagement, sincérité, courage, franchise, fixation d’un objectif, mise en place des outils pour l’atteindre… C’est ce qui a fait qu’avec une équipe comme celle de la Zambie, le football n’est plus un exercice physique idiot, mais une entreprise intelligente et séduisante. Comment faire pour que la politique soit aussi une entreprise intelligente et séduisante ?

dimanche 12 février 2012

Marzouki à Nouakchott


Le passage du président tunisien Moncef Marzouki à Nouakchott est un évènement politique majeur. Pour les autorités, il s’agit d’une présence qu’il fallait mettre en exergue face à l’opposition. Son passage a servi à organiser une conférence au profit de la société civile. Durant cette conférence, le président Marzouki a défini les conditions qui doivent présider à la fondation d’un Maghreb des peuples. Notamment l’instauration des cinq libertés : liberté de déplacement donc suppression des visas, de résidence, de travail, d’investissement et d’élections municipales.
Très optimiste, le président tunisien a promis la relance de la construction du Maghreb Arabe. Après la chute des régimes dictatoriaux de Ben Ali et de Kadhafi, la route du Maghreb des peuples est ouverte. Surtout que, selon lui, des réformes sérieuses ont été entreprises dans les autres pays. Citant le Maroc et la Mauritanie comme exemples de cette révolution tranquille.
«J’ai trouvé auprès du Président de la République ce que j’espérais, à savoir cette volonté sincère qui nous anime tous pour la construction de l’Union maghrébine», a déclaré le Président Marzouki.
Alors que les partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) avaient rendu public un communiqué dans lequel ils déclaraient être désolés de ne pouvoir accepter de rencontrer le président tunisien dans le Palais présidentiel, dans le cadre d’une visite supervisé par le «tyran Mohamed Ould Abdel Aziz», on est surpris ce dimanche d’apprendre que la rencontre a bien eu lieu.
Le Président Marzouki a reçu une forte délégation de la COD qui lui a exposé sa vision des choses. Ils ont regretté de différentes manières, le fait de le voir venir en visite à un dictateur qu’ils entendent chasser. De son côté, le président tunisien leur a rappelé ses fonctions et ce pour lequel il est là. Avant de leur conseiller le dialogue comme méthode d’action et moyen de combat pour parvenir aux réformes nécessaires sans verser un grand prix comme cela s’est passé en Libye, au Yémen, en Egypte ou comme cela se passe en Syrie.
Après avoir été à Nouakchott pendant trois jours, le Président Marzouki n’a probablement pas transmis son optimisme débordant à notre encadrement politique national. Dommage.

samedi 11 février 2012

Afro-pessimisme


C’est une publicité qui passe sur Canal en ces jours de CAN qui m’a révoltée pour ce qu’elle laisse supposer. Une pub pour un réfrigérateur qui conserverait les aliments même en cas de coupure prolongée de courant. Sur aucun des continents autres que l’Afrique on ne peut présenter de la sorte les avantages d’un produit.
C’est Didier Drogba qui se prête à la pub. Sa petite fille lui a préparé une gelée qu’elle a mise dans un frigo. Mais la coupure de courant l’inquiète. Quand son père arrive, elle peut lui offrir une gelée bien conservée.
Il est vrai que les capitales africaines souffrent encore du déficit en électricité, que les délestages sont fréquents, mais de là à utiliser cela comme une donne constante et normale, il y a un pas qu’il fallait craindre de franchir. En tout cas c’est mon sentiment.
P.S : Les textes que vous lisez ici servent à alimenter un blog (oumeir.blogspot.com) qui sert lui son auteur pour dire le monde à sa manière. Il s’agit donc de l’expression personnelle de sentiments et de positions. Il ne s’agit donc pas d’éditoriaux comme certains semblent le penser. Mais des partis-pris déclarés et totalement assumés. A bon entendeur.

vendredi 10 février 2012

Un immolé encore


Abderrahmane Ould Bezeyd, enseignant de son état, issu d’un milieu maraboutique authentique et enraciné, s’immole non loin de la présidence. Il arrive un peu après 21 heures devant les grilles des affaires étrangères, juste en face de la sentinelle de la présidence. Il prend un bidon et se verse le gasoil sur le corps avant de faire feu. Les militaires essayent d’éteindre les flammes avant d’appeler les pompiers et d’amener la victime à l’hôpital.
On peut se poser des questions sur le moment choisi par Ould Bezeyd : en général quand on agit de la sorte, c’est pour se donner en spectacle, alors que l’intéressé a agi en pleine nuit, à une heure où il y a peu de passants. Aussi sur ses motivations : quelqu’un qui a un travail, qui refuse de rejoindre son poste et qui est révolté par la prise de mesures administratives à son encontre.
Mais quand un homme agit de la sorte, on est obligé de marquer un temps de méditation. De méditation et d’effroi. Qu’est-ce qui peut pousser un homme à chercher à se tuer, surtout en se brûlant ? Quelle attitude mentale, quels prédispositions intellectuelles, quelle idéologie peuvent amener un mauritanien, de surcroit de milieu de savoir cultivant la non violence, un homme de condition sociale aisée, qu’est-ce qui peut amener cet homme à vouloir se donner la mort ?
On peut toujours se rappeler que nous sommes dans une atmosphère où les leaders d’opinion cherchent à instaurer la culture de la désespérance qui est le facteur déterminant de ces comportements. Les appels au sacrifice lancés de temps en temps par les plus en vue de nos leaders d’opinion, créent une psychose surtout si certains Ulémas laissent entrevoir la porte du suicide comme une possibilité d’accéder au Paradis à moindre prix. Pourtant ce geste doit amener nos Imams à faire des prêches véhéments sur la vision de l’Islam de tels actes.
Nous restera quant à nous cette objection de conscience, cette interpellation que constitue pour les autres l’acte de se donner la mort.

jeudi 9 février 2012

Coup de com’


L’Office national du tourisme (ONT) fait de son mieux pour ramener les touristes en Mauritanie. A l’occasion du festival des villes anciennes, l’ONT a affrété un avion charter pour ramener des dizaines de touristes sur les terres de l’Adrar mauritanien. On les a vus courir les ruelles de Wadane et prendre plaisir à participer à la fête.
Classée dans la zone rouge par le Quai d’Orsay, la région de l’Adrar a perdu une importante ressource qui a huilé l’économie locale avant 2007, date à laquelle les terroristes sont passés à la phase de menaces sur les étrangers se trouvant en territoire mauritanien. On se souvient que depuis, la France officielle a fortement déconseillé à ses ressortissants de se rendre dans ces régions, avant de la classer zone extrêmement dangereuse.
Rien n’y fait depuis. Ni le lobbying des tours Operators, ni l’action énergique du gouvernement mauritanien qui a fini par pacifier la zone, d’abord en occupant le terrain, ensuite en le quadrillant par des unités spécialisées dans l’intervention face à la menace terroriste. C’est ainsi que cinq GSI (groupe spécial d’intervention) ont été mis en place. Unités légères très bien équipées, possédant la même méthodologie de frappe que l’ennemi (rapidité, combativité, sens de l’orientation dans le désert…), ces GSI sillonnent les grandes étendues allant du Dhar de Néma dans le sud-ouest mauritanien à Chegatt aux confins des frontières algéro-mauritaniennes. Des bases fixes existent aussi. Chacune des régions militaires possède aussi une unité légère d’intervention semblable au GSI. En plus l’aviation a été développée avec l’acquisition de nouveaux appareils adaptés à la demande mauritanienne (Tucano) et la formation d’un personnel qualifié à l’école aéronautique d’Atar.
Tous ces efforts expliquent les succès de l’Armée mauritanienne depuis 2010. L’effort sous-régional doit continuer pour parvenir à une stabilisation totale et donc à une sécurisation de toute la région sahélo-saharienne. Une région qui souffre en ces temps de l’absence des touristes mais aussi des ONG spécialistes dans les interventions humanitaires. La Mauritanie n’est pas le seul pays à vivre les effets néfastes de cette guerre qu’impose les groupes de terroristes AQMI.

mercredi 8 février 2012

Civilisation, ma mère


Contrairement à ce que dit l’idéologie de gauche, «toutes les civilisations ne se valent pas». C’est ce qu’a dit Claude Guéant, le ministre français de l’intérieur. Ces propos ont soulevé un tollé qui a finalement eu raison du «calme» de l’hémicycle après le lien fait par un député socialiste entre ce que dit le ministre et les idéologies qui ont donné le nazisme. Polémique au milieu d’une campagne présidentielle qui a commencé effectivement depuis quelques semaines.
Pourtant tout propos visant la comparaison entre les civilisations procède nécessairement de la logique qui a conduit Gobineau à élaborer sa théorie des races qui a fini par inspirer les idéologies dont l’une des manifestations fut le national-socialisme. On sait ce que cela a donné. Le député des DOM & TOM qui l’a interpellé là-dessus avait bien raison. D’autant plus que cette démarche allait justifier les affres de la colonisation et de la traite négrière dont les ancêtres du député en question furent victime. Les airs faussement scandalisés des amis de Claude Guéant n’y feront rien : tout propos comparatif de civilisations – surtout si c’est pour dire que l’une est meilleure que l’autre qui est au-dessus d’une autre…- tout propos du genre renvoie nécessairement aux fondements des idéologies racistes et sectaires.
Quand, en classe de terminale, on nous faisait réfléchir autour du célèbre «nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles» (Paul Valéry au lendemain de la grande guerre), on ne pouvait s’empêcher de donner cette définition de la civilisation d’Emile Durkheim : «Toute civilisation prend à l’intérieur de chaque peuple, de chaque Etat, des caractères particuliers mais les éléments les plus essentiels qui la constituent ne sont la chose ni d’un Etat, ni d’un peuple : ils débordent les frontières, soit qu’ils se répandent, à partir des foyers déterminés par une puissance d’expansion qui leur est propre soit qu’ils résultent des rapports qui s’établissent entre sociétés différentes et soient leur œuvre commune. La civilisation est une sorte de milieu moral englobant un certain nombre de nations, chaque culture nationale n’étant qu’une forme particulière du tout». On finissait toujours par développer vers le concept de la civilisation de l’Universel, là où l’on aboutit fatalement à la conclusion que toutes les civilisations se valent justement. Et qu’elles procèdent d’un tout.

mardi 7 février 2012

Les images se ressemblent


Les images qui nous viennent de Syrie me rappellent celles qui pleuvaient arrivant de Gaza il y a quelques trois ans. La différence, c’est que les bombes à phosphore ne sont pas utilisées contre les populations syriennes. Autre différence de taille, c’est l’attitude de la communauté internationale face aux deux évènements.
Hier, c’était le silence complet, une sorte d’hypocrisie qui trahissait la franche complicité avec le bourreau. Même de la part des pays arabes les plus en vue aujourd’hui. Quand la Mauritanie avait décidé de rompre toute relation avec Israël pour marquer le coup, est-ce que Qatar, l’Egypte ou la Jordanie ont fait semblant de faire quelque chose de pareil ? est-ce que les Etats du Golf ou ceux du Maghreb ont protesté auprès de leurs alliés occidentaux ?
Quand les Etats-Unis ont usé du droit de veto pour protéger Israël et empêcher le massacre des Palestiniens, laquelle des Nations arabes a appelé à des manifestations devant les ambassades américaines ? qui a appelé à rompre avec les Américains ?
Rien ne peut justifier le silence face aux malheurs qui s’abattent sur le peuple syrien qui demande plus de liberté, plus de participation à la gestion de son devenir. Absolument rien. Mais rien ne peut nous faire oublier non plus que le veto russe utilisé aujourd’hui pour protéger Bechar Al Assad et son régime, procède de la même logique du veto américain qui sert à protéger Israël. Tous deux sont destinés à encourager l’exercice de l’arbitraire contre des peuples qui n’ont d’autres moyens de se défendre que leurs torses nus. Une manière de permettre au bourreau de continuer sa basse œuvre. De laisser le victime souffrir encore plus.