mardi 16 avril 2013

Question de transparence


La France est secouée par l’affaire Cahuzac qui a été une sorte d’électrochoc provoquant une moralisation qui a commencé par la publication du patrimoine des membres du gouvernement. Pour savoir ce que possède tel ou tel ministre, il suffit maintenant de cliquer sur le nom. L’acquis de transparence est vite assimilé «à du voyeurisme», dans la mesure où il laisse place à une sorte d’exposition de soi qui est indécente. Aussi crée-t-il des préjugés «sympathiques» pour les plus démunis, plutôt «hostiles» aux nantis… Mais en dehors des appréhensions qui sont propres à la société française, que peut-on en tirer ?
En Mauritanie, c’est la loi 2007-047 du 18 septembre 2007 qui oblige la plupart des hauts fonctionnaires et grands responsables de la République à faire une déclaration de patrimoine auprès de la commission nationale instituée à cet effet.
C’est quoi ? La loi «a pour objet de définir le cadre juridique destiné à garantir la transparence financière de la vie publique» (Art. 1). Il s’agit d’une «obligation de déclaration périodique du patrimoine».
Qui est concerné ? On se souvient encore de la bataille livré par les Parlementaires, toutes tendances confondues, pour se soustraire à cette obligation. Finalement sont concernés : le Président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement, les Magistrats, le Président et adjoint de la Communauté urbaine de Nouakchott, les «premiers responsables des Collectivités territoriales ayant en charge la gestion de budgets dont le niveau est fixé par décret», les secrétaires généraux de ministères, les Chefs d’Etat Major (Armée, Gendarmerie, Garde) et leurs Intendants, les chefs de missions diplomatiques et consulaires, les Walis, les directeurs de la Sûreté, des Douanes, du Trésor, du Budget, des Impôts, les directeurs chargés des finances dans les ministères, les directeurs et présidents de conseils d’administration de sociétés publiques et mixtes, les responsables de projets et ceux d’organisations de la société civile bénéficiant de l’aide publique, les comptables publics, les membres des autorités de régulation, des organes et instances de contrôle, ceux des commissions des marchés publics…
Comment et quand ? C’est à la nomination au poste ou à l’investiture et à la fin de mission que les concernés doivent présenter cette déclaration devant la commission de transparence dirigée par le Président de la Cour Suprême. Il s’agit d’une «déclaration de sa situation patrimoniale et celle de ses enfants mineurs». Dans on article 2 qui définit les conditions dans lesquelles la déclaration de patrimoine est faite par le Président de la République, il est dit que «chacune de ces déclarations est rendue publique».
Dans l’esprit de la loi, il s’agissait de publier les déclarations, de les rendre «publiques». Mais un juriste-maison, l’un de ceux qui ont toujours tordu le cou de la loi, a expliqué cette exigence par l’acte solennel de la déclaration. Il suffisait à ses auteurs de faire leurs déclarations en remettant «publiquement» l’état à la commission pour satisfaire à cette exigence.
Où en est-on ? L’exigence de transparence n’est pas une demande politique ou sociale. Du coup le débat sur la question n’a jamais été ouvert par les acteurs politiques. De temps en temps, souvent pour charger les autorités et/ou souligner les insuffisances, un opérateur politique se rappelle de cette exigence légale qu’est la déclaration de patrimoine. Le temps pour lui de se dire qu’elle pourra être exigible pour lui – de façon rétroactive ou prospective -, pour ne pas insister outre mesure sur la question. Reste qu’il s’agit là d’un outil à développer et surtout à préserver dans un pays qui a été mis à genoux par la malgouvernance.