vendredi 19 avril 2013

A chaque station son discours


Parce que je devais assister à la prière du mort organisée dans une mosquée de Tinsweylim (non loin de l’hôpital Zayed), j’ai dû suivre une conférence animée par trois figures du parti Tawaçoul dont, je crois le président du Conseil national du parti islamiste. Dans cette mosquée, chaque jeudi, les «bonnes âmes» - il ne doit pas obligatoirement s’agir de militants du parti – se retrouvent ici pour «minbar el khamis» (la tribune du jeudi). Un conférencier, toujours une notoriété de ce courant, présente son point de vue et répond aux questions qui pourraient être posées.
Ce jeudi, le thème était celui de la fraternité en Islam. Sujet bateau, sujet noble quand même. Intéressant dans un pays où l’atomisation de la société a provoqué un affaiblissement considérable de la chaîne des solidarités traditionnelles, pour ne pas dire naturelles. Dans une ville comme Nouakchott où la frénésie et l’avidité ont corrompu ce qui devait être d’humanité. Au sein d’une élite obnubilée par la recherche d’un pouvoir lui donnant accès à quelque ressource à piller. Sujet porteur donc.
Trois axes : celui de la noblesse fondatrice du sentiment de fraternité en Islam, à force de versets coraniques et de Hadith du Prophète (PSL) ; celui de la Morale à la base ; et enfin celui de l’Histoire des rapports entre les communautés en Mauritanie (Négro-africains et Arabes). Sur le premier aspect, rien à retenir sauf l’exemplarité des préceptes que dictent Coran et Sunna. Sur le second, j’ai été surpris par l’extraordinaire sens de mesure, l’incommensurable abnégation, l’inégalable sens de l’équité (inçaav) du président du Conseil national de Tawaçoul qui a soutenu que dans toute attitude le Musulman est tenu de ne retenir que le côté positif des autres et de ce qui advient en général. En clair et sans appel : il faut éviter de s’attarder sur le mauvais aspect de la vie, des événements et des hommes.
Côté Histoire, j’ai appris que Dan Fodio, El Haj Oumar Tall, Kankan Moussa… et tous ces princes d’Etats islamiques subsahariens n’auraient pas été si leurs maîtres sahariens n’avaient pas continué à les alimenter en bonnes paroles. J’ai appris aussi que la guerre qui se déroule actuellement au Mali ne serait que le prolongement d’un contentieux ouvert avec l’arrivée du colon dans la région. Et, par déduction, la guerre entre le Mal et le Bien est loin d’être finie…
De tout ce qui a été dit – et bien dit -, je retiendrai cet appel à la pondération du président du Conseil national de Tawaçoul, un appel dont on a besoin en ce moment où notre élite pousse vers la confrontation violente. Il ne peut pas y avoir meilleure initiative que celle qui pourrait appeler à l’apaisement dans les rapports, à la mesure dans les prises de position, à la reconnaissance des aspects positifs des uns et des autres, de la bonne foi de tous…
Imaginons un moment, le parti qui revendique une inspiration d’ordre religieux donc Immanent, demander à tous, y compris ses militants et ses partenaires, de tempérer les propos, de chercher une voie médiane qui pourrait reconnaitre à ses adversaires (devenus concurrents ou même partenaires), d’être moins vindicatifs, moins aigris, plus tolérants, plus mesurés dans leurs propos…, mais c’est déjà une révolution «démocratique», une victoire sur le mauvais génie. Alors pourquoi ne pas adopter ce discours tenu dans cette mosquée d’un quartier populaire ?