lundi 27 janvier 2014

Gestation pénible

C’est le 24 janvier que nous apprenons la convocation du Parlement pour la journée du lundi 27 janvier 2014. La nouvelle était d’autant plus importante qu’elle annonçait la première réunion de la nouvelle Assemblée nationale. On estimait aussi qu’avec la mise en place du nouveau bureau, on pouvait attendre le gouvernement pour les heures qui suivaient.
Le décret précisait qu’outre l'élection des nouveaux organes de l'Assemblée nationale, l'examen ou la poursuite de l'examen de certains projets de lois dont le Projet de loi des Finances rectificative pour l'année 2013 et celui de la loi des Finances initiale pour l'année 2014.
La publication de ce décret avait suscité des réactions de la part de juristes qui ont jugé illégal le refus du gouvernement d’exposer la loi de finances 2014 au cours de la session normale ouverte en novembre dernier. C’est une première en termes d’anomalies, selon ces juristes. Autre grief, celui du moment choisi pour diffuser le communiqué : un peu avant minuit le 24 janvier.
Retour au même procédé, c’est tard dans la nuit du 26 au 27 janvier qu’un nouveau décret est publié. Il nous apprend que «la session du parlement qui était prévue le lundi 27 janvier 2014 a été reportée à une date qui sera fixée ultérieurement». Sans commentaire de plus. Chacun y va de sa petite explication pour faire comprendre les tenants et aboutissants d’une telle décision.
Voyons voir le circuit d’un décret. Quand le Président de la République décide, il en fait part à son Directeur de Cabinet qui rédige le décret. Le projet est ensuite envoyé à la Direction de la Législation pour être «contrôlé», signé et enregistré avant de revenir à la Présidence pour être publié.
Pour le décret en question, celui du report sine die, il annule une décision prise alors que les délais légaux de recours couraient toujours pour les opérations électorales à Atar et Chinguitty. Si l’on considère que les résultats de ces circonscriptions ont été rendus publics le 19 janvier, on a huit jours pour faire recours, soit jusqu’au 27, le jour de la convocation de la nouvelle Assemblée. Mais l’anomalie juridique ne serait pas la seule explication, il y a aussi une explication politique.
Au cours d’une discussion avec un député UPR, j’ai appris que le désaccord est profond au sein de la Majorité quant au choix du futur président de l’Assemblée nationale. Trois grandes options s’affrontent.
La première est celle qui pousse vers un accord avec le Président Messaoud Ould Boulkheir pour l’amener à reprendre son poste. Elle argue les possibilités d’alliance au niveau de la CUN et même un renoncement à la candidature à la future présidentielle. Joue pour Ould Boulkheir, selon cette option, son actif à la présidence de l’Assemblée où il n’a jamais constitué un élément de blocage. Contre lui, son indépendance et le fait de ne pas avoir assez de députés pour faire un groupe parlementaire.
La deuxième option est celle qui veut que ce soit le président de l’UPR, Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine qui soit à la tête de l’Assemblée. Tout concourt pour ce faire «sauf l’appréciation controversée que nous avons des élections». Pour le député, «le grand succès de Tawaçoul qui a pu faire sauter certains verrous dans la Mauritanie profonde, d’où le grand risque que nous courrons prochainement». Il est, selon le député, candidat «de l’entourage du Président qui a été convaincu un moment, heureusement d’ailleurs…»
…Qu’il y a eu cette troisième proposition qui l’emporte finalement, toujours selon le député. C’est celle de désigner Mohamed Ould Boilil, l’ancien ministre de l’intérieur comme candidat à la présidence de la nouvelle Assemblée. C’est lui-même qui va quand même énumérer les faiblesses du candidat qu’il dit soutenir : «C’est vrai que Ould Boilil ne parle pas Arabe (sic). C’est vrai que ce n’est pas Messaoud en terme de représentativité de la communauté dont il est issu. C’est vrai que ses postes, surtout le dernier, ne lui ont pas permis d’asseoir une base populaire et d’être une icône sur l’échiquier politique national… Mais c’est lui que nous, UPR, avons décidé de présenter à la présidence de l’Assemblée…»
Un consensus par défaut. Reste à savoir dans quelle mesure la discipline l’emportera devant cette candidature qui est loin de faire l’unanimité même si notre député nous apprend que «c’est le choix du Président».

Quoi qu’il en soit, il faudra d’abord convoquer la nouvelle Assemblée, choisir ses nouvelles instances et dessiner la nouvelle Majorité. En attendant que cela arrive, il faut bien se résoudre à nous expliquer ces décisions de convocation et de report pour ne pas ajouter à la confusion générale et prêter le flanc à toutes les accusations dont le pouvoir fait l’objet.