lundi 19 mai 2014

la fuite en avant

Qu’est-ce qu’on n’entend pas comme bêtises énoncées par les spécialistes, parfois les politiques les plus en vue à propos de l’enlèvement de deux cents filles par Boko Haram, cette secte nigériane désormais affiliée à Al Qaeda ? Comme si les activités de cette secte étaient nouvelles. Comme si la jonction entre elle et les mouvements Ashabab de Somalie et AQMI au Maghreb n’étaient pas attendues. Comme si les actions meurtrières n’avaient pas déjà fait des milliers de victimes au Nigéria (la plupart des Musulmans).
Depuis quelques années, on voyait se durcir les positions de la secte nigériane. La présence de Nigérians au Nord du Mali a été signalée dès 2006. Et toutes les analyses prévoyaient la mise en place d’un arc-de-feu qui lierait AQMI dans l’espace sahélo-saharien à la Corne de l’Afrique en passant par l’hinterland ouest-africain. Très tôt on avait même parlé de la menace que faisait peser la présence de cet activisme sur la façade atlantique de l’Afrique de l’Ouest : qu’est-ce qui empêcherait les combattants salafistes de la zone de faire la piraterie comme les Somaliens ?
Avec l’enlèvement de près de deux cents filles nigérianes, on a l’impression que le monde découvre la menace qui fait régner la terreur en semant la mort et le désespoir au sein des populations de la sous-région.
Si le cycle ayant mené à la naissance du Sud Soudan a été un artifice d’Hollywood dont les «citoyens»  ont réussi à embarquer avec eux l’administration américaine, l’action de la France en Afrique de l’Ouest et au Maghreb a déjà conduit à des désastres qui ne finissent pas de coûter aux pays et aux populations.
C’est d’abord l’aventure libyenne qui a pesé lourd sur la stabilité de la région. En suivant les postures d’un sombre philosophe au crépuscule d’une carrière faite de coups d’éclats médiatiques (BHL), le président Sarkozy avait commis une erreur très grave d’abord en poussant l’OTAN à détruire la Libye, ensuite en donnant son vert à l’assassinat sauvage du dictateur Moammar Kadafi. L’instabilité de la Libye et l’enracinement des groupes armés extrémistes dans ce pays allaient irradier toute la région. A commencer par le Mali dont une partie a été occupée par les groupes jihadistes.
C’est donc l’opération Serval ayant servi à libérer le Nord du Mali qui a été le deuxième acte «irréfléchi» des Français dans une zone qu’ils croient pourtant connaitre. Sans anticiper sur la réaction des populations du Nord et tout en faisant un mauvais calcul sur l’apport que pouvait avoir les groupes rebelles «amis», la France s’est engagée sur un champ de bataille qu’elle n’est pas près de quitter. Certes les Tchadiens ont été d’un grand concours, mais à quoi ont servi les autres armées africaines mobilisées dans le cadre de la MISMA (Afrique) puis la MINUSMA (ONU) ?
Sans attendre d’entrevoir l’issue de cette guerre, la France s’est ensuite engagée en Centrafrique. L’opération Sangaris est parue plus comme une couverture aux exactions commises contre les Musulmans de ce pays que comme une opération de pacification. Elle continue de coûter au contribuable français déjà en difficulté à cause de la crise économique.
C’est maintenant le Nigéria qui intéresse la France de François Hollande. Cinq chefs d’Etats viennent de prendre part à un sommet convoqué par le Président François Hollande à Paris. Pour discuter de la situation au Nigéria et de l’activisme de Boko Haram.
Au cours d’une conférence de presse tenue à l’issue de la réunion, le Président Paul Biya du Cameroun : «Nous sommes ici pour déclarer la guerre à Boko Haram». Mais avec quels moyens et comment ?
Aucune précision après le sommet. Le plan adopté se base sur les échanges de renseignements et d’informations, la coordination et la mutualisation des moyens, notamment de surveillance autour du Lac Tchad et la mobilisation d’une force d’intervention.

François Hollande de préciser quand même qu’«il n’est pas besoin pour la France de déployer des unités militaires» parce qu’«elles sont déjà présentes dans la région». Le problème pour le Président français, c’est qu’il a toujours mis en avant la pauvreté des pays «assistés» par l’envoi des troupes, alors que le Nigéria est quand même un pays riche, très riche et dont les forces participent à plusieurs opérations de maintien de paix dans le monde. Cet argument est donc tombé. Qu’est-ce qui restera donc du sommet de Paris ? Rien sinon qu’il aura été une étape de plus dans la fuite en avant des autorités françaises qui tentent de maintenir l’image d’une France influente et volontaire sur la scène internationale. Comme pour faire oublier les déboires intérieurs d’une politique à laquelle peu de Français croient encore.