dimanche 29 juillet 2012

L’avion et les otages


Se souvient-on encore d’un avion de surveillance offert par l’Espagne à la Mauritanie en contrepartie de la modique somme de 100 euros ? Qui a encore en tête les déclarations des diplomates espagnols qui disaient que ce don «traduit la solidité des liens et des relations de coopération entre l’Espagne et la Mauritanie» ? Et les prétentions de la presse algérienne qui accusait les Mauritaniens de prendre ainsi «le bonus» dans la conclusion des négociations autour de la libération des otages en 2010, notamment la libération de Omar Essahraoui ? Et des dénégations de notre ministre de la défense de l’époque ?
Tout ça c’est du passé. Un passé qui refait surface avec la libération de Memine Ould Oufkir, membre du groupe qui aurait participé à l’enlèvement des otages à Rabouny en Algérie et jusque-là détenu par les Mauritaniens. En effet, cette libération a fait l’objet d’un marchandage très insolite.
Si ailleurs, des pays et des apparatchiks profitent de leurs rôles dans les négociations pour ponctionner des commissions, ce ne semble pas le cas en Mauritanie. Quand, au terme des négociations, les autorités espagnoles ont demandé aux Mauritaniens de les «aider» à récupérer les otages en acceptant de libérer Ould Oufkir, les nôtres n’ont rien trouvé de mieux que de poser une condition : que l’Espagne reprenne l’avion qui avait été offert en 2011.
C’est que l’avion s’est avéré être une vieille carcasse sans grand intérêt. Au lendemain d’ailleurs de sa livraison, un membre du gouvernement espagnol avait répondu à l’interpellation des Parlementaires en disant en substance : «il s’agit d’un vieil avion qui ne peut plus être utilisé en Espagne…» Comme pour s’excuser d’avoir fait le geste.
Une semaine après ces déclarations, l’avion tombait en panne sans avoir fait 30 heures de vol en Mauritanie. Il est depuis lors sur le tarmac de l’aéroport de Néma, dans l’est du pays.
A plusieurs reprises les Mauritaniens ont demandé aux Espagnols de venir le récupérer. Les Espagnols ont plusieurs fois promis de le reprendre pour le réparer, mais ont toujours fini par se dérober.
Cette fois-ci, plus de dérobade possible : reprendre l’avion et l’amener en Espagne, la Mauritanie procèdera alors à la libération du prisonnier. Condition sine qua non de la réussite de la transaction concernant les otages qui comprend aussi le versement de 15 millions d’euros.
Les dessous de telles transactions sont toujours plus «intéressantes» que ce que l’on voit au grand jour.
Pour la Mauritanie, l’affaire se conclut plutôt bien. L'avion est repris par ses vrais propriétaires. Elle rend à l’Espagne la monnaie d’une «fausse générosité» tout en lui rendant service. Elle libère un trafiquant notoire, intermédiaire pour AQMI, non Mauritanien et se refuse jusqu’à présent de libérer les vrais activistes de l’organisation. Elle confirme ainsi la justesse de sa démarche : dans ce cas comme dans celui de Omar Essahraoui qui avait servi dans la transaction autour des humanitaires espagnols, ce sont les Mauritaniens qui sont allés «pêcher» les gros poissons pour ensuite les utiliser comme moyens de pression sur les terroristes.