lundi 31 décembre 2012

2012, l’année du dragon


Je sais… je sais… j’ai appelé ainsi l’année 2003 et toutes celles qui l’ont suivie. Sous nos cieux, toutes les années sont celles du dragon (‘aam elghoul). Une manière de dire la fragilité d’un pays qui se cherche, un pays qui n’en finit pas de se chercher et qui n’arrive pas à se retrouver. D’une société émiettée et déstructurée qui n’arrive pas à réhabiliter ses valeurs originelles tout en refusant de s’adapter au monde auquel elle est sensée appartenir.
Le grand évènement de l’année 2012 aura été cet accident malheureux dont a été victime le Président de la République le 13 octobre dernier. Malheureux pour ce qu’il a failli causer – la mort du Président en exercice -, mais aussi pour ce qu’il a causé de …dommages collatéraux.
L’accident, comme tout accident du genre, nous a révélé quelques-uns de nos défauts les plus prononcés. D’abord la propension au mensonge et la décrédibilisation de la vérité. Ensuite la vacuité du discours politique qui se trouve réduit à son expression la plus triviale. Enfin la méchanceté – parfois gratuite si ce n’est pas souvent – des protagonistes.
L’accident a aussi révélé que le pays pouvait fonctionner normalement malgré l’absence du chef qu’on qualifiait d’absolu, que le système est assez consistant pour fonctionner dans les pires des conditions et que la population n’est pas prête à suivre tous les «appels d’air» qui se créent avec vocation d’aspirer le pays et de l’entraîner au milieu d’un tourbillon.
Les ennemis du régime auront tout essayé pendant cette épreuve, mais rien n’a été ébranlé. Quelles leçons faut-il en tirer ?
Il faut adopter une approche plus raisonnée, plus réfléchie, finalement plus politique pour permettre à la Mauritanie d’affermir le processus démocratique et de renforcer l’Etat de droit. Pas travailler continuellement et inlassablement pour conquérir un pouvoir dont on ne saura pas quoi faire le jour où il vous échoit entre les mains.

dimanche 30 décembre 2012

Accord RIM-UE effectif


C’est aujourd’hui que la première tranche de la contrepartie prévue par l’Accord de pêche entre l’UE et la Mauritanie a été versée au trésor public mauritanien. Soit un total de 27 milliards d’ouguiyas non inscrits au budget, comme un bonus, un surplus qui devra servir à soutenir les efforts dans la construction de nouvelles infrastructures (routes, santé, éducation, barrages…)
Ce versement met fin définitivement à toutes les supputations concernant la non effectivité de l’Accord et le refus des Européens de l’honorer. Il est attendu, en plus de la contrepartie financière, que la mise en œuvre de l’Accord permette la création de milliers d’emplois qui pourront résorber le chômage dans le milieu de la pêche.
Chapeau aux négociateurs mauritaniens qui ont pu tirer le maximum de cette ressource qui a longtemps été l’objet d’un pillage systématique fruit d’une complicité entre fonctionnaires véreux et opérateurs gourmands. Nous avons eu les licences distribuées sous forme de prébendes assurant un clientélisme politique et affairiste, le clonage de bateaux – quand la même licence peut servir à deux bateaux et plus affichant les mêmes spécificités, le bradage des sociétés publiques au profit de particuliers dans des conditions plutôt opaques… qu’est-ce qu’il n’y a pas eu dans le secteur en terme de mauvaise gestion ?!?!
La mise en œuvre de l’Accord arrive au moment où l’on vient de créer un corps – celui des Gardes-côtes – spécialement dédié à la surveillance et à la sécurisation de notre zone maritime. Fusion de la marine et de la surveillance maritime et des pêches, ce nouveau corps va reprendre les missions des deux entités, ce qui est plus logique. Le Conseil des ministres de cette semaine a nommé l’un des jeunes officiers de la Marine à la tête de ce corps. Le commandant Moustapha Ould Maaloum est un jeune officier dont le sérieux, le professionnalisme et l’intégrité sont plutôt reconnus dans le milieu de la Marine nationale. Sa nomination est un bon présage révélant la volonté politique de réformer le secteur et de faire les choix qu’il faut.
Elle coïncide aussi avec cette circulaire du ministre des pêches qui interdit désormais de consigner plus de dix bateaux et de 200 marins. 200 marins, à peu près 4 bateaux pélagiques… La décision est présentée comme une volonté des autorités de se libérer de la pression de «quelques opérateurs qui consignent l’ensemble de la flotte opérante en Mauritanie et qui refusent parfois d’honorer leurs engagements vis-à-vis des marins créant des problèmes sociaux sur la place de Nouadhibou…» Ceux qui sont pour y voient la possibilité d’ouvrir le secteur à de nouveaux intervenants.
Dans le contexte actuel la décision parait plutôt comme l’expression d’une volonté de bouter les opérateurs traditionnels – quelques quatre ou cinq groupes qui se partagent le secteur – pour les remplacer par d’autres. Il est à rappeler qu’à chaque changement de régime le processus de «renouvellement de la classe des opérateurs» a été enclenché. La première étape a consisté à imposer aux opérateurs non européens les conditions de l’Accord européen qui fixe la tonne pêchée de pélagique à 470 dollars alors que ces opérateurs ne sont pas subventionnés comme les Européens. Le prix du marché international ne permettant pas de marge sensible, ces opérateurs ont préféré se retirer. Alors qu’il ne leur restait plus qu’à déclarer faillite, les consignataires mauritaniens qui croyaient pouvoir trouver une solution avec les autorités ont été pris de court par la décision du ministre de faire éclater le marché de la consignation. Sans concertation. Il faudra attendre le retour effectif de la flotte européenne pour voir comment le nouveau dispositif va fonctionner… ou s’il va d’ailleurs fonctionner.

samedi 29 décembre 2012

Le viol de trop


Son identité a été tenue secrète selon les désirs de la famille, mais son drame est aujourd’hui à la une de la presse mondiale, pas seulement de son pays, l’Inde. C’est à Mahipalpur, un quartier de New Delhi, capitale de l’Etat de l’Inde, que deux corps ont été découverts dans la nuit du 16 au 17 décembre, gisant sur le trottoir. La fille a été battue et violée. Le garçon battu seulement. Tous deux dans un état grave.
L’affaire prend immédiatement une ampleur politique sans précédent. Comme pour calmer les esprits, le gouvernement indien prend en charge les soins de la fille qui a subi des atrocités innommables et l’envoie dans un hôpital de Singapour où elle finit par décéder des suites des atrocités dont elle a été victime. Suffisant pour réveiller une Inde toujours en ébullition pour des causes du genre… ce n’est pas un jeu de mots mais c’est bien un problème de …genre quand on sait qu’à New Delhi, un viol est commis toutes les 18 heures. De quoi alerter dans un pays encore machiste même si une femme y a occupé le poste de premier responsable de l’Exécutif. Officiellement 90% des 256.329 crimes commis en 2011 l’ont été contre des femmes. Ce qui explique le ras-le-bol général qui s’est exprimé par cette mobilisation sans précédent.
L’histoire de la jeune étudiante résume aussi les drames de l’Inde moderne. De milieu pauvre, la jeune étudiante en kinésithérapie a poursuivi ses études grâce aux sacrifices de ses parents qui ont dû vendre leurs biens, hypothéquer leurs terres et renoncer à tous les plaisirs pour permettre à leur enfant de poursuivre ses études.
Le 16 décembre, alors qu’elle revenait d’un cinéma où elle avait vu «L’Odyssée Pi» en compagnie de son ami, elle est donc la victime de multiples exactions qui se terminent par un viol collectif. Circonstance aggravante pour les autorités : tout cela s’est déroulé dans un bus qui s’arrêtait normalement à toutes les stations, qui voyaient descendre et remonter des passagers et qui a subi au moins deux contrôles de police. Pour traduire l’indifférence générale à ce qui peut arriver à une femme en Inde…

vendredi 28 décembre 2012

Le temps des congrès (2)


De nombreux partis venus cette fois-ci du flanc sud de la Mauritanie, pour la plupart du moins. Comme pour Tawaçoul, le congrès de l’UFP a vu la présence de tous les chefs des partis «significatifs» du pays. Les divergences étant minimes, certains de nos confrères et des sites (dits) d’information vont essayer de dénicher des oppositions internes entre le «canal historique» et le «canal populaire».
C’est ainsi qu’«on» insista sur la présence de Mohamed Ould Khlil aux premières loges d’un parti qu’il a combattu non seulement en tant que militant nationaliste, «chauvin» comme on disait à l’époque, mais en tant que Préfet, Wali et finalement bras de régimes dictatoriaux comme celui de Ould Taya. La présence de Ould Khlil et son ascension au sein de la formation héritière du mouvement national démocratique (MND), s’expliquent par la recherche d’élargir la base du parti sur des horizons moins «conventionnels». Ould Khlili, activiste du Tagant a réussi à se faire une popularité lors de son passage à la Wilaya de Nouakchott : c’est sous son autorité que le phénomène «Fallouja» a vu le jour, ce quartier de la capitale qui symbolise tous les déboires causés par l’administration au niveau des gazras… Certains croient plutôt que l’ascension de Ould Khlil, surtout sa désignation comme ministre du parti dans le gouvernement de Waqef I, que tout cela lui revient pour sa proximité «génétique» avec le leader du parti, Mohamed Ould Maouloud. Mais c’est méconnaitre le chef historique du MND que de croire qu’il en est encore à ce stade…
Quoi qu’il en soit, on retiendra du discours d’ouverture et du rapport moral du président du parti que «depuis 2005, (le) parti a conquis une place de premier plan dans la scène politique. D’abord à travers les élections législatives et municipales de 2006 à l’issue desquelles l’UFP devint le deuxième parti à l’Assemblée nationale après le RFD avec 9 députés, compte non tenu de la masse des indépendants. Si à Nouakchott nous n’avons pu être en tête dans aucun arrondissement de la capitale, nous sommes par contre le seul parti d’opposition à avoir conquis des communes à l’intérieur du pays. Neuf communes toutes arrachées de haute lutte au tenant de l’ordre établi, dont une capitale régionale (Tidjikja) , en alliance avec des partenaires locaux, deux chefs lieux de départements (Boghé et Barkeol) et des communes rurales dont certaines du fameux triangle dit de la pauvreté (Moït et Takobra), dans un monde rural, traditionnellement domaine réservé des pouvoirs dominants.»
Que le coup d’Etat du 3 août 2005 est «intervenu juste au moment où la classe politique venait de se mettre d’accord, sur le principe de la tenue d’une table ronde des partis pour une sortie de crise qui rende possible l’alternance démocratique. En quelque sorte, le putsch ravissait l’initiative à la classe politique». Comme toujours…
...mais à qui la faute?

jeudi 27 décembre 2012

Le temps des congrès (1)


Après le congrès de Tawaçoul qui a permis de réunir l’Internationale islamiste à Nouakchott, voici venir le temps de celui de l’Union des forces du progrès (UFP), avec cette fois-ci la possibilité de rassembler ce qui reste d’une «certaine» gauche internationaliste, en attendant la retrouvaille de l’Alliance populaire progressiste (APP) qui devrait être l’occasion pour les nationalistes arabes et autres de faire la démonstration qu’il en existe encore.
D’habitude, un congrès de parti sert à renouveler les grands choix et à relancer le projet de société sur lequel militants et cadres se retrouvent. Il peut être l’occasion de revoir ces choix s’ils s’avèrent mauvais ou de changer de stratégie si la voie tracée n’a pas été judicieuse. C’est un peu l’évaluation «à mi parcours» comme disent les consultants de chez nous. Voir ce qui a été fait, redresser la barre pour atteindre de nouveaux objectifs déterminés…
Le congrès de Tawaçoul a permis de réunir …les Frères (avec F si l’on veut faire le jeu de mots), de «révéler» quelques ambitions pour la présidence du parti qui se sont exprimées contre son leader actuel Jemil Ould Mansour, et d’exprimer enfin quelques nuances dans l’engagement politique local.
La Mauritanie a effectivement accueilli des hôtes de marque (sure l’échelle de l’islamisme politique) : l’idéologue tunisien Rachid Ghannouchi, l’un des hommes forts de Hamas et quelques autres moins connus du grand public. Certains d’entre eux ont été l’objet d’une attention particulière de la part des autorités et de la société civile. Ce qui s’est traduit par des rencontres, des invitations et des cérémonies plus ou moins festives.
Les ambitions exprimées par Mohamed Ghoulam et Ould Beyba qui ont fini chacun dans sa précédente place au sein de la structure dirigeante du parti (malgré les scores et la «rébellion» passagère), ne sont pas réelles. Dans la mesure où les deux hommes ne présentent pas d’alternative à Ould Mansour et ne peuvent s’inscrire contre lui. Tout le monde sait enfin qu’au sein de la mouvance, les divergences ne remontent pas en surface. Et ce n’est pas le propre de ce parti, mais la caractéristique de tous les partis mauritaniens qui se fondent non pas sur la légitimité d’un chef mais sur celle d’un combat, d’une lutte et d’un parcours. C’est aussi la caractéristique de l’UFP.
Tout ça pour dire que l’intérieur de ces partis ne souffre pas les ambitions personnelles ni les visions «hors normes». Il y a un chemin, une voie, une sorte de consensus qui a pris le temps de mûrir et de prendre à partir de «la base». Ce qui «perturbe» d’ailleurs au sein de ces formations, c’est bien la présence de personnalités propulsées au premier plan en vue de faire la démonstration d’une ouverture sur toutes les élites et donc «d’élargir la base populaire du parti». On le sent aujourd’hui comme «une perturbation», mais demain ?
L’impression que laisse le congrès de Tawaçoul est bien celle-là : tout n’a pas été dit, tout n’a pas été décidé, la page, même si elle a été (très légèrement) pliée, n’a pas été effectivement tournée. Ce qui n’empêche pas certains de tout parier sur une possibilité d’alliance entre Tawaçoul et l’Union pour la République (UPR) le parti au pouvoir aux prochaines élections. On va verra, comme disait l’autre.

mercredi 26 décembre 2012

Kobenni, toujours aussi loin


Ce n’est pas l’autre bout du monde, pas encore… mais c’est une porte qui ouvre sur un autre monde. Pas parce qu’il s’en passe des choses dans le Mali voisin, en fait de ce côté-ci le Mali est ce qu’il a toujours été : un havre de paix, un lieu de solidarité entre les populations riveraines, un creuset où les souks hebdomadaires sont le lieu des convergences permettant une animation sociale évidente et bénéfique… Ici, les gens partent et reviennent jusqu’à la lisière de Bamako, sans problèmes.
Si Kobenni peut sembler aussi loin, c’est surtout à cause de l’état de la route qui devient dangereuse par moments, et à cause encore du comportement des postes de contrôle…
«…’arrvouna brouçkoum !» L’ordre est donné par un policier mal habillé, délavé lui-même par le soleil de ces contrées où il exerce depuis quelque temps. Ce qu’on peut reprocher aux agents – policiers et gendarmes – des postes de contrôle, c’est qu’ils sont rarement en tenue réglementaire d’abord. C’est le fait ensuite de procéder de manière traditionnelle pour avoir les identités. Et c’est enfin cette enquête sur la provenance et la destination, enquête toujours suivie par une requête. Ça ne rate jamais : si un agent me demande d’où je viens et où je vais, je suis sûr que c’est pour me coller quelqu’un ou pour me demander quelque chose. C’est pourquoi j’ai décidé depuis très longtemps de ne jamais rendre de service dans ces conditions.
Je suis toujours en règle, Dieu merci. Et je refuse de prendre quelqu’un que je ne connais ou de répondre à une doléance dans ces conditions. «Vous m’avez déjà embêté en voulant savoir qui je suis, où je vais et d’où je viens, c’est le maximum que vous pouvez me faire en terme d’inconvenances, pourquoi j’accepterai de vous rendre service…»
Et pour revenir sur ce «’arrvouna brouçkoum» (une invite à se présenter), doit-on décliner son identité tribale, ce que je fais parfois sans susciter l’étonnement de mes interlocuteurs, c’est juste pour me dire «wakhyart» même s’ils sont incapables de répéter «Idjathfaqa»… Ce sont des réactions standardisées en milieu maure et qui ont fini par ne plus vouloir dire grand-chose.
La réaction de l’agent aurait dû être autre : corriger en demandant la pièce officielle d’identité, mais en fait il se rend compte qu’il s’est lui-même mis dans une situation où il doit supporter le sarcasme de l’usager de la route. Cela relève du mépris que nous avons cultivé à l’égard de nos institutions. Cela vient de décennies de mauvaises pratiques. Cela demande un travail de fond déterminé…

mardi 25 décembre 2012

La solitude d’El Karkaar


Tu es encore là ! sacré pic qui n’a l’air de rien et qui reste le cœur de «son» milieu. Quand je suis passé la dernière fois, tu m’avais sérieusement inquiété avec tes airs de jeunesse. Le bon hivernage t’avait donné une nouvelle vigueur, avec la verdure qui arpentait tes flancs et les arbres bien debout comme prétendant à toucher les cimes des cieux… Tu paraissais alors heureux de vivre et d’être là.
Ce n’est pas parce que le soleil descend inexorablement que tu es aujourd’hui tout décrépi. Ce n’est pas la peur de la nuit qui prend possession du Monde qui te donne cet air inquiétant. Ce n’est pas le froid glacial de ces jours qui t’affecte. C’est vrai que tu as repris tes couleurs d’antan, celles qui s’apparentent à la «grisaille» des vieilles pierres, des pierres tellement vieillies qu’elles laissent pousser des «poils». C’est vrai que tu es toujours là alors que tous ceux qui ont compté pour toi sont partis…
Tu as appris la mort récente de Shaykh Mouhammad Ould Hmahalla, ce monument de piété, de savoir et de dignité… Comme tous les autres, il s’en est allé pour un voyage qu’il avait très bien préparé.
Je suis venu dans cette maison où il prodiguait un enseignement religieux complet. Comme des temps anciens. Sa candeur, sa force de caractère lui permettaient de maintenir cette école à travers le temps. Une école certes de savoirs, mais aussi de valeurs immortelles.
C’est peut-être le moment de me dire la cause profonde de cette tristesse qui semble te gagner. Tu vois les gens partir, ceux qui t’ont célébré et ceux qui n’ont fait que passer à côté préférant parfois te contourner pour ne pas avoir à escalader cette hauteur que tu es. Ce n’est pas ça… Tu étais fier de rester là malgré le temps qui passe, malgré les flétrissures du temps qui passe, malgré les changements du temps qui passe… De rester, unique témoin d’un temps qui ne sera plus, de gens qui ne seront plus… Où est passée cette fierté ? Cette fierté qui faisait de toi un «quelqu’un» de supérieur… pas comme Aqangass ou Bou’leyba, ni El Barraaniya… tous ceux-là n’ont pas survécu au temps qui passe, toi si ! Alors où est passée cette fierté de vivre qui t’animait, toi «l’objet inanimé» ?...
…La solitude… c’est la solitude qui a eu raison de toi… de toi aussi… même de toi… 

lundi 24 décembre 2012

La route encore


Entre Kiffa et Tintane, rien ne semble avoir avancé depuis mon dernier passage début novembre. Moins d’engins alors qu’on attendait plus sur une route dont la construction dure depuis près de quatre ans, moins d’activité forcément. Sur tout le tronçon, deux point «petits» points d’activité, l’un non loin de Fam Lekhdheyraat et l’autre à côté de Devaa. Sur chacun des points, trois ou quatre engins pour le terrassement… Autant dire qu’on ne semble pas pressé de finir cette route qui relie pourtant la Mauritanie de part en part.
Par contre à Tintane, la construction des routes nouvelles avance considérablement. D’ailleurs la nouvelle ville commence à avoir de la forme avec le nouveau marché qui s’étale tout au long de l’avenue principale qui contourne l’ancienne ville. Quand on y passe on redécouvre le Tintane d’antan, avec des dizaines de vendeurs et d’acheteurs, de curieux, une foule multicolore et nombreuse, un monde pressé de sortir de ce tohu-bohu… Difficile de trouver le passage dans cette atmosphère de souk géant.
Et toujours ces belles villas qui prennent l’allure de châteaux pour finir par être des fiefs. Les féodaux ici, ce sont les hommes politiques qui entendent afficher leur puissance financière en écrasant la misère voisine. La demeure de l’ancien président de l’Assemblée nationale du temps de Ould Taya, l’ancien colonel député de la ville Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba est un vestige de la première époque PRDS où il a régné en maître sur les populations du département, distribuant prébendes et cadeaux à ceux qui le méritent à ses yeux. Celle, plus impressionnante pour ses couleurs, de l’actuel député l’islamiste Ould Seyidi, celui qui vit officiellement de l’importation des médicaments (hum…), celle-là semble défier la «belle» époque du PRDS tout en reproduisant ses réflexes. Le même souci d’écraser par l’impression de richesse, d’être le bienfaiteur, le sauveur, l’omnipotent, le distributeur de richesse… Ce qui me fait dire que notre classe politique a toujours rêvé d’être simplement là où elle pourrait jouir des avantages d’avoir le pouvoir et le pouvoir du pouvoir…

dimanche 23 décembre 2012

Elections jouables


Toutes les raisons pour que l’opposition participe aux prochaines élections législatives et municipales. D’abord parce que le boycott est une attitude négative préjudiciable à la démocratie et à l’action politique en général. Ensuite parce que tous les acteurs significatifs sont assurés d’une représentation grâce à la proportionnelle qui sera appliquée au niveau de la liste nationale qui compte quarante sièges, au niveau des 12 capitales régionales qui compte chacune trois sièges et au niveau de certains départements qui sont passés à trois sièges au lieu de deux.
Là où la proportionnelle joue, il faudra 75% et plus des voix à un parti pour rafler la majorité des sièges. Quand il s’agit de trois sièges les 75% sont nécessaires pour en avoir deux. Si l’on calcule, on trouve que si l’Opposition va ensemble au niveau des législatives, elle est assurée d’avoir au moins le quart de la liste nationale (10 sièges), le tiers des sièges départementaux (12)… dans le pire des cas. On sait par ailleurs qu’il ne faut pas compter avec «le pire des cas» pour elle. Elle devra effectivement compter sur les choix qui feront des mécontents dans les rangs des partis de la Majorité principalement l’UPR.
Mais comment éviter le piège du boycott ? D’abord fixer des doléances acceptables et discutables, quelque chose qui pourrait être perçu comme une volonté d’ouverture et une possibilité de dépasser le blocage actuel. Il s’agira d’abandonner l’exigence du départ du régime pour des revendications autour de garanties permettant d’aller à ces élections dans une atmosphère sereine. La question devra être celle de savoir comment assurer la plus grande régularité au scrutin. Comment rassurer sur les intentions de jouer franc jeu. Comment permettre à ceux qui veulent aller à la compétition de le faire à égalité sinon en toute équité.
Il y a ceux qui pensent qu’il y a nécessité d’ouvrir la CENI pour permettre à la COD ou à ceux qui veulent participer d’avoir leurs représentants au sein de cette institution. Ce serait accentuer le caractère partisan de la CENI, ce qui comporte des risques énormes dans un pays comme le nôtre où les passions politiques sont encore très fortes. La particularité de la présente CENI, c’est qu’elle peut jouir de la confiance de tous parce que, dans l’ensemble, ses membres sont plutôt «acceptables». A part deux d’entre eux, les autres ne sont pas particulièrement contestés. Revenir sur la constitution du club des Sages peut entrainer un processus de déconfiture du dialogue et de ses résultats.
Il y a ceux qui croient qu’avec un ministre de l’intérieur  moins «prononcé», plus «neutre», un technocrate sans appartenance politique déclarée et une CENI plus active et plus engagée, on peut amener les différents acteurs à s’impliquer d’avantage dans la préparation des élections et donc dans leur organisation. A ce moment-là, la convergence pourra être telle qu’elle peut amener les principaux acteurs à participer à ces élections.
Pour ce qui est de leur date, les autorités semblent croire que «techniquement, elles peuvent être organisées au plus vite». Avant mai prochain, en sachant que la session est pour le début du mois ? En septembre en sachant que l’hivernage n’est pas un moment propice ? En octobre en sachant qu’on a déjà pris trop de retard ?
C’est à la CENI de décider. A elle de faire vite et efficace.

samedi 22 décembre 2012

Evaluation


Cela devait se passer dès le 1er trimestre de 2012, cela a attendu les derniers jours de l’année. «Cela», c’est l’évaluation de la mise en œuvre du troisième plan d’action de la stratégie de lutte contre la pauvreté (CSLP) couvrant la période 2011-2015. Et comme pour justifier on vous rappelle que dans le temps, les évaluations se faisaient à la fin du cycle et non chaque année, tout en précisant d’ailleurs qu’il n’y a eu qu’une seule évaluation, celle de 2004.
Cette fois-ci, le ministère des affaires économiques et du développement (MAED) a voulu frapper très fort en organisant les assises de l’évaluation dans une ville de l’intérieur, en l’occurrence Kiffa, la capitale de l’Assaba. Une manière de soutenir la décentralisation et de signifier l’intérêt qu’on accorde à la participation des populations locales et de leurs représentants.
Il y avait là quatre maires par région tous les Walis, les députés qui ont voulu faire le déplacement. Pour l’Opposition, seul le député RFD Yacoub Ould Moïne était présent. Des ONG’s, peu ou pas de syndicats, peu ou pas de presse, de nombreux représentants locaux… En plus de trois membres du gouvernement (MAED, l’intérieur et le secrétariat général du gouvernement) et du commissaire chargé des Droits de l’Homme. De nombreux experts. Deux jours de travaux, de critiques, d’évaluation qui aboutissent, on l’espère ici à la validation du rapport 2011 avant de lancer celui de 2012 qui devrait être évalué en mars prochain. C’est à ce moment-là, à ce moment seulement, que la Mauritanie pourra prétendre à entrer dans la conformité.

vendredi 21 décembre 2012

Que de mensonges !


J’ai été…nommé ce jeudi par certains de ces sites prompts à donner l’information la moins vérifiée. Pas question pour eux de confirmer, d’entrer en contact avec ceux dont ils vont parler, de s’assurer que ce qu’ils vont livrer à l’opinion est juste. Non ! la question pour eux est juste de pouvoir structurer et écrire. Ces sites induisent les radios en erreur et quand c’est la radio, cela prend une ampleur auprès du public. Imaginez la pression que j’ai vécue toute la journée de jeudi, jusqu’en fin de soirée. J’ai dû recharger deux fois mon téléphone.
Mardi dernier, c’était le limogeage du Directeur de Cabinet du Président qui avait «été fait»  la Une. Même procédé : les sites d’abord, les radios ensuite. Ce fut ensuite la mort du président irakien qui avait été annoncée. Chaque jour en fait sa «fausse» Une qui fait le tour… Jamais de démenti ni d’excuses pour le public ainsi abusé. Non pas la peine. Cela procède de la volonté de maintenir un climat de suspicion où il importe peu de savoir le vrai du faux, «de toutes les façons ce n’est pas important». Une manière de décrédibiliser le fait et par-delà, la vérité. La bataille est bien celle-là : chiffres officiels, réalités du terrain, réalisations, avancées, réussites des uns et des autres, distinctions, vraies informations… tout cela doit relever du «pas important» et du «douteux». Tant pis pour les crédules…
Je reviens à cet autre mensonge qui a effrayé quand même des milliers de gens : l’annonce de la «fin du monde», annonce faite par les Mayas dont le message aurait été décrypté par les scientifiques et les diseurs de nouvelles (bonnes et mauvaises). Voilà déjà ce que j’écrivais le 1er janvier 2012 de cela :
«On nous avait mis en garde contre cette année. La littérature relevant de l’eschatologie cosmique, mais aussi le cinéma, la poésie et finalement tous les arts nous ont prédit la fin du monde en 2012. Il y a même eu un film inspiré de cette fin des temps toute proche.
Mais au-delà de l’inspiration artistique qui a quand même donné des chefs d’œuvre comme 2012, le discours est resté le même. A chaque chiffre rond, des philosophes, des artistes, des religieux ont pensé que la fin des mondes, telle que décrite dans les textes ésotériques, que cette fin était imminente.
Nous, Musulmans, on est prémuni dans la mesure où nous croyons – c’est l’un des dogmes de la foi – que la fin du monde fait partie d’un Savoir spécifique réservé au Tout-Puissant. Personne – pas même le Prophète Mohammad (PSL) – n’est habilité à en savoir plus que ce qui a été révélé. Autant dire rien. Cela arrivera quand cela devra arriver. Nous estimons que la fin du Monde est pour chacun de nous l’instant où il meurt.
C’est pourquoi nous disons : «travaille pour ton monde comme si tu devais vivre éternellement, travaille pour ton Au-delà comme si tu devais mourir demain». Essayons de travailler pour le monde ici-bas comme si «nous devions vivre pour l’Eternité»… un peu d’efforts…
Que 2012 soit pour nous la fin d’un monde fait de paresses, d’injustices, d’inégalités, d’ignorances…» 

jeudi 20 décembre 2012

Accord RIM-U-E, plutôt équitable


Après le passage devant le Conseil des ministres européens, l’Accord de pêche a été l’objet d’une évaluation de la Commission de développement du Parlement européen.
Le 3 décembre dernier, le Conseil des ministres avait ordonné la mise en œuvre provisoire et immédiate de l’Accord en attendant son passage devant le Parlement, dernière étape du processus. La compensation devrait être versée dans les jours qui viennent et les bateaux battant différentes flottes européennes devraient reprendre leurs activités dans les eaux mauritaniennes suivant les dispositions du nouvel Accord.
Les Mauritaniens ont exprimé, dans leur grande majorité, leur satisfaction quant aux termes de l’Accord dont la philosophie procède de la recherche d’une exploitation équilibrée et d’un commerce équitable entre notre pays et l’UE. De l’autre côté quelques voix s’étaient élevées pour dénoncer l’Accord qui faisait de la pêche de fonds un monopole des artisans mauritaniens, obligeait à l’embarquement de 60% du personnel sur les bateaux, limitait les zones de pêche, augmentait le prix du poisson mauritanien… Pour une fois ce n’était pas la régularité des négociations qui était en cause, ni l’intégrité des négociateurs, mais la capacité de la Mauritanie à tirer un maximum de profit de sa ressource.
La réunion du 17 décembre de la Commission de développement a jugé très positif cet Accord qui prend en compte le souci de préserver la ressource et d’équilibrer les rapports. Elle l’a donc entériné. Différentes formations politiques européennes sont représentées dans cette Commission qui fait de la préservation de l’environnement un souci premier.
Reste maintenant à trouver des solutions aux opérateurs nationaux ayant des partenaires autres que des ressortissants de l’UE opérant dans le pélagique, surtout prendre en considération la subvention dont jouissent la flotte UE, ce qui ouvre la voie à une concurrence déloyale, les produits étant vendus sur les mêmes marchés. Reste aussi à aligner tous les investisseurs autres que l’UE, les Chinois par exemple, sur les nouvelles grilles de manière à faire profiter le pays des avancées réalisées avec le nouvel Accord.
La volonté politique a fermement soutenu le processus de négociation avec les Européens, ce qui explique en grande partie la conclusion heureuse en faveur de la Mauritanie.

mercredi 19 décembre 2012

Portons le deuil


Moustapha Ould Mohamed Salek n’est plus. Le premier président de l’ère militaire a été emporté par une longue maladie qui a finalement été plus forte que la volonté d’un homme qui a marqué son époque. L’un des premiers officiers de la Mauritanie indépendante, après avoir été enseignant comme la plupart, sera aussi l’un des premiers chefs d’Etat Major de l’Armée. Il reviendra à ce poste la veille du coup d’Etat de juillet 1978. Ce qui lui permettra d’être le chef des putschistes du 10 juillet.
Homme de consensus, ayant une expérience du pays, un sens de la mesure, Ould Mohamed Salek était le seul parmi les officiers supérieurs à pouvoir faire l’unité de toute la classe des officiers de l’Armée, les conspirationistes et ceux qui devront prendre le train en marche. A ce titre il fut le président du premier Comité militaire de redressement national (CMRN) qui prit le pouvoir le 10 juillet 1978. Trahi par certains de ses compagnons qui avaient cru pouvoir l’utiliser comme ils voulaient, il résista aux pressions énormes en créant un Conseil consultatif national qui devait être l’embryon de la démocratisation du pays.
Manigances, tergiversations, manque de solidarité… Le colonel Ould Mohamed Salek se retrouve seul devant ses compagnons dont la plupart sont ses cadets. Il se résout à accepter leur diktat. Le CMRN devient CMSN, S pour «salut» et la présidence perd son autorité, le Premier ministre devenant tout puissant. Une situation qui ne peut durer. La disparition tragique du colonel Ahmed Ould Bousseif en mai au large de Dakar, ouvrira la porte de sortie devant le père du 10 juillet qui s’en alla tranquillement.
Plusieurs fois victime de l’arbitraire, notamment sous Haidalla qui l’avait accusé de vouloir revenir au pouvoir, Ould Mohamed Salek acceptera de vivre humblement comme un citoyen mauritanien qui a certes ce qui le distingue mais qui est profondément marqué par son ancrage social et culturel. Des mouvements politiques pourront le remettre sur scène en le présentant en 1992 à la présidentielle, mais il revient vite à son exil intérieur. Il tire la leçon avec humilité, sans extravagance et se retire de la vie politique. Ce qui explique en partie le respect dont il jouit dans les milieux politiques et sociaux mauritaniens.
Le fait d’avoir donné au pays, sans demander de retour, sans fracas, le fait d’avoir dirigé sans dommage pour la société et pour les acteurs, de s’être retiré sans prétendre à être le sauveur… tout cela, en plus des caractères qui l’ont fait (humilité, candeur, attention…), explique largement que nous acceptons tous aujourd’hui de porter son deuil.
Qu’Allah le Tout-Puissant l’accueille en Son Saint Paradis, qu’Il allège les souffrances des siens. 

mardi 18 décembre 2012

Dans la ligne de mire


L’information qui a fait l’actualité de cette journée, c’est celle publiée par la plupart des sites et sur toutes les ondes «libres» : le limogeage du Directeur de Cabinet du Président de la République, Dr Isselkou Ould Ahmed Izidbih. Et chacun d’y aller dans sa «petite» explication pour justifier ce limogeage supposé… «supposé» parce qu’il n’en était rien, absolument rien.
Dès le début, n’importe qui pouvait avoir la vraie information mais qui veut la «vraie information» ? On a souvent parlé ici de cette propension à privilégier la rumeur par rapport à l’information et finalement à accorder plus de crédit au «supposé» plutôt qu’au fait. Une culture qui devient dominante avec l’usage de l’internet. Mais revenons à Ould Ahmed Izidbih et à la campagne dont il est la cible.
Il faut comprendre que l’intellectuel qu’il est – docteur en mathématiques, maitrisant parfaitement l’écriture – a rompu avec l’idée du «Dircab» se mêlant de tout, donnant l’impression de garder les secrets, se suffisant à une relation orale avec son patron, pratiquant la délation dans le système des rapports quotidiens, utilisant inconsidérablement les fonds mis à sa disposition pour avoir «sa» clientèle et «ses» réseaux… Il est déjà dérangeant pour tous ceux qui veulent le maintien des anciens réflexes.
Son passage à l’Université de Nouakchott, l’a obligé à «se frotter» aux organisations estudiantines affiliées à la mouvance islamiste. Il a réussi à faire face à leur mainmise sur l’université, ouvrant un front avec les étudiants et leurs «inspirateurs». Arrivé au Cabinet, il a «amené» avec lui ces animosités qui ont pris l’allure d’une forte haine ouvertement exprimée par tous les symboles et les sympathisants de la mouvance. Il a fini par paraître comme le seul responsable – ou même intellectuel – faisant obstacle à l’hégémonie islamiste sur la scène politique.
Il est accusé d’avoir créé un «cabinet de l’ombre» dédié à une contre-campagne médiatique, véritable rempart à la propagande islamiste et prenant du coup le contrepied de l’Opposition. En l’absence d’autres voix, celle de Ould Ahmed Izidbih a sonné comme une provocation de plus, une résistance de trop d’un système que l’on espérait affaibli. D’où la cristallisation contre la personne.
Autre «péché» de Ould Ahmed Izidbih, c’est de ne pas pouvoir se laisser confiner comme le représentant d’une entité tribale, régionale ou politique particulière. Ce qui est dérangeant pour les esprits de chez nous plutôt portés vers la facilité de ranger chacun dans un petit casier pour ne jamais l’en sortir.
Tout pour être dans la ligne de mire de ceux qui font l’opinion – ou qui croient la faire. Et qui sont de plus en plus décrédébilisés par ces campagnes autour de fausses informations jamais démenties par leurs propagateurs.

lundi 17 décembre 2012

Qui en veut franchement ?


C’est juste pour partager avec vous l’éditorial de notre édition de cette semaine :
«Deux questions qu’il faut se poser aujourd’hui : 1. Qui veut réellement la tenue des élections législatives et municipales ? 2. Qui a intérêt à un gouvernement d’union nationale ou de large ouverture ?
Concernant les élections, il y a effectivement lieu de se poser la question parce que la plupart des acteurs «majeurs» n’ont pas intérêt à la tenue de ces élections. Pour la Majorité, la tenue de nouvelles élections va signifier le risque de perdre justement quelques places indispensables à continuer à gérer unilatéralement le pays. Quand l’Union pour la République (UPR) a vu le jour, il s’est contenté en tant que parti d’adopter la majeure partie des élus indépendants et/ou à débaucher des élus sous les couleurs d’autres partis. Presque à moindre frais, il s’est retrouvé la première force politique du pays. Qu’est-ce qui lui garantit de maintenir cette position si des élections sont organisées demain ? Rien, absolument rien. Surtout que le Président Ould Abdel Aziz sait pertinemment que les partis suscités ou nés d’eux-mêmes vont survivre au détriment de l’UPR, il n’a donc rien à craindre dans la mesure où ces partis, notamment les jeunes, vont récupérer sur l’UPR en devenant le refuge des mécontents des choix que l’UPR aura fait.
Le PRDR (parti républicain pour la démocratie et le renouveau), avarie du PRDS de Ould Taya mais néanmoins deuxième force au sein de la Majorité, n’a pas non plus intérêt à aller dans une nouvelle consultation. Ne pouvant arriver à son état actuel de représentation, il perdra inévitablement tout ce qui fait son «charme» : les quatre-vingt-dix millions de subvention dus au nombre de ses élus municipaux.
ADIL qui a encore quelques députés à l’Assemblée nationale et des Maires, tangue et essaye de surfer sur une vague qui risque de l’emporter à terme : retrait de la Majorité sans pour autant aller à l’Opposition, choix d’être dans la position inconfortable de chercher un équilibre et de se proposer comme médian sur une scène qui ne souffre pas les tergiversations dans les positions.
De l’autre côté, la première force au regard de la représentation parlementaire est le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et rien, absolument rien ne lui indique qu’il restera à ce niveau de représentation. Son président, Ahmed Ould Daddah, jouit aujourd’hui du titre de chef de file de l’Opposition démocratique, titre qui a perdu tout son sens avec la naissance d’une Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) reléguant l’Institution de l’Opposition au second plan et ayant une présidence tournante laquelle amène souvent au-devant les moins indiqués des leaders de cette COD. Dans la configuration de demain le chef de file de l’Opposition doit obligatoirement être un élu, donc…
L’Union des Forces du Progrès (UFP) était arrivé après le RFD avec neuf députés. Ce qui lui donnait la légitimité de participer à la gestion du pouvoir, sinon à jouer un rôle de premier plan dans l’Institution de l’Opposition. Mais en 2012, quelles chances a ce parti pour maintenir son niveau actuel de représentation ?
Tawaçoul peut espérer mieux que son niveau actuel. Rien que parce qu’il a les moyens financiers et humains de mener une bonne campagne électorale. Parce qu’il a aussi réussi à faire un travail sur le terrain à travers ses ONG, ses syndicats, ses prédicateurs dans les mosquées et sa communication qui lui permet d’avoir une longueur d’avance sur tous les autres. Mais est-ce suffisant pour souhaiter une aventure qui comporte des risques avec le retour de manivelle avec lequel il faudra compter : les évènements de Libye, de Syrie, d’Egypte et de Tunisie auront une influence sur l’électorat tout comme le recul que le Cheikh Mohamed el Hacen Ould Dedew semble prendre par rapport à l’engagement avec Tawaçoul.
Entre les deux pôles, celui de la Coordination pour une Alternance Pacifique (CAP). Au sein de ce pôle, l’Alliance Populaire Progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir est le moins «chaud» pour la tenue de telles élections qui vont nécessairement remettre en cause le statut de son président qui est aujourd’hui à la tête d’une Assemblée où il ne compte que quatre députés. Comment peut-il se maintenir à ce niveau, les conditions l’ayant mené à cette présidence ayant profondément changé ?
Le Wiaam de Boydiel Ould Hoummoid est très engagé dans l’exigence de la tenue d’élections le plus rapidement possible. Les personnalités qui composent ce parti et qui sont actuellement ou non élues, peuvent toutes aspirer à faire valoir leur ancrage social pour espérer se maintenir. Surtout qu’une élection législative pourrait permettre à Ould Hoummoid de reconquérir son fief de Keur Macène.
Pour ce qui est du gouvernement d’union ou de large ouverture, personne n’y a intérêt. L’Opposition radicale serait décrébilisée si elle acceptait de participer à une formation sous l’égide d’un homme dont elle voulait le départ. La CAP perdrait son statut d’opposition si elle y participait. Le pouvoir perdrait la possibilité pour lui d’isoler l’opposition radicale si elle venait à boycotter les élections. C’est donc seulement après les élections qu’il faut envisager de telles ouvertures, pas avant.»

dimanche 16 décembre 2012

Nouveau gouvernement, nouvelles perspectives


La démission – forcée ou pas – de Modibo Diarra de son poste de Premier ministre et son remplacement par Diango Cissoko ouvre de nouvelles perspectives au Mali. Le nouveau Premier ministre est un homme d’expérience. Vieux routier de la politique malienne, il possède une assise sociale assez solide pour lui permettre de mettre à contribution tous les acteurs, y compris ceux de la société civile, et d’actionner les ressorts de la réconciliation nationale, condition sine qua non de la refondation de l’Etat malien. D’ailleurs le gouvernement qu’il a formé est déjà l’expression de la volonté d’aller dans ce sens avec notamment plus de portefeuilles aux ressortissants des régions concernées par la rébellion. Reste pour le Mali l’épineuse question de la remise à l’ordre d’une Armée dont la restructuration a été confiée à un comité dirigé par un capitaine mutin puis putschiste par la force des choses.
Le mouvement qui a conduit le capitaine Sanogo à la tête du pays a eu pour cause le refus de faire la guerre et toutes les décisions prises par la junte après la chute du régime de Toumani Touré ont cherché à reculer l’échéance du déclenchement de cette guerre pourtant inévitable si le Mali veut récupérer sa partie nord et instaurer l’ordre chez lui. La première mission du nouveau gouvernement est certainement de permettre la mise en œuvre du plan initialement prévu par la communauté internationale qui n’a fait qu’entériner le plan proposé par la CEDEAO et l’UA. Ce plan est-il réalisable ? la communauté internationale est-elle prête à l’appliquer ?
Les chefs d’Etats Majors ouest-africains ont arrêté mardi le plan pour une opération militaire au Mali. Selon le chef d’Etat Major ivoirien cité par l’AFP, le «concept d’opération harmonisé» a été parfait par les participants à la réunion qui se tenait ce samedi à Abidjan. Les chefs militaires ont ainsi adopté une «planification un peu plus poussée» de l’opération initialement prévue, sans pour autant y changer des éléments fondamentaux. On parle toujours de 3.300 hommes qui viendraient épauler l’Armée malienne qui aura fait le ménage en son sein, ainsi que d’un appui très fort de la communauté internationale (Union Européenne, Etats-Unis, pays du champ…). La «Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine» (MISMA) devra attendre que les vrais promoteurs de la guerre – la France et les Etats-Unis – s’accordent sur le comment et le quand.
Les réserves émises récemment par le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon trouvent leur justification dans les divergences clairement exprimées par l’un ou l’autre des intervenants.
«It’s crap», aurait affirmé la représentante américaine aux Nations Unies parlant du plan français d’intervention au Mali. Si Susan Rice qualifie de «merde» ce plan, c’est qu’il préconise d’aller vite en besogne. Sans prendre en compte la nécessité de remettre de l’ordre au sein de l’Armée et du gouvernement maliens, encore moins les possibilités de ces troupes mobilisées dans la précipitation et ne tenant pas compte du rapport de force entre les belligérants qui devront se faire face prochainement.
«Cette appréciation de l’émissaire américaine reflète les doutes sérieux autour des effectifs et des capacités de l’armée malienne, soutenue par une coalition de 3300 troupes issues de 15 pays d’Afrique de l’Ouest menée par le Nigeria, à lutter contre une insurrection qui sait faire la guerre et a l’expérience du combat dans le désert impitoyable du Sahel. La franchise de Rice est aussi un revers pour le long et interminable effort de la France et des pays d’Afrique de l’Ouest pour obtenir du Conseil de sécurité un mandat pour une force régionale d’intervention au Mali.» (source : lemonde.fr)
D’autres journaux français commencent à douter de la possibilité d’une guerre imminente au vu des divergences et des capacités des Etats africains concernés. Cité par la presse, un Général français a soutenu que «sur le plan militaire, il ne se passera rien, parce que c’est extrêmement difficile et que personne n’en veut. Mais surtout parce qu’on ne traite pas le terrorisme, la faillite politique des États de la zone et le développement du trafic de drogue, des armes et des êtres humains par une intervention militaire». Ajoutant: «On a laissé cette situation se détériorer, tout en sachant qu’on risquait de le payer très cher et très longtemps».
«Impliqués dans le trafic de drogues, d’armes et d’êtres humains, explique l’un des responsables du service Action de la DGSE, la plupart d’entre eux ne souhaitent pas qu’on vienne perturber les bonnes affaires qu’ils continuent à faire avec certains groupes islamistes et les contrebandiers qui dominent désormais le Sahel».
Sans oublier la méfiance des pays du champ qui voient dans toute intervention militaire de la CEDEAO un risque de faire prendre au conflit une dimension ethnique préjudiciable aux objectifs légitimes de départ (restauration de la souveraineté malienne sur l’ensemble de son intérêt et renvoi des filières des crimes organisés du Sahel). La guerre n’est pas pour demain.

samedi 15 décembre 2012

Boydiel a raison


C’est au cours d’un meeting tenu à Nouadhibou par son parti le Wiaam que Boydiel Ould Hoummoid s’est exprimé franchement sur la situation politique actuelle et sur les perspectives du lancement d’un nouveau dialogue. Affirmant qu’il n’est pas question pour son parti de participer à un nouveau dialogue. Pour lui, le train est parti et il faudra l’attendre à la prochaine étape. Cette étape peut-elle être les élections législatives et municipales dont la date devrait être fixée par la CENI dans les semaines à venir ? Certainement.
On peut imaginer aisément que la situation actuelle a mené à un blocage au niveau des attitudes des protagonistes politiques. D’une part un pouvoir qui, tout en déclarant sa disponibilité à s’ouvrir à l’opposition radicale, ne fait rien de concret pour ce faire. D’autre part une Coordination de l’Opposition qui s’enferme dans un discours radical qui ne mène nulle part, les rapports de force ne semblant pas l’avantager.
Au lendemain de la promulgation de tous les textes initiés par le dialogue entre la Majorité et une partie de l’Opposition, ce qui est attendu, ce sont les décisions qui doivent l’accompagner. Notamment un remaniement à même de donner confiance à tous les protagonistes, y compris les plus radicaux d’entre eux. Il ne s’agit pas d’un gouvernement d’ouverture qui ne sert aucune des parties encore moins la démocratie, mais des choix «technocratiques» au niveau de certains ministères dont l’intérieur et la justice, départements clés dans un processus électoral. Il s’agit ici de trouver les personnes qu’il faut pour exprimer une volonté de ne pas instrumentaliser les deux appareils (administratif et judiciaire). De nombreux administrateurs et juristes ayant une solide expérience et suffisamment de retrait de la vie politique peuvent incarner cette volonté.
Dans un deuxième temps, il faut espérer que la CENI sorte de cette torpeur qui commence à déranger pour solliciter les avis des acteurs politiques. Le jour où la CENI décide de jouer son rôle et où il se trouvera un ministre de l’intérieur «acceptable» pour toutes les parties, on peut espérer transférer le champ politique – le jeu politique – vers une perspective plus inclusive. A ce moment-là, chacun sera appelé à donner son avis sur le processus électoral, sur les garanties à présenter pour espérer des élections régulières et consensuelles. La CENI pour sa part, ainsi que les autorités administratives auront à présenter un schéma à même de convaincre tout le monde et d’amener à des élections acceptables par tous. On aura dépassé le «irhal» qui a été pour beaucoup dans le blocage actuel et permis au pouvoir, particulièrement au Président de la République de rester au-dessus de la mêlée.

vendredi 14 décembre 2012

La Mauritanie reprend


Après avoir été la «Cendrillon de l’Afrique Occidentale Française», puis «le trait d’union» entre l’Afrique blanche et l’Afrique noire, la Mauritanie est entrée dans une zone de turbulences diplomatiques qui l’a menée à se trouver en conflit avec le Sénégal, avant de tourner le dos à son versant sud puis quitter la CEDEAO. De l’autre côté, les relations tumultueuses avec le Maroc, le complexe initial ayant été entretenu, puis la malheureuse position dans la guerre du Golfe ont mené le pays vers une impasse qui l’a obligé à explorer l’impensable : les relations avec Israël. Du coup nous nous sommes retrouvés dans la position de ce que nos politistes ont appelé «l’orphelin géostratégique». Et toutes les appellations sibyllines – «Cendrillon», «trait d’union», «Suisse de l’Afrique»…- ont cédé la place à l’inconfortable situation du «ni, ni» (ni africaine, ni arabe).
Les errements diplomatiques et le repli sur soi entamé à partir de la fin des années 80, intensifié dans les années 90 pour devenir complet en 2000, ces errements conduisent le pays à s’isoler et à s’absenter de tous les théâtres régionaux et internationaux. L’extravagance des dirigeants, la paranoïa qui va les affecter au cours de leur exercice et l’incapacité à sortir de l’isolement vont conduire à une marginalisation catastrophique du pays. Parce qu’elle en fait un espace perdu, incapable de refléter une image positive de lui-même ou de se trouver un rôle dans ce qui se passe autour de lui.
Même si la période de transition (2005-2007), puis celle du régime civil (2007-2008) ont permis un retour – parfois folklorique – sur scène, il faudra attendre 2010 pour voir le pays redevenir ce qu’il a été : un partenaire incontournable dans le règlement des problèmes de notre sous-région. Avec notamment les attaques réussies contre les groupes terroristes basés au nord du Mali. Ce sont effectivement les efforts «militaires» qui vont remettre le pays en scelle. D’abord en changeant la donne stratégique dans la région et en faisant une lecture qui s’avérera saine et juste de la situation à laquelle les choses pouvaient aboutir. Ensuite en imposant notre pays comme un acteur incontournable dans le règlement de ce qui allait devenir la crise malienne. Aujourd’hui, personne ne pense sérieusement enclencher un processus sans la Mauritanie qui semble avoir décidé en toute souveraineté de ne pas privilégier la guerre au dialogue et de ne pas précipiter les choses avant de régler la question de la restauration de l’Etat malien dont l’intégrité doit être préservée.
Parallèlement à cela, le Président Ould Abdel Aziz qui ne manquait plus aucun sommet ni manifestation au sud du Sahara, va être le président du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union africaine. C’est à ce titre qu’il préside les comités de règlement des crises en Côte d’Ivoire et en Libye. Plusieurs sommets se tiennent à Nouakchott qui reçoit en grande pompe les chefs d’Etats africains. Même si les velléités des vieilles puissances coloniales ont empêché d’arriver à une solution africaine, il faut noter que la suite des évènements a donné raison à la position et à la lecture faite par le CPS et l’Union africaine (UA) à l’époque.
Quand arrive la crise malienne, la Mauritanie est un pôle de stabilité sur lequel doit s’appuyer toute tentative de sécurisation de la zone sahélo-saharienne. C’est pourquoi le pays est aujourd’hui un passage obligatoire pour tous ceux cherchent une solution à cette crise sécuritaire. Une situation à gérer avec humilité et adresse.

jeudi 13 décembre 2012

Les Ambassadeurs de l’UE


Les Ambassadeurs de l’Union Européenne, celui qui représente l’Union, ceux de France, d’Espagne et d’Allemagne, ont tenu une conférence de presse qui a été pour eux l’occasion de célébrer la remise du Prix Nobel de la paix à l’UE. L’occasion d’expliquer le pourquoi de cette distinction mais aussi de parler d’autre chose, notamment du Mali et des relations avec la Mauritanie.
Le processus d’union a été enclenché dans une Europe meurtrie par les guerres il y a un peu plus de soixante ans. Aujourd’hui, c’est une Union forte de 27 membres, plus ou moins intégrée sur le plan économique, ayant une sorte de ministre des affaires étrangères commun et parlant de la même voix ou presque. En tout cas on est loin, très loin, des configurations nationales (et nationalistes) des années 30 et 40. Un espace où la monnaie unique, l’Euro, s’impose et où tout est discuté en commun. Même s’il faut rappeler que c’est une Europe en crise qui reçoit cette distinction, il est incontestable que l’UE joue, et va jouer, un rôle de plus en plus prépondérant dans les équilibres nécessaires à la paix mondiale. C’est ce que les Ambassadeurs ont expliqué pendant une heure en répondant aux questions de quatre journalistes représentant Le Calame, Almoustaqbal, Radio Nouakchott-info et La Tribune. C’était le choix des Ambassadeurs et non, comme l’ont supposé quelques-uns des sites, celui de TVM.
Les journalistes mauritaniens – professionnels ou pas, au niveau ou pas – doivent comprendre que quand quelqu’un décide d’envoyer un message à l’opinion, il a l’obligation de choisir, et de bien choisir, le messager. Il n’y a rien à dire quand l’émetteur du message choisit son medium. On se souvient encore du tollé soulevé chaque fois que les autorités invitent des journalistes, et pas tous, à une conférence de presse ou une rencontre avec la presse. Le dernier exemple en date, est la rencontre avec le Président de la République au lendemain de son retour de France. Un «boycottage» de cette interview a été décidé par certains, heureusement pas tous. dans l’Histoire de la presse, ici et ailleurs, on n’a jamais vu pareille attitude. Mais chacun est libre d’occulter l’information qu’il veut éviter de donner surtout si elle met à nu toute sa démarche antérieure. Mais personne, en tout cas, aucun journaliste ne doit, au nom de quelque cause, refuser de donner une information capitale à «son» public lui permettant de la commenter, d’en voir les limites, d’en lire les soubassements…
La presse, les traditions de la presse nous viennent d’ailleurs. et nulle part vous n’allez trouver des journalistes qui «boycottent»… quelque événement qui soit. En politique où le boycott peut être une arme, on sait où ça mène : à l’exclusion et à la marginalisation. N’est-ce pas le péché originel de notre opposition quand elle a décidé le boycott des élections législatives de 1992 ? C’est bien ce boycott qui a miné le jeu politique et compromis à jamais le processus démocratique. Nous en payons le prix encore.

mercredi 12 décembre 2012

Le 12/12/12, une date à commémorer


Plus on s’éloigne de l’avant 3 août 2005, plus la conscience du «paradis perdu» se précise chez les plus sceptiques. Cela se traduit par la résurgence de la nostalgie, exprimée ou non, de cette période qui fut la plus longue pour le pays, probablement la plus marquante pour une Nation qui reste en construction.
21 ans d’un régime désormais différemment apprécié, après avoir été unanimement condamné. Ce qui a d’ailleurs expliqué et justifié, très largement, le coup d’Etat d’août 2005 et l’absence de toute réaction des soutiens et des dignitaires du régime de l’époque.
7 ans plus tard, des appels sont lancés pour célébrer l’homme, son exercice et son époque. Parfois timidement, de plus en plus ouvertement. L’homme a lui-même écrit un livre sur le «printemps arabe» après toutes ces années de silence, une tentative de se remettre en scelle à un moment où l’on présageait ici une contamination imminente. Le calcul a raté et l’ancien chef d’Etat a voulu faire croire que le livre en question était une «fabrication» et non un authentique produit de son intelligence…
C’est bien parce que son régime n’a pas fait l’objet d’un procès public, ses successeurs préférant «’ava Allhu ‘an maa salaf» (Dieu pardonne le passé), que les hommes de ce régime peuvent aujourd’hui occuper les devants, que ses nostalgiques tentent de le réhabiliter…
Nous choisissons quant à nous de célébrer l’homme et son régime à travers la commémoration du 12 décembre 1984, date de sa prise du pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat intervenu alors que le Chef de l’Etat de l’époque, le colonel Mohamed Khouna Ould Haidalla dont il était le principal suppôt, participait, sous l’insistance de la France, au sommet de la francophonie à Bujumbura.
Nous ne pouvons passer sous silence cette date pour ce qu’elle symbolise désormais : le pouvoir de Ould Taya. Rien que parce que ce 12/12 arrive un mercredi comme le premier, qui plus est l’année 2012. Ce qui fait 12/12/12, une configuration que l’on ne vit pas deux fois dans un pays où l’espérance de vie atteint à peine 60 ans.
Le «12/12» sera une négation de ce qui a précédé, sans pour autant occasionner l’éclosion d’un «esprit» propre. Ni esprit, ni air, ni idéologie dominante. Ould Taya a préféré gouverner selon les besoins du moment, s’alliant avec tel groupuscule contre tel autre, avec telle force contre telle autre. Ce pourquoi tous les mouvements politiques ont été à un moment ou un autre persécutés et leurs leaders emprisonnés, torturés, parfois exilés. On passait allègrement du statut de dignitaire du régime à celui de prisonnier persécuté.
En 21 ans d’exercice, la Mauritanie aura eu droit un ante-Atatürk qui n’a pas eu les moyens de ses ambitions souvent mal exprimées et toujours mal mises en œuvre. Cela a donné ce qu’on pouvait en espérer : un modernisme débridé, une révolution sociale avortée, un libéralisme corrompu par les jeux d’écriture, un nationalisme qui s’apparentait au chauvinisme, un traditionalisme qui fut une négation de l’authenticité, une ouverture qui avait fini par être une autre manière de se replier sur soi, de s’enfermer dans ses limites les plus exigües et de refuser les mutations les plus nécessaires.
Sape des fondements de l’Etat, corruption des rapports à la politique, inversement de l’échelle des valeurs sociales, exacerbation des différences et leur instrumentalisation, culture des fractures ethniques, régionales et tribales, pillage systématique des ressources, isolement diplomatique et géographique du pays… C’est cette Mauritanie émiettée et perdue pour elle-même que le système Ould Taya laisse derrière lui en août 2005.
Regardez autour de vous aujourd’hui, qui voyez-vous aux premières lignes ? Les plus proches collaborateurs de Ould Taya, à la tête des trois grandes coalitions des partis mauritaniens, des hommes qui ont trempé dans la gestion catastrophique du pays, qui ont participé au sac du pays, qui ont béni parfois provoqué l’expulsion et les exactions commises à l’encontre de certains de leurs frères, qui se sont tus sur les injustices, sur l’arbitraire…
Ecoutez-lez jurer vouloir tout le bien pour la Mauritanie, chercher à redresser les torts commis par le régime, espérer la fin de la parenthèse qui s’est ouverte un certain 3 août 2005…
L’un des plus grands torts commis par ce régime, c’est celui d’avoir perdu des dizaines de compétences, de jeunes (à l’époque) bien formés, très aptes à réussir à contribuer au développement du pays, et qui se sont retrouvés pris dans le piège de la prédation, de la corruption et de la délation. Ceux-là sont à regretter. Pour eux-mêmes et pour la Mauritanie. Evoquez les noms et vous aurez une idée de l’ampleur du drame. 

mardi 11 décembre 2012

La chute de Modibo


Ce qui devait arriver arriva : les militaires de Kati ont mis fin à la mission de Modibo Diarra, l’astrophysicien devenu Premier ministre d’un Mali éclaté. Rien ne le préparait à jouer un rôle pareil en de pareilles circonstances. Homme de science, il a plusieurs fois aspiré à être candidat à la présidentielle malienne, sans trouver de sponsor. Même à la dernière présidentielle il avait essayé de trouver des soutiens, cherchant à passer comme mentor du Président sortant à défaut d’autre chose.
La faillite de l’Etat malien allait empêcher la tenue d’élections. Le Nord fit sécession et le gouvernement de Amadou Toumané Touré s’effondra à la suite d’une mutinerie anodine dirigée finalement par un capitaine dont l’inspiration essentielle est le refus de la guerre. Les mutins ont pris le pouvoir sans l’avoir cherché. Aucun général, aucune unité (à part quelques bérets rouges) n’a élevé la moindre résistance face à la déferlante des mutins. Mais le Mali, par la faute d’une gestion catastrophique d’un Président qui a sacrifié son pays pour satisfaire sa soif de pouvoir et la faim d’un entourage de plus en plus corrompu et de plus en plus impliqué dans les trafics. ATT a trouvé dans «la recherche du consensus» une manière d’entamer une fuite en avant continuelle. Cela a commencé par le gouverne dit «d’union nationale» qui a eu comme conséquence première l’absence d’un contrepouvoir à même de balancer pour imposer un équilibre dans la gestion des affaires publiques. C’est certainement ce qui a tué la démocratie malienne qui a été pourtant le modèle le plus accompli dans notre sous-région.
Le syndrome malien dont l’origine est à chercher dans la mise en place de ce gouvernement d’union, s’est caractérisé aussi par l’appauvrissement du débat et de la scène politique malienne. Ce n’est pas par hasard que le Mali a dû se tourner vers l’extérieur pour trouver les solutions de ses problèmes. Pour souligner le côté dramatique de la situation actuelle, il est à remarquer que toutes les ébauches de solutions viennent de l’extérieur.
Modibo Diarra devient Premier ministre d’un gouvernement concocté à Ouagadougou, sous l’égide du médiateur de la CEDEAO qui n’est autre que Blaise Compaoré président du Burkina très intéressé. L’astrophysicien a accepté de diriger ce gouvernement à un moment de profonds déchirements dont les solutions demandaient l’expertise d’un homme politique d’expérience avec un fort ancrage social local. Ce que Modibo Diarra n’avait pas.
Il a accepté donc de diriger ce gouvernement qui n’avait aucune emprise sur la réalité. Une hydre à trois têtes : le Président intérimaire Dioncounda Traoré, le Premier ministre Modibo Diarra et le capitaine Sanogo. Naturellement les clivages allaient s’approfondir. Le Premier ministre pousse vers la mise en œuvre de l’agenda extérieur. Le capitaine n’entend pas envoyer la troupe sur le front. Le Président est quant à lui incapable de jouer franc-jeu.
L’astrophysicien accepta d’être un partenaire dans la mise en œuvre d’un processus qu’il ne maitrisait. Il en récolte le fruit. Sa carrière politique, si elle a commencé un jour, s’arrête nettement après avoir été obligé par le capitaine Sanogo à démissionner. Une nouvelle page s’ouvre pour le Mali…

lundi 10 décembre 2012

Mine de rien


La visite effectuée par le Premier ministre à Nouadhibou a permis à ceux d’entre les visiteurs d’occasion de voir les changements connus par la ville. Au plan de l’urbanisme, il n’y a plus de bidonvilles à Nouadhibou. Plus de gazra non plus. Plusieurs kilomètres de goudron traversent désormais, ce qui a permis le désenclavement de tous ses quartiers. Elle produit désormais deux fois ses besoins en électricité…
Et parce qu’on parle d’électricité, il est utile de savoir qu’en 2009, la SOMELEC produisait 45 MW et qu’elle est aujourd’hui à 150 MW environ. Dans quelques 3 mois, il faudra compter 40 MW d’éolien et 15 de solaire, en plus de la centrale dont la construction a été lancée par le Président à son retour de France et qui va produire 120 MW. Ne parlons pas des projets d’alimentation de Kiffa, de Zouératt, de Néma ou de Adel Begrou.
En somme, la Mauritanie a investi de 1988 à 2008, 12 milliards d’ouguiyas dans le secteur de l’énergie. Entre 2009 et 2012, ce sont 60 milliards qui ont été investis dans ce secteur vital, alors que près de 140 milliards sont en cours de mobilisation. Le gouvernement promet ainsi l’accès aux services de l’eau potable et de l’électricité à près de 90% d’ici trois ans. Si cela se réalise, les fameux objectifs du millénaire du développement (OMD) seront largement atteints en la matière.
Sur le plan des routes et à titre de comparaison, 150 kilomètres de route ont été bâties à Nouakchott entre 1960 et 2009. Depuis, nous en sommes 170. La moyenne pour la première période est de 3 km par an, alors que la seconde dépasse les soixante km par an. L’objectif étant de raccorder tous les départements à des routes nationales. Mederdra-Rkiz, Magham-Kaédi, Néma-Amourj, Néma-Bassiknou, Kiffa-Kankossa, Sélibaby-Kiffa… le maillage du pays est désormais une perspective réalisable dans le proche avenir.
Peut-on par exemple imaginer que le pays en chantier a créé environ 90.000 emplois durant les trois dernières années ?