vendredi 31 janvier 2014

Commentaire littéraire

C’est une lettre-commentaire que j’ai reçue de mon ami Colonel El Boukhary qui vient de découvrir le site de Aïchetou Mint Ahmedou. Il me demande de publier sa réaction sur mon blog. C’est fait.

«Lettre à Aichetou Ahmedou
Merci pour ce beau cadeau littéraire,
 J’ai visité le site; je m'y abonne désormais.
 J'y ai lu et apprécié beaucoup de tes écris... et de tes humeurs. (Excuse-moi le pléonasme: tous tes écrits sont des humeurs. En tout cas, moi, c'est comme ça que je les ai sentis).
 Comme toi, comme tout le monde, j'en ai beaucoup, moi aussi, les humeurs. Mais comment puis-je les exprimer? C'est toute la différence avec les talentueux de ton calibre. Pour toi et tes semblables, la question ne se pose pas: votre génie et vos aptitudes résident justement dans ce don naturel - mais perfectible- que vous avez développé avec succès, vous permettant de traduire l'humeur et la partager, sous une belle forme poétique. Ca fait de vous, non seulement des créateurs artistiques d’excellence, mais aussi des altruistes singuliers. Naturellement, parmi les plus en vue!
  Auparavant, j'avais écouté l’une de tes interviews,  et lu des commentaires de presse à ton sujet. Mais le tout me laissait sur ma faim.
Maintenant, je me suis fait une idée de ce que tu faits, de ce que tu es. Je te l'exprime le plus simplement possible, en un mot: bravo!
En fin, permets-moi cette intrusion ou maladresse de fan: Pourquoi tu te faits traduire par quelqu'un d'autre, même si l’on sait pertinemment que le denier mot te revient toujours? Tu es capable de faire beaucoup mieux que lui.
Ton œuvre de traductrice littéraire, qui est d’une très bonne facture, le montre aisément. Ne faits pas la modeste dans ce domaine, je t’en supplie. Car, en ce qui concerne le cas précis de la traduction de tes textes, j'estime que c’est une forme de reniement de soi … de renoncement, que nous, lecteurs, nous ne te pardonnerons pas.

.Avec beaucoup d'admiration :  El Boukhary»

jeudi 30 janvier 2014

Mauritanie, le retour

Quoi qu’en disent les détracteurs du Président Mohamed Ould Abdel Aziz, c’est là un grand moment pour la Mauritanie. La présidence de l’Union Africaine (UA) est un évènement à célébrer pour ce qu’il implique de tournants dans le processus de normalisation des relations de notre pays avec son environnement naturel, notamment l’Afrique.
Ils ont raison de ne pas être contents ceux qui ont inspiré, soutenu, justifié, appliqué et défendu la politique extérieure qui a mené à la sortie de la CEDEAO et à la reconnaissance d’Israël par la Mauritanie. Tout comme ceux qui ont poussé vers le conflit avec le Sénégal, puis avec le Mali, avec plus ou moins de réussite pour le premier. Comme ceux qui détestent Ould Abdel Aziz pour ce qu’il a provoqué le 3 août 2005, pour ce qu’il a fait le 6 août 2008 et qu’il a fini par battre régulièrement le 19 juillet 2009.
Tous ceux-là ont raison de minimiser le fait pour la Mauritanie de présider aux destinées de l’Union Africaine pour une année. Parce qu’ils savent que cela va nécessairement enraciner la Mauritanie dans son espace africain naturel. Parce que cela va lui permettre de restaurer ses vocations naturelles d’interface afro-arabe. Parce que cela peut mener à revenir au bercail de l’Afrique de l’Ouest par le retour au sein de la CEDEAO.
A la tête du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) en 2011, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz avait dirigé deux panels de chefs d’Etats africains chargés de trouver des solutions à d’épineux problèmes en Libye et en Côte d’Ivoire. La Mauritanie avait à ce titre accueilli plusieurs sommets. Son Président ne s’est plus permis de rater une occasion de se rendre en Afrique Noire. Et même si l’agenda international l’avait emporté, on sait aujourd’hui que les propositions africaines auraient pu faire éviter de nombreux déboires et des bains de sang inutiles. En Libye, les propositions africaines auraient assuré une continuité de l’Etat et une transition douce et apaisée. Mais «la communauté internationale» (la France et l’OTAN) a préféré terminer ce conflit dans le sang et dans le désordre. La Libye ne s’en est pas encore relevée. On ne sait pas encore si la Côte d’Ivoire a réellement pansé ses plaies et soigné ses fractures.
Cette expérience à la tête du CPS va servir aujourd’hui pour traiter les conflits ethniques et religieux qui détruisent des pays et menacent des régions entières. La facilité pour le Mauritanien de jouer le médiateur, le facilitateur quand il le veut, va aussi être d’un grand apport.
Contrairement à ceux qui croient qu’il s’agit là d’un évènement mineur, il faut en faire un tournant. Dans l’ouverture du pays, dans la recherche du renforcement du front intérieur par l’implication de toutes les forces vives, dans la réhabilitation de l’image du pays et de son rayonnement dans le monde. Encore faut-il saisir le fait comme une opportunité à exploiter pour montrer le meilleur de nous-mêmes. 

mercredi 29 janvier 2014

«Moi, Birame Ould Dah Ould Abeid…»

L’affluence n’était certainement pas au rendez-vous, même s’il y avait assez de monde – surtout de jeunes. Ils étaient certes excités, ce qui donnait une ambiance particulièrement chaude. L’ambiance a été entretenue par un grand chanteur qui a repris quelques morceaux d’anthologie dans le répertoire dédié aux louanges du Prophète (PSL). Quelques moments de rêveries et de souvenirs faisant régner une atmosphère mélancolique qui nous rappelait que «la musique adoucit les mœurs». Place à l’évènement…
L’ambiance est surchauffée quand Birame Ould Abeid fait son entrée accompagnée de son épouse. Bien encadré par «ses» hommes, le couple s’installe sur le podium après avoir fait le tour des rangées des invités. On sacrifie à la tradition des Sourates lues par Imam naturellement haratine. Puis, moins «traditionnelle», la séance de l’hymne national. Brahim Ould Abeid qui fait le maître de cérémonie donne la parole immédiatement à Birame qui commence en Arabe avant de faire le discours en Français. «Il s’adresse à qui d’abord ?» se demande quelqu’un avec une pointe de malice. Puis, sans laisser place à une réponse, il ajoute : «C’est sans doute un discours destiné à la consommation extérieure». Pourquoi ? «En fait, explique un proche de Birame qui a tout entendu, Birame pense que s’il commence à discourir en Arabe, le public partira dès que la traduction est engagée, alors il retient la foule en majorité arabophone…»
Une longue introduction sur le parcours de Birame Ould Dah Ould Abeid, militant des Droits de l’Homme, objet de toutes les tracasseries de la part des autorités, consacré par le Prix 2013 des Droits de l’Homme des Nations-Unies, aujourd’hui candidat à la présidence de la République.
«Je vais à l’assaut du fauteuil présidentiel». Avant même que ne soient fixées les échéances, Birame Ould Dah est le premier à exprimer son désir d’y aller. Pour ce faire il tient à rassurer. Son projet vise à cultiver la solidarité entre les communautés mauritaniennes, pas à les mettre face à face. Il est «le Président des riches» parce qu’il souhaite voir tous les mauritaniens s’enrichir. Il n’est pas une menace pour les riches parce que son projet vise «à boucher les trous par lesquels la violence peut arriver. Par la juste redistribution des richesses, par l’instauration de l’Etat de droit, l’égalité des citoyens, la mise à mort du racisme…» et d’affirmer : «Les gens qui ont des biens peuvent dormir tranquille, aucune vague de violence ne va venir menacer leurs biens accumuler avec beaucoup d’endurance. Je voudrais rassurer aussi ce qui ont peur pour leurs enfants, des enfants qui ont étudié séparément, qui habitent dans des quartiers différents, je les rassure car au bout de mon engagement, il y a l’unité car je combats le spectre de la confrontation et de la violence».
La candidature est celle «de la rupture, du renouveau politique parce qu’elle propose des changements fondamentaux dans les propositions. Jusque-là, la classe politique traditionnelle a été incapable de faire autre chose que la duplication des programmes, d’où son échec. Il s’agit maintenant de rompre avec les vieux schémas».
Mais pour éviter toute équivoque, il a martelé : «Birame Ould Dah Ould Abeid restera Birame…» Comme pour dire que l’engagement politique en vue d’une élection ne changera rien à l’homme qu’il est jusqu’à présent. C’est ainsi que le combat pour les droits peut mener fatalement à la politique. Pour Birame, cela découle de soi.

Depuis son retour du siège des Nations-Unies où il a été distingué, Birame Ould Dah Ould Abeid n’a pas hésité une seconde à s’en prendre à la presse, aux leaders d’opinion, aux religieux, aux politiques, finalement à toute l’élite qu’il a qualifiée d’esclavagiste au service de l’obscurantisme. A-t-il changé d’appréciation vis-à-vis des journalistes qu’il a invités massivement ce jour-là ? ou est-ce une attitude campagne ?

mardi 28 janvier 2014

Où va Messaoud ?

La désignation de Mohamed Ould Boilil, ancien ministre de l’intérieur, à la tête de la nouvelle Assemblée nationale n’attend plus que la réunion de la session extraordinaire de mercredi. Cette nomination/élection est le fruit d’une longue gestation qui exprime elle-même le manque de consensus autour de la question qui a dû être tranchée par le Président de la République. Reste à savoir ce qu’on fera de l’allié de circonstance qu’a été le Président Messaoud Ould Boulkheir.
Malgré toutes les dénégations de ses concurrents et toutes les tentatives de le dépasser, Messaoud Ould Boulkheir a encore le charisme nécessaire à paraître comme le leader incontestable de la cause haratine anti-esclavagiste. Son parcours plaide en faveur de cet homme qui a joué un rôle fondamental dans le refus de laisser les situations déraper. A chaque summum de crise et de tension, Ould Boulkheir a été celui qui a refusé l’acte ultime de rupture violente. Nonobstant toutes les accusations dont il a été l’objet. Si l’on ajoute à cette image d’homme de consensus qu’il s’est voulu forger avec plus ou moins de réussite, son expérience de président de l’Assemblée, on peut dire que l’homme politique a joué et gagné sur bien des tableaux. Preuve son score à la dernière présidentielle d’où il est sorti bon deuxième avec près de 19% des suffrages. On dira toujours que le score est celui du candidat du FNDD (front pour la défense de la démocratie qui réunissait anciens PRDS, soutiens du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, nostalgiques de tous les régimes, ennemis de Ould Abdel Aziz…). Mais le tour de force de Ould Boulkheir aura été d’être le candidat de ceux qui l’ont diabolisé pendant longtemps, de l’élite arabe issue de l’Appareil du régime qu’il a le plus combattu, de quelques dignitaires (nouveaux et anciens)… Pour être bref, on consentira à Messaoud Ould Boulkheir le statut d’icône incontournable et inévitable malgré le dernier résultat de son parti aux élections législatives et municipales et malgré surtout la montée en puissance de jeunes leaders qui veulent plus ou moins ouvertement son éviction.
Le pouvoir actuel, tout comme la scène publique, a besoin de Ould Boulkheir pour «équilibrer», «temporiser», «faciliter» (c’est selon les interlocuteurs)… On dit qu’une grande Institution sera créée pour l’accueillir. Ceux qui le disent parlent d’un super ministère d’Etat qui prendrait les prérogatives et le rôle du Médiateur de la République, de celui du Commissaire aux Droits de l’Homme, de celui du président du Conseil économique et social, organe vers lequel seront transférées les agences de développement et d’insertion comme Tadamoune. Une sorte de mégastructure dont le rôle sera de capter toutes les problématiques des droits humains et de leur trouver solutions.
Si les tenants d’une telle thèse semblent sûrs de ce qu’ils disent, ils évitent de répondre à la question de savoir si oui ou non Messaoud fera alors partie de l’Exécutif. Auquel cas son parti APP ne rejoindra pas l’Institution de l’Opposition Démocratique. On ne répond pas non plus à la question de savoir comment faire avec la présidentielle dont l’échéance est toute proche. Est-ce que Ould Boulkheir va se présenter ? Si oui, comment éviter d’être comptable de ce que le pouvoir en place fait du moment que lui-même dirige une Institution de l’Exécutif ?

Quoi qu’il en soit, l’énigme autour de ce que sera Messaoud Ould Boulkheir dans les jours qui viennent, cette énigme cristallise de nombreuses interrogations.

lundi 27 janvier 2014

Gestation pénible

C’est le 24 janvier que nous apprenons la convocation du Parlement pour la journée du lundi 27 janvier 2014. La nouvelle était d’autant plus importante qu’elle annonçait la première réunion de la nouvelle Assemblée nationale. On estimait aussi qu’avec la mise en place du nouveau bureau, on pouvait attendre le gouvernement pour les heures qui suivaient.
Le décret précisait qu’outre l'élection des nouveaux organes de l'Assemblée nationale, l'examen ou la poursuite de l'examen de certains projets de lois dont le Projet de loi des Finances rectificative pour l'année 2013 et celui de la loi des Finances initiale pour l'année 2014.
La publication de ce décret avait suscité des réactions de la part de juristes qui ont jugé illégal le refus du gouvernement d’exposer la loi de finances 2014 au cours de la session normale ouverte en novembre dernier. C’est une première en termes d’anomalies, selon ces juristes. Autre grief, celui du moment choisi pour diffuser le communiqué : un peu avant minuit le 24 janvier.
Retour au même procédé, c’est tard dans la nuit du 26 au 27 janvier qu’un nouveau décret est publié. Il nous apprend que «la session du parlement qui était prévue le lundi 27 janvier 2014 a été reportée à une date qui sera fixée ultérieurement». Sans commentaire de plus. Chacun y va de sa petite explication pour faire comprendre les tenants et aboutissants d’une telle décision.
Voyons voir le circuit d’un décret. Quand le Président de la République décide, il en fait part à son Directeur de Cabinet qui rédige le décret. Le projet est ensuite envoyé à la Direction de la Législation pour être «contrôlé», signé et enregistré avant de revenir à la Présidence pour être publié.
Pour le décret en question, celui du report sine die, il annule une décision prise alors que les délais légaux de recours couraient toujours pour les opérations électorales à Atar et Chinguitty. Si l’on considère que les résultats de ces circonscriptions ont été rendus publics le 19 janvier, on a huit jours pour faire recours, soit jusqu’au 27, le jour de la convocation de la nouvelle Assemblée. Mais l’anomalie juridique ne serait pas la seule explication, il y a aussi une explication politique.
Au cours d’une discussion avec un député UPR, j’ai appris que le désaccord est profond au sein de la Majorité quant au choix du futur président de l’Assemblée nationale. Trois grandes options s’affrontent.
La première est celle qui pousse vers un accord avec le Président Messaoud Ould Boulkheir pour l’amener à reprendre son poste. Elle argue les possibilités d’alliance au niveau de la CUN et même un renoncement à la candidature à la future présidentielle. Joue pour Ould Boulkheir, selon cette option, son actif à la présidence de l’Assemblée où il n’a jamais constitué un élément de blocage. Contre lui, son indépendance et le fait de ne pas avoir assez de députés pour faire un groupe parlementaire.
La deuxième option est celle qui veut que ce soit le président de l’UPR, Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine qui soit à la tête de l’Assemblée. Tout concourt pour ce faire «sauf l’appréciation controversée que nous avons des élections». Pour le député, «le grand succès de Tawaçoul qui a pu faire sauter certains verrous dans la Mauritanie profonde, d’où le grand risque que nous courrons prochainement». Il est, selon le député, candidat «de l’entourage du Président qui a été convaincu un moment, heureusement d’ailleurs…»
…Qu’il y a eu cette troisième proposition qui l’emporte finalement, toujours selon le député. C’est celle de désigner Mohamed Ould Boilil, l’ancien ministre de l’intérieur comme candidat à la présidence de la nouvelle Assemblée. C’est lui-même qui va quand même énumérer les faiblesses du candidat qu’il dit soutenir : «C’est vrai que Ould Boilil ne parle pas Arabe (sic). C’est vrai que ce n’est pas Messaoud en terme de représentativité de la communauté dont il est issu. C’est vrai que ses postes, surtout le dernier, ne lui ont pas permis d’asseoir une base populaire et d’être une icône sur l’échiquier politique national… Mais c’est lui que nous, UPR, avons décidé de présenter à la présidence de l’Assemblée…»
Un consensus par défaut. Reste à savoir dans quelle mesure la discipline l’emportera devant cette candidature qui est loin de faire l’unanimité même si notre député nous apprend que «c’est le choix du Président».

Quoi qu’il en soit, il faudra d’abord convoquer la nouvelle Assemblée, choisir ses nouvelles instances et dessiner la nouvelle Majorité. En attendant que cela arrive, il faut bien se résoudre à nous expliquer ces décisions de convocation et de report pour ne pas ajouter à la confusion générale et prêter le flanc à toutes les accusations dont le pouvoir fait l’objet.

dimanche 26 janvier 2014

Hollande, infidèle

«Je fais savoir que j’ai mis fin à la vie commune que je partageais avec Valérie Trierweiler». C’est par cette formule laconique que le Président français François Hollande a fait savoir au public la tournure que prenait cette affaire qui avait débuté par la révélation d’une relation avec l’actrice Julie Gayet, révélation faite par Closer il y a quelques jours.
Vu d’ici, cette affaire a commencé quand un Président français est entré à l’Elysée avec «une compagne» et non «une épouse». Les paramètres en la question étant ce qu’ils sont, on considère ici que cela fait partie des «manifestations de la mécréance». C’est sans doute pourquoi, la «nouvelle affaire Hollande» n’est pas discutée ou commentée ici. C’est quand même l’occasion de revoir un peu la question des comportements conjugaux de nos politiques et de voir s’il s’agit là de vie privée qui ne doit pas faire l’objet d’un étalage public.

On lit souvent – de plus en plus souvent – des relations faites par tel ou tel site sur les aventures amoureuses de tel ou tel responsable. On prend la précaution souvent de ne pas citer de nom, mais de décrire et de situer avec plus ou moins de précision la personne. Toujours ridicule la manière choisie pour faire étalage des commérages. N’empêche qu’en souvenir d’un ami qui a quitté ce monde et je reprends ce qu’il disait, parlant des ministres de l’époque : «On ne peut pas attendre la loyauté et la fidélité de quelqu’un qui n’a pas été capable d’en faire preuve vis-à-vis de son conjoint». Et se tournant vers le Président : «Monsieur le Président, ces gens seront les premiers à vous lâcher. Ils sont incapables d’être fidèles et correctes dans leurs foyers…» Cela faisait rire certains, grincer d’autres, mais personne ne remettait en cause les folles sagesses de mon ami.

samedi 25 janvier 2014

En attendant de voir…(2)

Si ce qui doit arriver arrive, c’est normalement Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine, le président de l’UPR qui doit hériter la présidence de l’Assemblée nationale. Avec sa confortable majorité de députés et ses soutiens au sein des autres partis «frères», il n’aura aucun mal à diriger convenablement la future Assemblée qui sera plus hétéroclite – pour ne pas dire pluraliste – et plus bruyante que celle d’avant. A sa gauche comme à sa droite, le président de l’Assemblée devra constamment jouer les équilibristes et les facilitateurs. Dans ce chao annoncé, l’on aura besoin de calme et d’écoute. Dans le camp de la Majorité, Ould Mohamed Lemine est tout indiqué.
La logique qui doit guider à la constitution du gouvernement est celle qui promet la vieille formule du temps de Ould Taya : «le changement dans la stabilité». A quelques semaines de la présidentielle, le pouvoir ne peut pas se permettre de grandes ruptures. D’où la nécessité pour lui de rassurer ses soutiens actuels. Il ne peut pas non plus faire semblant que «tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes». D’où l’exigence d’une promesse de changement.
Cette logique pourrait conduire le Président Ould Abdel Aziz à maintenir son Premier ministre actuel Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Auquel cas, on expliquera qu’il préfère garder celui qui l’a accompagné au lendemain du coup d’Etat du 6 août 2008, qui a dirigé le gouvernement de sortie de crise de juillet 2009 et auquel il a depuis renouvelé sa confiance. Une façon d’éviter à choisir entre différents postulants dont la proximité pourrait bouleverser le dispositif actuel.
La même logique pourrait conduire à la nomination d’un Premier ministre, jeune technocrate, faisant partie ou non de l’actuelle équipe, détribalisé, plus ou moins indépendant de l’influence des groupes d’affaires proches ou non de l’actuel pouvoir. Auquel cas, le risque de faire le mauvais choix et de devoir se rattraper à quelques semaines d’une échéance qui n’est pas gagnée d’avance, ce risque est gros.
Jusque-là le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a été imprévisible dans ses choix. Ce qui amène à croire que la situation reste ouverte. Tout peut arriver. Y compris une alliance avec un parti d’opposition auquel sera confiée la mission de constituer un gouvernement. Ou au moins, l’ouverture du futur gouvernement sur une partie de cette opposition.
Reste que de l’autre côté, l’Opposition s’organisera forcément autour de Tawaçoul qui prendra la tête de l’Institution de l’Opposition Démocratique. Le bureau qui en sortira comportera aussi un représentant des partis d’opposition qui auront fait ce choix. Reste à identifier qui sera le chef de file de l’Opposition. Si le renouvellement des deux tiers du Sénat n’est pas décidé au plus vite, le président de Tawaçoul, Jemil Mansour ne pourra être à ce poste. Il va falloir chercher au sein des élus du parti le plus apte à mener à bien les futures concertations avec le pouvoir.
En réalité, tout ce qu’on peut dire reste du domaine du supposé, de l’analyse donc du probable… Cela peut servir justement à occuper en attendant de voir si ce qui doit arriver va arriver comme on peut s’y attendre.

vendredi 24 janvier 2014

En attendant de voir…(1)

Beaucoup de supputations sur le gouvernement, sur les alliances attendues, sur les marchandages politiques probables, sur la future configuration de la scène politique, sur le nouveau dispositif de l’Opposition… Analyses froides, prophéties, informations vérifiées, d’autres qui le sont moins… tout y est pour nous dire de quoi le lendemain politique sera fait.
Au lendemain d’une épreuve politique comme celle des élections législatives et municipales, il est nécessaire de tirer les conclusions. Pour le pouvoir d’abord qui a vu «son» parti, l’Union pour la République (UPR), remporter la majorité des sièges à l’Assemblée nationale et ceux des maires. De quoi le réconforter dans les choix qui ont été les siens. Logiquement du moins, parce que les analystes «indépendants» croient que «le pouvoir est sorti affaibli des élections». Ils évoquent les mécontentements, les déchirures, l’effet de la naissance d’une multitude de partis dans la périphérie de l’UPR, pour expliquer cette faiblesse qui ne s’est pourtant pas exprimée ni dans les résultats, ni dans le comportement des gouvernants. Force donc est de croire le contraire : les résultats obtenus par le seul UPR sont pour le pouvoir un motif de satisfaction.
Le gouvernement qui doit être constitué sortira nécessairement des urnes. C’est ce que la réforme constitutionnelle introduite à partir du dialogue entre la Majorité et une partie de l’Opposition avait consacré. C’est le parti qui peut rassembler une Majorité qui nomme le gouvernement. Aujourd’hui l’UPR a déjà la majorité à l’Assemblée. S’il décide de s’ouvrir aux autres, c’est pour élargir ses alliances. Il ne peut le faire que si elle répond à un souci lié à la présidentielle prévue dans moins de quatre mois. Les partis satellites comme tous ceux dits «de la jeunesse» soutiennent déjà le Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Leur implication dans le gouvernement les réconforterait simplement dans leur choix. Le challenge pour l’UPR est donc de ramener l’un des partis-symboles dans l’escarcelle de la Majorité : Alliance populaire et progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir, Alliance pour la justice et la démocratie (AJD/MR) de Sarr Ibrahima ou encore Al Wiam de Boydiel Ould Hoummoid. Avec Tawaçoul toute démarche du genre semble exclue.
L’avantage pour l’UPR d’avoir APP ou AJD/MR, c’est que l’éventuel accord va nécessairement concerner la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN) dont la bataille n’est pas totalement consommée.
On raconte que l’UPR aurait trouvé un accord avec Messaoud Ould Boulkheir qui serait reconduit comme président de l’Assemblée nationale en contrepartie du soutien de son parti à l’UPR pour la CUN. Difficile à croire quand on se rappelle tout ce qui a été dit et écrit sur sa présidence passée qui a été le fruit d’un marchandage politique incluant son soutien au candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi au second tour de mars 2007. A l’époque l’importance de ce soutien ne découlait pas seulement au nombre de voix que pouvait rapporter Ould Boulkheir et son parti, mais à la légitimation de cette élection ouvertement soutenue par la junte de l’époque. Alors que la présidence de l’Assemblée aujourd’hui contre la CUN, c’est un marché de dupes.
Surtout que la présidence de l’Assemblée par un chef de parti qui n’a pas assez de députés pour faire un groupe parlementaire affecterait sérieusement les principes de la démocratie. Le Président Ould Boulkheir est certainement le premier à ne pas vouloir d’un tel scénario, lui qui a milité pour asseoir un système démocratique en Mauritanie. Tout ce qu’on dit à propos des marchandages entre le Président Messaoud et le pouvoir, relève plutôt d’une malveillance vis-à-vis de cet homme (ses détracteurs n’ont pas fini de l’accabler). D’ailleurs tous ceux qui ont une ambition présidentielle n’ont pas intérêt à s’acoquiner avec le pouvoir actuellement. Jusqu’à preuve de contraire, Messaoud Ould Boulkheir fait partie des futurs candidats.
Que reste-t-il alors ?

jeudi 23 janvier 2014

La prudence quand il le faut

Vous aurez tous lu que «selon des informations publiées par un journal arabe reprenant les propos d’un haut responsable éthiopien, la Mauritanien serait sur le point de prendre la présidence de l’Union Africaine». Vous aurez certainement apprécié que l’on mette tant de prudence à annoncer une information de ce genre parce qu’il faut être sûr de ce qu’on dit et si l’on n’est pas sûr, il faut dégager sa responsabilité en citant sa source. On ne sait jamais.
En bons journalistes, nous avons tous pris la précaution de vous dire d’où nous vient la nouvelle que nous publions d’ailleurs au conditionnel. Pourtant, la règle de la rotation fait que tout le monde savait, et depuis longtemps (au moins un an), que le tour de la présidence de l’UA revient à la Mauritanie à partir de la fin de janvier 2014.
Et si on faisait montre de prudence quand on annonce des informations beaucoup moins évidentes, moins vérifiées et donnant lieu à plus de réactions ?
Vous avez lu comme moi que le forum qui devait se tenir sous la présidence du ministre saoudien des finances à Nouakchott pour se poursuivre à Nouadhibou, que ce forum a été reporté sine die. Jusqu’à tout de suite (jeudi 23/1/2014, 17 :50mn), le forum doit se tenir à Nouakchott et sera ouvert solennellement par le Président de la République alors que sa présidence reviendra au ministre saoudien. Ce sera ce dimanche 26 janvier au Palais des Congrès.
Pendant que les uns fêtent ces «victoires» que constituent le report sine die et l’annulation du financement (sic) de la centrale de la SOMELEC «pour cause de corruption», rappelons-nous que depuis 1971, la Mauritanie n’a pas présidé l’UE. A l’époque le Président Moktar Ould Daddah avait réussi à faire tenir une session du Conseil de Sécurité à Addis-Abeba pour parler de l’Apartheid et de la Rhodésie. Il avait amené les pays africains à prendre leur distance vis-à-vis d’Israël et à appuyer la cause arabe.
Quelques décennies après nous avons tourné le dos à notre versant africain, le pays a fini lui-même par reconnaitre Israël, par sortir de la CEDEAO, par faire la gueule à tous ses voisins du Sud…
Depuis quelques années, le Président mauritanien ne manque pas une occasion de se renouer avec l’Afrique noire. Président du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), il a reçu plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements à Nouakchott qui a recommencé à recevoir des présidents de l’Afrique de l’Ouest et pas seulement. La coupure des relations avec Israël nous a rapprochés sans doute de nos frères arabes. Mais tout cela ne suffit pas pour reprendre la place qui nous revient et qui doit être celle de trait-d’union entre l’Afrique au Sud et au Nord du Sahara. Si, à un moment donné l’argent libyen et la politique de Kadafi avaient parasité le redéploiement diplomatique de la Mauritanie, aujourd’hui rien n’empêche le pays de revenir dans son environnement naturel. Cette présidence doit servir à renforcer nos relations avec le Sud pour envisager le retour au sein de la CEDEAO, pourquoi pas ? 

mercredi 22 janvier 2014

Ould Baya, Maire de Zouérate

C’est en fête que le nouveau maire de la ville de Zouérate, Cheikh Ould Baya a été installé aujourd’hui. Tandis que la cérémonie officielle se déroulait normalement à l’intérieur de la salle des réunions de l’hôtel de ville, des dizaines de citoyens se massaient dehors pour saluer, le moment venu, le Maire à sa sortie. Aucun mal pour le conseil à élire les cinq adjoints parmi le groupe de l’UPR et selon la configuration qu’avait demandé le Maire qui avait fixé comme premier critère, le niveau intellectuel des conseillers avec un net souci de représentativité.
Cheikh Ould Baya est connu en Mauritanie pour avoir été l’artisan de l’Accord de pêche avec l’Union Européenne. Un accord qui a permis de réviser les rapports entretenus jusque-là avec les partenaires extérieurs. C’est bien grâce à cette révision générale que les Chinois ont dû tempérer leur boulimie qui avait consisté à piller la ressource légalement – suivant une convention dont le protocole d’application a été mal négocié. Ce fut ensuite le tour des Russes et des Japonais de revoir avec la partie mauritanienne les termes de leurs accords.
Suivant une philosophie d’accords profitables aux deux parties, en somme ce que l’on appelle aujourd’hui «le commerce équitable» et qui permet aux Nations faibles de profiter au maximum de leurs richesses naturelles et de ne pas subir le diktat des plus forts. Ce n’est pas facile quand on sait que le négociateur mauritanien ne fait pas seulement pas face aux redoutables vis-à-vis et à leurs pressions politiques, mais aussi à ses propres compatriotes qui entendent continuer à jouir de passe-droits au nom de «privilèges acquis». Pas plus que l’aristocratie sociale, cette aristocratie des affaires n’accepte de se démettre ou même de faire le plein (ou de partager avec la communauté). Elle est alors portée à aller à l’encontre de l’intérêt général…
On peut se demander pourquoi Ould Baya à Zouérate. Outre le fait de réaliser une ambition qu’il commencé à nourrir depuis quelques années, en apportant des aides substantielles aux populations et à la ville en général (achat de citernes, prise en charge de cantines, de malades…), la présence d’une personnalité comme celle de Ould Baya sur l’échiquier de cette ville frontalière, carrefour de plusieurs convergences, foyer de stabilité (ou d’instabilité) permettra certainement de répondre aux attentes de la population. Surtout que le projet proposé par le candidat avait pris en charge l’ensemble des besoins d’une population jeune et souvent désœuvrée.

L’avenir minier du pays étant ici, il importait beaucoup que la ville de Zouérate devienne un modèle de développement pour la Mauritanie. Surtout qu’elle renoue avec sa vocation naturelle de ville cosmopolite, accueillant tout le monde. Le Maire Cheikh Ould Baya avait promis de le faire… il le fera.

mardi 21 janvier 2014

L’état tribal

Personne, je crois, ne peut rester indifférent à la succession de reportages consacrés à la prise de parole d’individus se présentant «cadres» de telle ou telle tribu voulant «exprimer leurs remerciements au Président de la République pour les nominations et l’attention qui a été enfin accordée vis-à-vis de la tribu». Authentique.
Des jours durant, l’une des chaînes privées nous a abreuvés de déclarations du genre. Dans le temps, on voyait cela sous une autre forme dans la presse écrite avec mention : «ceux qui ont contribué à la réussite de la visite du Président…» Mais là, c’est encore plus dangereux dans la mesure où l’exercice consiste à décliner carrément la filiation tribale et de parler au nom d’un groupe social déterminé pour remercier en son nom le Président de la République.
La Mauritanie d’aujourd’hui est loin de ce qu’elle aurait dû être si son évolution avait été linéaire. Si la Modernité avait continué à prendre le pas sur le conformisme, on ne serait pas là à tourner en rond sans savoir ce que nous voulons faire de nous-mêmes. La période est propice cependant pour refonder le rêve commun.
La Mauritanie de départ s’engageait résolument contre les structures traditionnelles consacrant les inégalités sociales et le joug d’un arbitraire de naissance. Elle se voulait un pays offrant à ses citoyens le moyen de vivre librement, pleinement leur épanouissement. Elle ne se voyait pas en noir et blanc, mais en kaléidoscope dont la splendeur n’éblouit pas outre mesure. Juste ce qu’il faut de lumières pour éclairer le chemin et les alentours.
La Mauritanie de départ avait imposé l’autorité de l’Etat pour mettre fin aux structures émirales traditionnelles par extinction. Elle avait compris que l’école pouvait servir de creuset et de moule pour le citoyen de demain. Elle a été un cadre d’épanouissement, de rencontre et d’échanges entres des générations de Mauritaniens qui ont ainsi grandi sans prendre conscience de leurs différences d’origines comme des handicaps mais des atouts.
Puis vint la réforme de 1979 qui a consacré la division. L’école a alors formé des générations évoluant parallèlement, sans contact entre elles, sans partage, sans solidarité… Vint la démocratisation après le reflux de toutes les idéologies unitaires et égalitaires. Une démocratisation qui fut d’abord un moyen de reproduction du système inique d’antan. La légitimité du pouvoir très entamée par son passif humanitaire (et économique) dut faire appel aux vieux réflexes sectaires. D’abord l’ethnie, ensuite la région et enfin la tribu, le clan, la caste… Les particularismes deviennent alors un enjeu politique dans le positionnement et le placement. Ils sont cultivés sur la place publique et encouragés par le pouvoir et ses pontes.
C’est une Mauritanie émiettée qui en sort. On n’arrive pas encore à recoller les morceaux. La paresse des acteurs politiques, la mauvaise volonté générale, le manque d’engagement officiel et la propagande ambiante (celle véhiculée par nos médias et notre élite en général), tout cela contribue à exacerber justement ces réflexes sectaires. Comme si nous voulions aboutir à la formation de ghettos politiques et sociaux qui sont appelés à se confronter un jour. D’où la nécessité pour cette élite de réfléchir au plus vite et de converger vers un espace commun, un espace apaisé. La fragilité du pays doit dicter un minimum de circonspection et de sacrifice. L’avenir mérite des sacrifices. On perd beaucoup de temps dans la reprise des vocations de la Mauritanie de départ, ce qu’elle doit être, ce que nous voulons qu’elle soit…

lundi 20 janvier 2014

La nouvelle vie d’Al Qaeda

Qui a dit que la lutte contre le terrorisme, contre Al Qaeda en particulier, a réussi à endiguer le phénomène ? Il y a eu certes quelques victoires, notamment la neutralisation de grands chefs dont le plus célèbre de tous Usama Ben Laden et quelques autres grosses pointures de la nébuleuse. L’utilisation excessive des drones et des bombardements parfois aveugles, provoque de nombreux dommages collatéraux qui ajoutent à la haine que les populations nourrissent vis-à-vis des Occidentaux. Un cercle vicieux, les assassinats ciblés exacerbant les colères et favorisant de nouveaux recrutements de combattants.
Quand a lieu l’attaque du 11 septembre 2001, ce fut l’occasion de lancer «une guerre globale» qui a permis à l’Amérique de la bande à Bush de repartir à la conquête du monde pour en contrôler les richesses et les réseaux financiers. L’occupation de l’Afghanistan, puis de l’Irak et le chao qui s’en est suivi dans tous les pays arabes et musulmans de la région asiatique et africaine.
Depuis le départ de George W. Bush et de sa bande d’excités impérialistes, les Etats-Unis se sont retirés de l’Irak, en partie de l’Afghanistan, entamé un dialogue avec les franges «modérées» de l’Islamisme militant, encouragé et accompagné certaines «révolutions populaires», promis de fermer Guantanamo, tué Ben Laden et quelques-uns des chefs d’Al Qaeda… sans pour autant arriver à bout de l’activité de l’organisation. Au contraire.
Du Sahel au sud-est asiatique, voire en Europe et en Amérique, la nébuleuse continue à tisser ses toiles, à mobiliser, à recruter, à avoir des émules qui épousent ses méthodes et la philosophie de son combat. Qu’on parle ici ou là de «loups solitaires», d’«associations en vue d’activités terroristes», le résultat est le même : une menace constante d’opération kamikaze de plus ou moins grande envergure ici ou là. Une manière de perturber la quiétude des Etats et des sociétés.
Il y a quelques années, Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) menait des actions en profondeur en Mauritanie, enlevant ici et assassinant là, sans discernement mais toujours méticuleusement. La réhabilitation des forces armées et de sécurité et leur remise à niveau a permis à la Mauritanie justement de mettre fin à cette situation de menace constante. La réactivation de bases aux frontières, la création de groupements spécialisés dans la lutte contre le terrorisme, l’engagement sur le terrain d’opérations réussies contre les groupes armés dans le Nord du Mali, la délimitation de zones militaires interdites, la surveillance accrues de ces frontières, la mise en collaboration des populations dans le renseignement humain… le tout a permis aux Mauritaniens d’éviter d’être «happés» par le chao malien et de devenir un sanctuaire alternatif aux groupes criminels installés dans l’espace sahélo-saharien.
L’intervention française au Nord Mali a certes permis à ce pays de recouvrer sa souveraineté sur une bonne partie de son territoire, mais au fond elle n’a pas réglé l’essentiel : la rébellion et l’activisme des groupes criminels dans la zone. Un travail de profondeur reste à faire et seuls les Maliens peuvent eux-mêmes l’entreprendre avec l’aide des pays du champ. C’est probablement le sens des dernières sorties du Président Ibrahim Boubacar Keita du Mali qui s’est rendu successivement en Mauritanie et en Algérie.
Il y a un an - un peu plus – le groupe Belmokhtar menait une action d’éclat à Aïn Amenas en Algérie. Une opération qui devait aboutir à un bain de sang sans précédent et qui a permis à l’organisation AQMI – à sa branche saharienne – d’occuper la scène médiatique quelques jours durant. Ces actions ont certes pour objectifs de faire mal à l’ennemi en démontrant qu’on existe encore, mais aussi d’attirer de nouvelles recrues. Combien de Jihadistes ont-ils été recrutés depuis ? quelles nationalités ouest-africaines ? combien d’Européens et d’Américains sont-ils venus suivre l’exemple des Canadiens ? et surtout, la grande question : à qui le tour ? quel pays sera visé prochainement ? où AQMI va-t-elle faire preuve de puissance ? et de quelle manière ?

Des questions qu’il faut poser tant que le sort des chefs d’AQMI n’est pas définitivement connu…

dimanche 19 janvier 2014

Merci Chinguitty

La défaite du candidat de l’Union pour la République (UPR) à Chinguitty était un grand évènement lors de la proclamation des résultats du premier round des élections. Pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’elle signait la défaite du premier vice-président de l’Assemblée nationale, ancien chef d’Etat Major sous Ould Taya, plusieurs fois commandant de région militaire, mis à la retraite à la suite du coup d’Etat d’août 2005. Très controversé chez lui, il a représenté pour les observateurs un symbole – parmi tant d’autres – d’une certaine époque. Sa défaite participait à la crédibilisation du processus boycotté par une partie des acteurs politiques.
Quand il ya eu ce recours et cette histoire de retour sur le vote à El Ayn Eçavra (une commune du département), on a tous craint le coup monté. Heureusement que la volonté des populations et que la transparence a permis de confirmer la victoire de Cheikh Brahim Ould Tolba, un jeune nous dit-on, novice. Le mérite de ce jeune aura été de terrasser un mastodonte de la politique tradi-conformiste de la politique.

On nous explique, exemples à l’appui, que les populations de Chinguitty ont toujours rejeté les candidats les plus sûrs d’eux, ceux qui ont duré dans la fonction élective. Ils ont toujours voté contre les candidats se prévalant d’appartenir au système. C’est bien pour cela qu’ils méritent quelques salves d’applaudissements… pour exprimer toute la satisfaction qu’ils inspirent.

samedi 18 janvier 2014

Dur, dur de perdre

Naturellement. Mais c’est encore plus dur pour les Mauritaniens. Au football comme dans la politique, on accepte difficilement la défaite. On ne retiendra pas que notre équipe nationale participe pour la première fois de notre histoire à une compétition de ce rang. On ne retiendra pas qu’elle s’est trouvée dans une poule compliquée. On s’arrêtera au fait qu’elle a perdu ses deux premiers matchs. Peu importe si elle a bien joué, peu importe si des erreurs de l’arbitrage l’auront pénalisée, elle devait gagner. Si elle ne gagne pas, elle ne mérite pas d’être soutenue par son public. C’est l’attitude mentale à laquelle il faut s’attendre dans les heures qui viennent.
J’ai toujours été sidéré par cette attitude que l’on retrouve partout chez nous et en toutes circonstances : le refus de la défaite, le manque de discernement quand on n’a pas ce qu’on veut, le manque d’équité quand c’est l’autre qui l’emporte face à nous.
On ne se dit pas qu’il va falloir faire mieux la prochaine fois. Pour ce faire, préparer cette prochaine fois. On croit ferme que tout est fini.
Notre équipe nationale revient de loin. Jamais elle n’a participé à une compétition de niveau moyen comme la CHAN. Chaque fois qu’elle a perdu, c’est avec des scores recors. Il y a deux ans ou un peu plus, une équipe de jeunes est arrivé à la tête de la Fédération mauritanienne de football après une rude bataille. Cette jeune équipe avait une ambition pour la Mauritanie, un programme pour réhabiliter la confiance entre l’équipe et son public. La moitié du chemin a été parcourue en peu de temps avec cette qualification qui est en soi une réalisation. La collecte opérée à la suite du voyage en Afrique du Sud a démontré le niveau de mobilisation des supporters. Tant mieux. La solidarité ne s’exprime pas seulement en tant de malheurs, mais aussi quand on s’apprête à vivre un bonheur de participer à une compétition internationale. le football est le meilleur ambassadeur du pays et des efforts doivent être entrepris pour le développer et faire aboutir les sacrifices.

Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, les Mourabitoune ont bien joué et c’est l’essentiel.

vendredi 17 janvier 2014

Qui sauvera ces trésors ?

Les Espagnols qui sont venus à Walata, il y a des années sont repartis en laissant derrière eux quelques réalisations dont : la bibliothèque, les jardins, le musée, l’assainissement, l’alimentation en eau… Pour célébrer cet exemple de coopération réussie, la reine Sofia d’Espagne avait effectué une visite à Walata en février 2005.
Les Espagnols sont partis et les habitants de Walata ont été abandonnés à leur sort. Même si la ville est classée «Patrimoine universel» par l’UNESCO, elle ne bénéficie pas d’une attention toute particulière. C’est pourquoi de grands espoirs avaient été nourris à l’occasion du festival des villes anciennes. Notamment celui de voir les autorités lancer un programme de restauration de ce patrimoine en délabrement.
Il s’agit d’abord de reprendre le travail là où la coopération espagnole l’a laissé. Récupérer toutes les données numérisées, publier ce qui doit l’être et l’exposer dans la bibliothèque. Réhabiliter le musée en l’enrichissant de nouvelles collections. Restaurer le système d’évacuation des eaux et voir avec la mairie ce qui peut être fait pour les ordures ménagères. Créer un système de protection des maisons et espaces encore en état et essayer de pousser à la restauration des maisons en ruine.
Les images de 1977, de 1980 et d’autres plus récentes montrent combien la ville se rétrécit à cause du délabrement. Trouver une manne pour la Mahadra et la rouvrir pour accueillir les étudiants de l’espace sahélien prêt à y recevoir un enseignement originel de qualité. Faire de la ville un véritable centre touristique et culturel et organiser des voyages scolaires pour des colonies de vacances de jeunes Mauritaniens de tous horizons. Ramener Walata à sa vocation naturelle qui est celle de carrefour d’échanges et de rencontre entre mondes arabes et africains. Sauver ce qui peut encore l’être de l’ancien site de Tizight et de son cimetière.
Un autre projet mérite à mes yeux d’être lancé pour symboliser un nouveau départ pour une Mauritanie sans bagne, sans exaction : celui de la transformation du fort en centre culturel ou en musée. La meilleure manière de laver les souillures du passé et d’alléger le fardeau de la culpabilité d’avoir commis tant d’arbitraire à ‘encontre de citoyens qui n’ont commis aucun crime.
Il faut encourager ceux des habitants intéressés à rester sur place et à trouver une activité génératrice de revenus. Pousser aussi la mairie à travailler pour le bien-être de la population en apportant ce qui manque et surtout en proposant des projets porteurs.

Le festival de Walata, s’il a raté dans les aspects de la création artistique et littéraire et dans l’organisation, a permis de mettre la cité sur la sellette pendant une quinzaine de jours. Espérons qu’elle ne soit pas vite oubliée.

jeudi 16 janvier 2014

Quitter Walata

Le festival n’est pas fini. Sa clôture est prévue pour lundi prochain (apparemment). Les boulistes (pétanque) ont fait leur dernier match hier soir avec la victoire d’une équipe portant le nom de Moudjéria (Tagant). La compétition de tir à la cible continue. Chaque soir, au cours de la fête au niveau de la tribune centrale, les animateurs annoncent le démarrage de telle ou telle discipline. Même hier, au beau milieu du cycle, on nous annonçait que ceux qui voulaient contribuer au concours de poésie (classique et populaire) doivent déposer leurs contributions à partir du lendemain. C’est ouvert à tout le monde, pas seulement aux ressortissants des villes anciennes.
La ville se réveille ce matin à l’appel du muezzin de l’ancienne mosquée, celle où il y a deux compartiments : un qui sert en saison chaude et un autre en saison froide. Si l’espace du premier est aéré, le second est disposé en allées séparées par de larges poteaux qui supportent la superstructure. Le premier vendredi d’avril, l’Imam se déplace vers le compartiment aménagé pour une meilleure aération. Au premier vendredi de novembre, il va diriger la prière dans le deuxième compartiment. Immuable mouvement qui rythme la vie des Walatis. Une ferveur particulière se dégage et vous étreint quand vous pénétrez ici. L’intérieur est bien aménagé, assez pour installer la personne dans l’esprit et l’atmosphère de la prosternation devant la Toute-puissance divine.
A Walata, partout à Walata, on plie sous le poids de l’Histoire. On n’a pas besoin d’être un érudit ou un historien pour sentir que les millénaires vous regardent (pour emprunter la formule de Napoléon Bonaparte parlant des Pyramides à ses soldats après la conquête d’Egypte). Le passage de Mohamed Yahya El Walaty, de Cheikhna Mohamdy Wul Sidi ‘Uthmâne, Taleb Boubacar, Amar Emmome, Enbouya, Sid’Ahmed Wul Bukaffa, Taleb Abdallahi Ennefaa, El Marwany, Shaykh Sidi Mohamed Wul ‘Abidine… et bien d’autres dont le passage sur ces terres n’aura pas été inutile et dont les traces resteront à jamais, indélébiles vestiges d’un passé aujourd’hui plus ressenti qu’entretenu.
A Walata, dans les dédales de la vieille cité, on sent les valeurs qui ont prévalu, le mépris pour le bédouin, véritable source d’inquiétude, et qui est assimilé au «sauvage» des aires «civilisées»… La Mauritanie d’aujourd’hui semble donner raison aux habitants de la vieille cité. N’est-ce pas là, dans cette propension à la prédation, dans le refus de croire au progrès et à la loi de l’accumulation, dans la négation à toute organisation, dans la sédition devant toute forme d’autorité, n’est-ce pas là qu’il faut chercher le refus du Mauritanien d’aujourd’hui de respecter le Code de la route (le plus vieux et sans doute le plus élémentaire de tous les codes), de partager la voie publique avec l’autre, de prendre en compte ses préoccupations et même son existence ?
Durant les quelques jours du festival, rares sont ceux qui auront cherché à reprendre la route que prenaient les saints de Walata. Plus rares encore sont ceux qui auront été à côté du vieux puits, celui de l’intérieur pour imaginer un temps de siège et quel rôle jouait Daar eshbaar (la maison qui servait aux guerriers Mehchdhouf qui venaient défendre la ville). Rares certainement ceux qui auront médité les passages, en labyrinthes, entre les maisons. Un peu comme si l’objectif était de reconstituer les généalogies de leurs occupants, on passe d’une maison à une autre, d’un toit à un autre. On peut faire le tour de la cité par les toits ou en passant de maison en maison.

On quitte Walata avec cet amer goût de l’inachevé. Une forme de frustration de voir une grande idée – celle qui veut restaurer et redorer les Villes anciennes – ratée pour des questions de préparation dans la forme et dans le contenu. Walata, plus que toutes les autres villes anciennes, ne supporte pas la médiocrité. Heureusement que cette cité est inaltérable dans sa splendeur cachée mais réelle.

mercredi 15 janvier 2014

Le degré zéro de la culture

La première soirée du festival de Walata a été un flop. De tous les points de vue. La pauvreté du contenu l’a disputé à la mauvaise organisation des prestations.
«Le seul poème digne de ce nom est celui qui a été déclamé en langue indienne…» : au moins on ne pouvait se prononcer ni sur la portée de son sens, ni sur la régularité de sa métrique. Autant dire que le ministère de la culture ne semble pas avoir fait attention au contenu qui devait être présenté dans une soirée à laquelle assistait le Président de la République et qui devait donner le la d’une rencontre alliant fête et intellect.
Les présentateurs se comportaient comme s’il s’agissait de l’une de ces cérémonies mondaines où l’objectif est d’abord de glorifier quelques individus du Mesrah. Sans respect et sans avoir assimilé la succession des évènements. «On avait l’impression à chaque fois que la troupe qui se produit est en train de finir sa prestation», me confie un officiel.
Pourtant ce n’est pas la matière qui manque. Nous sommes dans une ville qui mérite amplement sa notoriété d’antan. Walata respire l’Histoire.
La vieille cité rouge s’étend au flanc de la montagne et domine une vallée (bat’ha) où les tentes ont été dressées pour accueillir les 220 touristes invités pour faire la promotion d’une région désertée pour des questions de sécurité. Il s’agit pour l’Officie national de tourisme et le ministère de briser le blocus né du classement de toutes ces régions dans la «zone rouge» interdite aux ressortissants occidentaux particulièrement français. La réussite évidente (probablement la seule) des autorités est bien celle-là…
Chaque maison est une histoire à elle-même, chaque espace raconte un passé florissant, chaque nom évoque une grandeur qu’on sent dans les ruelles et à l’intérieur des maisons. Walata est une civilisation à part. Avec une organisation de l’espace qui n’existe nulle part ailleurs en Mauritanie. Ici on a eu la notion «d’espace public»… Rahbit Kdennou est le souvenir vivant d’un âge où la science et le savoir étaient dispensés gratuitement par des maîtres dont le souci est d’abord de laisser une partie de cette richesse derrière eux, après eux. Interpellant un jour un artisan qui s’activait à peindre les façades environnantes, Shaykhna Mohamdi, l’un des illustres érudits qui prenaient complètement en charge ses étudiants venus de tous horizons, a dit : «Sais-tu que ce que tu fais et ce que je fais mènent directement au Paradis. Pour la ferveur qu’on y met, pour l’utilité qu’ils offrent pour les autres et pour le détachement qui nous inspire… ?» La valeur du travail bien accompli.
Walata, c’est aussi une gastronomie bien originale avec ses boissons (deghnou, senguetti…), ses plats (el moune, deydey…). Et c’est enfin une façon de vivre et de s’intégrer.
Le festival aurait pu être le plus grand des rendez-vous des villes anciennes. Il aura été le moins organisé et le moins riche.
Malgré la présence de quelques sociétés de nettoyage, les carcasses d’animaux morts gênaient la circulation dans la vieille ville et autour des mausolées très visités des Chérifs et Erudits des alentours. Aucun déploiement de guides comme ce fut le cas à Wadane il y a deux ans. Aucune mobilisation ou sensibilisation des populations pour les préparer à l’évènement dont ils devaient profiter. Pas d’efforts particuliers pour maitriser le déroulement des évènements culturels qui sont restés pauvres, très pauvres.
Pour le ministère de la culture, on peut parler d’un ratage monumental. Et c’est dommage parce que l’objectif est noble et Walata était prédisposée à être la plus belle des conclusions du cycle de la célébration des villes anciennes. A-t-on constitué une commission pour sélectionner les troupes et définir la programmation et le contenu ? Rien ne le laisse croire.

Le festival aura été une fête mondaine qui ne traduisait même pas la diversité culturelle de la Mauritanie, encore moins la créativité des jeunes auteurs et la profondeur du patrimoine. La fête a été juste un survol qui a permis d’effleurer, sans le dépoussiérer, un passé riche.

mardi 14 janvier 2014

La laïcité dans le débat

Comment la question de la laïcité est devenue centrale dans le débat national ? Déjà que nous pouvons suspecter qu’elle le soit en France où cette notion est née. Pour résumer et simplifier, il faut rappeler que l’Eglise a longtemps dominé la vie publique, toute la vie publique. L’Etat moderne a dû s’émanciper de cette mainmise pour asseoir la citoyenneté et l’égalité. Même si les fondements sont restés ceux du christianisme (catholicisme particulièrement), la religion ne pouvait plus servir à distinguer les citoyens. On peut reprocher à la France d’aujourd’hui d’être incapable d’assumer cette ambition d’Etat égalitaire, mais il y a quand même un débat constant autour de la question et un rappel des objectifs de départ qui visaient la garantie des droits de chacun.
La laïcité est un débat français, purement français. En Allemagne ou en Angleterre, la question ne se pose pas. Nous faisons partie de cette aire culturelle où la problématique n’a pas de raison d’être discutée. L’absence d’un ordre clérical chez nous y est pour quelque chose. Mais aussi la compréhension et la pratique font que la ligne de partage entre le religieux et le reste n’existe pas. Tout découle de notre profession de foi qui nous fournit en même temps cette conscience de la liberté de choix et de la responsabilité de soi. Que l’on tourne la tête dans tous les sens, que l’on scrute les différentes phases de l’histoire de la pensée islamique, nulle trace d’un débat sur la question de la laïcité si l’on excepte quelques penseurs qui ont fait un «transfert» de la problématique pour en faire un thème central. Ce qui explique d’ailleurs la traduction que nous avons trouvé du mot «laïcité» : ‘ilamaaniya. Si l’on avait à revenir à la racine de ce mot, on trouverait ‘ilm qui désigne ici science. Les obscurantistes de l’époque moderne ont voulu opposer Modernité à Islam et ils ont trouvé la formule qui laisserait entendre une sorte de «scientisme» qui serait à l’opposé du «religieux». Une bonne manière de refuser à la pensée islamique moderne de s’approprier les avancées techniques, scientifiques et politiques (démocratie) de l’Humanité. On oubliait du coup que l’apport de l’âge d’or musulman (Khalifats Omeyade et Abbasside, notamment) est l’un des socles de cette civilisation moderne.
Pour revenir à la situation mauritanienne, il faut remarquer que de temps en temps, le débat revient sur la scène publique. Dans les années 60 et 70, le mouvement des Kadihine a été accusé par ses concurrents et par les autorités d’être d’essence athée. Ce n’est pas absolument faux, mais personne dans le mouvement n’a finalement affiché publiquement son a-religiosité. Plus tard, les Baathistes seront accusés d’adopter une démarche «socialiste laïque». Ce qui ne voulait rien dire dans un environnement comme le nôtre. D’ailleurs on a vu comment cela a fini : avec la profession de foi islamique au milieu du drapeau irakien et la revendication d’une profonde religiosité pour les militants. Puis vint le tour des jeunes du Mouvement des démocrates indépendants (MDI, futur Conscience et Résistance) qui ont assumé un moment, l’espace de l’adolescence du mouvement. Ils sont pour la plupart aujourd’hui «rangés» et plus question pour eux d’exprimer publiquement cette attitude assimilée ou non à l’athéisme. Quelques indépendants – souvent des jeunes mal formés intellectuellement – ont exprimé ici et là des attitudes antireligieuses. Ce fut toujours sans lendemain parce que cela découlait d’un mouvement d’humeur, d’une attitude rebelle plus que d’un cheminement intellectuel soutenu par une solide culture iconoclaste.
Remettre la laïcité au centre du débat en Mauritanie est une perte de temps. Le débat est ailleurs. Il est au niveau de la refondation de l’Etat citoyen garantissant l’égalité, la justice, la liberté à tous, la libération de tous les jougs, l’épanouissement, l’émancipation de tous les génies… Le débat, le vrai, est celui qui dénonce le sectarisme, la mainmise de la tribu, de l’ethnie, l’ordre de l’arbitraire, l’esclavage, l’exclusion…, et qui cherche à asseoir définitivement une société égalitaire et juste.
Le débat qui s’impose doit être autour de la liberté d’expression. Comment équilibrer entre ce droit à tout dire, y compris des bêtises, et la nécessité de respecter l’autre ? comment laisser ceux qui ont envie (ou besoin) de dire des bêtises, de les dire et actionner a posteriori les lois qui sont là pour fixer les règles équitables pour la société ? comment ne pas revendiquer une demande de contrôle ou de limitation préalable, mais d’exiger de rendre compte après ? comment – et c’est un problème fondamental en Mauritanie – en finir avec l’impunité qui fait que tout un chacun peut dire et faire sans craindre de rendre un compte un jour ?

lundi 13 janvier 2014

Nous sommes à Walata

On ne peut pas être à Walata sans se rappeler le mal fait à cette ville historique par les pouvoirs publics tout au long des longues années des noires périodes. Une ville dont le nom est lié, pour une bonne partie des Mauritaniens, aux drames qui s’y sont déroulés.
C’est ici que s’est noué le destin tragique de l’Emir Mohamed Fall Wul ‘Umayr, l’un des leaders de la Gauche nationaliste arabe mauritanienne. De retour du Maroc au début des années 60 (63), il fut emprisonné et envoyé à Walata où il devait purger une peine sans avoir jamais été jugé. Les mauvais traitements et les conditions difficiles de l’environnement du fort de la vieille ville, sans doute la solitude et la vive conscience de subir l’arbitraire…, le tout est arrivé au bout de l’Emir aimé. Malade, très malade, il fut évacué avec beaucoup de retard, sur Dakar où la médecine ne pouvait plus rien pour lui.
Au lendemain du coup d’Etat de juillet 1978, le Président Moktar Ould Daddah fut envoyé au fort de Walata par ses tombeurs. Il fallut l’intervention «diplomatique» mais ferme de la France pour le faire évacuer en France où il put être sauvé in extrémis. Lui aussi dut souffrir la solitude et le mauvais traitement. Parmi les anciens présidents, feu Moustapha Ould Mohamed Saleck qui en a beaucoup souffert et Mohamed Khouna Ould Haidalla.
Mais le drame que retiendra l’Histoire est celui des prisonniers arrêtés à la suite de la publication du «Manifeste du négro-mauritanien opprimé» en 1986. Quelques-uns d’entre eux furent envoyés ici et livrés à la merci de gardes parfois d’une grande brutalité, souvent indifférents au sort de ceux qu’ils doivent surveiller. Encore les mauvais traitements et les affres de la solitude qui devaient emporter le grand écrivain et penseur Ten Youssouf Guèye. Les misères de cette expérience sont racontées avec exactitude par Boye Harouna dans «J’étais à Walata».
En fait chaque fois que le régime en place voulait en finir avec un opposant, c’est au fort de Walata qu’il l’envoiyait. Un lieu maudit qui porte les stigmates du passé, mais un témoin qu’on ne peut réduire au silence et qui nargue les auteurs des exactions qui espèrent encore l’oubli et l’impunité qui va avec…
Quand on vient à Walata, on comprend quelque peu – il faut un grand sens d’équité pour le comprendre – pourquoi ces drames ont eu lieu ici dans l’indifférence de la population locale et plus généralement des Mauritaniens qui ont, chaque fois, appris tardivement ce qui se passait. Une vieille culture de cité perdue, constamment menacée par la violence des voisins, toujours sous pression de plus fort a donné une population «concentrée» sur elle-même et sur sa sécurité. Même dans les comportements anodins, on retrouve des réflexes de survie et de préservation des biens. Jusqu’à récemment, les hommes qui descendent dans la bat’ha de Walata enlèvent systématiquement leurs turbans dès qu’ils descendent des hauteurs où se trouve la vieille cité. Le geste est presque machinal : le turban est enlevé de dessus la tête pour être mis sous le bras. Pourquoi ? Parce que dans le temps on craignait que quelques chameliers indélicats ne viennent arracher la couronne de tissu. La création de l’Etat moderne n’a fait qu’accentuer cette peur de la force qui fait que tout ce qui touche à l’administration ne peut être sujet de conversation ou même d’intérêt. Ce qui se passe au fort, déjà «là-bas», «là-haut», ne regarde pas les gens de la ville.
…Aujourd’hui Walata s’apprête à vivre une grande fête, celle des Villes anciennes. Une façon de recouvrer sa symbolique et sa splendeur d’antan, de donner l’impression d’une paix définitive. L’espace de quelques jours.

dimanche 12 janvier 2014

La mer des routes

Le plus grand axe routier de Mauritanie est sans doute celui de «la Route de l’Espoir» qui a été l’un des grands projets structurants du pays. Pour ce qu’il a apporté aux régions de l’intérieur et à cette «Mauritanie profonde» qui a failli vivre en marge de l’accomplissement de l’œuvre de la construction nationale.
Le tracé de la route est en soi un projet de fondation : après avoir pris plein Est, la route descend vers le Sud jusqu’à arriver à Aleg, aux confins des terres bien servies de la Vallée du Fleuve ; pour remonter ensuite vers Magta Lahjar et atteindre sa latitude la plus au Nord à Sangrava, célèbre caravansérail desservant le désert d’Agâne et les contreforts du Tagant ; la route descend vers Ashram où est établi El Hella, le campement de l’Emir du Tagant ; cette dernière descente continue jusqu’à El Ghayra, la porte de l’Aftout ; la route remonte ensuite le plateau de l’Assaba pour aller vers le Sud-Est, passer par Kiffa, Tintane, Aïoun, Timbédra et finir à Néma. La première trans-mauritanienne passe six régions de Mauritanie.
La construction de la route a duré environ cinq ans ou un peu plus (1975-1980/81). Elle sert depuis. Ses tronçons Nouakchott-Boutilimitt, Boutilimitt-Aleg, Aleg-Magta Lahjar et Magta Lahjar-Kiffa  ont été refait, deux fois pour le premier et une fois pour les trois autres. Depuis près de cinq ans, la société ATTM n’arrive pas à terminer le tronçon Kiffa-Tintane (140 kilomètres). Parti pour être terminé en 24 mois, il est aujourd’hui à sa moitié (pas complètement terminée). De Fam Lekhdheyrat à Tintane, c’est une piste qui est pratiquée.
Ce n’est pas le seul tronçon en retard. C’est le lieu de rappeler la route Tiguint-Mederdra, celle de Barkéwol, de Tijikja-Atar, Zouératt, Aweyviya… quand est-ce que ATTM et ENER finiront ces routes ?
On a hâte de voir le maillage routier de ces dernières années aboutir. La route Chegar-Bourat est en cours de finition. Tout comme la bretelle qui relier Mounguel à l’axe Sélibaby-Kaédi. Quand Mounguel-Bourat sera réalisée, c’est toute une poche intérieure qui sera désenclavée. Barkéwol-Ghayra bute devant la lenteur des Chinois, mais quand elle sera réalisée, c’est tout l’Aftout qui sera pratiquement desservi. Néma-Bassiknou en cours de réalisation permettra de désenclaver le grand Est. Le jour où la Mauritanie sera reliée en tous ses points importants, peut-être que l’intégration et les échanges entre les populations seront plus forts que les appels à la désunion.

samedi 11 janvier 2014

Qu’est-ce que c’est cet amalgame ?

C’est le titre qui a attiré mon attention : «Réprobation en Mauritanie après un appel à tuer un journaliste». Vous aurez compris pourquoi. Je ne suis pas de ceux qui vont droit au bas des textes pour voir qui en est l’auteur ou la source pour décider ensuite s’ils vont ou non les lire. J’ai donc lu. Je partage avec vous.
«Un jeune journaliste mauritanien risque la mort après avoir été reconnu coupable d'apostasie pour un article critique envers le prophète Mahomet, a indiqué l'AFP lundi 6 janvier». Jamais l’AFP n’a écrit qu’il s’agissait d’un journaliste parce qu’il n’en est pas un. Il s’agit d’un employé (cadre) d’une société minière (ou associée) qui n’a jamais prétendu être journaliste. Première constatation : pourquoi alors parler d’un journaliste ? sans doute pour donner une dimension autrement plus complexe à la situation…
Le reste de la dépêche oppose d’ailleurs les avis de journalistes – ou assimilés – à ceux d’un certain «Abi Ould Ali» qui serait le fameux homme d’affaires qui a offert dix mille euros (et non «4000» comme dit la dépêche. On commente ici un faux rapport parce qu’il ne s’agit pas de menace envers un journaliste et d’un détournement de l’évènement et de son objet.
Le vrai challenge pour la presse et pour les journalistes est de rester éveillés et de faire attention à tout ce qui est dit ou écrit pour ne pas avoir à préparer leur propre fin. C’est pour eux l’exigence de précision et de professionnalisme qui doivent prévaloir en ces temps troubles. On ne peut défendre nos libertés que si nous réussissons à en montrer l’utilité et la justesse. Que si on réussit à embarquer avec nous notre opinion publique en lui servant la vérité, rien que la vérité… C’est l’occasion de le marteler même si la dépêche en question vise un autre public, celui de l’agence américaine Magharebia.