mercredi 27 juin 2012

Manèges & Cie

Mardi soir, l’avion de la RAM est attendu. Des dizaines de gens sont là, comme moi, à attendre que les passagers sortent. Parents, amis, coursiers… chacun voudrait voir la personne attendue au plus vite. Depuis que le hall de l’aéroport est interdit au public, ceux qui attendent doivent patienter dans le parking.
Si mes souvenirs sont bons, on nous disait à l’époque où l’on confiait la gestion des aéroports à la SAM (société des aéroports de Mauritanie), que la taxe sur les billets compensait les services que cette société était sensée fournir aux usagers. Dont un hall d’accueil où parents et amis pourraient attendre les voyageurs. Aujourd’hui l’accès du hall est seulement autorisé à deux catégories de personnes : les porteurs de badges (pour une raison ou une autre) et les privilégiés qui ont la chance de connaitre les gendarmes en faction ou leurs chefs.
A la porte du hall s’agglutinent les impatients qui tentent de se rapprocher le plus des issues pour crier à temps, marquer la bienvenue, exprimer un amour. De temps en temps, les gendarmes font reculer la foule, plus ou moins poliment (sans doute plus moins que plus). Le temps de reconnaitre un visage et de lui faire passer la barrière.
Un douanier sort avec de nombreuses valises et deux charriots qu’il convoie justement jusque la porte de sortie. Comme ces collègues à lui qui convoient les voitures (souvent) volées dans les pays méditerranéens et qui doivent finir leur course dans l’une des «bourses» de Nouakchott.
Ceux qu’on ne voit plus dehors sont les policiers. Au moins eux connaissaient beaucoup de gens. Ce qui fait que quand ils s’adonnaient à ce manège qui consiste à faire profiter ses proches, ses connaissances, à monnayer en fait l’accès au hall, plus d’usagers en profitaient. Avec les gendarmes, on va dire que ce sont deux personnes sur huit qui sont traitées de la sorte, avec le privilège de pouvoir entrer.
Il y a quelques mois je vous parlais de ce douanier qui faisait passer des étrangers tous les contrôles. Je retrouve le même en train de convoyer de grosses valises vers l’extérieur. J’imagine que ceux qui ont besoin d’être convoyés de la sorte, ce sont des commerçant(e)s ou des trafiquant(e)s. ne nous étonnons point si on n’a jamais entendu parler d’une prise à l’aéroport (drogue, marchandises illicites…).
L’un des gendarmes me reconnait – ou me confond avec quelqu’un – et vient me prier d’entrer après avoir palabré avec son chef. Je refuse naturellement tout en le remerciant. Attendre ici ou à l’intérieur, je ne vois pas la différence. Sauf que d’ici j’ai le privilège de contempler les différentes expressions de joie. Les âges aussi. A des moments pareils, les humains redeviennent ce qu’ils sont : de simples humains. Devant la joie ou la douleur, ils se ressemblent. Même s’ils veulent le cacher en prétextant les origines sociales et géographiques, la différence des âges, l’intensité des liens…