vendredi 23 mars 2012

Mohamed Merah n’est pas un héros


Les médias français nous ont permis de suivre, minute par minute, les événements de Toulouse. Dans les salons de Nouakchott, l’anxiété et l’intérêt pour le déroulement de ces événements étaient sensiblement les mêmes.
Quand la rédactrice en chef de France 24 qui a reçu son premier appel de revendication, décrit celui qu’elle a eu au téléphone pour moins de 20 minutes, elle parle de son calme, de sa détermination, de sa douceur… c’est à peine si l’on n’a pas le portrait d’un héros de chez nous. Ce que confirment tous les portraits dressés par les télévisions et les journaux. Comble de l’absurde : la répercussion de ses messages par la police et même par le ministre de l’intérieur français. Ainsi donc, nous savions que l’assassin avait «une cause», qu’il était devenu le monstre qu’il est devenu parce qu’il souffrait la situation des enfants de Gaza, l’occupation de l’Afghanistan où un soldat américain vient de tuer 16 civils en leur tirant dessus… Du coup les «justifications» de ses actes sont devenues «discutables», voire «acceptables». Pourquoi tout ça ?
Quand le 22 juillet 2011, Anders Breivik, un jeune norvégien appartenant à l’extrême droite tue 77 personnes et en blesse plusieurs dizaines pour des motifs éminemment idéologiques, la presse de Norvège s’abstient volontairement de publier des photos de l’assassin. Pour ne pas lui faire la publicité qu’il cherche derrière son acte barbare. Aujourd’hui, le tribunal qui doit le juger très prochainement a décidé de ne pas laisser filmer les moments où il prend la parole pour se défendre et s’expliquer pour ne pas faire de publicité à sa «cause». C’est tout le contraire qui se passe en France.
Le malheur pour nous (et pour eux), c’est qu’il se trouvera toujours quelqu’un, imbu ou non de l’idéologie violente qui a inspiré Merah, qui le regardera comme un héros, pire, comme un modèle à suivre. Les «loups solitaires» dont on parle là-bas pour désigner ces Jihadistes non structurés et qui peuvent agir par eux-mêmes, ceux-là sont partout. Ils n’attendent que le moment qu’ils jugeront favorable.
En couvrant au détail, le parcours de ce jeune délinquant, sa «résistance farouche» aux hommes du RAID (l’élite de la police française), la peur produite sur la société française en général, les médias font de Mohamed Merah un héros pour une jeunesse en mal dans sa peau. En France ou ici, ou encore ailleurs.
Deux leçons valent pour nous. La première concerne le seuil d’alerte qui doit être relevé les semaines à venir. Il ne faut pas écarter la possibilité d’une surexcitation produite par «l’effet Mohamed Merah».
La seconde – qui la sous-tend – est que les événements de Toulouse sont d’abord le fruit d’une surenchère politique accentuée par la campagne électorale de ces dernières semaines. Les excès de langage dans les propos sur les civilisations, sur le halal, sur l’intégration ou non de la communauté musulmane ont fini par participer à la stigmatisation de cette communauté. On l’a dit timidement, mais les polémiques des dernières semaines ont certainement participé à l’accélération du processus «d’auto-radicalisation» - on découvre ce mot ces jours-ci – de Mohamed Merah.
C’est pourquoi les politiques, partout où ils sont, doivent toujours réfléchir à ce qu’ils disent et aux conséquences que cela peut avoir. Dernièrement chez nous, nombre de discours politiques ont prêché la violence, certains allant même jusqu’à inscrire dans la case de la chahada (martyr) tout acte visant à renverser le pouvoir. C’est vrai que l’on utilise volontiers le mot «taghyiir» (changement) pour dire cela, mais ça ne change rien aux réelles intentions qui sont de pousser vers une radicalisation violente de l’espace politique. Dans un pays dont on reconnait pourtant la fragilité…