mercredi 30 mai 2018

UPR : Le Gouvernement plombe la réforme


Au début était la volonté politique et l’ambition personnelle du Président de la République de réformer l’Union pour la République, un parti au pouvoir qui a fini par devenir un poids difficile à porter.
Il y eut d’abord la création de la commission chargée d’évaluer la situation du parti et de proposer un plan de redynamisation pour permettre d’une part de normaliser la situation des instances dirigeantes et d’autre part préparer les élections futures en donnant au parti toutes les chances de réussir l’épreuve.

Egoïsmes puissants

La composition de la Commission a d’abord été expliquée par la volonté de puiser chez les cadres les moins engagés dans les querelles intestines, dans la jeunesse et dans la proximité du Président de la République. Une explication qui a sauté dès les premières manœuvres. Il s’est avéré en effet qu’au sein de la Commission ad hoc, allaient s’exprimer les ambitions les plus folles et les querelles les plus élémentaires.
Il suffit de remarquer qu’au sein de la Commission siègent trois chefs de factions de la Wilaya du Brakna : Moktar Ould Diaye, Diallo Mamadou Bathia et Mohamed Ould Sweydatt. Il suffisait ensuite de s’attarder sur la fougue du jeune Ould Diaye pour savoir qu’il allait immédiatement tenter de faire main basse sur le parti en donnant à la réforme le sens qu’il voudra.
Le ministre de l’économie et des finances tient effectivement les rênes financières et administratives qui lui permettent de mobiliser, de s’approprier, d’accaparer le processus ici et là. Il est le seul à pouvoir recruter, obtenir des émoluments pour celui-là, nommer celui-ci à un poste, à accorder des faveurs… toutes les administrations du pays ayant perdu leur autonomie dans la gestion quotidienne au profit du ministre de l’économie et des finances. Tout ce qui sort de ses «compétences» revient au Premier ministre qui en use allègrement pour servir aussi ses desseins politiques.
Le territoire national a été, ces dernières semaines le théâtre des affrontements entre les responsables de la haute administration : le Premier ministre, les ministres (économie, hydraulique, énergie, défense, équipements…), du Directeur général de la Sûreté, du Chef du contre-espionnage… Comme si ces responsables n’avaient d’autre souci que celui de s’assurer un maximum d’unités UPR dans ce qu’ils considèrent être leurs fiefs.
Pourtant, l’objectif de cette implantation n’a jamais été de savoir le poids de l’enracinement de quelques hommes qui n’existent que par leurs fonctions actuelles.

Etat des lieux alarmant

Quand le Président Mohamed Ould Abdel Aziz est descendu dans l’arène pour donner un coup de main à la Commission qu’il avait nommée et à laquelle il avait confié l’évaluation et la redynamisation de l’Union pour la République, il avait été clair dans les objectifs fixés. Le parti revenait de loin.
Fondé le 5 mai 2009, au milieu de la crise politique ayant déchiré le pays à la suite du coup d’Etat du 6 août 2008, l’Union pour la République a été conçu pour être l’un des pôles impliqués dans le dialogue de Dakar qui devait aboutir à un accord politique entre ce pôle et les deux autres : celui du Front national pour la démocratie et l’unité (FNDD) et celui du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). Accord politique aboutissant à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale chargé de superviser une élection présidentielle et donc de gérer une courte période de transition.
Le 4 août 2009, le parti tenait son congrès devant lequel, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, fraichement élu, annonçait solennellement sa démission comme le stipule la Constitution. Et en juillet 2010, le Congrès ordinaire de l’UPR se tenait. C’est ce congrès qui permit l’élection des instances du parti, notamment de son premier président Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine. Premier et… dernier congrès «ordinaire» d’un parti qui ne cessera de remettre à plus tard ses rendez-vous. Vont se succéder des réunions du Conseil national transformées pour le besoin en congrès extraordinaire.
Le congrès extraordinaire du 5 mars 2014 permet la désignation de Isselkou Ould Ahmed Izidbih à la tête du parti. Puis celui du 6 septembre de la même année qui ouvre la voie à Me Sidi Mohamed Ould Maham. Trois présidents dont un seul est issu d’un processus «ordinaire». Plusieurs tentatives de «normalisation» sans résultat. Entre la défiance du Président vis-à-vis du parti et l’indiscipline voire l’hostilité du gouvernement à son égard, l’UPR est incapable de jouer le rôle de locomotive politique lors des grands rendez-vous comme le référendum du 5 août 2017. C’est le gouvernement qui lui ravit la vedette à la suite du camouflet qu’on sait.
Pour ratisser large, la Commission lance des journées de réflexion ouvertes par le Président de la République qui fixe les termes de référence de l’opération. Sur la situation, tout le monde est d’accord pour dire que le parti est un corps malade. Sur la redynamisation, deux axes sont prioritaires : celui du discours politique et celui du renouvellement des instances pour leur donner la légitimité nécessaire. Bien sûr un atelier sera consacré au financement du parti, un autre au fonctionnement…

Recherche Redynamisation désespérément

Le temps pressait parce qu’il fallait tout finir dans les délais permettant de bien préparer les échéances électorales futures. C’est naturellement le processus d’implantation qui s’enclenche immédiatement parce que le parti l’avait envisagé en 2016 et, pour ce faire, avait déployé les outils techniques nécessaires.
Les deux premières phases de l’implantation viennent de se terminer et à chacune de mauvaises surprises attendaient.
A la phase adhésion, l’UPR a dû faire face à une affluence qui a donné un résultat inattendu : la barre du million d’adhérents est dépassée alors qu’on attendait 300.000. Cette affluence allait aussi «actualiser» d’anciennes querelles tribales savamment manipulées par les marionnettistes qui opèrent depuis les bureaux de la haute administration à Nouakchott.
Mais c’est la phase de l’implantation des structures de base (unités) qui allait radicaliser les hostilités. Les deux phases apparaissant comme une primaire au sein de l’UPR. C’est que le discours entretenu par le ministre Ould Diaye sur les réseaux sociaux, affirmait que tous les choix qui seront faits le seront désormais en fonction de «la représentativité effective» de chacun sur le terrain. Dans une atmosphère délétère caractérisée par la possibilité de s’affronter «sans oublier qu’on appartient au même parti». Affrontez-vous, rappelez-vous après que vous êtes de la même formation politique…
Les divergences n’ayant pas de fondement «intelligent» - ce n’est pas la différence dans les points de vue, ni dans les orientations politiques, ni dans les choix économiques, ni dans la vision des problématiques sociales et de leurs solutions -, ce sont les ressentiments personnels et donc les égos qui les nourrissent.
Le discours politique ? Personne n’en parle. Le programme pour les futures élections ? Personne n’en parle non plus. Ce sont les guerres de positionnement qui l’emportent et qui occupent. Si bien qu’on peut conclure à un échec de l’entreprise d’assainissement engagée il y a quelques mois.
Même le déroulement des opérations d’implantation ne satisfait personne. Du coup, la légitimité voulue au début par la volonté affichée de transparence, est altérée.
Le cafouillage occasionné par les querelles de factions empêche de voir clair dans le poids électoral des acteurs. A quelques mois des premières échéances, l’UPR risque fort de faire le pire des choix. Et d’en récolter les conséquences.
Lors de sa réunion de samedi dernier (26/5), la Commission ad hoc a décidé de reprendre les opérations de désignation des structures seulement au niveau de Nouakchott et Nouadhibou, de laisser l’intérieur jusqu’au 20 juin. Elle aurait aussi décidé de commencer tout de suite à faire ses choix pour les candidatures aux élections. Selon certains de ses membres, cela permettrait de vider immédiatement les querelles et de savoir qui est effectivement avec le parti quelque soient ses choix.
Dans quelques jours donc, l’UPR sera obligé de finir ce qu’il a commencé. Il gagnera au moins le pari d’avoir organisé un Congrès ordinaire. S’il y arrive.

Ould Oumeir

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